samedi, juillet 30, 2011

Yi king & connaissance de soi





Nous vivons une époque charnière, une transition et une fin. Il s'agit - avec tous ses soubresauts - de la phase ultime de l'âge de fer, du Kali Yuga.

La foi naïve, pleine et efficace, de nos paysans et de nos ancêtres, a été balayée par les « lumières ». Les campagnes se sont vidées pour alimenter les capitales, lieux de toutes les perversions, au béton suintant le crime et l'ennui.

En apparence, notre temps a ses privilégiés puisque l'argent est devenu la valeur suprême, mais leur richesse est précaire et sans cesse menacée. L'altération et la fraude se retrouvent dans tous les domaines ; ce n'est que par un effort personnel que chacun, faisant appel à son jugement ou à celui de maîtres authentiques, peut trouver une voie juste, toujours celle de l'effort, y compris dans les domaines essentiels, de l’alimentation, de l'éducation et de la médecine.

Dans un article, aigu comme une lame de poignard, captant les reflets des temps à venir, « L’homme fou », Nietzsche s’effrayait des conséquences de la « mort de Dieu », c’est-à-dire de la disparition du dieu moral et de l’éclipse des valeurs. Le représentant solaire de Dieu, le roi, avait été mis à mort. Ce sacrifice devait en précéder bien d’autres :

« Où est Dieu... Nous l'avons tué... Nous tous nous sommes ses meurtriers ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu boire l'Océan ? Qui nous a donné l'éponge avec laquelle nous avons effacé tout l'horizon ? Qu'avons-nous fait en détachant cette terre de son soleil ? Où va-t-elle maintenant ? Où allons-nous ? Loin de tous les soleils ? Ne tombons-nous pas, à présent, d'une chute ininterrompue ? En arrière, de côté, en avant, de tous les côtés ? Y a-t-il encore un haut et un bas ? N’errons-nous pas à travers un néant infini... Ne fait-il plus froid ? La nuit ne se fait-elle pas toujours plus noire ?... Dieu est mort ! Dieu restera mort ! et nous l'avons tué ! Comment nous consolerons-nous, nous les meurtriers entre tous les meurtriers ? Ce que le monde avait de plus sacré, de plus puissant a saigné sous nos couteaux, - qui lavera de nous la tache de ce sang ? Avec quelle eau nous purifierons-nous ? Quelles fêtes expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne devrons-nous pas devenir nous-mêmes des Dieux, ne fut-ce que pour paraître digne de l'avoir accompli ?. .. »

La Tradition nous convie à nous fondre en Dieu, ce qui exige l'abolition de nos limites. On se rappelle l'apologue oriental du disciple à qui son Maître, lassé par ses demandes répétées d'éclaircissements déclare enfin :

« Oui, tu es Dieu. Va sur la route qui mène au palais, reviens vers moi après la première rencontre que tu auras faite ».

Le disciple, tout joyeux, part en gambadant sur la route encadrée par les fleurs pourpres des flamboyants. Sans cesse, il chante : « Je suis Dieu ! ». Un éléphant sans cornac, sortant des écuries du Palais, court vers lui. Le disciple lui crie : « Je suis Dieu ! Écarte-toi ! Au nom de mon pouvoir divin, je t'ordonne de me laisser passer. Va hors de la route ! Prends une autre piste ! »

L’éléphant prenant le galop, le disciple se jette dans le fossé, seule ressource lui restant pour ne pas être écrasé. Furieux, il revient chez son maître. Dans son ermitage modeste, après avoir relaté l'incident, il lui confie : « Tu m'as dit que j'étais Dieu ; à la première rencontre que je fais, celle d'un animal, celui-ci ne m'obéit pas ! ».

Et le Maître de rétorquer : « Si tu es Dieu, chaque chose, chaque être le sont aussi, par exemple cet éléphant ».

Le monde moderne est, par excellence, celui de la multiplication des idoles. Appelés à la révélation du caractère divin se trouvant en nous, il nous faut transcender le monde profane et nous lier au principe, transformant ce monde et le régénérant. Encore faut-il se connaître. « Nul homme n'est une île » déclarait John Donne. À cette connaissance de nous-mêmes, le Yi King, livre de la plus haute antiquité, nous convie. À qui connaît l'astrologie, il apportera un autre point de vue, un autre éclairage, celui de la sagesse orientale. À qui l’ignore (notamment l'astrologie horaire, si précieuse), il fournira des réponses concrètes, subtiles, détaillées, se développant et s’enrichissant sans cesse. Sans hâte, on rapprochera ces réponses des oracles, brefs et impitoyables, délivrés par le Tarot de Marseille. La lenteur même avec laquelle on « tire » le Yi King constitue un rite. Elle est inséparable de l'oracle. Souvent, qu’on le tire pour soi, ou plus souvent pour autrui, on sera étonné de la perfection avec laquelle l'hexagramme s’insère dans notre vie quotidienne et ses préoccupations.

A la disposition de quiconque, il existe donc un Maître. C’est pourquoi nous avons jugé opportun d’écrire ce livre qui prend place dans notre œuvre après « Le mythe de l'Antéchrist et la fin des temps », tentative de cerner, d’expliquer cet âge de fer dans lequel nous sommes insérés et qui se dégrade inéluctablement sous nos yeux. Nul abattement n'en doit rejaillir puisque la tempête une fois retombée laissera place à une nouvelle mer et de nouveaux rivages.

Le Yi King, qui modèle microcosme, et macrocosme doit nous servir d'éducateur. Par la suite, si nous le pouvons, nous nous consacrerons – étude guère aisée car allant à rebours des préoccupations de la masse et de ceux qui la guident de façon occulte et désastreuse – à une divulgation des mythes modernes, que ces mythes concernent des illusions comme les soucoupes volantes par exemple, ou des tentatives de désintégration et de perte sans retour comme la psychanalyse, dont le but est d'inverser le chemin allant pour l'homme de son chaos intérieur à son Unité. Tous ces mythes sont au fond ceux d’une descente aux enfers où l'être est abandonné loin de la lumière salvatrice, dans le lieu d'en bas et dans la division. Pour nous qui avons divulgué pour la première fois l'inversion, clé du monde moderne, il y a là une œuvre nécessaire, même si elle n’est comprise et acceptée que d’une élite.

D'ailleurs, à ce niveau, existe-t-il une hiérarchie ? Pas pour nous en tout cas, qui nous situons délibérément en dehors de tout cadre et de toute association. L'œuvre qui divertit déborde aujourd’hui des scènes et des écrans. L’œuvre qui enseigne, se tient plus en retrait. Il faut la découvrir.

Hadès (Alain Yaouanc), « Manuel complet d'interprétation du Yi King ».


Manuel complet d'interprétation du Yi King

Par l'extraordinaire interprétation du Yin et du Yang, le Yi King représente non seulement une méthode de divination sans égale, mais aussi un prestigieux « gourou ».

Ce livre écrit par Hadès, le plus grand astrologue actuel, qui a vécu un temps en Orient, est le plus clair et le plus complet de tous les manuels existants sur le Yi King. (Quatrième de couverture)




vendredi, juillet 29, 2011

Al-Kindi, Avicenne, Ghazali, Averroès, Sohrawardî





On tient à juste titre les Arabes pour les introducteurs de la pensée grecque en Europe. Leurs traductions ont, dès le XIIIe siècle, permis à l’Occident d'avoir accès aux grands textes du passé, et les universités qui se sont ouvertes se sont conformées au modèle qu’ils ont inventé. Mais on a trop eu tendance à les cantonner dans ce rôle de relais, et on a négligé de voir qu'ils ont eu des philosophes à part entière et qu’ils ont fait quelques pas remarquables sur la voie de la libre-pensée.

Aux origines

Dès le VIIIe siècle (IIe de l'Hégire), une école rationaliste apparaît au sein d'un univers religieux dominé par le « Kalam » (théologie dialectique). Cette école, la moutazilite, s'oppose aux traditionalistes : elle affirme que la compréhension des textes coraniques comme la solution à apporter aux problèmes de l'époque ne pourront être que par le moyen de la raison. Celle-ci est considérée comme le moyen approprié pour atteindre la vérité.

Et, ultérieurement, al-Kindi (796-870), qui a bénéficié des traductions de la célèbre école de Bagdad, fait montre d’un savoir encyclopédique. Il est le créateur de l'appareil conceptuel d’une culture musulmane commençant à entrer dans l’ère philosophique. Il affirme que la connaissance surnaturelle et la connaissance philosophique ont le même but (la vérité) et qu'elles ne diffèrent que par leurs moyens. Dieu, pour lui, peut donc en son entier se donner d’une manière rationnelle.

Avicenne, Ghazali, Averroès, Sohrawardî

Avicenne (Ibn Sina) - 980-1037 - s’illustre dans tous les domaines du savoir de son temps : mathématique, théologie, poésie, grammaire, médecine, philosophie. Avicenne enrichit considérablement la thèse moutazilite et il lui donne une dimension philosophique qui assure son triomphe. Il affirme en particulier que l’union de l'hornme à l'Intellect agent (sorte d’intelligence de Dieu) est possible par l'effort scientifique. Ghazali (1058-1111), par contre, marque un retour à la tradition, mais d’une part il dénonce celle-ci dans ce qu’elle a de rétrograde et, d’autre part, il s'efforce de distinguer entre les domaines de la religion et de la philosophie. Mais, surtout, sa démarche et son passage par le doute, en particulier, le rapprochent des philosophes modernes et l'apparentent à Descartes.

Connu en Europe pour ses traités de médecine, Averroès (1126-1198) reçoit lui aussi une formation philosophique. Il jouit d’abord des faveurs des souverains, mais il finit par être condamné pour ses idées « peu conformes à l'orthodoxie islamique » et « corruptrices de la jeunesse ». Disciple fervent d'Aristote, Averroès défend la philosophie contre les théologiens qu’il trouve abusifs. Sa critique se déploie évidemment dans le cadre de l'Islam. Averroès, comme les Européens de l'époque, ne transgresse ni l’idée de Dieu ni celle de la suprématie de la religion à laquelle ils appartiennent. Pour lui, cependant, la vérité tout entière a beau se trouver dans le Coran, il n’en reste pas moins que ce Livre s'adresse à tous les hommes. Celui qui peut le comprendre philosophiquement est donc habilité à l’interpréter philosophiquement. Le texte sacré peut être déchiffré à l'aide de la lumière qui nous habite.

Sohrawardî (v. 1155-1191), enfin, est le créateur de l'illuminisme. Sa thèse est qu’il existe une approche non religieuse liée au symbolisme de la lumière. L'existence est une lumière virtuelle qui devient réelle aux moments où l'individu atteint la Connaissance.

André Nataf, "Les libres-penseurs".

Histoire de la philosophie islamique

La philosophie en terre d'Islam n'a ps seulement recueilli l'héritage des Grecs. Jusqu'à nos jours, elle n'a cessé d'engendrer une des plus riches métaphysiques qui soient. Henri Corbin nous dévoile comment des Ismaéliens à Avicenne, de Sohravardi ou Ibn' Arabi à l’École d'Ispahan, s"est constituée une exégèse du Livre saint, et comment est née une philosophie prophétique. Désormais, il convient que ces pensées ne restent pas inconnues du public occidental, mais qu'elles prennent enfin leur place dans le cours de notre propre questionnement.


Commentaire d'un lecteur :

Fabuleux! Je suis sorti de la lecture de ce petit livre - un peu ardu quand même - bien "désintoxiqué" de toute une "propagande" réductrice de l'Islam ( venant des deux côtés ! )plus ou moins insidieuse dans laquelle nous baignons depuis pas mal de temps. Une approche flamboyante de la beauté de l'ésotérisme islamique et une histoire de celle-ci très savante.

Free ebook : History of Islamic Philosophy

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jeudi, juillet 28, 2011

La civilisation





Au nom de la civilisation et d'une idéologie identitaire, des personnes font l'apologie de la tuerie de masse perpétrée par Breivik. Le frontiste Jacques Coutela a dit tout haut ce que certains « civilisés » pensent tout bas. Pour Coutela et les gens de son espèce, le tueur norvégien est « le premier défenseur de l'Occident », un « Charles Martel 2 », un « résistant ». « La raison de l'action terroriste du nationaliste norvégien : combattre l'invasion musulmane, voilà ce que l'on vous cache ». (source : le blog de Coutela)

L'épuration ethnique a resurgi en Europe durant les guerres de Yougoslavie (1991-2001). A l'époque, dans l'Hérault où je vivais, il n'était pas rare d'entendre des opinions en faveur des « Serbes nationalistes confrontés à la présence de l'islam ». Des barbares étaient devenus des « défenseurs de la civilisation ».

Quand on parle de « civilisation », on attache généralement à cette notion une intention qualitative ; or la civilisation ne représente une valeur qu’à condition d’être d’origine supra-humaine et d’impliquer, pour le « civilisé », le sens du sacré : n’est réellement civilisé qu’un peuple qui possède ce sens et qui en vit. Si l’on nous objecte que cette réserve ne tient pas compte de toute la signification du mot et qu’un monde « civilisé » sans religion est concevable, nous répondrons que dans ce cas la « civilisation » devient indifférente, ou plutôt - puisqu’il n’y a pas de choix légitime entre le sacré et autre chose - qu’elle est la plus fallacieuse des aberrations. Le sens du sacré est fondamental pour toute civilisation parce qu’il est fondamental pour l’homme ; le sacré – L’immuable et l’inviolable, donc l’infiniment majestueux - est dans la substance même de notre esprit et de notre existence. Le monde est malheureux parce que les hommes vivent au-dessous d’eux-mêmes ; l’erreur des modernes, c’est de vouloir réformer le monde sans vouloir ni pouvoir réformer l’homme ; et cette contradiction flagrante, cette tentative de faire un monde meilleur sur la base d’une humanité pire, ne peut aboutir qu’à l’abolition même de l’humanité et par conséquent aussi du bonheur. Réformer l’homme, c’est le relier au Ciel, rétablir le lien rompu ; c’est l’arracher au règne de la passion, au culte de la matière, de la quantité et de la ruse, et le réintégrer dans le monde de l’esprit et de la sérénité, nous dirions même : dans le monde de la raison suffisante.

Dans cet ordre d’idées, - et puisqu’il se trouve des soi-disant musulmans qui n’hésitent pas à qualifier l’Islam de « pré-civilisation », - il faut distinguer entre la « déchéance », la « décadence », la « dégénérescence » et la « déviation » : toute l’humanité est « déchue » par suite de la perte d’Éden et aussi, plus particulièrement, du fait qu’elle est engagée dans l’ « âge de fer » ; certaines civilisations sont « décadentes », tels la plupart des mondes traditionnels de l’Orient à l’époque de l'expansion occidentale (1) ; un grand nombre de tribus barbares sont « dégénérées », suivant le degré même de leur barbarie ; la civilisation moderne, elle, est « déviée », et cette déviation elle-même se combine de plus en plus avec une réelle décadence, tangible notamment dans la littérature et dans l’art. Nous parlerions volontiers de « post-civilisation », pour répondre au qualitatif que nous avons mentionné quelques lignes plus haut.

Frithjof Schuon, « Comprendre l'Islam »


1) Ce n‘est toutefois pas cette décadence qui les rendait « colonisables », mais au contraire leur caractère normal, qui excluait le « progrès technique » ; le Japon, qui n’était guère décadent, ne résista pas mieux que d'autres pays au premier assaut des armes occidentales. Hâtons-nous d’ajouter que de nos jours, l'ancienne opposition Occident-Orient ne s’accuse presque plus nulle part sur le plan politique, ou qu’elle s’accuse à l'intérieur même des nations ; au-dehors, ce ne sont plus que des variantes de l'esprit moderne qui s’opposent les unes aux autres. (Schuon)


Comprendre l'Islam

Avant-propos

Comme l’indique le titre même du présent livre, notre intention est moins de décrire l‘Islam que d’expliquer pourquoi les musulmans y croient, s’il est permis de s’exprimer ainsi ; les pages qui vont suivre présupposent par conséquent chez le lecteur certaines notions élémentaires de la religion islamique, qu’il trouvera sans peine dans d’autres ouvrages.

Ce que nous avons en vue, dans ce livre comme dans les précédents, c’est en fin de compte la scientia sacra ou la philosophia perennisla gnose universelle qui a toujours été et qui sera toujours. Peu de discours sont aussi ingrats que les complaintes conventionnelles sur les « recherches » jamais satisfaites de l’« esprit humain » ; en réalité, tout a déjà été dit, mais il s’en faut de beaucoup que tout ait toujours été compris par tout le monde. Il ne saurait donc être question de présenter des « vérités nouvelles » ; en revanche, ce qui s’impose à notre époque et même à toute époque s’éloignant des origines, c'est de fournir à quelques-uns des clefs renouvelées - plus différenciées et plus réflexives que les anciennes mais non meilleures - pour les aider à redécouvrir des vérités qui sont inscrites, d’une écriture éternelle, dans la substance même de l ’esprit.

Pas plus que dans nos précédents ouvrages, nous ne nous sommes astreint dans ce livre à un programme exclusif ; on trouvera donc dans les pages qui vont suivre un certain nombre de digressions qui semblent sortir de notre cadre, mais que nous n’en avons pas moins jugées indispensables dans leur contexte. La raison d’être des expressions ou des formes est la vérité, et non inversement. La vérité est à la fois une et infinie, d’où la diversité parfaitement homogène de son langage. [...]



Dessin :

mercredi, juillet 27, 2011

La Gnose et ses simulacres





Ce que l'on a coutume d'appeler "la gnose" peut revêtir des formes très diverses entre lesquelles des esprits malveillants ou mal éclairés peuvent faire des confusions regrettables. Il y a d'abord ce que nous proposons d'appeler gnose métaphysique ou non-dualiste, dont le prototype nous est fourni par la voie de la connaissance (jnâna marga) du Védânta non-dualiste (Advaïta Védânta) et dont on retrouve des équivalents dans les doctrines non-dualistes que nous rencontrons aussi bien dans les traditions asiatiques (Tchouang-Tseu, Nagarjuna) que dans les traditions monothéistes (Maître Eckhart, Ibn Arabî).

La gnose métaphysique ou non-dualiste. c'est la connaissance de l'identité intemporelle, verticale ou essentielle du fini et de l'infini, au-delà de toutes les formes de dualités que l'on peut poser entre Dieu, le monde et l'homme. La réalité vers laquelle tend cette connaissance et avec laquelle le gnostique aspire à s'identifier, est littéralement infinie, et à plus forte raison, supra-ou trans-personnelle. Cette connaissance nous paraît constituer le sommet de la vie spirituelle et de l'activité contemplative dans laquelle se trouvent évacuées toutes les formes de nature fantasmatique, émotionnelle ou conceptuelle que l'ego peut projeter, produire ou découvrir comme des médiations entre la réalité à connaître et la réalité connaissante (entre l'objet et le sujet). Cette connaissance est corrélative de ce que nous proposons d'appeler la dé-construction ou la transmutation de l'ego.

Si la pensée de l'Occident traditionnel nous offre avec Plotin ou Maître Eckhart des formes authentiques de gnose métaphysique, c'est dans les traditions de l‘Asie que celle-ci nous apparaît dans tout son éclat et sa parfaite cohérence. La gnose hindouiste de l'Advaïta Védânta (telle que l'école shankarienne l'a théorisée) nous apporte une sorte d'essence de la gnose avec sa "voie de la connaissance"(jnâna mârga).

Comme ses équivalents asiatiques - dans le Taoïsme ou le Bouddhisme du Grand Véhicule - l'affirmation de la Non-dualité métaphysique s'y trouve étroitement liée à celle des conditions de possibilité de sa réalisation. La Transcendance transpersonnelle de l'Atman shankarien (ou de la Shunyatâ nagarjunienne) est en rapports étroits avec les techniques de concentration et de méditation (dhyâna patanjalien ou Ch'an) c'est-à-dire de déconstruction/transmutation de l'ego.

Pour qu'à la plénitude non-duelle puisse advenir la gnose contemplative ou la contemplation gnostique (nirvikalpa-samâdhi, satori), il faut que soit maîtrisé et développé notre pouvoir de concentration ou notre puissance d'attention au réel.

Cette relation entre l'acte ou l'état de connaissance contemplative qui est au cœur de la gnose et de l'activité de déconstruction à tous ses niveaux (postures-prânâyâma, dhâranâ) permet de comprendre le paradoxe constitutif de la gnose : elle est, au-delà de toute activité volitionnelle, émotionnelle, sentimentale ou conceptuelle. (cf. notamment le nirvakalpa samdhi) une attitude qui repose sur l'absence totale d'orgueil. Cette humilité doit être comprise dans le contexte de l'affirmation de la Transcendance intégrale de l'Absolu, posé au terme d'une "voie négative" ou d'une métathéologie apophatique dont le Taoïsme, les Néoplatoniciens ou les Upanishads ont apporté des formulations sans équivoque : il ne s'agit pas seulement de nier en Dieu les modalités humaines des qualités qu'on lui attribue (intelligence, bonté, etc.) mais de nier radicalement toute qualité (cf. le Brahma nirguna ou non qualifié que l'Advaïta Vêdanta distingue du Brahma saguna, qualifié.) Le Divin est bien, en un sens, le radicalement Autre par rapport auquel moi je ne su s rien. Et que ouvert par la déconstruction transmutatrice de l'illusion que constitue l'ego. Elle est la connaissance de l'origine vraiment radicale, de la réalité originaire, illimitée, au-delà de tous les conditionnements qui peuvent l'occulter ou la réfracter. Elle tend à coïncider avec ce que certains mystiques iraniens (1) ont appelé la connaissance orientale, celle que symbolisent l'aurore, le lever du soleil et le mouvement vers la plénitude de son éclat et de sa présence.

L'homme oriental - ou le gnostique véritable - dans l'Orient aussi bien que dans l’Occident géographiques et culturels - c'est l'homme de la connaissance plénière de la plénitude, de la réalité ultime et intime des choses dans leur infinie plénitude (2). L'homme occidental, en revanche, c'est celui qui symbolise le coucher du soleil, celui chez qui, dans l'Occident aussi bien que dans l'Orient géographique et culturels, se produit l'occultation progressive de cette plénitude : l'homme occidental, c'est l'homme de l'ego, de l'idolâtrie mutilatrice, qui sépare et divise, c'est l'homme qui n'est que dans la mesure où il désire, où il veut et chez qui l'avoir tend à devenir la mesure de l'être (2).

De cette gnose métaphysique ou non-dualiste qui nous paraît constituer la forme authentique, universelle (catholique), orthodoxe et traditionnelle (au sens guénonien de ces termes) de la gnose, on peut distinguer au moins deux autres formes de gnose qui sont comme des réfractions, des déformations, des perversions ou des simulacres de la première au contact de l'esprit "occidental" tel que nous venons de le décrire :

1) La gnose dualiste, qu'on rencontre notamment chez les gnostiques chrétiens des premiers siècles de notre ère et qui transforme en doctrine ontologique ce qui n'était, dans le non-dualisme, qu'une opposition méthodologique et provisoire (notons que ce dualisme a été condamné aussi bien par Plotin que par les théologiens catholiques).

2) La gnose moniste, telle qu'elle se déploie dans le système hégélien, véritable inversion prométhéenne du Non-dualisme et produit d un contresens que l'égolâtrie occidentale est naturellement conduite à secréter concernant l'identité du fini et de l'infini : identité horizontale et non verticale ; selon laquelle l'Esprit ou Dieu ne devient qu'à travers la réalité du temps et de l'homme historique ce qu'il est dans sa vérité. Il est curieux de noter que cette inversion caricaturale a son origine dans une lecture de certains textes d'un gnostique chrétien non-dualiste, Maître Eckhart ("L’œil par lequel je me vois et l’œil par lequel Dieu se voit sont un seul et même œil") (3). Cette inversion naturelle nous amène à comprendre les condamnations très légitimes lancées par les théologiens contre la gnose en général. Sans parler des extravagances doctrinales et souvent délirantes ou "sectaires" qu'on rencontre dans la gnose du deuxième type, on comprend que les théologiens, au cœur d'une culture imprégnée par la croyance à l'incontournable réalité de l'ego, aient condamné la gnose dans laquelle ils voyaient une forme d'orgueilleuse suffisance de l'homme se prenant absurdement pour Dieu et évacuant, avec la grâce, la césure qui sépare le Créateur et la créature. Ce genre de critique se rencontre d'ailleurs aussi bien chez des théologiens chrétiens, comme Jean XXII condamnant les propositions "hérétiques" de Maître Eckhart que chez le "théologien" vishnouite du XIIème siècle Râmânuja s'attaquant à la gnose de Shankara. Mais si l'amour ou la foi en un Dieu personnel sont plus adaptés aux structures psycho-mentales de l'homme "occidental" (dans les deux sens du terme) qui est comme condamné à trans-former la gnose Non-dualiste en une gnose prométhéenne ou diabolique du 3ème type, il n'en reste pas moins qu'en dépit des contre-sens, des perversions et des simulacres qu'elle fait naître, la gnose non-dualiste envisagée dans son contexte "oriental" et ses implications spirituelles, correspond à une forme d'humilité et de grâce parfaitement authentiques quoique différentes de celles que notre impérialisme monothéiste a considérées comme seules possibles ou légitimes.

Si la gnose métaphysique est humilité, il convient de rappeler qu'elles est avant tout connaissance, sommet et perfection (idéale) de l'humilité parce que sommet et perfection de la connaissance (4).

Shankara ne laisse aucun doute concernant la rigueur et la certitude de cette connaissance du Soi (Atmâbodhi) qui est évidente par elle-même (svayamsiddhah). Nous avons affaire ici à une évidence indépassable qui rappelle le Cogito cartésien (l'évidence du moi que je suis étant pour Descartes plus indubitable que celles des vérités mathématiques) mais du point de vue de la gnose de l'Advaïta shankarien, le Cogito cartésien repose lui-même sur le postulat d'une égoïté incontournable, c'est-à-dire sur une illusion. L'évidence du savoir gnostique peut être beaucoup mieux cernée à la lumière de la problématique de la connaissance que Platon développe à la fin du sixième Livre de la République. Bien plus, nous pensons que le Bien de Platon est rigoureusement équivalent à l'Absolu transpersonnel des gnoses asiatiques et qu'il peut être interprété lui-même dans le langage du Non-dualisme, c'est-à-dire de la gnose (5) telle que nous tentons de la décrire ici.

On sait qu'au dessus de l'opinion, connaissance qui a pour objet les réalités soumises au changement, Platon place ce qu'il appelle la science qui a pour objet les réalités immuables. La science elle-même, domaine de la connaissance certaine, comporte deux degrés : d'abord celui des mathématiques, dont les propositions sont certaines’ Mais leur certitude n'est pas absolue ; elle repose sur des postulats, des hypothèses qui ne sont pas radicalement transparents à la subjectivité connaissante. Au-dessus de la certitude mathématique, Platon pose celle de la "dialectique", qui a pour objet fondamental l'Anhypothétique, ou l'Absolument absolu : l'idée du Bien qui constitue l'objet suprême de la connaissance la plus rigoureuse, la plus certaine, la plus indubitable. Au livre V de la République Platon remarquait déjà que ce qui existe d'une manière absolue est absolument connaissable. La réalité la plus haute la plus immuable, qui correspond à ce que nous avons coutume d'appeler Dieu, est donc l'objet de la connaissance la plus "scientifique" (au sens plénier et platonicien de ce terme) et cette connaissance, ce n'est pas Dieu lui-même - dans le sens où en parlent nos théologiens à la suite d'Aristote - c'est l'être même de l'homme qui en constitue le support ou le sujet. Telle nous apparaît la raison fondamentale qui a placé longtemps la métaphysique au soumet de l'échelle du savoir humain. Cette prétention ne peut avoir de sens que dans la problématique non-dualiste de la gnose, dans le contexte de laquelle l'être de l'homme n'est pas soumis à l'enfermement - ou au conditionnement - de l'ego, de telle sorte qu'il est absurde de dire que l"homme" connaît absolument "Dieu"; c'est la Déité trans-personnelle en tant qu'elle constitue ma racine et mon essence qui se connaît absolument pour ainsi dire elle-même en moi.

Cette connaissance constitutive de la gnose métaphysique nous paraît pouvoir être située dans le cadre de ce que Kant appelle l'intuition intellectuelle (6), c'est-à-dire la saisie intuitive de la réalité au-delà des déterminations spatio-temporelles, l'intellect (Nous, Buddhi) au-delà du mental égoïque, se trouvant être l'instrument de cette appréhension.

Mais la gnose implique une procédure d'actualisation de l'intellect, normalement occulté par l'activité "rajaso-tamasique" du mental (activité de projection et de division). La concentration et la méditation permettent à l'intellection potentielle de se réaliser de manière plus ou moins progressive et plus ou moins subite. Il y a là une véritable méthode à propos de laquelle Mircea Eliade a pu employer le terme de Techniques, signifiant une sorte d'adaptation rationnelle de moyens à la réalisation d'un but. Il y a comme une exploration méthodique et progressive de ce que l'on f pourrait appeler le Surconscient ou le Supramental qui constitue l'objet des divers degrés ou modalités de l'"intuition intellectuelle", comme il apparaît dans les Yogas-Sûtras de Patanjali, avec les diverses formes de samâdhi (la contemplation enstatique sur la quelle débouche le râjâ-yoga).

Comme le remarque Eliade, au terme de la concentration (dhâranâ), de la méditation (dhyâna) et de la contemplation (samâdhi), la réalité se révèle telle qu'elle est en elle-même (7) et non pour elle-même, ni pour ou par moi-même (grâce aux instances médiatrices dans les réseaux desquelles je tente normalement de la capter) mais telle qu'elle est "en soi". La chose en soi du Kantisme cesse alors d'être un fantôme philosophique pour devenir un véritable objet de (quasi) expérience.

Notons que cette réalité n'est pas produite : elle se manifeste au terme de la désoccultation/déconstruction de l'activité égoïque et mentale qui débouche sur un "laisser-être » (selon l'expression heideggerienne) ou un "lâcher-prise" (selon la terminologie du Bouddhisme Zen). Nous sommes ici au cœur de l'expérience appelée "mystique », mais également au cœur de la connaissance que Platon a pu légitimement appeler "scientifique" dans la mesure où elle se produit au niveau de ce que l'on pourrait appeler le degré zéro de la subjectivité (au-delà du désir, des fantasmes et des concepts secrétés par la subjectivité égoïque). La réalité dont il est question ici peut être indifféremment ou simultanément posée comme naturelle ou immanente dans la mesure où elle se donne sans l'intervention manifeste d'une puissance extérieure et supérieure à ce que je suis et comme surnaturelle et transcendante, dans la mesure où cette réalité se situe au-delà des frontières de l'ego et des divers types de conditionnements et de limitations qui caractérisent l'ego en général et la connaissance scientifique (au sens moderne et courant du terme) aussi bien que la connaissance "empirique".

Comme on peut le voir chez Platon de même que chez Shankara cette Réalité ultime "au-delà de l'essence" (8) qui est l'objet de la plus éminente et de la plus rigoureuse des connaissances constitue également le fondement de toutes les formes de connaissance vraie et par conséquent le fondement des autres formes de connaissance rigoureuse ou scientifique.

S'il y a une sorte de dénivellation ontologique entre toutes les formes de connaissance portant sur le conditionné et la connaissance de la réalité non-duelle et inconditionnée, il y a lieu toutefois de noter la rigoureuse continuité reliant à la gnose c'est-à-dire à la connaissance scientifique originaire, toutes les formes dérivées de la connaissance scientifique. Ce point nous paraît d'une extrême importance. Contrairement à un certain "savoir théologique" qui s'est souvent méfié de et senti menacé par les découvertes de la science, la gnose n'est jamais ébranlée par la science en général dont elle constitue simultanément la modalité suprême et le fondement originaire. L'évidence anhypothétique de la non-dualité n'a rien à redouter des évidences dérivées et hypothétiques du savoir scientifique tel qu'il s'exprime dans la géométrie euclidienne ou la physique mathématique. Mais peut-être convient-il d'aller jusqu'au bout d'une telle remarque et de reconnaître qu'il y a plus de rigueur scientifique, au sens platonicien du terme, dans la gnose telle que nous l'avons cernée que dans le matérialisme prométhéen qui anime le développement effectif de la science et des techniques dans le monde moderne et contemporain (9). Ce développement doit une grande partie de son prodigieux essor à la volonté de puissance de l'homme occidental, acharné à dominer et à transformer l'ordre naturel afin de satisfaire son désir et sa volonté de posséder et de jouir beaucoup plus qu'au désintéressement apparent qu'on peut à juste titre attribuer à l'esprit scientifique.

Celui-ci considéré de façon abstraite, correspond à une incontestable objectivité qui a fait s'évanouir bien des fantasmes individuels et collectifs (10) mais il fonctionne en fait comme une expression de la subjectivité égoïque de l'homme occidental. Nous rappellerons à cet égard que l'Occident , tel que nous l'entendons ici, sans tenir compte du sens idéologique et politique de ce terme, doit être pris dans son sens symbolique et signifiant l'accroissement de l'obscurité "tamasique" et de l'isolement de l'ego et de sa volonté de puissance caractérisant la manière d'être fondamentale de l'homme moderne (11) qui s'oppose à celle de l'homme traditionnel, centrée sur la primauté de l'activité contemplative.

Il va sans dire que le scientisme, avec sa prétention à produire une explication intégralement rationnelle et une connaissance scientifique absolument rigoureuse de la réalité des phénomènes, peut être considéré, à plus forte raison, non comme un reflet, mais comme une inversion caricaturale de la gnose.

Si l'esprit scientifique, envisagé dans la rigueur formelle de ses procédures, peut apparaître comme un reflet direct de la gnose, en parfaite continuité avec elle et tel que plus d'un savant a cru pouvoir déceler de remarquables affinités entre certains développements théoriques de la physique contemporaine, (notamment en ce qui concerne les rapports entre la matière, l'énergie et la conscience) et certaines applications de la gnose asiatique et de son non-dualisme (12) ; la science effective, intégrée a la machinerie politico-économique dès grandes puissances contemporaines, apparait plutôt comme une caricature ou un simulacre de la gnose.

Il convient à cet égard de distinguer soigneusement entre l'intellectualité de la gnose, qui a pour domaine le supra-formel ou ce que Platon appelle l'Idée (1ère et 2ème hypostase de Plotin) et le rationalisme, qui postule la clôture de l'entendement diviseur et égoïque sur lui-même. Le rationalisme, c'est la volonté d'objectivation radicale de la réalité. L'intellectualité de la gnose, c'est l'objectivité radicale d'un savoir délesté de toute trace de désir égoïque et de volonté passionnelle de dominer et de transformer le réel.

Tandis que l'objectivation rationaliste est corrélative de l'affirmation du vouloir et de la puissance de l'ego, l'objectivité "scientifique" de la gnose dépasse non seulement la dualité subjective objectivante (égoïque) et la réalité objectivée (13), mais également la dualité sujet connaissant et objet connu en général. Ce qui nous conduit à préciser le sens dans lequel il faut entendre la nature de la connaissance de la science qu'on peut voir à l’œuvre dans la gnose. En nous appuyant sur l'exemple de la gnose védantique chez Shankara, l'activité originaire et ultime de la gnose ne constitue pas en elle-même un connaissance, au sens ordinaire du terme, dans la mesure où l'activité connaissante se porte normalement sur un objet qui est distinct d'elle-même. L'essence de la gnose correspond à la désubjectivation et à la désobjectivation simultanées de l'activité connaissante telle qu'on peut la voir fonctionner par exemple dans la pensée mathématique. Il s'agit bien de la science (vidyâ) la plus certaine et la plus rigoureuse dans la mesure où il y a une sorte de transparence intégrale et de proximité radicale de "l'objet" connaissant. Mais cet "objet" c'est, en un sens l'intellect lui-même en tant qu'il réalise son identification avec l'intime, ultime et infinie réalité qui le constitue en même temps qu'elle constitue celle de tout objet possible en général. Et c'est pourquoi cette connaissance ou cette science suprême, qui est la connaissance la plus indubitable et la plus absolue, parce qu'elle est la manière même dont l’Absolu se manifeste à la fois en moi, à travers moi et au-delà de moi dans son illimitation originaire et radicale, se trouve en même temps dans l'impossibilité d'être signifiée d'une manière directe et adéquate par le terme de connaissance.

D'où les paradoxes classiques qui foisonnent dans les textes upanishadiques, bouddhistes, taoïstes ou néoplatoniciens concernant l'inconnaissabilité du suprême connaissable, la nécessité de renoncer aux formulations affirmatives pour utiliser la négation et l'ellipse pour mieux cerner cette réalité qui se profile au terme de l'intériorisation progressive du "sujet" de la conscience, et qui débouche sur la coïncidence de l'acte et l'état, du sujet et de l'objet, de l'être et du non-être.

Si l'acte fondamental de la gnose peut justement apparaître comme ce qui porte sur la plus indubitable des réalités, il m'échappe nécessairement dans la mesure où je cherche à le formuler, à le plier aux procédures langagières. Cette connaissance suprême est donc, en un sens, suprême inconnaissance.

Mais cette négation doit être soigneusement distinguée de celle qu'implique l'ignorance (a-vidyâ). Tandis que le non-savoir de l'ignorance me maintient dans le cercle de l'illusion en deçà de la réalité occultée à la fois par la pesanteur et l'agitation frénétique de l'ego désirant, l'Inscience de la gnose est au-delà de la science envisagée sous ses formes habituelles, de même que le Bien platonicien est posé comme au-delà de l'essence. La négation, comme le dit Proclus dans son Commentaire du Parménide de Platon, correspond à un gain et à une libération par rapport aux limites de l'objet nié et dépassé, et non à une perte ou à une exclusion par rapport à la positivité de ce dernier.

Aussi n'est-il pas surprenant de voir que la connaissance de la non-dualité - telle qu'on la rencontre par exemple dans le Taoïsme - se trouve étroitement liée à un rejet catégorique de "l'intelligence", de l'intellectualité, dans la mesure où celle-ci est mise en rapport (14) avec la violence et l'artifice qui s'opposent à ce qui est naturel et spontané. Mais cet anti-intellectualime n'est nullement un irrationalisme, car s'il rejette les artifices verbeux de certaines spéculations - comme le fera le Bouddha – ce n'est pas pour s'adonner à la spontanéité des pulsions instinctuelles, mais pour réaliser une ouverture supra-rationnelle au Transpersonnel (Tao), une aperception spontanée et quasi intuitive de la Réalité, au-delà des fantasmes irrationnels d'un désir non-maîtrisé. Cet anti-intellectualisme est également évident dans le Bouddhisme mahâyânique et doit être compris à la lumière de la discontinuité, de l'incontournable césure à laquelle on se heurte lorsqu'on envisage le cheminement conduisant de l'ego vers le Trans-personnel. La non-dualité du nirvana et du samsâra - expression de la gnose mahâyânique - volatilise et nihilise en un sens tous les modes de connaissance fondés sur l'ego, donc sur l'ignorance ou l'illusion.

L'actualisation de la gnose correspond alors à une irruption, à une sorte de cataclysme spirituel, à une formidable "implosion" (une explosion vers le dedans et vers le haut) que connote la notion zen de "satori" et qui n'a apparemment rien de commun avec en ce que l'on peut appeler connaissance, intelligence ou logique.

Mais il faut rappeler ici que l'univers de la gnose ne repose pas sur l'exclusion de la logique et de l'intelligence ; il s'agit en fait d'une forme plus haute, plus essentielle de l'intelligence, que l'on préfère ne pas qualifier par ce terme, afin d'éviter tout amalgame, et d'une autre forme de logique. Certains textes du Mahayânâ indien, tels que le Prasannapâda de Candra-kîrti, commentant les Mahâprajnâpâramitâ-sûtras de Nâgârjuna, nous montrent comment peut s'exercer une logique dialectique, très serrée, reposant sur le dépassement, analogue à celui que réalisera Hegel - mais d'essence toute différente - du principe de non-contradiction et dont le Védânta shankarien lui-même nous donne un bon exemple avec sa célèbre formule : "Mâyâ n'est ni différente de Brahma ni identique à lui". (15)

La pensée gnostique doit donc être dite trans-logique et non illogique. De toute évidence, comme on peut le voir chez Shankara ou Nâgârjuna notamment ainsi que chez Plotin, elle peut s'exprimer (16) dans un langage démonstratif très rigoureux, qui fait penser à l'argumentation philosophique beaucoup plus qu'à des envolées "mystiques."

Mais l'argumentation conceptuelle n'est pas son mode exclusif d'expression. Elle n'est qu'un moyen parmi d'autres, et a non sans doute le plus essentiel, pour signifier la réalité trans-logique et non-duelle visée par la gnose. Aussi bien celle-ci peut-elle se greffer sur une symbolique très éloignée de la sécheresse de l'argumentation philosophique et déboucher sur la splendeur chaleureuse du langage poétique avec son rythme incantatoire et ses métaphores inouïes. Les Upanishads nous en apportent un témoignage éclatant. La gnose s'y révèle simultanément poésie et philosophie. La poésie, inspirée par l'expérience "gnostique" de la non-dualité" met en lumière les multiples équivalences et correspondances régnant dans un monde qui est perçu comme une modalité du "Divin" et comme identique, dans son essence intime, à l'Atman trans-personnel dont il est le reflet. La métaphore a proprement ici une fonction métaphysique, loin d'être le produit fantastique d'un délire de l'ego. Comme Henry Corbin l'a montré à propos d'un Ibn Arabî, nous avons affaire ici à une "imagination créatrice", - véritable prolongement et expression de ce que nous avons proposé d'appeler l'intuition intellectuelle que nous définissions comme la saisie de l'identité des contradictoires. Cette identité secrète et ultime éclate à travers les métaphores de la poésie védique et upanishadiqne. Une symbolique foisonnante nous y révèle d'une manière charnelle et concrète ce que la notion de non-dualisme vient signifier de manière plus "spéculative" : une unité qui n'est pas celle d'un monisme massif et réducteur mais qui se manifeste dans l'inépuisable variété des formes que revêt, en mode à la fois diachronique et synchronique, Shiva, le Dieu de la danse, dans un jeu (lîlâ) simultanément créateur et destructeur mais essentiellement "transformateur". L'analogie entre les formes (par exemple Logos, feu, esprit, homme, œil, miel, aigle, soleil etc.) que signifie la métaphore poétique nous renvoie finalement à l'Unité sans forme qui se profile à la fois au-delà et au cœur même des formes. Et le rythme de cette poésie métaphysique et gnostique évoque le rythme même du Tândava de la Danse divine, où l'immuable non-dualité de l'Infini et du fini (I7) ne cesse d'être présente au cours et au cœur des métamorphoses. Mais le rythme poétique fait ici plus qu'évoquer. Il fait du poème "gnostique" un "mantram", un support symbolique de concentration qui permet à ego du récitant en instance de déconstruction d'égaler progressivement son rythme à celui de l'Univers. La parole poétique évoque - en mode métaphysique plutôt que religieux - l'Unité que le récitant s'efforce de réaliser. La beauté des métaphores et du rythme est une sorte d'anticipation bienheureuse de l'identité métaphysique que le Védânta formule d'une manière plus abstraite dans les énonciations de forme philosophique telles que le célèbre "Tat tvam asi" des anciennes Upanishads.

Georges Vallin, Lumière du non-dualisme.


(1) cf. H.Corbin : Histoire de la philosophie islamique (Gallimard.
(2) cf. Brhad-Aranyaka Upanishad V,l,l et le très beau commentaire de P. Mus.
(3) Sermon 12. Edit. Aubier.
(4) Simone Weil apporte des aperçus très éclairants sur cette relation. cf. la Pesanteur et la Grâce.
(5) Il convient de rappeler ici le caractère elliptique et allusif du langage écrit de Platon, qui était parfaitement conscient du danger que représentent certaines formulations et qui est fort éloigné
des étonnantes audaces verbales de la gnose eckartienne qui fait penser aux audaces "primordiales" des formules upanishadiques.
(6) pour la dénier à très juste titre, à ce qu'il prenait à tort pour l'homme en général, mais qui correspond à ce que nous avons appelé "l'homme occidental".
(7) cf. M. Eliade : Techniques du Yoga (Gallimard).
(8) cf. Platon : République VI, 509 b.
(9) ce matérialisme prométhéen est aussi bien celui de pays dits capitalistes que des pays soi-disant socialistes.
(10) cf. les remarques de Freud concernant l'humiliation subie par l'homme avec l'héliocentrisme, le darwinisme et la découverte de l'inconscient par la psychanalyse
(11) L'homme"moderne" c'est l'homme qui a développé au maximum les propriétés de l'Occident symbolique qui coïncide aujourd'hui avec l'Occident planétaire.
(12) cf. le colloque de Cordoue publié sous le titre Science et Conscience - Stock et F. Capra : Le Tao de la physique -Tchou. Et R. Ruyer : La Gnose de Princeton - A.Fayard.
(13) réduite à n'être qu'une matière à "informer" ou a transformer par l'action humaine.
(14) Bergson apporte, dans une optique très différente, des aperçus similaires.
(15) dont la logique "analytique" du théologien Râmânuja contestera la validité au nom du principe de non-contradiction.
(16) comme nous l'avons montré dans notre Perspective métaphysique - 2ème édition Dervy-livres - 1977
(17) Cette coïncidence entre l'Infini et le fini est admirablement signifiée par les statues de l'Inde du Sud représentant la danse de Shiva : la tête du Dieu, droite et impassible, contrastant et coexistant avec le reste du corps en mouvement, et symbolisant l'éternité qui est à la fois au-delà et au cœur même du temps.



Lumière du non-dualisme


La méditation philosophique de Georges Vallin ne fut qu’un long et puissant approfondissement de la même vérité venue l’habiter au début de sa carrière, qui n’a cessé de travailler en lui et de développer son évidence. Après avoir élaboré une phénoménologie de l’homme moderne dans Être et individualité (P.U.F., 1959), puis dessiné le cadre général de sa doctrine dans La perspective métaphysique (2e édition, Dervy, 1977), il en montra l’application aux questions spirituelles dans Voie de gnose et voie d’amour (Présence, 1980), fournissant ainsi des « éléments de mystique comparée ». Mais il se proposait aussi, et depuis longtemps, de jeter les fondements d’une doctrine de la philosophie comparée qui, soumettant la pensée occidentale à l’impitoyable Lumière du Non-dualisme asiatique, pouvait seule nous en révéler la véritable nature. La mort (1983) ne lui a pas permis de réaliser cette œuvre.

De cette entreprise, unique dans l'histoire de la philosophie contemporaine, le présent ouvrage offre quelques réalisations majeures. Elles témoignent de l’acuité et de la générosité intellectuelles avec lesquelles Georges Vallin était en mesure d’appliquer sa méthode aux domaines les plus divers, de la non-violence au sentiment du tragique, de la théologie nysséenne à l’ontologie spinozienne, de l'Extrême-Occident à l’Extrême-Orient.
Rassemblés, ces articles épars en diverses revues, manifestent l’unité d’une œuvre et d’une vie.




SOMMAIRE


Avant-propos

Première partie : Philosophie et Non-dualisme .

Chapitre 1 : Pourquoi le Non-dualisme asiatique ?
Chapitre 2 : Réflexions sur la notion de philosophie éternelle
Chapitre 3 : Difficultés d’approche de la Non-dualité

Deuxième partie : Nature, Théologie, Gnose et Non-dualisme

Chapitre 4 : Nature intégrale et nature mutilée
Chapitre 5 : Essence et formes de la théologie négative
Chapitre 6 : La gnose et ses simulacres

Troisième partie: Problèmes du mal et Non-dualisme

Chapitre 7 : Remarques sur la non-violence
Chapitre 9 : Le tragique et l'Occident

Conclusion : Les deux Vides




Illustration :
http://www.flickr.com/photos/nypl/3110868424/

mardi, juillet 26, 2011

Fondamentalisme chrétien, franc-maçonnerie et racisme d'extrême-droite, le cocktail de Breivik






Les « frères la grattouille » et l'Ordre germano-chrétien des Templiers

Alain Bauer, l'un des francs-maçons de Sarkozy, a déclaré sur le plateau de l'émission C dans l'air, à propos de l'affiliation maçonnique du tueur de masse Anders Behring Breivik, qu'il existait une franc-maçonnerie aryenne et raciste dans l'Allemagne nazie. Bauer fait probablement allusion à la transformation d'une partie de la franc-maçonnerie allemande en ordre germano-chrétien des templiers ? Selon une circulaire adressée par la Grande Loge aux Trois Globes à ses loges :

"Dans la matinée du lundi 11 avril (1933), le Grand Maître de la Grande Loge Nationale, von Heeringen, est venu à notre siège à Berlin. Il nous a communiqué la substance de son entretien du vendredi 7 avril avec le ministre Göring. […] Celui-ci lui a déclaré qu'il n'y avait pas de place pour la Franc-maçonnerie dans un état national-socialiste fondé sur le fascisme. Le Grand Maître a déclaré en tirer les conséquences : la Grande Loge Nationale cesse d'exister en tant qu'ordre maçonnique mais se perpétue sous le nom d'Ordre germano-chrétien des Templiers. [...]"

Le véritable Adversaire

Les livres du penseur français René Guénon sont bien connus dans le milieu maçonnique en France et à l'étranger (il existe une loge René Guénon en Suisse). Guénon, érudit converti à l'islam, dénonce une conspiration qui œuvre depuis des siècles à l'avènement d'un ordre mondial, d'une société contre-tradionnelle qui aura à sa tête un imposteur, un Chakravartî ou « monarque universel ». Face au règne de la « contre-tradition », les chrétiens et les musulmans ne peuvent que se comprendre. En effet, ce monarque (ou cette oligarchie) est l'Antéchrist des textes révélés des monothéistes. Les prêtres et les oulémas fanatiques, ainsi que les pseudo-initiés, tous ceux qui attisent la haine et le racisme sont probablement des agents, conscients ou inconscients, de cette conspiration que René Guénon désigne sous le nom de « contre-initiation ». La contre-initiation est particulièrement active dans l'ensemble du spiritualisme contemporain, des sociétés secrètes aux sectes du Nouvel Age en passant par les faux ashrams.

Un cycle propice à l’Éveil

A une époque où tout se délite, les spiritualistes, qui ne sont pas entre les griffes de gourous ou prisonniers de doctrines obsolètes, peuvent atteindre rapidement l’Éveil. Toutefois, la possibilité de parvenir à l'éveil spirituel grâce aux énergies destructrices de cette fin de cycle, détruisant aussi l'illusion qui nous emprisonne dans le samsara, est souvent contrée par la contre-initiation qui ne cesse de répandre des mensonges, des angoisses et des peurs paralysantes.


Sur René Guénon :

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lundi, juillet 25, 2011

L'intériorité à notre époque





En ces temps de bouleversements culturels et religieux, le message d'intériorité de l’Inde est plus urgent que jamais. Les vieux mythes sont tous bousculés et tout autant les systèmes de pensée qui prétendirent en prendre la relève. Une atmosphère de relativisme généralisé a envahi les esprits ; l'homme a été arraché de ses bases traditionnelles et il ne sait plus où reprendre pied.

L'Eveil

L'état de veille sans aucun doute est bien supérieur aux états de sommeil avec rêve, et de sommeil profond, - ces trois états de conscience de l'homme sur lesquels les Voyants upanishadiques aimaient tant faire méditer leurs disciples. Cependant cet état de veille lui-même est loin d'être un état idéal et une unique source de plaisirs, de plénitude et de satisfaction pour l'homme. Il est sujet à d'innombrables liens et limitations c'est-à-dire à la condition du samsâra - être dans le monde et dépendre de lui - condition absolument insupportable pour quiconque aspire à la liberté et la libération dans la tradition bouddhiste ou hindoue.

Dans l'état de veille, ma conscience d'être moi-même est évidemment liée - donc aussi limitée - aux actions de mon esprit et de mon corps par l'intermédiaire desquelles je prends conscience d'être, d'être moi-même. Ma paix, mon bonheur sont conditionnés par ces « événements » de ma vie ; tant par ce qui arrive au-dehors et qui est reçu par mes sens que par tout ce qui se passe au-dedans de moi-même ainsi que par les activités inconscientes de la psyché qui nous ont été révélées par la psychologie moderne. S'il fait beau, je suis heureux, si j'ai mal aux dents je souffre. Si je reçois de bonnes nouvelles, je suis excité, si j'en reçois de mauvaises, je suis abattu. D'où cette peur qui sous-tend toute mon existence : bhayam l'un des mots-clefs des Upanishads, quelque chose comme l'« Angst », (angoisse) de l'existentialisme, finalement la peur de la mort et de tout le processus de dépérissement/vieillesse qui culmine en elle, le sarvam dukham : tout est souffrance du Bouddhisme.

Pour surmonter cette peur et cette insécurité fondamentale de la condition humaine, l'homme s'est engagé sur différentes voies au cours de son histoire et dont les trois principales sont les suivantes :

Il y a d’abord la voie religieuse avec toutes ses ramifications depuis le culte le plus primitif des forces cosmiques personnifiées et des esprits jusqu’aux hauteurs spirituelles du Christianisme avec sa foi en la résurrection et la vie éternelle.

Il y a ensuite la voie philosophique. Le philosophe considère comme de purs mythes toutes les consolations de la religion et, l'espoir d'un au-delà, d'une éternité où toutes choses seraient rétribuées et compensées équitablement. Il considère la joie, la souffrance, tous les événements de la vie comme étant des « idées » et les contrecarre par d'autres idées, - nous pouvons songer ici aux Stoïciens par exemple, Tout est matière à penser, et affaire de volonté. Si nous devenons les maîtres de nos pensées et de nos décisions nous nous rendrons maîtres de notre destinée.

Enfin il y a le sage - après ou au-delà du saint, de l’homme religieux et du philosophe. Le sage considère que les consolations de la philosophie sont tout aussi extérieures que celles de la religion, qu'elles n'atteignent pas le cœur du problème car il a réalisé et non pas seulement imaginé ou pensé qu’il y a un niveau de l'Être, du Vrai, du Soi, en lequel lui-même est au-delà de tous les dvandvas - les paires de contraires - de sécurité/ insécurité (abhayam/bhayam), mort/vie (mrityu/amritam) etc.

Trois grandes Traditions sont témoins de cette intuition, les Traditions upanishadique, bouddhiste et taoïste. Leurs formulations peuvent être différentes, toute formulation étant inévitablement conditionnée par l’environnement culturel et linguistique, mais leur expérience fondamentale est identique.

Souffrance, douleur et joie, vieillesse, naissance et mort, tout cela appartient au niveau du monde phénoménal, sans être pour autant de l'imagination ou de l'illusion ; toutes ces choses sont évidemment vraies, à leur propre niveau. Il y a en l'homme un autre niveau, celui de l’Absolu, du permanent ; toutefois ce niveau reste hors d’atteinte, tant pour les sens que pour l’entendement ; nul ne peut l’obtenir ou l’atteindre par quelque pratique que ce soit - rituelle, ascétique, ni par aucune acuité mentale, cela ne peut être que « réalisé ». Cela est, tout simplement.

Henri Le Saux, « Initiation à la spiritualité des Upanishads ».


Initiation à la spiritualité des Upanishads 


Henri Le Saux (1910-1973), moine bénédictin à l'abbaye de Kergonan (Bretagne), quitte son monastère avec l'autorisation de ses supérieurs pour vivre en Inde. Il y rencontrera des sages, tels Ramana Maharshi et Gnânânanda. Grâce à sa connaissance du sanscrit, il s'adonne à la lecture des Upanishads. Envisagées dans une perspective chrétienne, celles-ci deviennent pour lui une véritable révélation du Soi à travers le soi. Elles lui enseignent les étapes du total renoncement donnant accès à la voie de la libération conduisant à l'éveil.

Initiation à la spiritualité des Upanishads groupe différents textes dont des traductions et des commentaires des Upanishads, et un article consacré au monachisme hindou, l'état de sannyâsâ, composé quelques semaines avant sa mort. Henri Le Saux est déjà connu par de nombreuses publications. Celles-ci permettent de suivre sa démarche de chrétien vivant en Inde l'expérience de l'advaïta (non-dualité). Il semble qu'aucun de ses ouvrages n'ait auparavant atteint une telle profondeur. Cet itinéraire relate la traversée de l'abîme qui sépare le monde de l'âtman de celui du Braman, le passage sur l'autre rive : celle de l'éveil.

Dom Le Saux, moine chrétien et sannyâsî, fidèle à sa vocation bénédictine, apporte à l'Occident le message de l'Inde. Celui-ci présente la voie suivie par les sages, les rishis, les sannyâsîs, c'est-à-dire par des hommes enracinés dans le Mystère et qui n'ont d'autre but que de le vivre intensément dans le secret. En cela ils sont les frères des grands mystiques chrétiens, tels les rhénans.

Ce témoignage ne peut que séduire ceux qui sont à la recherche de l' "éveil" et qui pour y parvenir souhaitent connaître le chemin qui conduit à "l'Autre Rive", celle de l'illumination. A une époque où les guides spirituels deviennent de plus en plus rares, le témoignage d'Henri Le Saux répond à un appel et à une nécessité.





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Séjour dans la jungle de Periyar


Le père Emmanuel Vattakuzhy, prête indien du diocèse de Kothamangalam (Kerala) a soutenu une thèse à l'université pontificale grégorienne (Pontificia Università Gregoriana) de Rome sur le sannyâsa chrétien dans la vie et la vision du père Le Saux. Avec l’accord de son évêque, le père a fondé un petit ashram dans la jungle de Periyar où il s’est retiré, accueillant des hôtes en quête de spiritualité.


Adresse : Santhi Sadan Avolichal, Neriamangalam P.O. 686693, Kerala (Inde).



La guerre contre l’Islam est-elle une phase de la guerre ultime : la Guerre contre le Christ ?

La doctrine de la « démocratie libérale et des droits de l’homme » est une crypto-religion, une forme extrême, hérétique de judaïsme christ...