vendredi, septembre 12, 2014

Nature & spiritualité selon Pierre Rabhi



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Le confinement des humains dans les mégalopoles est contre nature, il est hors sol. Il a généré un mode de pensées séparé de la puissance de la vie. L’obstacle le plus généralisé est notre vision fragmentée.



Lorsque l’écologie est bien abordée, elle nous apprend à nous remettre à proximité des sources qui assurent la pérennité de la vie et non dans l’anecdote d’une urbanisation qui ne pourra pas tenir. Actuellement, nous pourrions dire que c’est une pensée urbaine qui essaie de penser la Nature sans pour autant en avoir l’expérience tangible et sensible. Je dis à des amis qui sont dans la politique écologique : «Vous ne parlez jamais de la beauté et du sacré de la vie, vous ne parlez que des éléments factuels alors qu’en réalité l’écologie ce n’est pas cela.»



La terre est un organisme vivant à part entière avec des bactéries, des vers de terre, des insectes multiples, des cellules où l’air, l’humidité, tous les éléments vivants dont ceux de notre être se combinent à elle, étant donné son besoin d’eau, d’air et de chaleur. Puisque ces éléments sont vibratoires, selon l’influx que nous y mettons, même par la pensée, combinés, ils vont agir d’une manière ou d’une autre. Si cette terre est morte, les aliments qu’elle nous donnera ne seront plus porteurs de l’énergie que la terre devrait donner. En plus de l’énergie cosmique, il y a l’énergie tellurique. Lorsque la plante jaillit du sol c’est le soleil qui intervient, pour nous c’est l’ensemble du système vibratoire. C’est pourquoi la biodynamie intègre les planètes parce que chacune d’elles émet des fréquences variables qui constituent un élément symphonique : lorsque la plante reçoit l’ensemble de ces énergies, elle trouve son équilibre. 

Actuellement, on lui met des engrais solubles chimiques qu’elle absorbe par effet osmotique, elle s’appauvrit et se déséquilibre. Que va-t-il se passer ? La maladie cryptogamique arrive avec les microchampignons qui interviennent en premier sur les feuilles, en détruisant les cellules de la plante pour l’empêcher de se multiplier, ensuite les ravageurs savent laquelle doit disparaître pour ne pas créer la dégénérescence de l’espèce, ils éliminent les plantes fanées et sont très efficaces. Si nous mangeons cette plante carencée et forcée par des engrais chimiques, au lieu de la laisser pousser avec le vecteur des énergies terrestres et célestes, elle transmet à notre propre organisme – qui, lui, va être satisfait par la chaîne des oligo-éléments nécessaires à un certain équilibre – toutes les substances. Quand nous les ingérons, cette part altérable modifie notre santé. Si nous ajoutons l’eau et l’air pollués, l’atmosphère stressante, je trouve que nous sommes assez solides !



Crise humaine et spirituelle



Pour moi l’écologie intègre l’univers entier et si notre soleil s’arrêtait de briller, nous disparaîtrions. Au lieu que la conscience humaine voit dans cette planète un véritable miracle, elle ne fait qu’exploiter les gisements et épuise les ressources jusqu’au dernier poisson, et dernier arbre, en polluant… Je dis parfois à des amis religieux : «Vous devriez être les premiers à dénoncer la pollution puisque l’œuvre de Dieu est profanée.



La Création ne nous appartient pas, elle nous accueille». Beaucoup de discours sont devenus creux et ne reflètent plus la réalité tangible ! Dit-on assez aux enfants : «La vie est sacrée, tout ce que tu as, tout ce que la vie te donne, ce n’est pas un dû, c’est un don ?» En règle générale éduque-t-on à la gratitude ? Non, donc toute la phase qui nous amènerait vers l’éducation du respect et du sacré est occultée.



Je reste très attaché au Message christique. Pour moi, c’est un immense événement, une conscience qui proclame de façon forte que la plus grande puissance qui soit c’est l’amour, et que nous sommes là pour aimer, pour prendre soin, et non pour détruire. Nous ne pourrons construire un monde apaisé qu’en remettant de la beauté et de l’amour dans nos relations, en misant sur la richesse de nos valeurs les plus nobles : l’unité, la solidarité, la convivialité.



Les institutions installent des situations complexes dans la gestion et de plus, les pays aux religions monothéistes n’arrêtent pas de se faire la guerre. Nous sommes finalement dans une vision matérialiste et profane de la vie qui n’a rien à voir avec le Message du Christ. On s’arrange à notre façon avec des préceptes, pourtant si nous sommes conscients que nous dépendons de l’énergie divine, reliée à l’Innommable, l’Indicible, Celui dont nous ne pouvons rien dire, l’ambiguïté fait notre quotidien car derrière tout cela il y a la peur et nous cherchons seulement à justifier l’état des lieux. Nous vivons dans l’anxiété de quelque chose qui nous amène à vouloir absolument tout expliquer, alors que nous savons très bien que nous avons des limites. Je m’en tiens donc à cette phrase de Socrate, qui dit : «Je sais que je ne sais pas». 

Penser au Divin est un besoin que nous éprouvons, c’est une nourriture, et le silence pour moi est une très grande nourriture ; ce n’est pas facile mais lorsque nous arrivons à le vivre profondément cela régénère. C’est un long souffle tranquille. Néanmoins, parce qu’il a fait des découvertes technologiques importantes et instauré un paradigme nouveau en exhumant la matière morte (pétrole, charbon...) qui résulte de la longue alchimie de la terre, l’homme a instauré un système où il se prend pour un dieu, il veut modifier le cycle naturel qui gêne sa prétention à vouloir mieux savoir ! De ce fait, notre société est basée sur la frénésie, la vanité de vouloir toujours dominer. Sous cette influence, notre mental produit des chimères, des peurs, des angoisses. Comment l’apaiser ? C’est un foyer où se déclarent les haines et où l’amour domine rarement. Mais nous avons le libre arbitre pour rester libres.



La majorité des scientifiques sont dans la rationalité froide, par contre une frange de la science ne s’y est pas enlisée. À l’appui d’un vécu ressenti, elle a évolué en utilisant raisonnement et intuition. Exemple, je me soigne en homéopathie qui pour la science pure et dure correspond à un placebo. Il est très difficile d’obtenir le composé du produit, car la substance du support a été diluée de très nombreuses fois, alors qu’est-ce qui agit ? Seule l’information ! Ce qui amène à dire que le «subtil» est au-delà, tout vient du subtil, et c’est le rôle de l’humain de le révéler dans la matière. Le matérialisme très limité ne le prend pas en compte. Nous sommes donc dans une situation inintelligible.



Cultiver son jardin



Depuis quarante-cinq ans, j’ai orienté ma vie autour de comment me mettre au service de la vie, de cette planète dont la beauté ne cesse de me couper le souffle. Vue du ciel, la planète bleue n’est pas la mappemonde découpée que nous décrivons dans nos discours et enseignements.



L’autonomie de la planète se fonde sur le non gaspillage. La nature n’a pas de poubelle parce qu’elle ne crée pas de déchets. Dans la conscience écologique, l’impact du film de Coline Serreau «Solutions locales pour un désordre global» a contribué à l’évolution d’un changement. Dans ce cas, nous sommes placés dans la situation de propager notre message, mais nous ne faisons pas que montrer et analyser, nous agissons.



Quel que soit le pays, nous créons des structures qui incarnent nos valeurs. J’aimerais bâtir le modèle «un hectare, une famille, un habitat». Il est vital de soutenir l’agriculture qui soigne ses sols, de favoriser les AMAP, de réapprendre à vivre avec un potager, une ruche, un poulailler…


Cultiver son jardin de même que nos choix de consommation sont de la politique en actes. L’écologie nous conduit à repenser notre médecine, notre industrie pour plus de sobriété…



En Afrique, au Burkina Faso, Maroc, Mali... beaucoup d’agriculteurs sont pris dans le traquenard de la mondialisation, et celui qui cultivait son lopin familial s’est retrouvé propulsé par la loi du marché dans la même arène que les gros producteurs américains, donc endetté puis insolvable. Cette misère de masse va bien au-delà de la pauvreté, elle confisque aux hommes ce que la nature leur a donné, la vie, l’eau, la terre, les semences… Donc, nous les aidons à s’affranchir et leur transmettons des savoir-faire écologiques en réhabilitant les pratiques traditionnelles. En partant de la terre nourricière qui est le fondement de la vie, nous leur apprenons à incarner des valeurs importantes. Pour être plus efficaces, nous avons créé une Fondation qui est le résultat d’années de travail et de souffrances comme dans toute aventure humaine.



Je suis à l’origine de l’option écologique du Monastère de Solan dans le Gard. J’ai proposé aux sœurs de valoriser leurs terres dans le respect de l’environnement, d’en faire un écosite expérimental d’intérêt général. L’impact est désormais visible, et des monastères orthodoxes roumains me demandent conseil pour suivre la même démarche. 

Solan est un exemple d’agro-écologie. Je ne suis d’aucune religion, mais c’est dans le monde orthodoxe que l’engagement écologique est le plus affirmé. Le respect de la Création, comme devoir de l’homme envers Dieu, est proclamé par le patriarche lui-même. L’écologie ne peut pas être un paramètre parmi d’autres. C’est le fondement même de la vie et la vie transcende tout. Bien comprise, l’écologie fondée sur l’interdépendance des règnes et des espèces est, par excellence, une grande leçon d’autonomie et de sobriété.



Moi-même, issu des deux cultures Nord et Sud, j’ai appris à me définir sans choix confessionnel, ni idéologie… Avec notre capacité de penser limitée, nous avons la prétention d’appréhender le réel de nature infinie, or nous pouvons juste comprendre un fragment de réalité souvent différent de celui de nos semblables.



Nous produisons de l’indigence et de la souffrance



En 2012, nous avons lancé un mouvement que nous appelons «Tous candidats». J’ai écrit un opuscule qui s’intitule «Éloge du génie créateur de la société civile» car dans ma vision propre, j’ai l’impression que les politiques font de l’acharnement thérapeutique sur un modèle qui est déjà moribond. Aujourd’hui, tous les diagnostics que nous avons sur les banques, les faillites, etc., montrent que nous produisons de l’indigence à grand rendement et de la souffrance avec un modèle qui était censé nous libérer. Avec l’idée de solutionner, nous créons de plus en plus de problèmes. La pulsion du toujours plus, censée permettre à tout le monde d’avoir à manger et ce qu’il faut pour vivre, crée de l’indigence. Il y a bien là une inversion de la compréhension qui n’est pas résolue.



La société ne peut changer si l’homme ne change pas. C’est impossible ! C’est lui qui détermine les choses et si lui-même ne fait pas son propre changement par rapport à la société, à la nature et à l’ensemble de sa vie intérieure, je ne vois pas comment cela pourra changer. Dans ma réflexion, je m’étais dit naïvement qu’avec l’agriculture bio il y aurait une attitude élevée, une morale à l’égard de la vie : avoir de la gratitude, prendre soin de la terre en la cultivant pour obtenir les substances nobles et la vitalité de la nourriture pour que les énergies cosmiques nous mettent dans le circuit réel de la vie. Souvent j’interpelle les gens : «Manger bio et vous chauffer au solaire, c’est bien, mais la vraie transformation c’est de ne plus exploiter votre prochain !» Le problème est là, chacun de nous doit changer et ainsi nous contribuerons à changer le monde. Tout peut être détourné, inventé mais si l’être ne change pas fondamentalement, nous serons dans l’avidité permanente, sans jamais nous satisfaire. Il ne faut pas confondre aptitudes et intelligence. Nos aptitudes rendent le monde chaotique, elles ne parviennent pas à donner un ordre intelligent à nos prouesses. Il y a un ordre d’intelligence qui nous précède et qui est symphonique.



L’écologie est une symphonie dans laquelle chacun joue sa partition. L’homme d’aujourd’hui est manipulé à être insatiable, à être insatisfait de ne pas avoir ceci ou cela. En agissant ainsi on ne nourrit pas son être profond. On laisse croire que le bonheur se trouve dans l’accumulation et on comprend qu’elle ne mène à rien. Je peux tout acheter avec de l’argent ou presque, sauf la joie. La joie ne s’achète pas et c’est pourtant elle qui nous nourrit vraiment ! La vraie joie, état fondamental de bien-être, n’a rien à voir avec le plaisir qui est éphémère.



Créer une société apaisée



La réforme de la société ne peut se faire sans une réforme de l’éducation. Lorsque nous voyons un enfant venir au monde, il est dans une disponibilité totale, il appréhende le monde avec ses cinq sens, prend connaissance de son corps, écoute, se nourrit, regarde, exprime ses émotions et ses désirs. C’est souvent l’éducation qui l’abîme en lui donnant en exemple la rivalité ou la domination. Nous ensemençons l’enfant d’angoisses parce que nous ne l’invitons pas à être libre et bienvenu dans la vie pour réaliser ce qu’il a à faire sans préjudices. Souvent, nous lui portons atteinte en lui demandant de se mettre en concurrence pour être le premier. Notre rôle serait de dire : «trouve ta place», sans le pousser dans le sens où nous voudrions qu’il aille.


La charge de l’éducateur est d’expliquer que chacun apporte quelque chose et qu’il y a une mutualisation des valeurs nous permettant d’être solidaires. Les défaillances de l’un peuvent être corrigées par l’autre et dans cette mutualisation nous créons une société apaisée. Je crois à une pédagogie qui révèle l’enfant à lui-même et lui transmet l’enthousiasme d’apprendre. Il est navrant que l’intellect prime à ce point sur le travail manuel. Nos mains sont des outils magnifiques capables de construire une maison, de jouer une sonate, de donner de la tendresse.


Offrons aux nouvelles générations l’épreuve de la nature, du travail de la terre, des saisons. La pensée humaine n’a pas de meilleure école que l’intelligence universelle qui la précède et qui se manifeste dans la moindre petite plante, dans la diversité, la complexité, la continuité du vivant. À l’évidence, le pôle sud n’est pas contre le pôle nord, rien n’est contre rien, c’est une unité absolument magnifique d’ordre harmonique.



L’écologie est donc l’union où les éléments constitutifs d’un système donnent et reçoivent. Les gens manifestent dans la rue en levant le poing contre l’injustice réelle ou non, mais il faut être logique : la première chose à appliquer c’est ce qui est juste là où je vis. Est-ce que j’aime mon compagnon ou ma compagne comme il ou elle doit être aimé ? Est-ce que j’aime mes enfants, mes voisins ? Est-ce que je suis vraiment dans la démarche que je prétends vouloir pour le monde ? Si je n’y suis pas, ma revendication ne sert à rien.


La gentillesse, la bienveillance, la bonté, tout ce qui est évident n’est pas toujours facile, pourtant c’est là que tout doit commencer puisque là est le royaume de chacun : ce champ d’action est à la disposition de tous et tout un chacun peut décider et gouverner avec des valeurs importantes dans son microcosme. Ces exemples qui devraient se retrouver dans la famille, à l’école et dans la société, demandent de l’abnégation et du discernement aux adultes. L’enfant doit trouver l’accueil, la sécurité, les soins, l’écoute et l’amour indispensables à tout être. Lui-même le fera alors dans son petit royaume.


Tout cela fait partie du changement de paradigme qui inclut forcément la reconnaissance de la beauté dans les rapports humains.



Dans bien des cas, notre relation au monde animal est devenue tragique également ; les animaux sont un peuple fantôme à nos yeux. Nous les regardons derrière un voile anonyme, pour éviter le difficile spectacle de la souffrance que nous leur infligeons. Cet état de fait d’une inertie complice dans bien des cas nous rend sans crédibilité aux yeux des enfants qui en souffrent.


Beauté et énergie sont liées



Pourquoi avons-nous si peu d’émerveillement ? La plupart des écologistes ne parlent pratiquement jamais de la beauté, de la vie, ils parlent de carbone, bien sûr. Pourtant si nous nous sommes installés ici, c’est pour la beauté du paysage.



En 1963 sur notre sol rocailleux, le chemin était à peine praticable, il n’y avait pas d’électricité, pas de téléphone, très peu d’eau. Les gens ne comprenaient pas notre démarche et disaient qu’ils ne voulaient pas nous aider à nous suicider. Nous leur avons donc expliqué que le lieu était beau et que c’était là que nous voulions vivre. Nous étions totalement persuadés que l’énergie pour y vivre nous serait donnée et cela n’a pas manqué. Lorsque nous sommes nourris intérieurement de beauté et de satisfaction, tout cela génère en nous l’énergie pour ensuite répondre aux difficultés de la vie.



Du point de vue agronomique, nous aurions pu facilement partir et avoir des terres plus fertiles, mais nous voulions rester dans cette beauté, ce silence, l’air pur, les lieux habités par tout ce qui est vivant, avec les étoiles ! C’est cela le contexte humain, l’homme n’est pas né pour toujours arracher à la terre des choses à transformer en dollars, c’est absurde.



L’homme est fait pour admirer, donc pour aimer ; c’est la raison pour laquelle nous avons orienté notre vie en prenant toujours en compte que la beauté d’essence divine n’est affiliée à aucune religion. Par contre, je sais que la nature m’a ouvert la porte à des trésors de mystères de vie, à la spiritualité profonde, à la beauté infinie.


Comme l’homme moderne n’est pas nourri intérieurement, il achète sans cesse en pensant qu’avec toutes ces choses il va combler ou compenser, mais non, cela ne peut pas contrebalancer ce manque de lien avec la Nature.



De plus, la présence et la beauté animale nous manquent. «En considérant parfois les fresques des pyramides égyptiennes où elles figurent, je songe particulièrement à ces vaches zébus, porteuses de lyres en guise de cornes. Elles parcourent la brousse sahélienne généreuse, patiente, tranquille comme un hymne vivant à la majesté d’une création qui nous est devenue étrangère.» («La tragique

condition animale», 9/05/2007)



Silence, jardinage et poésie



Le jardin est un lieu où je sème et récolte avec reconnaissance, un lieu qui m’oblige à m’orienter avec humilité. Si nous voulons du rendement, nous aurons du rendement mais si nous sommes attentifs au miracle de la vie, il nous ouvre des perspectives absolument extraordinaires : quoi que nous fassions nous sommes ramenés au fait que l’intelligence est là et je sais que je ne sais pas. Le réel se révèle particulièrement dans le silence qui favorise plus la modestie que la spéculation, il permet de comprendre dans le sens profond du terme. Les grands intuitifs comme Goethe, Galilée, Einstein avaient certainement de la modestie et leur âme vibrait.


Nous portons en nous quelque chose de l’intérêt commun qu’il faut rendre efficace dans le monde de l’organisation. Ma nature me porte vers la poésie et heureusement je me suis découvert très stratège. Enfant, je n’en avais pas conscience. C’est après avoir suivi mon chemin que j’ai atteint un certain seuil. La valeur du parcours, c’est l’utilité de l’expérience.


Un ami m’a fait l’honneur d’une biographie : «Pierre Rabhi le fertile». Lorsque j’ai écrit ma première biographie : «Du Sahara aux Cévennes ou la reconquête du songe», ce que j’entendais par songe, c’est le fait qu’aujourd’hui nous n’avons plus d’espace pour nous retrouver tranquille avec nous-même, ce temps que donne la Nature quand nous cheminons avec elle. Le songe, ce n’est pas le rêve creux, ce ne sont pas les chimères, c’est aimer notre chemin de vie avec les saisons. Entrer dans l’automne, vivre l’hiver, découvrir la jubilation et le renouveau du printemps, l’apothéose de l’été. Nous avançons dans ce cycle qui nous enseigne à la fois la patience et le mystère : si nous observons une graine dans la terre, nous comprenons qu’il y a déjà un programme à l’intérieur alors qu’elle est minuscule. Comment cela fonctionne-t-il ? Nous ne sommes plus assez attentifs à tout cela.


Le féminin est au cœur du changement



La femme représente le principe féminin qui est une sensibilité particulière. Nous naissons tous à partir de l’union d’un homme et d’une femme, alors pourquoi dans la vie sociale le féminin est-il subordonné ? J’ai toujours beaucoup souffert de la subordination universelle de la femme.



La non reconnaissance du féminin est un des éléments importants et constitutifs du tout. En Afrique ou en Amérique latine, pays dits en développement, sans les femmes tout s’effondrerait. En Occident, le système est masculinisé au point que la femme s’adapte même en sortant de sa propre nature. Le masculin a forgé le paradigme actuel de la vitesse, de la puissance, de la technologie avancée, etc. La femme, souvent malmenée, a du mal à trouver sa place dans les pulsions dominantes d’ordre masculin.


Ce déséquilibre existant est rarement abordé, alors que la réalité devrait reposer sur le féminin et le masculin dans leurs genres respectifs. Ces deux genres complémentaires par nature sont devenus antagonistes. Chez ceux que nous appelons les peuples premiers, nous trouvons cet équilibre où les deux éléments sont rassemblés et perçus comme une unité et non simplement comme deux éléments. La vie n’est faite que de complémentarité. Dans mon engagement j’inclus vraiment le fait de restaurer cette complémentarité féminin/masculin.



En 2002, lorsque je me suis présenté aux élections, c’était bien «le féminin au cœur du changement» qui en était la base. Le masculin qui avait fabriqué ce monde ne pouvait le changer dans sa globalité, par contre l’élément féminin qui avait été occulté avait la charge du changement.



La femme dans sa façon d’éduquer l’enfant prépare la société nouvelle, et est vraiment très soucieuse de la continuité de la vie. Elle nourrit l’enfant en elle et hors d’elle et tout cela pour le mettre sur le chemin de la vie. Dans le don de soi, homme et femme peuvent retrouver leur potentiel, alors l’humanité retrouverait la qualité de confiance qui lui manque.




Extrait des propos recueillis par Jacqueline Thibeaudeau pour Le Monde du Graal.





et aussi :
Les amis de Solan 30330 La Bastide
d’Engras 04 66 82 94 25

jeudi, septembre 11, 2014

La vision sans voile


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Le but ultime du yoga, « l'enstase sans semence », est atteint quand, « le dernier voile mental est écarté et le yogin demeure dans une vision sans voile, une pure sérénité. Il n'y a plus de graines ou germes de l'esprit entraînant la séparation avec la Réalité absolue, ultime, le Divin. C'est le parfait samâdhi, enstase ou illumination ; ce qui se passe peut être illustré par cette métaphore : une danseuse finit sa représentation pour un spectateur royal, après avoir satisfait le désir du maître souverain ; l'intellect, comme la danseuse, se sépare de l'âme (le maître royal), âme qui devient ce qu'elle est depuis toujours, par essence, libre et éternelle, le Purusha (le Mâle, la Conscience pure statique, la substance ultime de toute créature), non troublée par l'intellect (qui a fini sa danse) ; ou encore : « De même que la lune n'est pas rattachée à l'eau, dans laquelle cependant elle se reflète, de même la Conscience éternellement immuable est disjointe de la matière et de ses manifestations (dont les flux du mental), elle n'est pas troublée par elle » ; ainsi, le Soi se contemple lui-même, il ne se pense pas (l'intellect, bien que pont vers la connaissance, ne pouvant connaître que ce qui est phénoménal), puisque la pensée est elle-même une expérience, un phénomène, et donc appartient la Nature (Prakriti, la Femelle, la substance inconsciente éternellement active, la matière/énergie primordiale) ; la douleur, qui prend racine dans le mental, est donc niée comme telle, tout ce qui arrive n'appartient plus à la Conscience libérée : « Il n'est rien de plus sensible que la Prakriti ; dès qu'elle s'est dit : « Je suis reconnue », elle ne se montre plus aux regards de l'Âme » (Kârikâ, 61). C'est l'état du Délivré vivant (jivanmukta), libéré du Temps, du Devenir : le sage vit encore en ce monde dans son individualité, parce qu'il est comme la roue du potier qui continue à tourner à cause de la vitesse acquise (le karma/acte passé), bien que le pot (la Réalisation de l'âme) soit déjà achevé (Kârikâ, 67). A la mort effective du corps et de l'esprit de ce yogin réalisé, l'âme du Délivré vivant est enfin affranchie du cycle des réincarnations. »



Dino Castelbou

samedi, février 22, 2014

De la méditation à la contemplation


La capacité pour l'homme de passer de la méditation à la contemplation et la méthode pour le faire ont fait l'objet au Tibet d'une controverse entre moines bouddhistes de l'Inde et de la Chine au vue siècle de notre ère. Le souverain du Tibet avait fait venir de Chine un maître bouddhiste enseignant les pratiques de Dhyana (Tch'an). C'était un extrémiste qui déniait toute valeur aux œuvres pies, et était partisan de la méthode subite (touen), professée par « l'école horizontale» (qui voit les choses de l'esprit comme sur un plan); le maître indien qui était installé déjà à Lhassa était au contraire partisan de la méthode graduelle (tsien), professée par « l'école verticale » (qui voit les choses de l'esprit comme en coupe). Le roi présida à la discussion qui se termina par la défaite du Chinois dont la doctrine fut interdite, et dont plusieurs disciples se suicidèrent.

L'intéressant pour nous est la doctrine du maître chinois sur le passage de la méditation à la contemplation. On lui demande :

— Qu'entendez-vous par regarder l'esprit ?

— Retourner la vision vers le centre de l'esprit, répond-il, c'est « regarder l'esprit » ; c'est s'abstenir de toute réflexion et de tout examen... c'est ne pas réfléchir, même sur la non-réflexion. C'est pourquoi il est dit dans le Vimalakirti-Sutra: « Le non-examen, c'est la bodhi. »

Il y a deux termes chinois : le sseu, qui signifie réflexion, et le kouan, traduit ordinairement par « contemplation », mais que P. Demiéville préfère traduire par « examen » ou «méditation ». Il fait ressortir que dans la mystique chrétienne la méditation s'oppose, par son caractère discursif, à la contemplation qui relève de la voie unitive. En tout cas le but suprême semble être, pour les partisans (chinois) de la « méthode subite », l'absence de méditation comme exercice préalable à la vacuité. C'est l'équivalent négatif de la contemplation chrétienne, pourrait-on dire. A cet égard, les « gradualistes » sont d'accord avec les « subitistes » que nous pourrions comparer aux quiétistes chrétiens. Là où ils sont en désaccord, fait remarquer P. Demiéville, c'est sur l'opportunité de l'enseignement de cette méthode. Faut-il réduire le cercle de ceux qui seront instruits? Non, pensent les « subitistes ». Si, répliquent les « gradualistes ». Il est dangereux de « supprimer les notions » chez les profanes, chez ceux qui ne sont pas encore pénétrés des vérités bouddhiques. Les « subitistes », eux, disent qu'il n'y a pas de texte autorisant à empêcher les profanes d'être instruits de la fausseté que représentent les normes (dharmas) de bien et de mal. Les Bouddhas ont laissé des enseignements à mettre en pratique, qui s'adressent à tous les hommes pour leur permettre d'échapper au cycle perpétuel des naissances et des morts. Sans doute les profanes ne sont-ils pas comparables aux Bouddhas. Mais les Bouddhas peuvent servir à ceux qui ont eu la chance de venir après eux (comme le Christ, pourrait-on dire, à ceux qui sont nés après lui).

Une autre objection des « gradualistes » est celle-ci : « Si selon votre doctrine tout doit n'être que connaissance contemplative, comment sera-t-on utile aux êtres ? » La réponse est qu' « on peut être, sans réflexion ni examen, utile aux êtres : c'est comme le soleil et la lune dont les rayons illuminent toutes choses, comme la gemme magique d'où sortent toutes choses, comme la grande terre qui a le pouvoir de produire toutes choses ». On reconnaît là un des points cardinaux de toute doctrine quiétiste — et particulièrement du Tao : à un certain absolu de détachement spirituel correspond une possibilité d'action universelle. Ce n'est pas le point de vue des « gradualistes ». Prenant une comparaison médicale, ils soutiennent qu'à chaque mal convient un remède particulier: pour la concupiscence, c'est la contemplation de l'impur ; pour la haine, la compassion ; pour l'erreur, l'enchaînement des causes. Prenons une autre comparaison, pénale cette fois: si un prisonnier est mis à la cangue, enchaîné, lié, etc., il faut, pour le délivrer, ouvrir les cadenas des chaînes à l'aide d'une clé, enlever la cangue en enlevant les clous, faire tomber les liens en desserrant les nœuds, etc. (symboles: les cadenas, de la concupiscence; les clous, de la haine; les cordes, de l'erreur).

A quoi les « subitistes » répondent en disant qu'il y a un médicament qui guérit de toute maladie les êtres auxquels il est administré. Toutes les fausses notions, dues au triple poison des passions, sont nées des fausses notions. Supprimons les fausses notions, par conséquent toute réflexion, et par là même vous guérissez toutes les maladies. Ainsi fait le médecin éminent qui est Bouddha. A supposer qu'un Bouddha connaisse les différenciations, ce n'est qu'à titre de concessions, d'artifices, et pour le bien d'autrui.

En somme, les deux écoles sont d'accord pour affirmer la possibilité pour l'homme d'acquérir l'état de non-différenciation, Les « subitistes », admettant que la pensée est instantanée, professent que la délivrance s'obtient par la suppression de toute pensée. Il n'y a plus de temporalité, donc la graduation n'a pas à se faire. A quoi les gradualistes répondent que, même si on laisse de côté cet état (en sanskrit : asamjni, samapatti) qui comporte encore des objets à examiner et une orientation vers le non-examen — c'est l'équivalent de notre méditation — il y a dans le recueillement exempt de notions et ayant accompli l'abolition des notions (samjna, vedita, midha) (équivalent de notre contemplation) un reliquat de différenciation, puisque c'est à la suite d'une méthode de différenciation que cet état est acquis : il faut bien commencer par fixer sa pensée sur un objet qui sera indifférencié, mais qui, en attendant, est différencié en tant que tel.

Les subitistes ne peuvent accepter cette critique, puisqu'ils pensent accéder immédiatement à leur « ciel » sans passage par aucune notion, fût-elle de faux ou de vrai. Le recueillement d'inconscience est instantané. Le maître chinois a d'ailleurs beau être pénétré de l'inutilité de l'exercice graduel, il n'en interdit pas l'usage à tous. Certains ne peuvent accéder à la contemplation. Alors, que ceux-là s'en tiennent aux préceptes ordinaires : « Tant qu'on est incapable de s'asseoir en Dhyâna (contemplation), qu'on recoure à la perfection de moralité, aux quatre incommensurables (bonté infinie, compassion infinie, sympathie infinie, apathie infinie) et au reste ! Que l'on cultive les bonnes pratiques, qu'on serve les Trois Joyaux ! les prédications de tous les sûtras et les enseignements des maîtres-moines, que ceux qui les entendent les pratiquent selon ce qui leur en est enseigné, qu'ils aient pour seul souci de cultiver le bien ! Et, tant qu'ils sont inaptes au non-examen, qu'ils transfèrent à tous les êtres les mérites acquis ainsi, afin que tous deviennent Bouddha ! »


Jean Grenier

mercredi, janvier 22, 2014

La Réforme de la Mentalité moderne



La civilisation moderne apparaît dans l’histoire comme une véritable anomalie : de toutes celles que nous connaissons, elle est la seule qui se soit développée dans un sens purement matériel, la seule aussi qui ne s’appuie sur aucun principe d’ordre supérieur. Ce développement matériel qui se poursuit depuis plusieurs siècles déjà, et qui va en s’accélérant de plus en plus, a été accompagné d’une régression intellectuelle qu’il est fort incapable de compenser. Il s’agit en cela, bien entendu, de la véritable et pure intellectualité, que l’on pourrait aussi appeler spiritualité, et nous nous refusons à donner ce nom à ce à quoi les modernes se sont surtout appliqués : la culture des sciences expérimentales, en vue des applications pratiques auxquelles elles sont susceptibles de donner lieu. Un seul exemple pourrait permettre de mesurer l’étendue de cette régression : la Somme Théologique de saint Thomas d’Aquin était, dans son temps, un manuel à l’usage des étudiants ! où sont aujourd’hui les étudiants qui seraient capables de l’approfondir et de se l’assimiler ?

La déchéance ne s’est pas produite d’un seul coup ; on pourrait en suivre les étapes à travers toute la philosophie moderne. C’est la perte ou l’oubli de la véritable intellectualité qui a rendu possibles ces deux erreurs qui ne s’opposent qu’en apparence, qui sont en réalité corrélatives et complémentaires : rationalisme et sentimentalisme. Dès lors qu’on niait ou qu’on ignorait toute connaissance purement intellectuelle, comme on l’a fait depuis Descartes, on devait logiquement aboutir, d’une part, au positivisme, à l’agnosticisme et à toutes les aberrations « scientistes », et, d’autre part, à toutes les théories contemporaines qui, ne se contentant pas de ce que la raison peut donner, cherchent autre chose, mais le cherchent du côté du sentiment et de l’instinct, c’est-à-dire au-dessous de la raison et non au-dessus, et en arrivent, avec William James par exemple, à voir dans la subconscience le moyen par lequel l’homme peut entrer en communication avec le Divin. La notion de la vérité, après avoir été rabaissée à n’être plus qu’une simple représentation de la réalité sensible, est finalement identifiée par le pragmatisme à l’utilité, ce qui revient à la supprimer purement et simplement ; en effet, qu’importe la vérité dans un monde dont les aspirations sont uniquement matérielles et sentimentales ?

Il n’est pas possible de développer ici toutes les conséquences d’un semblable état de choses ; bornons-nous à en indiquer quelques-unes, parmi celles qui se rapportent plus particulièrement au point de vue religieux. Et, tout d’abord, il est à noter que le mépris et la répulsion que les autres peuples, les Orientaux surtout, éprouvent à l’égard des Occidentaux, viennent en grande partie de ce que ceux-ci leur apparaissent en général comme des hommes sans tradition, sans religion, ce qui est à leurs yeux une véritable monstruosité. Un Oriental ne peut admettre une organisation sociale qui ne repose pas sur des principes traditionnels ; pour un musulman, par exemple, la législation tout entière n’est qu’une simple dépendance de la religion. Autrefois, il en a été ainsi en Occident également ; que l’on songe à ce que fut la Chrétienté au moyen-âge ; mais, aujourd’hui, les rapports sont renversés. En effet, on envisage maintenant la religion comme un simple fait social ; au lieu que l’ordre social tout entier soit rattaché à la religion, celle-ci au contraire, quand on consent encore à lui faire une place, n’est plus regardée que comme l’un quelconque des éléments qui constituent l’ordre social ; et combien de catholiques, hélas ! acceptent cette façon de voir sans la moindre difficulté ! Il est grand temps de réagir contre cette tendance, et, à cet égard, l’affirmation du Règne social du Christ est une manifestation particulièrement opportune ; mais, pour en faire une réalité, c’est toute la mentalité actuelle qu’il faut réformer.

Il ne faut pas se le dissimuler, ceux mêmes qui se croient être sincèrement religieux n’ont, pour la plupart, de la religion qu’une idée fort amoindrie ; elle n’a guère d’influence effective sur leur pensée ni sur leur façon d’agir ; elle est comme séparée de tout le reste de leur existence. Pratiquement, croyants et incroyants se comportent à peu près de la même façon, et, ce qui est plus grave, pensent de la même façon ; pour beaucoup de catholiques, l’affirmation du surnaturel n’a qu’une valeur toute théorique, et ils seraient fort gênés d’avoir à constater un fait miraculeux. C’est là ce qu’on pourrait appeler un matérialisme pratique, un matérialisme de fait ; n’est-il pas plus dangereux encore que le matérialisme avéré, précisément parce que ceux qu’il atteint n’en ont même pas conscience ?

D’autre part, pour le plus grand nombre, la religion n’est qu’affaire de sentiment, sans aucune portée intellectuelle ; on confond la religion avec une vague religiosité, on la réduit à une morale ; on diminue le plus possible la place de la doctrine, qui est pourtant tout l’essentiel, ce dont tout le reste ne doit être logiquement qu’une conséquence. Sous ce rapport, le protestantisme, qui aboutit à n’être plus qu’un « moralisme » pur et simple, est très représentatif des tendances de l’esprit moderne ; mais on aurait grand tort de croire que le catholicisme lui-même n’est pas affecté par ces mêmes tendances, non dans son principe, certes, mais dans la façon dont il est présenté d’ordinaire : sous prétexte de le rendre acceptable à la mentalité actuelle, on fait les concessions les plus fâcheuses, et on encourage ainsi ce qu’il faudrait au contraire combattre énergiquement. N’insistons pas sur l’aveuglement de ceux qui, sous prétexte de « tolérance », se font les complices inconscients de véritables contrefaçons de la religion, dont ils sont loin de soupçonner l’intention cachée. Signalons seulement en passant, à ce propos, l’abus déplorable qui est fait trop fréquemment du mot même de « religion » : n’emploie-t-on pas à tout instant des expressions comme celles de « religion de la patrie », de « religion de la science », de « religion du devoir » ? Ce ne sont pas là de simples négligences de langage, ce sont des symptômes de la confusion qui est partout dans le monde moderne, car le langage ne fait en somme que représenter fidèlement l’état des esprits ; et de telles expressions sont incompatibles avec le vrai sens religieux.

Mais venons-en à ce qu’il y a de plus essentiel : nous voulons parler de l’affaiblissement de l’enseignement doctrinal, presque entièrement remplacé par de vagues considérations morales et sentimentales, qui plaisent peut-être davantage à certains, mais qui, en même temps, ne peuvent que rebuter et éloigner ceux qui ont des aspirations d’ordre intellectuel, et, malgré tout, il en est encore à notre époque. Ce qui le prouve, c’est que certains, plus nombreux même qu’on ne pourrait le croire, déplorent ce défaut de doctrine ; et nous voyons un signe favorable, en dépit des apparences, dans le fait qu’on paraît, de divers côtés, s’en rendre compte davantage aujourd’hui qu’il y a quelques années. On a certainement tort de prétendre, comme nous l’avons souvent entendu, que personne ne comprendrait un exposé de pure doctrine ; d’abord, pourquoi vouloir toujours se tenir au niveau le plus bas, sous prétexte que c’est celui du plus grand nombre, comme s’il fallait considérer la quantité plutôt que la qualité ? N’est-ce pas là une conséquence de cet esprit démocratique qui est un des aspects caractéristiques de la mentalité moderne ? Et, d’autre part, croit-on que tant de gens seraient réellement incapables de comprendre, si on les avait habitués à un enseignement doctrinal ? Ne faut-il pas penser même que ceux qui ne comprendraient pas tout en retireraient cependant un certain bénéfice, peut-être plus grand qu’on ne le suppose ?

Mais ce qui est sans doute l’obstacle le plus grave, c’est cette sorte de défiance que l’on témoigne, dans trop de milieux catholiques et même ecclésiastiques, à l’égard de l’intellectualité en général ; nous disons le plus grave, parce que c’est une marque d’incompréhension jusque chez ceux-là mêmes à qui incombe la tache de l’enseignement. Ils ont été touchés par l’esprit moderne au point de ne plus savoir, pas plus que les philosophes auxquels nous faisions allusion tout à l’heure, ce qu’est l’intellectualité vraie, au point de confondre parfois intellectualisme avec rationalisme, faisant ainsi involontairement le jeu des adversaires. Nous pensons précisément que ce qui importe avant tout, c’est de restaurer cette véritable intellectualité, et avec elle le sens de la doctrine et de la tradition ; il est grand temps de montrer qu’il y a dans la religion autre chose qu’une affaire de dévotion sentimentale, autre chose aussi que des préceptes moraux ou des consolations à l’usage des esprits affaiblis par la souffrance, qu’on peut y trouver la « nourriture solide » dont parle saint Paul dans l’Épître aux Hébreux.

Nous savons bien que cela a le tort d’aller contre certaines habitudes prises et dont on s’affranchit difficilement ; et pourtant il ne s’agit pas d’innover, loin de là, il s’agit au contraire de revenir à la tradition dont on s’est écarté, de retrouver ce qu’on a laissé se perdre. Cela ne vaudrait-il pas mieux que de faire à l’esprit moderne les concessions les plus injustifiées, celles par exemple qui se rencontrent dans tant de traités d’apologétique, où l’on s’efforce de concilier le dogme avec tout ce qu’il y a de plus hypothétique et de moins fondé dans la science actuelle, quitte à tout remettre en question chaque fois que ces théories soi-disant scientifiques viennent à être remplacées par d’autres ? Il serait pourtant bien facile de montrer que la religion et la science ne peuvent entrer réellement en conflit, pour la simple raison qu’elles ne se rapportent pas au même domaine. Comment ne voit-on pas le danger qu’il y a à paraître chercher, pour la doctrine qui concerne les vérités immuables et éternelles, un point d’appui dans ce qu’il y a de plus changeant et de plus incertain ? Et que penser de certains théologiens catholiques qui sont affectés de l’esprit « scientiste » au point de se croire obligés de tenir compte, dans une mesure plus ou moins large, des résultats de l’exégèse moderne et de la « critique des textes », alors qu’il serait si aisé, à la condition d’avoir une base doctrinale un peu sure, d’en faire apparaître l’inanité ? Comment ne s’aperçoit-on pas que la prétendue « science des religions », telle qu’elle est enseignée dans les milieux universitaires, n’a jamais été en réalité autre chose qu’une machine de guerre dirigée contre la religion et, plus généralement, contre tout ce qui peut subsister encore de l’esprit traditionnel, que veulent naturellement détruire ceux qui dirigent le monde moderne dans un sens qui ne peut aboutir qu’à une catastrophe ?

Il y aurait beaucoup à dire sur tout cela, mais nous n’avons voulu qu’indiquer très sommairement quelques-uns des points sur lesquels une réforme serait nécessaire et urgente ; et, pour terminer par une question qui nous intéresse tout spécialement ici, pourquoi rencontre-t-on tant d’hostilité plus ou moins avouée à l’égard du symbolisme ? Assurément, parce qu’il y a là un mode d’expression qui est devenu entièrement étranger à la mentalité moderne, et parce que l’homme est naturellement porté à se défier de ce qu’il ne comprend pas. Le symbolisme est le moyen le mieux adapté à l’enseignement des vérités d’ordre supérieur, religieuses et métaphysiques, c’est-à-dire de tout ce que repousse ou néglige l’esprit moderne ; il est tout le contraire de ce qui convient au rationalisme, et tous ses adversaires se comportent, certains sans le savoir, en véritables rationalistes. Pour nous, nous pensons que, si le symbolisme est aujourd’hui incompris, c’est une raison de plus pour y insister, en exposant aussi complètement que possible la signification réelle des symboles traditionnels, en leur restituant toute leur portée intellectuelle, au lieu d’en faire simplement le thème de quelques exhortations sentimentales pour lesquelles, du reste, l’usage du symbolisme est chose fort inutile.

Cette réforme de la mentalité moderne, avec tout ce qu’elle implique : restauration de l’intellectualité vraie et de la tradition doctrinale, qui pour nous ne se séparent pas l’une de l’autre, c’est là, certes, une tâche considérable ; mais est-ce une raison pour ne pas l’entreprendre ? Il nous semble, au contraire, qu’une telle tâche constitue un des buts les plus hauts et les plus importants que l’on puisse proposer à l’activité d’une Société comme la nôtre, d’autant plus que tous les efforts accomplis en ce sens seront nécessairement orientés vers le Cœur du Verbe incarné, Soleil spirituel et Centre du Monde, « en lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science », non de cette vaine science profane qui est seule connue de la plupart de nos contemporains, mais de la véritable science sacrée, qui ouvre, à ceux qui l’étudient comme il convient, des horizons insoupçonnés et vraiment illimités.


René Guénon, article publié dans Regnabit, juin 1926.

mardi, janvier 21, 2014

La réincarnation dans la tradition occidentale



La forme de croyance en la réincarnation aujourd'hui la plus répandue voudrait qu'à la mort un certain Moi profond survécût, qui entrerait dans un autre corps pour mener une nouvelle vie, et ainsi s'enrichir de vie en vie ou se purifier de vie en vie, l'oubli des vies antérieures à chaque nouvelle naissance n'ayant pas trop d'importance, car, dans l'au-delà, notre conscience récupérerait chaque fois les vies antérieures et en ferait la synthèse.

On nous répète un peu partout, comme faits bien établis, que d'ailleurs les anciens Égyptiens y croyaient, les Juifs aussi dans l'Ancien Testament, le Christ et les premiers chrétiens de même, et que l'Église l'enseigna jusque vers le IIIe ou VIe siècle (là, les auteurs consultés diffèrent un peu et je vois bien pourquoi).

Or, je ne voudrais faire de peine à personne, je n'ai aucune envie d'empêcher qui que ce soit de croire qu'il a déjà « eu » douze vies et qu'il reviendra encore trois fois... Mais les faits sont les faits, et presque tout cela est faux ! La doctrine de la réincarnation est complètement inconnue de l'Égypte ancienne. Les seuls cas que l'on pourrait invoquer sont les mythes du renouveau de la nature, avec Osiris. Cependant l'historien grec Hérodote, qui avait visité l'Egypte, raconte que ses habitants croyaient à la métempsycose. Après la mort, l'âme humaine se réincarnait dans les animaux de la terre, des eaux et des airs, puis revenait dans un corps d'homme. Le cycle se faisait en trois mille ans.

Hérodote vivait au Ve siècle avant Jésus-Christ et, dès le VIe siècle, le pays était passé sous domination perse. Il s'agit là de croyances tardives et probablement populaires. On n'en retrouve pas trace, semble-t-il, dans les grands textes religieux de l'Égypte classique, pas plus dans le célèbre Livre des morts que dans les autres textes qui nous sont parvenus.

Mais Clément d'Alexandrie, au IIe siècle après Jésus-Christ, mentionne à son tour cette curieuse croyance des Égyptiens, sans la reprendre à son compte.

La réincarnation semble ignorée aussi bien de Sumer que de l'Assyro-Babylonie. Mais peut-être existait-elle, là aussi, comme croyance populaire, en dehors des grands textes littéraires.

Pour la Grèce, Diogène Laërce, au début du IIIe siècle après Jésus-Christ, nous affirme que Pythagore, au VIe siècle avant Jésus-Christ, fut le premier à croire à la transmigration des âmes. Il pensait avoir vécu lui-même plusieurs fois et donnait même les noms qu'il avait portés dans ses vies antérieures. On sait que Platon n'y voyait lui-même qu'une croyance populaire, encore qu'il l'ait envisagée avec intérêt dans le célèbre « mythe » d'Er le Pamphylien dans la « République ». Le mythe de « l'Éternel Retour » comporte d'ailleurs, lui aussi, une certaine forme de réincarnation.

Les anciens Hébreux ne mentionnent jamais la possibilité de la réincarnation. Mais, du temps du Christ, la doctrine commençait à se faire jour. D'après Flavius Josèphe, les pharisiens croyaient à des supplices éternels pour les méchants et à la réincarnation pour les bons. Plus tard, dans la Kabbale, la réincarnation tiendra une place importante.

La réincarnation semble donc avoir lentement pénétré en Occident, mais tardivement, sous des formes très populaires et très marginales pendant plusieurs siècles.

Pour le Nouveau Testament, les deux textes toujours invoqués sont l'histoire de l'aveugle de naissance et l'attente du retour d'Élie. Examinons-les rapidement.

Dans le premier cas, les disciples du Christ lui demandent : « Rabbi, qui a péché pour qu'il soit né aveugle, lui ou ses parents? » L'idée que le mal physique est lié au péché est fréquente dans l'Ancien Testament : « Dans le cas des infirmes de naissance, certains rabbins attribuaient la faute aux parents, d'autres à l'enfant lui-même, au cours de la gestation. » Que l'on trouve l'idée intéressante ou stupide, là n'est pas la question. Il s'agit de savoir si les juifs, du temps du Christ, croyaient à la réincarnation. La connaissance de la littérature de ce temps nous oblige à dire : non. Ils préféraient recourir à cette hypothèse étrange.

Quant au Christ, il ne saisit pas du tout l'occasion de leur révéler la réincarnation. Il leur répond simplement que le problème est mal posé : « Ni lui, ni ses parents. » Pas de vie antérieure ! L'autre cas, toujours cité, ce sont les différents textes faisant allusion à l'annonce prophétique du retour d'Élie. Mais c'est oublier que, pour les juifs, Élie n'était jamais mort. Il avait été emporté au ciel sur un char de feu et on s'attendait à ce qu'il revienne un jour, mais comme d'un long voyage, sans avoir à renaître ; ou encore comme ces personnages qui, en de nombreuses légendes, se réveillent au bout d'un siècle. Le Christ essaie de leur faire comprendre qu'Élie ne reviendra pas. Il a été remplacé par Jean-Baptiste, mais comme Mozart a remplacé Bach...

C'est d'ailleurs bien ainsi que les Juifs eux-mêmes essayaient de percer le mystère de la personne du Christ. Quand Jésus demande à ses disciples ce que les gens pensent de lui, ils lui répondent que certains le prennent pour Jean-Baptiste, d'autres pour Élie, d'autres pour un des anciens prophètes ressuscité. Mais lorsque Jean-Baptiste est mort, le Christ avait déjà trente ans. C'est donc seulement après sa mort que l'esprit de Jean-Baptiste aurait pu envahir le Christ. Cela n'a rien à voir avec la réincarnation dont certains voudraient trouver la preuve dans le Nouveau Testament. Or, rien n'indique dans le texte que pour Élie ou « quelqu'un des anciens prophètes ressuscité » il s'agisse cette fois d'une véritable réincarnation. Le texte dit bien, au contraire, « ressuscité », ce qui est encore tout autre chose. Ressusciter, c'est revenir à la vie sans avoir à renaître. Il me semble abusif à cet égard de citer comme preuves d'une certaine croyance en la réincarnation des textes où il est bien plutôt question de « résurrection », de « réveil » ou d'« apparition ». On peut de tout cela déduire, tout au plus, que les Juifs contemporains du Christ étaient prêts à admettre une certaine forme de réapparition de personnages célèbres du passé à différentes époques. Mais des personnages dont ni le rôle ni la personnalité n'auraient profondément changé, et qui ne reviendraient, très exceptionnellement, que pour des missions très précises et selon des modalités très variées. On est très loin dans cette perspective d'une quelconque loi systématique et générale de réincarnation.

L'Église n'a jamais enseigné la réincarnation, comme beaucoup le prétendent. Certains théologiens y ont cru, ce qui est fort différent. Au IIe siècle, saint Justin admettait plusieurs vies sur terre avant le ciel, les plus charnels pouvant se réincarner en bêtes. Mais, comme le note Geddes MacGregor, les premiers chrétiens ne pouvaient croire qu'à des vies antérieures sur terre, non à des vies futures, car pour eux ce monde était appelé à disparaître bientôt.

Les courants gnostiques croyaient à la réincarnation. Mais ils ne sont pas l'Église. Tout leur enseignement est profondément différent.

Origène semble avoir admis une succession d'éons, c'est-à-dire une succession de mondes, chaque âme ne vivant qu'une seule fois dans chaque monde. Ce n'est pas nécessairement très différent de la montée de chaque âme de sphère en sphère. Les deux grands saints Grégoire, de Nysse et de Nazianze, au IVe siècle, connaissaient cette théorie de vies antérieures et s'y opposaient nettement'.

Cependant, on reconnaît généralement qu'aucun texte de l'Église n'a jamais condamné formellement cette doctrine, et que, par conséquent, chacun peut y adhérer si bon lui semble.

Père François Brune, Les morts nous parlent.

(Le père François Brune, diplômé de latin et de grec en Sorbonne, a suivi des études de philosophie et de théologie à Paris et à Tübingen, ainsi que des études d'Écriture sainte à l'Institut biblique de Rome. Il a enseigné ces matières dans des grands séminaires. Le père Brune s'intéresse également depuis plus de trente ans aux mystiques des grandes religions.)


Les morts nous parlent

Cet ouvrage traduit en sept langues peut être considéré aujourd'hui comme un ouvrage de référence essentiel dans ce domaine de l'après-vie et de la communication avec les morts. Aujourd'hui si vous êtes dans le deuil, inconsolable de la perte d'un être cher, qu'attendre des psychologues, des philosophes, des scientifiques et enfin qu'attendre des églises, elles-mêmes de plus en plus trahies par leurs serviteurs ? En substance, n'attendez rien nous dit le Père François Brune. Depuis des décennies, François Brune, enquêteur exceptionnel, a voyagé de par le monde, non seulement appelé en Europe et aux Amériques à faire des conférences, mais surtout à voir, rencontrer, recueillir des témoignages d'expériences vécues, non des expériences menées par des scientifiques, des acousticiens, des spécialistes de physique nucléaire, d'études de phénomènes dits paranormaux par des scientifiques rigoureux tels que Rémy Chauvin ou Olivier Costa de Beauregard, physicien quantique. Dans cette nouvelle synthèse de l'ouvrage " Les morts nous parlent ", enrichie en deux volumes, le Père François Brune tente d'aider ses contemporains à s'arracher au désespoir d'une vie bien éphémère et sans grand sens si elle n'est pas éternelle. Les grandes vérités des traditions, religions et textes mystiques s'en trouvent renforcées. Oui, la vie continue après la mort, oui...


vendredi, décembre 13, 2013

La société du spectacle



« La première phase de la domination de l'économie sur la vie sociale avait entraîné dans la définition de toute réalisation humaine une évidente dégradation de l'être en avoir. La phase présente de l'occupation totale de la vie sociale par les résultats accumulés de l'économie conduit à un glissement généralisé de l'avoir au paraître, dont tout « avoir » effectif doit tirer son prestige immédiat et sa fonction dernière. En même temps toute réalité individuelle est devenue sociale, directement dépendante de la puissance sociale, façonnée par elle. En ceci seulement qu'elle n'est pas, il lui est permis d'apparaître. [...]

Le spectacle est une guerre de l'opium permanente pour faire accepter l'identification des biens aux marchandises ; et de la satisfaction à la survie augmentant selon ses propres lois. Mais si la survie consommable est quelque chose qui doit augmenter toujours, c'est parce qu'elle ne cesse de contenir la privation. S'il n'y a aucun au-delà de la survie augmentée, aucun point où elle pourrait cesser sa croissance, c'est parce qu'elle n'est pas elle-même au delà de la privation, mais qu'elle est la privation devenue plus riche.  […]

La satisfaction que la marchandise abondante ne peut plus donner dans l'usage en vient à être recherchée dans la reconnaissance de sa valeur en tant que marchandise : c'est l'usage de la marchandise se suffisant à lui-même; et pour le consommateur l'effusion religieuse envers la liberté souveraine de la marchandise. Des vagues d'enthousiasme pour un produit donné, soutenu et relancé par tous les moyens d'information, se propagent ainsi à grande allure. Un style de vêtements surgit d'un film ; une revue lance des clubs, qui lancent des panoplies diverses. Le gadget exprime ce fait que, dans le moment où la masse des marchandises glisse vers l'aberration, l'aberrant lui-même devient une marchandise spéciale. Dans les porte-clés publicitaires, par exemple, non plus achetés mais dons supplémentaires qui accompagnent des objets prestigieux vendus, ou qui découlent par échange de leur propre sphère, on peut reconnaître la manifestation d'un abandon mystique à la transcendance de la marchandise. Celui qui collectionne les porte-clés qui viennent d'être fabriqués pour être collectionnés accumule les indulgences de la marchandise, un signe glorieux de sa présence réelle parmi ses fidèles. L'homme réifié affiche la preuve de son intimité avec la marchandise. Comme dans les transports des convulsionnaires ou miraculés du vieux fétichisme religieux, le fétichisme de la marchandise parvient à des moments d'excitation fervente. Le seul usage qui s'exprime encore ici est l'usage fondamental de la soumission. »

La Société du Spectacle, Guy Debord

 


La Société du Spectacle
Guy Debord

Guy Debord (1931-1994) a suivi dans sa vie, jusqu'à la mort qu'il s'est choisie, une seule règle. Celle-là même qu'il résume dans l'Avertissement pour la troisième édition française de son livre La Société du Spectacle : «Il faut lire ce livre en considérant qu'il a été sciemment écrit dans l'intention de nuire à la société spectaculaire. Il n'a jamais rien dit d'outrancier.»


Bibliothèque virtuelle :



Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...