Svâmî Karpâtrî lutta
toute sa vie pour la fermeture des abattoirs et pour défendre la
vache sacrée. Il exprima cette revendication par des slogans très
inattendus dans l'univers politique : « Vive le dharma » (dharma
ki jaya ho!) ; « Que soit détruit l'anti-dharma ! »
(adharma ka nasha ho!) ; « Bienveillance pour tout
ce qui respire ! » (praniyon men sadbhavana ho !) «
Sauvegardons le monde ! » (vishva ka kalyana ho !) ; « Vive
notre mère la vache ! » (gomata ki jaya ho !) ; « Stop à
la boucherie des vaches ! » (gohatita band ho !).
« Il y avait en Svâmî
Karpâtrî (1907-1982), écrit Svarûpânanda Sarasvatî (un ancien
compagnon de lutte de Karpâtrî) une remarquable combinaison de
préoccupations sociales, de sainteté, de sagacité politique et de
qualités dirigeantes très difficile à rencontrer ailleurs. Même
en politique, son amour des principes demeurait intact. Nous pouvons
nous en faire une idée à travers les avis intrépides qu'il a
exprimés en des occasions comme la partition de l'Inde, l'invasion
[chinoise] de Kailâsa Mânasarovara, le Hindu Code Bill , les
luttes contre l'abattage des vaches, le contrôle gouvernemental sur
la dot, l'agitation pour casser le cordon sacré, etc. Il était
intransigeant face à toute attaque, même la plus légère, contre
la tradition et rendait coup pour coup.
À son avis, politique et
dharma devaient être aussi inséparables que des époux indiens.
Séparés, la politique sans dharma ou le dharma sans politique
perdent toute raison d'être ; c'est pourquoi il essaya d'établir un
État politique basé sur le dharma qu'il appela le Royaume de Rama.
Svâmiji défendit publiquement ses idées au forum
panindien constitutif de l'Assemblée du Royaume de Râma, dont le
but était de promouvoir le mode de vie indien et de mettre sur pied
un gouvernement qui ne fût pas en contradiction avec les Écritures.
Il me nomma premier président de ce parti.
Comme la lutte pour la
liberté de l'Inde avait été menée à partir de la plate-forme du
parti du Congrès (parti social-démocrate), celui-ci exerçait une
très forte influence sur nos concitoyens. Mais les principes du
parti [de Svâmi Karpâtrî] la Râma Râjya Parisad, ne
correspondaient ni à ceux du Congrès, ni à ceux des autres partis
de l'époque. L'appel éclatant à un pays gouverné par le dharma
lancé par la Râma Râjya Parisad était différent et plus
attractif que tous les airs chantés par les autres partis
politiques.
Mais un nouveau parti, l'Union du Peuple indien (Bhâratîya Jana Sangha), apparut peu de temps après la fondation de la Râma Râjya Parisad ; bien que très différent du premier dans ses principes, il donnait extérieurement l'illusion de lui ressembler. L'objectif de ce Bhâratîya Jana Sangha - autant que de la Hindû Mahâsabhâ -, était l'établissement d'une « nation hindoue » : ils différaient de la Râma Râjya Parisad autant par leurs méthodes d'action que par leurs idées.
Mais un nouveau parti, l'Union du Peuple indien (Bhâratîya Jana Sangha), apparut peu de temps après la fondation de la Râma Râjya Parisad ; bien que très différent du premier dans ses principes, il donnait extérieurement l'illusion de lui ressembler. L'objectif de ce Bhâratîya Jana Sangha - autant que de la Hindû Mahâsabhâ -, était l'établissement d'une « nation hindoue » : ils différaient de la Râma Râjya Parisad autant par leurs méthodes d'action que par leurs idées.
Svâmî Karpâtrî croyait
que le bien public ne pouvait advenir qu'a travers un État «
dharmique ». Il soulignait que même si [le démon-roi de Lankâ]
Râvana avait été hindou et brahmane, son règne n'avait apporté
rien de bon. Donc, le bien public ne pouvait être garanti par la
création d'une « nation hindoue ». En conséquence, Svâmîjî combattit les arguments [ultra-nationalistes et
fondamentalistes] du RSS, de la Hindû Mahâsabhâ et du Jana Sangha,
et il souligna les différences entre les visées religieuses et
politiques de la Râma Râjya Parisad et l'idéologie de ces autres
partis.
Dans ce but, son ouvrage Le
Nectar de la pensée critiqua les thèses de La Crème de la
pensée de Golvalkar (le chef suprême du RSS, successeur de
Savarkar, se référait positivement à l'État nazi) et de Les
Six pages d'or de l'histoire indienne de Savarkar (un
nationaliste révolutionnaire), il réfuta spécialement les
positions du RSS dans sa brochure Le RSS et le dharma hindou.
Svâmî Karpâtrî ouvrit
les portes de la Rama Râjya Parisad à tout hindou, musulman,
chrétien, sikh, jaïn, parsi, bouddhiste, etc., pratiquant sa
religion avec honnêteté et rectitude. Dans son ouvrage
L'Assemblée du Royaume de Râma et les autres groupes, il
précise ainsi les différences entre la Râmarâjya Parisad et les
autres partis politiques :
"Il est évident
qu'aucun parti politique de ce pays n'est cohérent envers lui-même
et le public ; les buts de ces partis sont une chose, leur conduite
en est une autre. C'est pourquoi stabilité et confiance politique
font défaut en Inde ; le seul objectif des politiciens est
d'obtenir des voix à l'aide de fausses promesses. L'objectif de
la Râmarâjya Parisad, au contraire, est de sortir de cette
indignité et de mettre en pratique des idées politiques saines. La
Râmarâjya Parisad est aussi cohérente dans ses buts que dans ses
moyens. Il n'y a chez elle aucune sorte de duperie, aucune avidité
vis-à-vis de quoi que ce soit. Son seul but est d'établir une
politique fondée sur le dharma qui soit sans partialité [vis-à-vis
de toutes les religions]."
Le vénérable Svâmî
Karpâtrî parlait quelquefois d'un Français nommé Shiva Sharan
(Alain Daniélou), qui avait suivi ses idées. Il croyait que
Daniélou comprenait ses intentions et avait du respect pour lui.
C'est pourquoi il aurait donné sa bénédiction aux traductions de
ses articles par Shiva Sharan - dont nous pensions aussi qu'il
diffusait les idées de Svâmîji en Occident, ce qui
était tout à fait digne d'éloge.
Nous avons donc été
heureux lorsqu'un associé de Shiva Sharan, Jean-Louis Gabin, décida
de publier un recueil comprenant certains essais de Svâmîji traduits par son compatriote. Mais, à l'examen, on
découvrit que Shiva Sharan-Alain Daniélou avait déformé les
écrits de Svâmî Karâtrî et, en plusieurs endroits, les
avait falsifiés. Cela devint encore plus évident lorsqu'on
confronta les traductions aux articles originaux. Aucun de nous ne
s'était attendu à une chose pareille. Si Svâmîjî était toujours
vivant, sa confiance en Shiva Sharan aurait sûrement été
blessée. » […]
Les falsifications
d'Alain Daniélou
« En réalité, dit
Jean-Louis Gabin, pour l'essentiel, mais sans jamais le dire,
Daniélou a refusé les clarifications de Svâmî Karpâtrî et, sans
prévenir ce dernier, les a sciemment défigurées dans ses
publications. L'absolutisation du linga au détriment de la yoni,
l'assimilation de son culte aux cultes phalliques et à un hédonisme
plus ou moins maquillé en tantrisme, la scission entre Shiva et la
Déesse, l'opposition entre Shiva et Vishnou, la dévalorisation de
ce dernier et de la Déesse, la caractérisation de Shiva comme d'un
dieu de tamas, l'opposition des aryens « puritains » aux dravidiens
extatiques, la présentation de l'hindouisme comme fondamentalement
polythéiste — toutes les idées, en somme, par lesquelles les
ouvrages d'Alain Daniélou ont acquis leur célébrité — sont
totalement opposées aux points de vue de l'hindouisme traditionnel
exposés par Svâmî Karpâtrî. »
Jean-Louis Gabin ajoute à
propos de Svâmî Karpâtrî :
« Ce penseur mérite
d'être découvert et traduit pour ce qu'il peut apporter, du sein de
l'hindouisme orthodoxe, et en Inde même, notamment à la recherche
de l'entente entre les diverses religions, dans le respect des
particularités de chacune. » […]
Très éloigné du
polythéisme hindou exposé par Alain Daniélou, « l'Advaita
Vedânta est l'un des six « points de vue » orthodoxes de
l'hindouisme, et c'est celui où se place généralement Svâmî
Karpâtrî, rappelle Jean-Louis Gabin qui cite René Guénon : «
Tandis que l'Être est "un", le Principe suprême [désigné
comme brahman ou parabrahman] peut seulement être dit "sans
dualité" (advaita), parce que, étant au-delà de toute
détermination, même de l'Être qui est la première de toutes, il
ne peut être caractérisé par aucune attribution positive ».
Dans Svâmî Karpâtrî,
symboles du monothéisme hindou, Jean-Louis Gabin et Gianni
Pellegrini ont traduit de l'hindi et du sanskrit plusieurs textes de
Svâmî Karpâtrî. Dans ces textes, « ce qui ne peut manquer
de frapper le lecteur occidental c'est que les correspondances entre
Vishnou et la Déesse — assorties de précisions métaphysiques sur
le non-manifesté, l'obscurité primordiale, l'irruption de la
lumière dans la substance, de la conscience dans l'énergie — sont
données comme autant d'indications du processus individuel de
réalisation initiatique, qui passe par la discrimination entre la
connaissance ou gnose (jñâna) et l'ignorance (avidyâ). [...]
Partant du processus de la "manifestation" du monde pour aboutir à des applications doctrinales touchant directement au domaine de la réalisation spirituelle, ces textes abordent de nombreuses questions essentielles, depuis l'explication de la nature de l'univers jusqu'au sens de la vie humaine, de l'origine du déploiement cosmique jusqu'à ses correspondances dans le cœur humain. » (Gabin)
Svâmî
Karpâtrî
symboles
du monothéisme hindou
le
linga et la déesse
Svâmî Karpâtrî (1907-1982) rétablit dans ces pages l'évidence
du monothéisme hindou. Dans deux synthèses transcendantes sur le
linga, icône aniconique, symbole du Principe au-delà de la forme,
il met en pièces les idées fausses de « culte du phallus », de «
polythéisme hindou » et de « shivaïsme pré-aryen » diffusées
par le premier vulgarisateur de ces textes, Alain Daniélou. Puis,
dans un vaste panorama consacré à la Déesse - tour à tour héroïne
épique, principe féminin de grâce et de beauté, mais aussi
symbole du Principe suprême -, il établit des ponts entre deux
voies de réalisation spirituelle, l'Advaita Vedânta et Shrîvidyâ.
La traduction entièrement nouvelle, établie sur les originaux
publiés pour la première fois en Occident, met en lumière
l'enseignement doctrinal en acte d'un maître spirituel contemporain
qui combattit aussi bien le nationalisme néo-hindou que l'ingérence
de l'État séculariste dans les affaires de la religion.
Svâmî Karpâtrî, renonçant (samnyâsin) de la lignée
Sarasvati, artisan d'une restauration de l'hindouisme traditionnel et
auteur d'une quarantaine d'ouvrages, fut le chef spirituel d'une
grande partie de l'Inde du Nord dans les années qui ont précédé
et suivi l'indépendance de l'Inde.
Svâmî Shrî Svarûpânanda Sarasvati, Jagadgourou
Shankarcharya de Dvârakapîtha et Jyotispîtha, est l'une des plus
hautes autorités de l'hindouisme contemporain. Il fut un proche
compagnon de Svâmî Karpâtrî et le premier président de son parti
politique, la Râma Râjya Parisad.
Jean-Louis Gabin, docteur ès lettres, a étudié et enseigné
quinze ans en Inde, il a dirigé en 2009 à Bénarès l'ëdition
bilingue de The Linga and the Great Goddess de Svâmî
Karpâtrî et il est l'auteur de L'Hindouisme traditionnel et
l'interprétation d'Alain Daniélou (Éd. du Cerf 2010.)
Gianni Pellegrini, maître de Vedânta de l'université
sanskrite de Bénarès et docteur en indologie de l'université de
Venise, enseigne la philosophie indienne à l'université de Turin.
Il a obtenu le prix Sarasvati de sanskrit 2010 du Conseil indien pour
les relations culturelles et de l'Institut d'Asie du Sud de
Heidelberg.