vendredi, avril 05, 2024

L'anti-judaïsme mysticisant


"Retour du peuple juif à sa source initiale et à son centre initiatique"
Palestine 2023-2024
"Comment, écrit Paul Fenton, ce grand métaphysicien (René Guénon) tant attentif aux cycles cosmiques est-il demeuré insensible au retour du peuple juif à sa source initiale et à son centre initiatique (la Palestine) ?



L'anti-judaïsme mysticisant


Par Paul Fenton


Les Juifs constituent au gré de Guénon un peuple nomade. Or, le nomadisme dévié génère un côté maléfique et dissolvant, lequel prédomine inévitablement chez les Juifs déjudaïsés. Le discours guénonien est allé très loin dans ce sens, et nous sommes ici en présence de ce que l'on peut nommer un "anti-judaïsme mysticisant" qui a malheureusement été récupéré par des doctrines fort douteuses.

Hanté par les préjugés de l'éducation catholique de son temps, Guénon considère les Juifs comme les suppôts de la ténébreuse action anti-traditionnelle qui travaille à la dissolution et la destruction des institutions traditionnelles et à la déviation des courants mentaux « manipulés par certaines centrales d'énergie psychique relevant directement de la juridiction contre-initiatique ». Dans une note infra-paginale de son étude "Les méfaits de la psychanalyse", Guénon se demande :

"Pourquoi les principaux représentants des tendances nouvelles, comme Einstein en physique, Bergson en philosophie, Freud en psychologie et bien d'autres encore de moindre importance, sont-ils à peu près tous d'origine juive, sinon parce qu'il y a là quelque chose qui corresponde exactement au côté «maléfique» et dissolvant du nomadisme dévié lequel prédomine inévitablement chez les Juifs détachés de leur tradition (...)"

Il est à remarquer que dans sa diatribe contre l'"erreur psychanalytique", Guénon est bien plus tendre à l'égard de Jung qu'il ne le fut à l'égard de Freud qui incarne à ses yeux le "satanisme inconscient".

Dans le domaine de la philosophie contemporaine, Guénon se livre à plusieurs reprises à une critique du rationalisme moderne l'accusant d'avoir limité l'intelligence à la raison et d'avoir exclu l'intellect, instrument de la connaissance supra-rationnelle, démarche qui relève selon lui de l'action anti-traditionnelle. Il oppose l'intuition intellectuelle à l'intuition sensible de "certains philosophes contemporains" expression qui vise manifestement Henri Bergson. En effet, il réserve tout un chapitre de son "Règne de la quantité" à une dénonciation de l'intuitionnisme, qui, à son sens, accuse des affinités avec le "néo-spiritualisme" et découle de la solidification rationaliste, il se livre à une critique des "Deux sources de la morale et de la religion", où Bergson, dans son chapitre sur la « religion dynamique », avait traité du mysticisme oriental et des prophètes d'Israël. Guénon lui fait le reproche d'avoir perçu dans le "mysticisme" certains enseignements d'inspiration occultiste et théosophiste et censure ses préjugés vis-à-vis de la magie opératoire. Il en profite pour ajouter avec sarcasme : "II est bien regrettable que Bergson ait été en mauvais termes avec sa sœur Mme Mac-Gregor [...] qui aurait pu l'instruire quelque peu à cet égard". On sait que Mina Bergson (1865-1928) était une des protagonistes de la société occultiste anglaise du "Hermetic order of the Golden Dawn" (Ordre hermétique de l'Aube dorée) qui pratiquait, entre autres, la magie énochienne.

Guénon attribue un rôle subversif à plusieurs Juifs, qui incarnent à ses yeux les forces de la "contre-initiation" et qui sont curieusement presque tous, selon lui, des ex-rabbins ou des fils de rabbins. Comme "l'ex-rabbin Paul Rosen, alias Moïse Lid-Nazereth : il y a tout lieu de le considérer comme ayant été, dans l'affaire Taxil, un des agents les plus directs de la contre-initiation". Léo Taxil est le pseudonyme de Marie Joseph Antoine Gabriel Jorgand-Pagès (1854-1907) qui, tout en adoptant une interprétation "diabolisatrice" de la Maçonnerie, s'élevait contre le mythe de la "pieuvre judéo-maconnique". À la différence de ses contemporains ouvertement antijudaïques, il prit ses distances avec l'antisémitisme.

Il fut secondé par Samuel Paul Rosen (1840-1907), juif natif de Varsovie, qui vécut un temps à Constantinople où il devint franc-maçon. Après s'être rendu en France, il se convertit au catholicisme et écrivit en 1885 "Satan & Cie" qui eut "un prodigieux succès". Il y accusa la Maçonnerie de posséder une direction suprême à Berlin dont le but était de fomenter l'anarchie sociale et de détruire le catholicisme.

Au gré de Guénon, l'aventurier hongrois Ignaz (Isaac) Trebitsch-Lincoln (1875-1943) est aussi un agent de la contre-initiation. Né en Hongrie en 1875, issu d'une famille de rabbins, il passa au protestantisme en Allemagne. Ayant fait des études de théologie et résolu à convertir les Israélites au protestantisme, il devint missionnaire luthérien au Canada. Abandonnant l'Église, il se retrouve ponctuellement en Europe et en Asie, où il se convertit au bouddhisme et espionne en faveur des Japonais.

Dans sa correspondance, Guénon déplore la subversion des doctrines hindoues par l'influence intellectuelle exercée dans l'entourage de Sri Aurobindo par Mirra Alfassa (1878-1973), la Mère de l'Ashram de Pondichéry. Or, Alfassa, d'origine juive, avait été formée à l'occultisme pratique à Tlemcen par l'énigmatique Max Théon (1848 ?-1927). Ce dernier, de son vrai nom Louis Maximilien Bimstein, fut un Juif polonais et propagateur de la société occulte Hermetic Brotherhood of Luxor. Celle-ci, considérée comme suspecte par Guénon, joua un rôle essentiel dans le développement de l'occultisme en Europe.

L'accusation de contre-initiation que fait peser Guénon sur Albert Frank-Dusquesne (1896-1955) est fort intéressante en raison du profil emblématique de ce personnage. Fils d'un Juif converti au catholicisme en 1864, il descendait par sa lignée paternelle de l'apostat Jacob Frank (1726-1791), le mystique anti-talrnudique du XVIIIe siècle et, par sa grand-mère maternelle, d'Henri Heine. Doté d'un modeste savoir juif, il fut le disciple et l'ami du maître hébraïsant Paul Vulliaud. Après avoir appartenu à diverses chapelles occultistes, il rejoignit l'Église en 1940 mais continua à être tourmenté par la question juive. Dans un article paru dans Les Cahiers du symbolisme chrétien (juin-juillet 1948), Frank-Duquesne accuse Guénon d'avoir une attitude "aux antipodes de l'esprit chrétien". De son côté, Guénon riposte dans les Études Traditionnelles avec un compte rendu caustique de l'article du premier intitulé "Réflexions sur Satan en marge de la tradition judéo-chrétienne", au cours duquel il fait une mise au point à propos d'une interprétation jugée « tendancieuse » de la notion kabbalistique du sar ha- 'ôlâm "Prince du monde". Cette critique vaut à Guénon "une lettre de huit grande pages dactylographiées, qui n'est d'un bout à l'autre qu'un tissu d'injures d'une inconcevable grossièreté", Guénon rétorque longuement avec une réplique féroce dans les pages des Études Traditionnelles où il déclare, notamment :

"A part la grossièreté du langage qui lui est bien personnelle, les propos de ce soi-disant apôtre de la "charité chrétienne ", qu'il affecte de vanter à tout instant, rappellent à la fois les disputes hurlantes de la synagogue (il n'est pas fils de rabbin pour rien) et les querelles venimeuses des prêcheurs de « fraternité universelle » qu'on rencontre dans les milieux néo-spiritualistes."

C'est surtout dans ses comptes rendus, pour le moins complaisants, de certains livres d'un antisémitisme de la pire espèce qu'effleure chez Guénon une tendance anti-judaïque. C'est notamment le cas de ses recensions des ouvrages de l'essayiste polonais Emmanuel Malynski (m. 1938) et de son ami le journaliste catholique Léon de Poncins (1897- 1976). Ce dernier, pamphlétaire antisémite et antimaçonnique notoire, connut un certain succès dans les années 1930 en raison de ses théories conspirationnistes qui expliqueraient la plupart des grands bouleversements politiques et révolutionnaires par un complot judéo-maçonnique.

Ils signèrent conjointement le tristement célèbre "La Guerre occulte,- Juifs et francs-maçons à la conquête du monde" (1936) qui dès sa parution, fut traduit en italien par Julius Evola. Si dans le compte rendu qu'il en fait, Guénon cherche à nuancer le rôle exagéré attribué aux Juifs dans la domination du monde, il n'est pas en désaccord avec les auteurs sur l'analyse du fond :

"Les auteurs, qui dénoncent avec raison des erreurs communes comme celle qui consiste à croire que les révolutions sont des "mouvements spontanés", sont de ceux qui pensent que la déviation moderne, dont ils étudient plus spécialement les étapes au cours du XIXe siècle, doit nécessairement répondre à un "plan" bien arrêté, et conscient tout au moins chez ceux qui dirigent cette "guerre occulte" contre tout ce qui présente un caractère traditionnel, intellectuellement ou socialement. Seulement quand il s'agit de rechercher des "responsabilités", nous avons bien des réserves à faire ; la chose n'est d'ailleurs pas si simple ni si facile, il faut bien le reconnaître, puisque, par définition même, ce dont il s'agit ne se montre pas au dehors, et que les pseudo dirigeants apparents n'en sont que des instruments plus ou moins inconscients. En tout cas, il y a ici une tendance à exagérer considérablement le rôle attribué aux Juifs, jusqu'à supposer que ce sont eux seuls qui en définitive mènent le monde, et sans faire à leur sujet certaines distinctions nécessaires ; comment ne s'aperçoit-on pas, par exemple. que ceux qui prennent une part active à certains événements ne sont que des Juifs entièrement détachés de leur propre tradition, et qui, comme il arrive toujours en pareil cas, n'ont guère gardé que les défauts de leur race et les mauvais côtés de sa mentalité particulière ?"

La même position sous-tend sa recension de "La Mystérieuse Internationale juive" (1936) de Léon de Poncins, dans laquelle Guénon écrit : 

"Il y a assurément beaucoup de vrai dans ce qui y est exposé au sujet de deux «Internationales », l'une révolutionnaire et l'autre financière, qui sont sans doute beaucoup moins opposées réellement que ne pourrait le croire l'observateur superficiel [...] Il y aurait du reste, pensons-nous, une étude bien curieuse à faire sur les raisons pour lesquelles le Juif, quand il est infidèle à sa tradition, devient plus facilement qu'un autre l'instrument des "influences" qui président à la déviation moderne ; ce serait là, en quelque sorte, l'envers de la « mission des Juifs », et cela pourrait être mené assez loin."

Non seulement Guénon cautionne ce livre dans cette recension, mais, pis encore, il le cite plus d'une fois comme une référence lorsqu'il traite du péril de la conspiration révolutionnaire mondiale des Juifs.

Parmi les proches collaborateurs de Guénon figure Julius Evola (1898-1974), considéré par d'aucuns comme le co-fondateur du traditionalisme mais aussi un des théoriciens du racisme fasciste. Sur les questions que nous venons de soulever, ils sont sur la même longueur d'onde puisqu'Evola traduit en italien le livre de Malynski et de Poncins, "La Guerre occulte", dès sa parution. En outre, dans une étude consacrée aux rapports entre le judaïsme et la maçonnerie publiée sous le pseudonyme de Gherardo Maffei, Evola affirme que "l'échec des Juifs dans la réalisation des valeurs de la sacralité et de la spiritualité aboutit à une volonté de renversement de toutes les valeurs". Dans sa recension de l'article en question, Guénon approuve la théorie du prétendu rôle insidieux des Juifs dans la "contre-initiation" avancée par son collègue traditionaliste italien.

Au sujet du mouvement anti-traditionnel le métaphysicien français estime que :

"Dans l'Occident, nous comprenons aussi le judaïsme, qui n'a jamais exercé d'influence que de ce côté, et dont l'action n'a même peut-être pas été tout à fait étrangère à la formation de la mentalité moderne en général ; et, précisément, le rôle prépondérant joué dans le bolchévisme par les éléments israélites est pour les Orientaux, et surtout pour les Musulmans, un grave motif de se méfier et de se tenir à l'écart ; nous ne parlons pas de quelques agitateurs du type "jeune-turc", qui sont foncièrement antimusulmans, souvent aussi israélites d'origine, et qui n'ont pas la moindre autorité." [...]

(...) les Études Traditionnelles de janvier 1938 contient son compte rendu dithyrambique de la récente réédition italienne des Protocoles des Sages de Sion préfacée par Julius Evola qui affirme que :

"L'action subversive des Juifs se ressent dans les courants intellectuels, idéologiques et artistiques modernes". 

Guénon félicite le théoricien italien d'avoir essayé :  "de mettre un peu d'ordre dans les interminables discussions auxquelles ce "texte" a donné et donne encore lieu, en distinguant deux questions différentes et qui ne sont pas nécessaires et solidaires, celle de 1'"authenticité" et celle de la "Véridicité", dont la seconde serait selon lui (i.e. Evola), "la plus importante en réalité". Or, selon l'analyse d'Evola, "ce qui constitue l'élément de "Véridicité", c'est l'affirmation que toute l'orientation du monde moderne répond à un "plan" établi et imposé par quelque organisation mystérieuse, à quoi notre critique ajoute sur un ton approbateur : 

"À vrai dire, il n'était aucunement nécessaire d'être prophète pour s'apercevoir de ces choses à l'époque où les Protocoles furent rédigés, probablement en 1901 [...]. Alors déjà, bien qu'elles fussent moins apparentes qu'aujourd'hui, une observation quelque peu efficace y suffisait."

Enfin, l'appréhension à l'égard des Juifs frise parfois chez Guénon la paranoïa, comme en témoigne cette confidence faite à son ami brésilien F. G. Galvao

"À propos de portraits. il y a autre chose encore : je veux parler d'un véritable danger au cas où ils viendraient à tomber entre les mains de gens mal intentionnés ; ici même, il y a je ne sais combien de gens (des Européens et des Juifs) qui ont vainement cherché par tous les moyens à se procurer des photographies de moi : que voulaient-ils bien en faire ?" 

Il est regrettable que ces préjugés désuets qui devraient appartenir à une époque révolue continuent à nourrir la verve antisémite de nombreux blogs "guénolâtres" qui se réclament du Maître.

Source : Paul Fenton, "Guénon et le judaïsme" (PDF gratuit)



Réponse à Paul Fenton


En 2015, les éditions du Cerf ont publié, sous la direction de M. Philippe Faure, un recueil de dix-neuf études sous le titre "René Guénon, l’appel de la sagesse primordiale". Parmi ces textes, celui de M. Paul B. Fenton, intitulé « René Guénon et le judaïsme », a retenu notre attention. C’était la première fois que l’on abordait l’œuvre de Guénon dans ses rapports avec la tradition hébraïque. Dans son « Introduction », M. Faure s’appuie sur le travail de M. Fenton pour prétendre que Guénon aurait été victime des « préjugés de son temps », et qu’il aurait manifesté « un antijudaïsme » (p. 11). Cette lourde affirmation et cette très grave accusation portent en elles de si préjudiciables implications qu’il était nécessaire d’examiner le texte qui en est à l’origine.


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BONUS


PDF gratuit : "Synthèse de doctrine de la race"



Un rabbin affirme que les Juifs sont des extraterrestres venus pour « conquérir » la Terre.

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