dimanche, septembre 30, 2012

L'Étoile de la Rédemption




En 1982, lorsque L'Étoile de la Rédemption fut publié aux Éditions du Seuil (grâce à Olivier Mongin, qui dirigeait alors la collection Esprit) dans la magnifique traduction d'Alexandre Derczanski et Jean-Louis Schlegel, le livre fut salué comme marquant la découverte d'un grand philosophe jusque-là inconnu en France. Annonçant la prochaine sortie du livre, ainsi que celle du commentaire qui l'accompagnait , la revue Le Débat avait présenté L'Étoile de la Rédemption comme « l'un des ouvrages philosophiques les plus importants de notre époque », et comme « le dernier grand livre peut-être, porté par une inspiration religieuse ».

Paru en Allemagne six ans avant L'Être et le Temps, l'ouvrage de Rosenzweig anticipait, par beaucoup de ses thèmes, certaines des idées centrales du livre de Heidegger. Emmanuel Levinas s'en était inspiré dans Totalité et Infini, dont l'introduction rendait un hommage appuyé à Franz Rosenzweig et à L'Étoile de la Rédemption. Cette redécouverte de Rosenzweig en France marquait, en effet, la fin d'une longue éclipse. Lors de sa parution en 1921, L'Étoile de la Rédemption était passé presque inaperçu. Seul le jeune Gershom Scholem (il était âgé alors de 23 ans) avait compris d'emblée l'importance de cette œuvre, et en avait instamment recommandé la lecture à son ami Walter Benjamin, qui en avait été d'ailleurs profondément marqué. Mais l'Allemagne des années 20 avait d'autres soucis. Dans une Allemagne ruinée par la défaite, bouleversée par l'écroulement du régime impérial, menacée par l'anarchie et la Révolution, voici qu'un livre entreprenait d'élaborer une vaste construction spéculative qui, tout en se présentant comme universelle, se réclamait de certaines des catégories fondamentales de la pensée juive.

En 1929, Rosenzweig mourut ignoré par ses contemporains. Quatre ans plus tard, l'avènement du nazisme allait marquer la fin du judaïsme allemand, qui, de Moses Mendelssohn à Martin Buber, en passant par Heine et Kafka, Marx et Freud, Einstein et Schönberg, avait apporté à la civilisation de l'Europe moderne une contribution si exceptionnelle. Du même coup, l'œuvre de Rosenzweig allait être pratiquement oubliée, sauf par quelques initiés.

L'Étoile de la Rédemption porte clairement la marque de l'époque qui l'a vu naître. Conçu entre 1917 et 1918 dans les tranchées des Balkans, où Rosenzweig servait dans les rangs du corps expéditionnaire allemand, rédigé en six mois, de juillet 1918 à février 1919, le livre (comme le Tractatus de Wittgenstein, écrit à la même époque et dans des conditions comparables) a comme toile de fond l'écroulement, dans le feu et dans le sang, de l'Europe traditionnelle et des valeurs qu'elle incarne. Quelques mois auparavant, Rosenzweig avait publié, sept ans après l'avoir terminée, sa thèse de doctorat, Hegel et l'État, dans laquelle il reconstruisait minutieusement la genèse et les différentes étapes de la pensée politique de Hegel. Mais dans l'intervalle sa vision du monde, et en particulier son attitude vis-à-vis de Hegel, avaient radicalement changé. Ce qui l'avait amené à rompre brutalement, non seulement avec la pensée politique de Hegel, mais surtout avec sa philosophie de l'histoire et avec la métaphysique qui la sous-tendait, avait été l'expérience directe de la guerre.

Comme beaucoup d'hommes de sa génération, Rosenzweig avait vécu la guerre de 1914-1918 comme une catastrophe historique sans précédent, comme l'écroulement d'un ordre séculaire où s'attestait la stabilité d'une civilisation européenne, qui, par-delà guerres et révolutions, avait su garantir un minimum d'équilibre politique entre les nations, une apparence de paix civile dans la société, et où l'homme semblait occuper sa place naturelle dans l'harmonie générale du monde. Mais de ce sentiment largement partagé, Rosenzweig avait tiré une leçon philosophique de portée universelle. Pour lui, les champs de bataille de 1914-1918 ne marquent pas seulement la fin d'un ordre politique ancien, mais la ruine de toute une civilisation fondée, depuis les Grecs, sur la croyance en la capacité de la pensée de mettre en lumière la rationalité ultime du réel. Toute la tradition philosophique occidentale se résume dans l'affirmation selon laquelle le monde est intelligible, qu'il est en fin de compte transparent à la raison, et que l'homme lui-même n'acquiert sa dignité que dans la mesure où il fait partie de cet ordre rationnel.

Or, pour Rosenzweig, ce sont précisément ces présuppositions que la guerre de 1914-1918 est venue désavouer à jamais devant le spectacle du carnage insensé auquel se livrent les nations européennes — celles-là mêmes qui avaient inventé l'idéal philosophique d'un monde régi par le Logos il n'est plus possible d'affirmer que le réel est rationnel, ou qu'à la lumière de la Raison le chaos originel se transforme nécessairement en un cosmos intelligible.

D'un autre côté, l'individu, censé s'épanouir comme sujet autonome dans un monde réglé par la Raison, devient, dans la logique meurtrière instaurée par la guerre, un simple objet de l'histoire, quantité négligeable, numéro matricule sans visage, emporté malgré lui, avec des millions d'autres, dans le tourbillon des batailles. Or, dans sa Philosophie du droit. Hegel avait soutenu l'idée que tous les « peuples historiques » avaient été, chacun à son tour, investis par l'Esprit universel (Weltgeist) de la mission de faire progresser la Raison dans l'histoire et que cette mission les autorisait, pour la durée de leur domination, à régenter le monde selon leur bon vouloir. Rosenzweig avait décelé dans cette thèse, inspirée à Hegel par le spectacle des guerres napoléoniennes, la source philosophique du nationalisme moderne. Depuis la Révolution française, avait-il écrit dès 1916, tous les peuples occidentaux se pensent, de manière plus ou moins consciente, comme porteurs d'une mission universelle. C'est pourquoi il avait déchiffré la guerre de 1914-1918 comme un affrontement de nationalismes à caractère messianique. Aux yeux de Rosenzweig, l'expérience de la guerre avait été décisive, non pas parce qu'elle réfutait la philosophie de l'histoire de Hegel, mais au contraire parce qu'elle en confirmait la tragique vérité. « Hegel pris au mot » : telle était pour lui la clef de cette guerre où se révélait la logique secrète de l'histoire de l'Europe moderne. Dans la Philosophie du droit, Hegel avait soutenu l'idée que la civilisation européenne (qu'il dénomme « civilisation germanique ») représente l'accomplissement suprême de l'histoire universelle. En poussant cette idée jusqu'à sa conséquence logique, ne faut-il pas dire alors que l'écroulement, dans le feu et le sang, de l'Europe des États nationaux signifie en même temps la faillite de l'histoire universelle elle-même ? Telle est en tout cas l'une des affirmations centrales de L'Étoile de la Rédemption : l'histoire de l'Occident, qui est elle-même le dernier avatar de l'histoire universelle, repose nécessairement sur la violence et la guerre.

Le refus radical de l'histoire représente un des aspects centraux, et certainement les plus étonnants, de la pensée de Rosenzweig. On peut en distinguer deux autres, très différents en apparence, bien qu'en réalité ils finissent par s'articuler parfaitement les uns aux autres dans la logique interne de sa pensée : d'une part, une critique radicale de toute la philosophie occidentale, « de l'Ionie jusqu'à Iéna », et de son projet central, qui est de penser l'Être, c'est-à-dire d'englober la totalité du réel dans le système de la Raison ; d'autre part — et peut-être avant tout — le caractère spontanément religieux de sa vision du monde. Pour Rosenzweig, la guerre de 1914-1918 avait définitivement condamné la thèse centrale de toute la tradition philosophique occidentale, celle de l'identité fondamentale de l'Être et de la Pensée. Contre cette thèse, qui culmine dans l'idéalisme allemand, Rosenzweig se réfère à un autre système de représentations qui, parce qu'il lui paraît plus spontanément enraciné dans le concret de l'expérience, rend compte plus fidèlement que la philosophie classique de la réalité de l'homme et du monde : celui de la pensée religieuse, telle qu'elle s'était exprimée d'abord dans la vision du monde de l'Antiquité grecque, puis dans les catégories du judaïsme et du christianisme.

Ce qui, pour Rosenzweig, caractérise la philosophie occidentale, c'est qu'elle a toujours aspiré à rendre compte de la totalité du réel. Or, cette vision de la réalité comme Totalité, qui prétend libérer l'homme en le soumettant à un ordre raisonnable. l'enferme en réalité dans un système de lois anonymes, indifférentes à son destin personnel. La critique de la Totalité trouve sa source, chez Rosenzweig, dans le sentiment aigu que l'homme éprouve de son existence de sujet, existence qu'aucun système ne pourra jamais absorber. Cette évidence se dévoile à lui à travers deux expériences qui sont toutes deux de nature religieuse : l'angoisse devant la mort, dans la mesure où l'homme y prend conscience de sa finitude essentielle, et l'expérience personnelle de la Révélation, où il se découvre dépendant d'une altérité absolue qui le dépasse infiniment.

L'Étoile de la Rédemption s'ouvre par l'évocation de la première de ces deux expériences, alors que la description de la seconde forme le cœur du chapitre central du livre. Sur l'horizon de la guerre, le cri d'angoisse de l'individu devant la menace de la mort imminente exprime à la fois sa révolte devant la violence qui lui est faite — et qui, dans ce cas précis, est la violence de l'histoire —, et l'affirmation d'une évidence élémentaire, celle de son irréductible existence de sujet. C'est au moment où l'individu — défini comme simple partie d'un Tout — est menacé d'anéantissement, que le sujet en lui s'éveille à la pleine conscience de son unicité. Ce renversement paradoxal, par lequel la conscience fulgurante de sa condition mortelle révèle soudain à l'homme la réalité irréfutable de son existence personnelle, représente à la fois l'expérience originelle dont la philosophie de Rosenzweig est issue, et la figure de rhétorique qui sous-tend en permanence le déploiement de sa pensée. Celle-ci aboutira, à la fin de la troisième et dernière partie du livre, à une théorie de la vérité par laquelle la construction du système s'achève.

Dans cette théorie de la vérité se dévoile ce qui fait l'essentiel de la pensée religieuse de Rosenzweig, à savoir le parallélisme rigoureux entre le judaïsme et le christianisme, comme les deux paradigmes les plus accomplis de la Révélation. Pour Rosenzweig, l'essence du fait religieux renvoie moins à une attitude subjective qu'a la réalité quasi ethnologique d'un ordre spécifique, celui du sacré. Celui-ci est constitué par un temps, un espace et un rituel particuliers, vécus à travers l'appartenance à une communauté spécifique. Mais au-delà de leur horizon commun, ces deux paradigmes religieux sont profondément différents, et ce avant tout parce qu'ils symbolisent deux rapports opposés à l'histoire.

Pour Rosenzweig, la chrétienté incarne une visée collective vers la Rédemption à travers la réalité du monde et de l'histoire. Le peuple juif au contraire (dans sa pure essence religieuse) dessine le modèle d'une existence collective entièrement arrachée à l'histoire et qui anticipe, dès aujourd'hui, le monde de la Rédemption. Théorie paradoxale, dans la mesure où elle semble inverser la représentation que ces deux religions ont d'elles-mêmes : le christianisme est tout entier fondé sur l'idée que le Messie est déjà arrivé, le judaïsme sur la croyance en son avènement encore à venir. C'est que Rosenzweig ne part pas des contenus dogmatiques de ces deux religions, mais de leur réalité sociale et de leur place dans l'histoire. De ce point de vue, judaïsme et christianisme sont donc complémentaires. Le premier anticipe le modèle d'une humanité réconciliée, l'autre travaille à son avènement. Tous deux témoignent de leur propre part de vérité, mais la « Vérité-Une » les transcende l'un et l'autre.

Depuis la parution, il y a trente ans, de L'Étoile de la Rédemption en traduction française, l'analyse de la pensée de Rosenzweig s'est considérablement développée. Celle-ci avait d'abord été interprétée, surtout aux États-Unis et en Allemagne, comme une version religieuse de la philosophie de l'existence et comme une première tentative de mettre en lumière les convergences et les différences entre judaïsme et christianisme. C'est à Emmanuel Levinas que l'on doit la redécouverte de la dimension proprement philosophique de cette pensée, et avant tout de l'importance centrale, chez Rosenzweig, de la critique de l'idée de Totalité. A la suite de la réception en France des travaux de Hannah Arendt, la constellation intellectuelle des années 1980 avait été dominée par la critique du totalitarisme idéologique et politique. La pensée de Rosenzweig permettait de donner à cette critique un soubassement métaphysique, en soulignant l'affinité entre l'idée d'un Logos tout-puissant prétendant rendre compte de la réalité tout entière, y compris de la singularité irréductible du sujet, et la tyrannie d'idéologies visant à régenter le monde.

Cette affinité devint particulièrement sensible en 1986, lors du premier congrès international consacré à Rosenzweig à Kassel, où un groupe de jeunes philosophes polonais d'inspiration néo-marxiste témoigna du rôle central qu'avait joué pour eux la philosophie politique de Rosenzweig, et en particulier sa critique de l'État. Depuis, les études sur les aspects spécifiquement philosophiques de la pensée de Rosenzweig, en particulier sur sa conception du temps et sur sa philosophie du langage, se sont multipliées de par le monde.

En France, les travaux du regretté Jacques Rolland, de Guy Petitdemange, Bernard Dupuy, André Neher, Arno Münster, Dominique Bourel, Gérard Bensussan, Marc de Launay et Marc Crépon, Catherine Chalier, Pierre Bouretz, et ceux de Paul Ricœur, Jean-Luc Marion, et de Jacques Derrida ont mis en lumière l'actualité d'une pensée qui n'a pas fini de nous sur-prendre, et qui n'a pas encore livré tous ses secrets.

Stéphane Mosès, L'Étoile de la Rédemption, préface à la deuxième édition.


samedi, septembre 29, 2012

Gomo Tulku, le lama rappeur




Pendant la pause d’une session de mixage, dans un studio d’enregistrement à Milan, Gomo Tulku, un artiste de Hip Hop tibétano-américain, joue le sample qu’il va insérer dans l’intro de son premier single – un ensemble vocale qui ressemble étrangement à un chant du Bouddhisme tibétain. Un de ses producteurs italiens l’avait programmé sur son clavier, et quand Gomo l’a entendu pour le première fois, se rappelle-t-il, il a dit « c’est une drogue, je le veux. Yo, c’est ma culture ! »

Assis derrière la console multi-pistes, pivotant sur sa chaise Aeron et discutant avec les ingénieurs qui travaillent sur le mix (« Si, perfecto, bello »), Gomo Tulku ressemble comme deux gouttes d’eau à un aspirant rappeur : jeans, doudoune noire, chapeau Pork Pie gris, lunettes oversize noir et or Super (la marque milanaise préférée de Jay-Z et de Rihanna). Mais le jeune homme de 23 ans n’est pas vraiment le tombeur qu’il incarne dans la vidéo de son premier single, « Photograph », où il boit dans un club et conduit une limousine pendant qu’une foule de beautés italiennes à longues jambes l’assaillent. Gomo est connu comme « le lama rappeur ». On l’a préparé toute son enfance à devenir un lama de haut rang, et la vidéo a causé un petit tollé au sein de la communauté bouddhiste en ligne. Mais Gomo ne boit quasiment pas d’alcool, et il insiste sur le fait que « Photograph » est une chanson de rupture salutaire sur la seule histoire d’amour qu’il a eu depuis son départ du monastère. « Écoutez les paroles ! » dit-il. Le style beau gosse du hip hop était une idée de son directeur italien.

Le mot tulku, dans le nom de Gomo, fait référence à son statut – dans la tradition tibétaine, un tulku est la réincarnation d’un haut lama récemment décédé, « reconnu » dans un jeune garçon par le biais d’une procédure mystique de présages et de visions. Gomo a été consacré par le Dalaï-lama lui-même, et l’histoire de la propre reconnaissance de ce dernier est bien connue en occident – un jeune paysan venu d’un coin paumé arrive comme par magie à identifier les possessions préférées de son prédécesseur – ce qui a servi de base à une publicité de 2002 pour les M&M's.

Gomo a appelé son single « Take One » (première prise), parce que « c’est ma première prise, la première véritable expérience de ma vie en tant que laïc dans ce monde matérialiste », dit-il. Gomo, tibétain né au Québec et élevé au Canada, dans l’Utah et en Inde, a suffisamment de bon sens pour comprendre que les années qu’il a passées en tant que moine au crâne rasé constituent une irrésistible trame de fond pour un MC (« Master of Ceremony », c'est-à-dire un rappeur). Sa boucle sonore digitale – un grondement hypnotique de Oms qui ressemble à un croisement entre le coassement du crapaud-buffle et une guimbarde baissée de plusieurs tons - « évoque un univers de moines en robes bordeaux et safran soufflant dans des trompettes en os. Mais cela pose également la question suivante : quand le Dalaï-lama, âgé de 77 ans, quittera la scène, ce monde fait de 1500 ans de traditions religieuses et d’explorations spirituelles se réduira-t-il à un ersatz samplé dans une chanson hip hop ?

L’Amérique a été colonisée par le Bouddhisme tibétain a un degré extraordinaire. Le noyau de la communauté comprend peut-être 100 000 pratiquants purs et durs dans tout le pays.

Tout autour, gravitent plusieurs millions de voyageurs spirituels qui vont peut-être acheter les best-sellers du Dalaï-lama ou assister à ses conférences (il a acquis un statut de rock-star, depuis qu’à New York il a attiré une foule de 65 000 personnes venues à Central Park juste pour l’entendre parler). Aider à alimenter le phénomène est un pouvoir soft (mais réel) qui rend sa cause célèbre et constitue une deuxième religion dans le monde de la solidarité : des stars d’Hollywood comme Richard Gere gravitent dans l’entourage américain du Dalaï-lama, les concerts constellés de stars organisés par feu Adam Yauch des Beastie Boys (qui était pratiquant du Bouddhisme tibétain) pour soutenir la cause tibétaine, sans oublier les statues de Bouddha, les thangkas (peintures sacrées sur toile), et les drapeaux de prières qui ornent les studios de yoga du coin et les clubs de forme dans tout le pays.

Pour les centaines de tulkus tibétains qui ont atteint leur majorité après la prise de pouvoir de leur pays par la Chine en 1959, l’Inde est peut-être le pays où ils peuvent servir au monastère, mais c’est en occident que se trouvent les étudiants, la presse, et l’argent.

Pourtant il est difficile de savoir si le système des tulkus – qui, depuis ses débuts à l’époque médiévale, a été beaucoup plus une histoire de transfert du pouvoir monastique que la reconnaissance d’un génie spirituel – peut continuer à faire progresser l’engagement du Dalaï-lama avec l’occident. Le jeune Karmapa est l’héritier présomptif au rôle de ce dernier en tant que représentant mondial du Bouddhisme tibétain. Il se morfond dans le nord de l’Inde, en raison de tensions politiques en rapport avec la Chine. En son absence, les jeunes tulkus occidentalisés pourraient être la clé pour attirer une nouvelle génération d’Américains vers le Bouddhisme tibétain. Le problème, c’est que ces tulkus cosmopolites, sceptiques quant au fait d’être des lamas décédés, ne sont pas sûrs de vouloir le job.

Le sutra d'un rappeur

Le sort de Gomo semble avoir été scellé à l’âge de 3 ans, lorsque le Dalaï-lama a déclaré qu’il était la réincarnation du grand-père du garçon, un éminent lama tibétain.

Quand la lettre de reconnaissance officielle arriva du bureau de sa Sainteté, la pieuse mère de Gomo fut « à la fois triste et heureuse », dit-il. Elle perdait son fils qui devait partir au monastère mais, selon la tradition bouddhisme tibétaine, elle retrouvait l’esprit de son père.

Les premières années de la vie de Gomo furent nomades : né et élevé dans la ville francophone de Montréal, à l’âge de 5 ans il partit avec sa mère (ses parents avaient divorcé) pour Bountiful, dans l’Utah, banlieue essentiellement mormone de Salt Lake City. Quand il eut 6 ans, la mère et l’enfant (unique) voyagèrent jusqu’au minuscule village toscan de Pomaia. L’année suivante, le Dalaï-lama coupa les cheveux de Gomo, première étape de son initiation à la vie monastique. « Je me souviens que j’étais nerveux », dit Gomo, « il avait une telle présence ». Pendant son intronisation, Gomo était assis sur un trône élevé couvert de brocards, pendant que des centaines de moines et d’étudiants occidentaux se pressaient pour voir de plus près ce nouvel enfant lama. « Je me disais « Waouh, c’est incroyable », se rappelle-t-il. « Il y avait des photographes de douzaines de journaux et agences de presse du monde entier ». Il retourne au langage hip hop : « les flics, le 5-03 (Police en argot américain), étaient là et les repoussaient ».

Après une journée entière au studio, Gomo et moi partons pour un trajet de 4h vers le sud, direction Pomaia. Nous arrivons à minuit. Là, dans une villa en pierre du 19ème siècle, se trouve l’institut Lama Tsong Khapa. « Le petit Tibet de Toscane » (comme le décrit un site web touristique) est une étape régulière pour des éminences comme Richard Gere ou le Dalaï-lama. Une imagerie stéréotypée de Bella Toscana (des cyprès maigres et coniques, un paysage joli et broussailleux d’herbes parfumées) se marie bien avec des ajouts plus récents comme des drapeaux de prières et un moulin à prière géant en cuivre.

Le matin, au milieu des statues dorées de Bouddha de la salle de méditation, des tapisseries de soie, et des portraits du Dalaï-lama, Gomo apporte une détermination feutrée à ses prières.

« Ça me ramène à l’époque où j’étais au monastère », dit-il après avoir fini ses prosternations. « Nous avions l’habitude de prier tout le temps. Dès que je reviens dans ce genre d’endroit, j’essaie de toujours avoir de bonnes pensées, de bonnes intentions, j’essaie de me souvenir du but que je poursuis ». Gomo n’a passé qu’un an à Pomaia avant d’être envoyé au monastère de Sera Jey dans le Mysore, en Inde. Il lui a donné, en tout, 12 ans de sa jeune vie. Ses journées en tant que moine se déroulaient de la façon suivante : debout à 6h du matin, prières, chant, mémorisation de textes, page après page, et pratique des débats logiques bouddhistes jusqu’à minuit environ tous les soirs. « J’en ai bavé », dit-il, « pas de ce qu’on me donnait, mais beaucoup plus de ce qu’on m’avait enlevé ». Pas besoin d’un expert de Dylan pour déchiffrer les paroles de sa chanson « Lost and Found » (Perdu et trouvé) : « tout est parti, tout est parti, les baisers de ma maman me manquent / essayer de faire grandir un enfant / en le laissant tout seul / destiné à être sur un trône/ … Pourquoi n’es-tu pas restée, pourquoi n’es-tu pas restée ? »

Gomo est resté un bon soldat monastique jusqu’à l’âge de 15 ans, quand une idée audacieuse s’est emparée de lui : retrouver sa mère pour une année de lycée en Amérique. A Bountiful, c’était le gamin asiatique bizarre qui parlait un anglais fait de bric et de broc et « avait probablement l’air d’un crétin ». Il avait encore ses vœux de moines – pas de sexe, pas d’alcool –, ce qu’il cachait à ses camarades de classe, excepté à son meilleur ami. « Je voulais être capable de faire l’expérience de cette vie de môme », dit-il. « S’ils avaient su que j’étais un lama, ça aurait été un désastre ». Mais comparé à sa vie d’avant, ce séjour était une libération pure et simple. Son moment d’illumination sous l’arbre de la Bodhi eut lieu quand il entra dans une nouvelle boutique Apple à Salt Lake City et vit la vidéo de T.I. « Bring Em Out », qui passait sur un Ipod de 60 gigas récemment sorti. Ce morceau cru de gangster rap le « bouleversa », dit-il. « Quelque part son énergie fut une révélation ».

Bien qu’il eut fortement soupçonné qu’il n’allait pas garder la robe de moine, Gomo retourna à Sera Jey pour boucler les trois dernières années, obtenant l’équivalent d’un baccalauréat monastique, parce qu’il voulait finir ce qu’il avait commencé – ou ce qu’on lui avait fait commencer. La musique, particulièrement le hip hop, était vitale pour lui, sous la forme d’un casque audio et d’un lecteur de cd portable. « Je passais des heures à écouter de la musique jusqu’à, mettons, cinq heures du matin », dit-il. « Je me sentais connecté à elle, comme si c’était mon meilleur ami, une chose qui me comprenait. Mon serviteur frappait à la porte et me disait quelque chose du style, « Yo, rinpoché, il faut aller au lit maintenant ».

Il y a trois ans il a rendu ses vêtements de moine et il est retourné à Pomaia. Son enseignant monastique principal fut compréhensif, et il dit qu’en dépit de la déception, même sa mère lui dit « tant que tu ne dis pas le mot « fuck » (équivalent approximatif de « putain ») dans tes chansons ça me va ».

Cela fait un an et demi qu’il habite à Milan, et à l’exception d’une brève histoire d’amour avec une étudiante guatémaltèque dans le cadre d’un programme d’échange, il poursuit une carrière musicale avec une dévotion monacale, vivant d’une allocation versée par des bienfaiteurs italiens.

Bien que l’an dernier il ait été proclamé Meilleur Chanteur lors des Tibetan Music Awards (Version tibétaine des Victoires de la Musique) sur la base de son unique single en ligne (« Photograph »), Gomo peut assez bien être décrit comme un petit poisson dans un petit étang. Il attend, anxieusement, que l’industrie de la musique le sorte de l’obscurité.

Dans son studio de Milan, il écoute en boucle le play-back de « Let Me Down », dans lequel il rappe : « Impossible de s’étouffer, je me sens comme la cravate/ du dirigeant qui vous dit si ce que vous avez fait de mieux/ sera suffisant… Peur d’avoir l’air ridicule, mais j’ai assez de courage pour le faire/ Si tu as jamais douté de tes rêves/ Passe juste cette merde en boucle ».

Il écrit des mélodies bien construites, moitié rappées moitié chantées, prononcées d’une voix légère et douce – qui fait penser à Chris Brown ou à Drake avec une bonne dose de boys band. La branche italienne de Universal Records aime ce qu’elle a entendu, mais il attend encore de signer pour un disque. Jusqu’ici, les lamas les plus anciens ont gardé le silence sur son choix de carrière. J’ai demandé à Gomo quelle peut être la réaction du Dalaï-lama. « Il consulte mes vidéos sur YouTube – et, « C’est chaud ! », plaisante Gomo. Puis, dans un style plus sérieux qui n’est jamais loin derrière le vernis hip hop : « Je serais honoré s’il avait entendu parler de moi. En fait je pensais aller le voir. Voyons d’abord ce qui se passe avec ma musique, et si les choses commencent à mûrir, j’irai peut-être lui l’expliquer ».

Article de Joseph Hooper, « Partis de leur OM, les lamas perdus du bouddhisme »




L'histoire de Gomo Tulku fait penser à un autre tulku défroqué, Ösel Hita Torres, un jeune espagnol né à Grenade en 1985, reconnu par le Dalaï-lama comme la réincarnation d’un hiérarque du lamaïsme. 

Ösel Hita Torres reproche aux lamas son enfance volée. Il préfère étudier le cinéma et travailler que de vivre en maître adulé, soit-disant réincarnation de ThubtènYéshé (1935–1984). 


mercredi, septembre 26, 2012

Inde, ce que les médias ne disent pas





En Inde, prétendue terre de spiritualité, une armée de prolétaires athées s'oppose à la plus grande « démocratie » du monde. En effet, l'armée populaire, fondée par des paysans maoïstes, lutte contre le pouvoir capitaliste de Delhi qui dépouille les villageois de leurs ressources naturelles.

En Inde, les paysans endoctrinés par les prêtres étaient résignés quand on les spoliait. "C'est votre karma !" leur disait-on. A la fin des années 60, un vent venu de Chine maoïste balaya les superstitions et les dogmes religieux qui font si bien le jeu des exploiteurs.

La rébellion indienne s'est répandue dans la plupart des États de l'Inde, en particulier le long d'un « corridor rouge » couvrant le Jharkhand, le Bengale occidental, l'Orissa, le Bihar, le Chhattisgarh, l'Andhra pradesh.

Les médias se gardent bien d'évoquer la lutte armée du peuple indien contre le capitalisme, cela pourrait donner des idées aux populations occidentales qui subissent la crise et la rigueur pendant que les riches continuent à s'enrichir sans complexe.

Faut-il soutenir la jacquerie du peuple indien ?

"Depuis le soulèvement de Naxalbari en 1972, la Guerre Populaire dirigée par les forces maoïstes n'a pas cessé. Depuis 2004, elle connaît même un nouveau développement avec la création du Parti Communiste d'Inde (maoïste), fruit de l'union des principaux groupes maoïstes. Aujourd'hui, l'Armée Populaire de Libération dirigée par le PCI est présente sur un tiers du territoire indien, ce qui a permis dans certaines régions de développer la démocratie nouvelle. Dans ces zones libérées par les révolutionnaires, les problèmes ne sont pas posées en terme de garantir les profits des multinationales, des propriétaires terriens et des intermédiaires mais plutôt de garantir une amélioration des conditions de vie :

- mise en place de centres de santé (le taux de mortalité infantile est près de 13 fois supérieur à celui de la France),

- développement d'une éducation accessible à toutes et tous (26% d'analphabètes — 18% pour les hommes et 35% pour les femmes),

- construction de canaux d'irrigation pour améliorer l'indépendance alimentaire (en 2000, 70% de la population en dessous du seuil de pauvreté calorique),

- garantie de l'accès à la terre (le système semi-féodal est toujours en cours),

- préservation de l'environnement (pollution des sols par les compagnies minières, assèchement des eaux par les usines comme Coca-Cola, cultures OGM de coton improductives, construction d'un réacteur nucléaire par Areva sur une zone sismique),

- abolition des castes (plus de 6200 crimes et délits contre les intouchables),

- égalité hommes/femmes,

- etc.

Plutôt présent dans les zones rurale ; les révolutionnaires se sont fermement opposés à l'accaparement des terres et des ressources par les grandes sociétés multinationales minières (à Singur, Nandigram et Lalgarh notamment) conduisant à l'appauvrissement des populations locales et à la destruction de l'environnement dont elles tirent leur subsistance.

Suite à cette résistance légitime, l’État indien a décidé en 2009 de lancer une offensive contre sa propre population : l'opération « Green Hunt ». Plus de 100 000 soldats et paramilitaires ont donc été envoyés dans les zones contrôlées par les maoïstes. De nombreux rapports issus de personnalités et d'organismes divers mettent aujourd'hui en avant les tortures, massacres et disparitions commises par les forces armées gouvernementales.

Une partie des intellectuels, des pacifistes, soutient ou sympathise avec les maoïstes et proteste contre les assassinats de dirigeants, de militants et dénoncent les exactions, massacres, viols exercés contre les civils par l'armée indienne. L'influence des révolutionnaires dans les villes commence à grandir.

Cette année 2012 a été témoin d'une augmentation de la colère des masses indiennes : plus grosse grève générale de l'histoire en février, soulèvement dans l'usine Suzuki et Regency KC,...

Pays émergent de plus d'un milliard d'habitant; l'Inde a des visées impérialistes en Afrique, comme la Russie, la Chine et le Brésil. D'un autre côté, elle facilite grandement l'implantation des sociétés multinationales en créant des Zones Économiques Spéciales où le droit du travail est modifié et où les terres, l'eau et l'électricité sont très peu cher voire gratuit. Les répercussions sont dramatiques. L'exemple le plus frappant est sûrement celui de la ruine de dizaines de milliers de paysans devenus dépendants du coton transgénique. Depuis 25 ans, 200 000 se seraient donné la mort pour échapper à la misère (8 000 suicides par an !).

L'impérialisme français n'est pas en reste puisqu'il existe une Chambre de Commerce franco-indienne de 49 conseillers et un groupe d'avocats (UGGC) spécialisé dans l'assistance aux « entreprises européennes à leurs différents stades d'intervention sur le marché indien. » En 1998, un partenariat stratégique a été établi entre la France et l'Inde autour de 3 axes : coopération nucléaire civile, coopération de défense, coopération spatiale. L'impérialisme français est en outre présent dans différents secteurs en Inde dont voici certains des principaux représentants : Dassault (armes), Thalès (aviation), Thompson (électronique), Areva (nucléaire), Total (énergie), Suez (eau), Carrefour (distribution), Danone (agroalimentaire), Lafarge (ciment), Michelin (pneus), Alstorn (ferroviaire), Geodis (transport), L'Oréal, Sodhexo,...

Les actionnaires et patrons de ces entreprises exploitent les ouvriers et travailleurs indiens, profitent des bas salaires, de manque de droits sociaux, d'avantages multiples (prix des terrains, remise d'impôts et de taxes, etc). Les mêmes patrons exploitent ici en France les ouvriers et travailleurs, licencient à tour de bras, ferment des entreprises, augmentent les cadences. Soutenir la guerre populaire est en fait soutenir ici et là-bas la lutte contre les mêmes patrons.

Nous devons prendre exemple sur les ouvriers de Michelin Clermont-Ferrand qui se sont opposés à la construction d'une usine en Inde sur les terres des paysans pauvres. Dans leur communiqué, ils affirment : « En Inde, un conflit terrible oppose un village d'Intouchables — les plus méprisés de ce pays de castes — et Michelin, notre grande transnationale du pneu. Thervoy Kandigai est un bourg du Tamil Nadu, État du sud de l'Inde. Il compte environ 1500 familles, qui vivent depuis toujours des pâturages et forêts proches de Thervoy. Tel est leur territoire, que Michelin s'apprête à détruire pour l'éternité avec cette usine. Non seulement la forêt, espace indispensable à la survie de cette population sans terre, est confisquée mais elle a déjà commencé à être détruite, risquant par la même de tarir les tacs approvisionnant les villages focaux en eau. »

Nous devons soutenir la Guerre Populaire en Inde car elle est le seul moyen par lequel les paysans et travailleurs, hommes et femmes, d'Inde pourrons trouver la voie vers une société débarrassée de l'exploitation et de l'oppression qu'ils et elles subissent tous les jours.

Nous devons condamner le rôle de l'impérialisme français en Inde en nous unissant à nos frères et sœurs de lutte.

Une réunion d'information pour préparer la Conférence Internationale de Soutien à la Guerre Populaire se tiendra à Hambourg le 24 novembre 2012.

Nous organisons un départ commun. L'hébergement se fera sur place et sera pris en charge."

Si vous ne pouvez pas venir à cette réunion, prenez contact avec le Comité de Soutien à la Révolution en Inde csrinde@yahoo.fr / http://csrinde.wordpress.com/

Source : http://csrinde.wordpress.com/


Les veines ouvertes du géant vert, un reportage d'ARTE (14 mn)




mardi, septembre 25, 2012

SDF & vagabonds




Les vagabonds sont gens sans aveu. S'il y a eu toutes sortes de vagabonds et de vagabondages, si l'errance, solitaire ou en bande, a eu toutes sortes de fonctions sociales, s'il y a eu toutes sortes de répressions ou de récupérations de la fugue, il n'y a guère qu'une définition du vagabondage, à travers les temps et les lieux : les vagabonds sont gens sans aveu. Au sens du droit féodal, celui qui n'avoue pas, celui qui ne rend pas l'hommage, c'est celui qui ne se reconnaît aucun suzerain, ou qu'aucun suzerain ne réclame, ne se fixe donc nulle part, ne demande aucune protection et ne peut prétendre à aucune. Son plaisir est de ne dépendre de personne, son risque de n'être défendu, réclamé par personne. Il prend de la vie sociale ce qu'il peut ou ce qui lui plaît, jusqu'à ce qu'il se range, ou qu'on le range.

C'est pour distendre le lien de l'aveu et ses rigueurs que des serfs se regroupent et vagabondent, après la croisade de 1146. Leurs rangs se grossissent de ceux que l'expédition a ruinés, de vagabonds isolés, de voleurs de tous acabits. Un grand déplacement de paysans-esclaves répond au grand mouvement vers Jérusalem, pour tenter de secouer le joug. Ils seront matés. A la fin du siècle, vers 1180, des bandes de « routiers » se constituent, qui se mettent au service d'un seigneur ou d'un autre, et souvent contre leur ancien employeur, pour organiser la conquête et le pillage d'une région. Un charpentier du nom de Durand lève contre eux une sorte d'armée populaire, la Confrérie de la Paix, et les extermine en 1183, à Dun-le-Roy. Mais ces vagabonds-justiciers se retournent bientôt contre les seigneurs et veulent châtier les féodaux : à son tour, la Confrérie de la Paix est décimée.

Plus tard, quand la conquête turque dévaste l'Empire byzantin, des bandes de Bohémiens, d'Égyptiens et de Tziganes sillonnent les routes de l'Europe avec plus ou moins de bonheur. A chaque famine, la misère lance à l'aventure des hordes de toute espèce, tels ces « coquillards », faux pèlerins de Saint-Jacques, organisés hiérarchiquement pour le pillage et le vol. Les universités attirent les groupes d'étudiants gyrovagues, qui pensent y trouver leurs titres à meilleur marché, et courent de Dole à Caen, de Nantes à Bordeaux, de Bourges à Valence. La misère aussi a ses facultés, où l'on apprend l'un des trente-six métiers de mendiants répertoriés par les historiens de la cour des miracles. Des professions plus « avouables », mais non moins vagabondes, charbonniers ou bûcherons, par exemple, entraînent des migrations perpétuelles, parfois violemment réprimées .

Au fur et à mesure de l'unification nationale, avec chaque guerre puis avec chaque entreprise coloniale, l'armée absorbe par n'importe quel moyen ceux qui sont sans feu ni lieu. En 1656, l'Hôpital général devient le premier lieu de détention-protection des vagabonds. On tente d'en diminuer le nombre en interdisant successivement la mendicité et l'aumône. Une ordonnance royale de 1700 frappe d'une amende de cinquante livres toute personne surprise à donner à un mendiant. Puis, une fois de plus, on applique à l'errance sans but un traitement homéopathique : l'errance finalisée. Après ou avec l'expédition militaire, l'expédition coloniale. Le 12 mai 1719, la Compagnie d'Occident est autorisée à « prendre les jeunes gens des deux sexes que l'on élève à la Pitié, à la Salpêtrière et aux Enfants Trouvés, et à les transporter dans l'Amérique française ». Déportation des valides, enfermement des inutiles.

En réalité, la politique lareynienne d'édification de la ville en un continuum administrable suppose une élimination permanente des indomiciliés, en même temps que, par la destruction de certains quartiers et le nouveau modelage de la ville, elle déracine une énorme quantité de citadins et en fait des sans feu ni lieu, des mendiants, des personnes déplacées. C'est dans la mesure où l'intervention étatique sur la ville est d'abord un désordre considérable que s'ouvre la période d'intervention permanente contre le vagabondage, que se rétrécit la définition de l'aveu, que l'identité sociale doit, pour être avouable, comporter de plus en plus d'éléments. La police, qui devient la science de l'urbain, fait l'objet d'un traité monumental en trois volumes, rédigé par l'adjoint de La Reynie, de La Mare, et publié avec un succès européen. [...]

L'Empire offre l'armée ou la prison. Un décret du 5 juillet 1808 « sur l'extirpation de la mendicité» punit les mendiants d'une peine de trois à six mois d'emprisonnement, à l'issue de laquelle ils seront conduits dans un dépôt de mendicité où on leur donnera du travail. Le code pénal de 1810 va plus loin, qui range la mendicité et le vagabondage dans son chapitre III « Crimes et délits contre la paix publique. » La résorption du vagabondage est confirmée comme une tâche et une traque continues ; le vagabondage est un délit, une infraction permanente, punissable en tout temps : « Les vagabonds, ou gens sans aveu, sont ceux qui n'ont ni domicile certain ni moyens de subsistance et qui n'exercent habituellement ni métier ni profession. » [...]

En 1810, il fallait, pour être condamné, n'avoir ni métier ni domicile ; à partir de 1908, dans les textes, mais bien avant dans la jurisprudence, il fallait que le métier et le logement soient avouables ; les projets de 1945, qui aboutiront aux textes de 1958 et 1970, font qu'on peut être vagabond en ayant un domicile certain et un métier avouable. C'est le vagabondage à domicile. Ce vagabond à domicile, le code civil lui donne un nom : « enfant en danger moral ». Le mouvement de l'intervention de l'appareil judiciaire est un mouvement constant d'extension tous azimuts : extension des faits que recouvre la notion de vagabondage, extension des modes de prise en charge et diversification (la prison, le quartier spécial, la colonie pénitentiaire, la liberté surveillée, puis, à partir de 1958, l'assistance éducative en milieu ouvert), extension du champ de la prise en charge (le mineur seul, puis le mineur et sa famille, puis le mineur, sa famille et son milieu), extension enfin de la durée de cette prise en charge : durée fixe, puis durée indéterminée jusqu'à la majorité.

Philippe Meyer

Le vagabondage en Orient : le sannyâsin itinérant

Versailles
(DVD)

« Paris, aujourd'hui. Un enfant et sa jeune mère dorment dehors. Nina est sans emploi, ni attaches. Enzo a 5 ans. Leur errance les conduit à Versailles. Dans les bois, tout près du château, un homme vit dans une cabane, retranché de tout. Damien. Nina passe une nuit avec lui. Au petit matin, Nina laisse l'enfant et disparaît. A son réveil, Damien découvre Enzo, seul. Au fil des jours, des saisons, l'homme et l'enfant vont se découvrir, s'apprivoiser, s'attacher. Leur lien sera aussi fort que leur dénuement. Un jour pourtant il faudra quitter la cabane... »





lundi, septembre 24, 2012

La face cachée de l'islam





La mondialisation a-t-elle un caractère foncièrement antitraditionnel qui s'oppose à toute véritable spiritualité, et tend-elle à constituer une contre-tradition planétaire ? Pour finaliser cette contre-tradition et permettre le triomphe total de la hiérarchie malfaisante actuellement à l'œuvre dans l'ombre de la mondialisation, l'islam authentique est-il le dernier obstacle à abattre ? Pour détruire l'islam, les fanatiques religieux et les faux instructeurs spirituels sont certainement plus efficaces que les GI américains.

Roger Maridort est l'auteur de l'avant-propos du livre de René Guénon « Aperçus sur l'ésotérisme islamique et le Taoïsme » :

« Dans l'Islamisme, a écrit Guénon, la tradition est d'essence double, religieuse et métaphysique ; on peut qualifier très exactement d'exotérique le côté religieux de la doctrine, qui est en effet le plus extérieur et celui qui est à la portée de tous, et d'ésotérisme son côté métaphysique, qui en constitue le sens profond, et qui est d'ailleurs regardé comme la doctrine de l'élite ; et cette distinction conserve bien son sens propre, puisque ce sont là deux faces d'une seule et même doctrine. »

Il convient d'ajouter que, pour Guénon, l'ésotérisme est toujours et partout le même, quels que soient les noms qu'on lui donne suivant la variété des pays et des traditions, Si la connaissance véritable de l'ultime Réalité est l'objet final de la recherche ésotérique, les méthodes utilisées, bien que souvent analogues, ne sont pas forcément identiques ; elles peuvent varier comme varient aussi les langues et les individus. « La diversité des méthodes, nous écrivait Guénon le 3 octobre 1945, répond à la diversité même des natures individuelles pour lesquelles elles sont faites ; c'est la multiplicité des voies conduisant toutes à un but unique. »

Dans ce petit livre, nous avons réuni en chapitres un certain nombre d'articles anciens relatifs au taçawwuf (soufisme), c'est-à-dire à l'ésotérisme islamique. On complétera non seulement par quelques passages qui y font allusion dans ses différents ouvrages, notamment dans Le Symbolisme de la Croix, mais aussi par deux articles reproduits dans les Symboles fondamentaux : « Les mystères de la lettre Nûn » et « Sayful-Islam ».

Nous avons donné comme premier chapitre l'article sur Ésotérisme islamique, paru dans Les Cahiers du Sud, bien qu'il soit postérieur aux autres pour la date de parution, parce que c'est celui qui précise le mieux les particularités de l'initiation dans l'Islam, et définissant les notions fondamentales du soufisme : Shariyah – Tarîqah – Haqîqah ; la première constituant la base exotérique fondamentale nécessaire ; la seconde la Voie et ses moyens ; la troisième le but ou le résultat final. Dans les autres chapitres, Guénon expose avec sa clarté synthétique habituelle ce qu'est le Tawhid et le Faqr, et donne des exemples de sciences traditionnelles à propos de l'Angélologie de l'alphabet arabe, de la Chirologie et de la Science des lettres.

René Guénon a longuement parlé, notamment dans les Aperçus sur l'initiation, Le Règne de la quantité et les signes des temps et Initiation et réalisation spirituelle, de ce qu'il a appelé la « Contre-initiation » et la « Pseudo-initialion ». Les auteurs arabes ont traité aussi de cette question à propos des awliyâ es-shaytân et à propos des « faux soufis » qui sont, dit l'un d'eux, « comme des loups parmi les hommes ».


Abû Ishaq Ibrâhim al-Holwâni demandait un jour à Hussein ibn Mançûr al-Hallâj ce qu'il pensait de l'enseignement ésotérique. Al-Hallâj lui répondit : « Duquel veux-tu parler, du vrai ou du faux ?  S'il s'agit de l'ésotérisme vrai, la voie exotérique (sharîyah) est son aspect extérieur et celui qui la suit vraiment découvre son aspect intérieur qui n'est autre que la connaissance d'Allah ; quant au faux ésotérisme, ses aspects extérieurs et intérieurs sont tous les deux plus horribles et détestables l'un que l'autre. Tiens-t'en donc à
l'écart. »

Guénon dira semblablement : « Quiconque se présente comme instructeur spirituel sans se rattacher à une forme traditionnelle déterminée ou sans se conformer aux règles établies par celle-ci ne peut avoir véritablement la qualité qu'il s'attribue ; ce peut être, suivant les cas, un vulgaire imposteur ou un " illusionné ", ignorant les conditions réelles de l'Initiation ; et dans ce dernier cas plus encore que dans l'autre, il est fort à craindre qu'il ne soit trop souvent, en définitive, rien de plus qu'un instrument au service de quelque chose qu'il ne soupçonne peut-être pas lui-même. »

Le denier chapitre est consacré au Taoïsme et au Confucianisme. Il montre que la différence entre l'ésotérisme et I' exotérisme se rencontre également dans les formes non religieuses de la Tradition, Et c'est normal, puisqu'il s'agit la, tant pour les rites que pour la perspective, d'une différence de nature et même de nature profonde.

Beaucoup plus ancien que La Grande Triade, le dernier livre que Guénon ait publié de son vivant, et où il a parlé le plus de la civilisation chinoise, cet article contient une réflexion finale qui ne manque pas d'intérêt. Guénon y déclare en effet que quelles que soient les conditions cycliques qui pourront entraîner la disparition plus ou moins complète de l'aspect extérieur de la tradition chinoise, l'ésotérisme de celle-ci, le Taoïsme, ne mourra jamais, parce que, dans sa nature essentielle, il est éternel, c'est-à-dire au-delà de la condition temporelle.


Roger Maridort


Ce livre réunit un certain nombre d'études que René Guénon a consacrées au soufisme. Il y montre que celui-ci n'est nullement une secte, mais le cœur, le noyau de la tradition islamique. Il s'agit là, bien entendu, du soufisme, disons le mot, orthodoxe, lequel implique une transmission initiale remontant au prophète Mahomet, et non de pseudo-organisations qui ne peuvent revendiquer une filiation valable.

Le dernier chapitre de cet ouvrage est consacré au taoïsme et au confucianisme de même qu'à la permanence du tao, en dépit de la destruction plus ou moins complète de l'aspect extérieur de la tradition chinoise.

Pour René Guénon, quelle que soit la diversité des méthodes, l'ésotérisme est partout et toujours le même : il procède de la même tradition primordiale. La hiérarchie du soufisme, avec son chef, son pôle, se retrouve à peu près pareille dans les autres formes de l'Orient... [...]

Quant à l'influence spirituelle, d'origine non humaine, elle dirige les diverses organisations initiatiques, mais c'est par l'intermédiaire de celles-ci que devra s'opérer la marche descendante du cycle comme sa remontée finale. Car, dans la conception traditionnelle du monde, l'histoire de l'humanité est inscrite dans un ensemble de mouvements cycliques : chaque période, ses rites, ses dogmes et sa spiritualité, ses crises et ses révolutions, sa hiérarchie sociale et son industrie, correspondent exactement à un acte — une actualisation — du grand projet divin. Le monde ne pourrait ainsi mourir du jour au lendemain, n'en déplaise aux tenants de l'« Apocalypse » à tout prix et à tous ceux, si nombreux, qui n'ont vu dans René Guénon qu'un esprit chagrin qui s'attaquait au monde moderne. Pour Guénon, en effet, ce monde a sa réalité profonde et sa nécessité : sa chute matérialiste nous prépare à une nouvelle — proche ou lointaine ? — assomption de l'esprit.
Question de n°1

dimanche, septembre 23, 2012

La société secte




Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres,
combien seront grandes ces ténèbres.
Matthieu 6:23

Après les retentissements médiatiques des deux massacres du Temple Solaire, bien peu savaient ce qu'était le phénomène des sectes dans le monde. Ce n'est que lorsque Shoko Asahara, le gourou de la secte Aum, avait décrété la fin du monde et qu'il ait gazé le métro de Tokyo, que les pouvoirs publics se sont tout de même penchés sur le problème, avec d'ailleurs, beaucoup d'hypocrisie. Il est exact que si l'on touche aux convictions religieuses de chacun, on malmène alors la démocratie ce qui, égratigne la susceptibilité de certains politiciens très attachés aux valeurs de la démocratie libérale.

Parce qu'en fin de compte, ces sectes, toutes tendances confondues, rendent un service à la société et certainement encore davantage aux partis politiques quels qu'ils soient. Des millions d'adeptes à travers le monde remuent ciel et terre pour parfaire l'humanité, rendre l'homme plus sage, le rendre plus religieux, plus modeste, plus spirituel enfin de compte, c'est un bel idéal que tout homme politique souhaiterait voir apparaître. Lorsque tous les hommes seront devenus pareils à des agneaux, et c'est pour bientôt, il n'y aura plus de revendication, il n'y aura plus de manifestation, il n'y aura plus d'opposition politique ni de contestation. A la place, on ira tous prier dans le temple du quartier. Il n'y aura plus de patron, mais tout simplement un gourou d'entreprise cherchant la résolution du problème de l'adepte au travers d'un téléphone portable, il n'y aura plus de curé mais des messies apportant la vérité sur une disquette d'ordinateur.

Les gouvernements du monde voient d'un très bon œil toutes ces sectes, elles apportent finalement des réponses auxquelles aucun homme politique ne peut répondre. Elles contiennent tous les ressentiments, toutes les frustrations et aussi, tous les désirs et tous les fantasmes de leurs adeptes. Ces hommes et ces femmes, déçus de ne pouvoir s'exprimer dans une société qui, de toutes façons ne les écoute pas, et qui de toute manière, n'a que faire des considérations spirituelles des uns et des autres, sont finalement contenus et soumis ainsi à une autorité parallèle à celle du pouvoir politique.

Cette autorité parallèle offre un service gratuit aux politiciens, c'est comme une sorte d'assistance publique mais qui en plus, répond à ses patients d'une manière spirituelle. Elle débarrasse finalement la société de ses inadaptés, de ses mécontents et surtout de ses contestataires en mal de Dieu.

On peu faire une constatation avec des pays musulmans comme l'Algérie ou l'Iran qui, au contraire de nos pays, ne parviennent plus à contenir l'intégrisme islamique. Le regain de religiosité est tellement multiforme et le besoin de réponse religieuse si fort, que le pouvoir entier en est ébranlé.

Au contraire des pays musulmans, la faculté d'absorption en Amérique et en Europe des mouvements religieux ou sectaires a été développée de façon à ce qu'ils puissent s'épanouir en toute liberté. Ce système a été fait de manière à ce que chaque personne puisse trouver la religion ou la croyance de son choix. Il trouvera toujours ce qu'il cherche mais la condition sera qu'il ne pourra revendiquer politiquement sa croyance, il n'aura donc pas la possibilité de faire pénétrer et reconnaître sa croyance dans les institutions publiques. Par contre, les mouvements religieux et sectaires, lui ouvriront les portes et il bénéficiera de toutes les attentions nécessaires.

Ce système a permis aux politiciens d'éliminer une grande partie de ses responsabilités, vis-à-vis des aspirations autres que matérielles du peuple.

Le mal de vivre aujourd'hui touche une grande partie de l'humanité, tout le monde souhaite refaire le monde et apporter ses remèdes. C'est l'ère des faux prophètes déjà dénoncée dans la bible, on veut bien changer le monde mais à sa manière et à condition qu'on ait le pouvoir. C'est l'époque de la course au spirituel, c'est la lutte acharnée à la vérité, source non pas de sagesse, mais de monnaie sonnante et trébuchante. Ce n'est pas l'ère du verseau mais celui de la vessie qu'on veut nous faire prendre pour des lanternes. Les adeptes affluent de partout abusés par les uns, violés et dépouillés par les autres quand ils ne sont pas assassinés par des troisièmes couteaux.

Le troisième millénaire ne sera pas spirituel et personne n'oserait prétendre le contraire, sauf sans doute, les fanatiques et les marchands du temple moderne. Pour eux, l'après l'an 2000 offre des perspectives d'épanouissement et de béatitude financière extraordinaire. Cette béatitude on le doit beaucoup au mouvement en pleine expansion que l'on nomme le "Nouvel Age".

Actuellement, le nouvel âge a gagné l'Occident entier et cette mode est en passe de toucher à présent toute la planète.

Cette expression de nouvel âge a commencé à apparaître au début des années 1980 et a été popularisée par Marilyn Ferguson dans son livre qui fut un succès mondial "Les Enfants du Verseau". Selon l'auteur, la société de cette fin de millénaire se trouve au seuil d'une mutation. L'état d'esprit dans lequel se trouve l'humanité actuellement va arriver au stade le plus critique et un changement va apparaître donnant ainsi à l'humanité son second souffle, d'où le regain de spiritualité dans le monde.

Mais ce changement d'esprit s'opère très lentement et selon l'auteur, un mouvement est en route, comme une sorte de douce conspiration de l'ère du Verseau et de révolution silencieuse. Un nombre croissant d'individus éparpillés dans le monde se reconnaissent porteurs d'une même aspiration, celle qui doit procéder à la transformation de la société dans son entièreté et à la constitution d'une civilisation planétaire par le changement personnel.

M. Ferguson explique ce qu'elle entend par "conspiration" :

« On peut dire qu'une conspiration réunit des individus qui respirent le même air et aspirent aux mêmes buts. C'est une union intime. Afin de rendre claire la nature bienveillante de cette union, je décidais d'y joindre le mot Verseau. Malgré mon ignorance de l'astrologie, j'étais attirée par le pouvoir symbolique de ce rêve pénétrant de notre culture populaire, à savoir qu'après un âge d'obscurité et de violence - les Poissons - nous pénétrons dans un millénium d'amour et de lumière, "l’Ère du Verseau", le temps de la vraie libération de l'esprit. »

Les adeptes du nouvel âge déclarent que nous vivons une période de préparation, non seulement pour une civilisation et une culture nouvelles au sein d'un Nouvel Ordre Mondial mais également pour la venue d'une nouvelle dispension spirituelle. Selon eux, il existe un plan divin dans le cosmos. A la fin d'une ère, les ressources humaines et les institutions établies semblent inaptes à répondre aux besoins et aux problèmes mondiaux. Ce serait la raison pour laquelle ils prétendent que viendra un instructeur, un leader spirituel un Avatar pour instruire le monde. De nos jour, le retour de l'Instructeur mondial, le Christ, est attendu par des millions de personnes, non seulement par ceux de foi chrétienne, mais aussi par ceux de toutes croyances qui attendent l'Avatar sous d'autres nom : le Seigneur Maitreya, Krishna, le Messie, l'Iman Mahdi, le Boddhistava.

Le nouvel âge n'est pas une secte avec plusieurs millions d'adeptes mais un mouvement lancé à travers le monde qui a son origine aux États-Unis, on s'en serait douté. Cela ne nous étonnera pas non plus, quand on s'apercevra que l'idéologie de la civilisation planétaire du nouvel âge s'est inspirée de la politique mondialiste qui est menée par on sait qui. Le nouvel âge aspire en effet à un nouvel ordre politique basé sur l'ordre cosmique. C'est pourquoi on peut dire que la nouvelle politique émerge du terreau combinant les nouvelles perspectives scientifiques, la médecine holistique, la psychologie humaniste et transpersonnelle, l'écologie, les réseaux, l'influence panthéiste et le monisme.

D'après les adeptes du nouvel âge, il existe une seule organisation qui soit susceptible de réaliser la civilisation planétaire, c'est l'ONU, on s'en serait douté. Le fondateur Donald Keys du mouvement "Citoyens Planétaire" et consultant de l'ONU s'explique :

« L’humanité est au seuil de quelque chose de totalement nouveau, un palier évolutionnel supplémentaire pareil à nul autre : l'émergence de la première civilisation globale. »

Une autre association new age et qui à son siège auprès des Nations Unies à Genève "World Goodwill", traduisez par "Bonne Volonté Mondiale", est d'inspiration beaucoup plus ésotérique. Cette association à les mêmes objectifs que Citoyens Planétaires mais elle vise de manière plus affirmative à la constitution d'un nouveau gouvernement mondial et d'une nouvelle religion mondiale coïncidant avec le retour du Christ, Chef Suprême de la Hiérarchie Invisible, comprenons par là "les Supérieurs Inconnus". World Goodwill veut intégrer les visions synarchistes d'Alice A. Bailey dans ce nouveau gouvernement mondial. Elle lie intimement cette vision avec la constitution de la synarchie qui désigne le gouvernement idéal et l'ordre cosmique cher aux Templiers et à la tradition ésotérique.

On retrouve ici les mêmes faits et la même volonté de pouvoir et d'influence qu'avec les sociétés secrètes et les politiciens. Tout ce joli monde se retrouvent une fois encore, sous le couvert des Nations Unies qui semble-t-il, favorisent énormément l'idéologie mondialiste. Le Dr. Bernard Bastian dans un livre consacré au nouvel âge (Bernard Bastian. "Le new age, d'où vient-il, que dit-il") écrivait à ce sujet :

« Loin d'être l'exclusivité du Nouvel Age, la promotion d'un gouvernement mondial est en outre partagée à la fois par des religions constituées comme les Baha'is, et de nouveaux mouvements religieux comme la Méditation Transcendantale, la Scientologie, la Fraternité Blanche Universelle et les Raéliens »

La soi disant spiritualité que voudrait imposée au monde le mouvement du nouvel âge ne résiste pas très longtemps à une analyse de ses structures, de ses intentions et de ses agissements. Il suffit pour cela de lire l'exégète convaincu du nouvel âge M. Ferguson :

« ...il s'agit pour l'heure essentiellement d'un SPJN de SPINS (réseau de réseaux). La stratégie des réseaux consiste à relier entre eux les individus et les groupe de toutes les manières possibles et imaginables, afin de constituer un tissu d'influence étendu, puissant, omniprésent, décentralisé tout en demeurant insaisissable, donc invulnérable. Un des premiers fruits de cette stratégie est de constater qu'aux États-Unis beaucoup de points de vue New Age sont repris dans des programmes politiques aux niveaux local régional voire national. »

Voilà donc qui est très claire sur les visées du nouvel âge. Déjà, certains spécialistes en matière de secte et de culture ésotérique s’interrogent sur l'aspect totalitaire que prend le nouvel âge. [...]

A titre d'exemple, nous prenons la secte "Nouvelle Acropole" dont toute l'idéologie est basé sur le totalitarisme absolu et qui revendique également l'approche de l’Ère du Verseau. Il suffit pour s'en convaincre de regarder la couverture du Bulletin N° 1 de 1977, du corps de sécurité et du renseignement propre à la secte. Le bras droit tendu vers un aigle flamboyant à de quoi rappeler certains souvenirs.

Officiellement, la Nouvel Acropole se réclame de la "Pensée Traditionnelle" et se présente au grand public sous les aspects d'une association culturelle et humaniste. En même temps, elle promeut une école des mystères se vouant à la fraternité humaine exactement que le fait les rose-croix de l'A.M.O.R.C.

Naturellement, la réalité est toute différente. Car l'idéologie profonde de cette secte ressemble furieusement à celle prônée par un certain Adolf Hitler. Celui-ci ne rêvait-il pas d'un surhomme et d'une race de sous-hommes, destinée à l'esclavage ? Le père fondateur de Nouvelle Acropole, l'Argentin Jorge Angel Livraga, définit dans son manuel du dirigeant (usage interne) la véritable nature de son mouvement :

« ... une structure qui se nourrit d'hommes et transmute les plus aptes dans son grand corps et dans sa grande âme, les transformant en des surhommes, les inaptes sont laissés derrière. Telle est la douloureuse loi. Ils seront accueillis par quelque structure hyène où dans quelque mesure ils se réaliseront ; mais gardons-nous d'empoisonner par faux sentimentalisme l'Aigle d'Or, sinon celui-ci, inexorablement, mourra et les ineptes qu'on a prétendus sauver suivront cette destinée naturelle qui, pour eux, n’a rien de mauvais ni de désagréable. »

Le phénomène du nouvel âge apparaît également à certains observateurs comme Olivier Mongin, comme étant aussi le paroxysme de l'égoïsme et l'idolâtrie exclusive du MOI personnel à propos d'un film New Age à grand succès "Le Grand Bleu de Luc Besson :

« ... il s'agit là d'une nouvelle version, touchante, aquatique, d'un sans famille des années 1980 qui préfère écologiquement la communauté animale des dauphins à l'environnement de ses semblables. A moins qu'il s'agisse de l'apothéose de l'aventure individualiste qui pousse le héros, une espèce de mutant, à disparaître au fond des mers, dans un grand trou noir, happé par une nuit maritime qui le fascine à en mourir. »

Et, Bernard Bastian rajoute à ce sujet :

« C'est un film sans amour qui célèbre l'extinction des passions. En témoigne de façon criante l'ultime séparation d'avec le monde des humains représenté par la compagne de Jacques, Johana, enceinte de lui, et qui ne saura pas le convaincre de renoncer à cette plongée qui sera à l'évidence la dernière. A défaut de son amant, c'est le spectateur que le cri de désespoir de Johana transperce. « Mais... il n'y a rien à voir ! C'est la nuit là-dedans ! Il fait froid et tu seras seul ! Regarde-moi, Jacques, je suis là, moi... j'existe ! Regarde-moi ! Je ne suis pas un rêve ! » […]

En de hors des raisons socio-économiques qui poussent les gens à rejoindre les sectes, on a pu voir qu'il y avait aussi des raisons purement politiques qui, visaient soit à blanchir de l'argent, à faire du trafic d'arme et aussi à faire passer des idéaux politiques comme par exemple l'anticommunisme et plus récemment le mondialisme. Mais il est aussi intéressant de voir dans quelle mesure, les sectes ou les grand mouvements religieux comme le nouvel âge ne sont pas les nouveaux véhicules d'un courant de pensées en faveur du gouvernement mondial ou encore des fameux extra-terrestres ; citons en exemple "la créature de Roswell". [...]

Les sectes sont en vérité un outil merveilleux entre les mains de ceux qui les manipulent et ces manipulateurs, nous en avons la certitude, ne peuvent être que les mêmes qui font la pluie et le beau temps depuis des siècles.

Nolam Romy, Les grandes conspirations de notre temps.


Le dalaï-lama et son ami Shoko Asahara, le gourou psychopathe de la secte Aum.


THX 1138 

Premier film de George Lucas, THX 1138 est une vision terrifiante du futur mais surtout une étude captivante du présent. Robert Duval y incarne un humain dont l'esprit et le corps sont contrôlés par le gouvernement. THX essaie désespérément d'échapper à un monde où les pensées sont contrôlées, la liberté impossible et l'amour le crime ultime. 






Révélations d'un lama dissident

Le lama tibétain Kelsang Gyatso (1931-2022) était un enseignant important parmi les guélougpa restés fidèles à des pratiques proscrites ...