lundi, avril 18, 2011

Hubbard & les Thétans




L’Église de Scientologie déclare à ses membres que leur corps n'est qu'un simple véhicule destiné à des entités inter-galactiques, soi-disant de millions d'années et appelées êtres-Theta ou Thétans. Ces êtres sont extrêmement puissants mais leur force est sapée par des influences connues sous le nom d'Engrams et qui viennent de n'importe quoi, depuis les guerres inter-stellaires d'il y a des millions d'années aux autres Thétans en bonne santé. L'« implantation » d'Engrams résulte en maladies et handicaps, physique et mentaux. Pour détecter les Engrams, on se sert d'un gadget connu sous le nom de lecteur électropsychosique de Hubbard ou lecteur-E. Pour en neutraliser les effets, il faut une combinaison de psychothérapie et de confessions, méthode appelée « Audit ».

L. Ron Hubbard naquit en1911 à Tilden, Nebraska, mais fut élevé dans le Montana dans une famille très unie. Leur vie ne se déroula pas, comme l'affirment les ouvrages de scientologie, dans un grand ranch de bétail appartenant à son grand-père. Le père de Hubbard, Harry, fut brièvement un officier engagé dans la marine américaine et à deux reprises, la première en 1927 lorsqu'il était adolescent, Ron accompagna sa mère à Guam pour rendre visite à son père qui servait dans un poste côtier. L. Ron Hubbard entra à l'université George Washington où il étudia la physique moléculaire. Il la quitta avant d'obtenir son diplôme et passa le plus clair de son temps à écrire de la science-fiction, des scénarios d'aventure et des histoires de magazine médiocres. Durant la Seconde Guerre mondiale, il suivit les traces de son père et entra dans la marine où il poursuivit son service de manière tout aussi peu mouvementée. Des allégations comme quoi il fut un héros de guerre furent par la suite élaborées par la machine médiatique de la Scientologie, ce qui suggère que son passé militaire officiel fut en partie modifié. Il ne se trouva jamais face à l'ennemi et termina son service actif dans un hôpital de la marine où il était traité pour un ulcère du duodénum.

Son premier mariage se termina lorsqu'il quitta sa femme et leurs deux enfants et prit part à une cérémonie de mariage illégale avec Sara Élisabeth Northrup, l'ancienne maîtresse d'un de ses amis. L'ami en question, Jack Parsons, travaillait comme scientifique dans l'aérospatiale mais s'intéressait également aux aspects plus obscurs de la magie ainsi qu'au satanisme, et était un disciple du magicien anglais Aleister Crowley. C'est par Parsons que Hubbard développa un intérêt dans les sectes liées à la magie.

L’Église de Scientologie

Il développa un nouvel aspect dans son engouement pour une « science de l'esprit » originale en développant la Scientologie, un bric-à-brac ésotérique de théories assemblées à partir de science-fiction, de théologie et de physique, les détails de ces théories étant, dès le départ, enveloppés de mystère. C'est sur cette base quasi scientifique qu'il inventa son style particulier de religion, qui devint plus connu sous le nom d'Église de Scientologie. Fondamentalement, les scientologistes soutiennent que l'enveloppe corporelle est un véhicule temporaire pour une entité puissante du nom de Thétan, mais que l'efficacité de chaque thétan, qui parcourt la galaxie sous une forme ou une autre depuis environ soixante-quinze millions d'années, peut être diminuée par des implants appelés Engrams. Ceux-ci ont comme origine différentes sources mais leur présence peut être mesurée de manière plutôt commode par un appareil électrique (inventé par Hubbard) du nom d'E-mètre. Ces engrams peuvent être alors éliminés par la psychothérapie et la confession.

L'un des plus importants incidents de dissidence déclarée contre les activités de Hubbard survint en 1959, lorsque son fils aîné, Ron Junior, ou « Nibs ››, s'opposa à lui et fit une déclaration publique comme quoi son père était fou. [...]

Retraite

En 1967, Hubbard se consacra au développement d'une « marine » privée. Ayant démissionné de son poste de coordinateur de l'Église de Scientologie (tout en restant maître de son capital), il fonda Sea Org, une antenne maritime de la Scientologie, pourvue de trois bateaux et d'un équipage de disciples et navigua dans les Caraïbes et la Méditerranée. Il était entouré de jeunes disciples en grande partie de sexe féminin - nommés les Messagers du Commodore - qui étaient exclusivement à son entière disposition et qui devinrent les représentants de la cour d'intimes qui prit graduellement les rênes du pouvoir lorsque Hubbard commença à vieillir. Il revint sur la terre ferme en 1975, eut la première de ses crises cardiaques et s'installa, entouré de Messagers de confiance dans une propriété près de Palm Springs, en Floride.

Une tragédie le frappa. En 1976 lorsque son fils cadet, Quentin, se suicida lorsqu'il se rendit compte que son homosexualité ne serait jamais tolérée par l'Église de Scientologie. Hubbard eut sa deuxième crise cardiaque en 1978, et commença à être de plus en plus convaincu que les autorités fédérales surveillaient discrètement les scientologistes. En 1980, sa femme, Mary Sue, et d'autres membres de la secte furent mêlés à une opération bizarre de micros cachés et de vol. Une grande quantité de matériel fut volé dans des bureaux gouvernementaux. Ceci déboucha sur plusieurs arrestations et des condamnations. Mary Sue Hubbard commença une peine de prison d'un an en 1983 après qu'une série d'appels se fut révélée vaine.

En 1980, L. Ron Hubbard disparut dans l'obscurité presque totale avec un petit cercle de Messagers, menant malgré une santé affaiblie, une vie de luxe grâce aux coffres de l'Église de Scientologie. Il décéda d'une attaque en1986.

M. Jordan, "Sectes".


L. Ron Hubbard et son électromètre.



Sectes




Dessin :



dimanche, avril 17, 2011

La religion face aux extraterrestres




Un chapitre du livre de François Biraud et Jean-Claude Ribes, « Le dossier des civilisations extraterrestres », traite de l'attitude des religieux dans l'hypothèse où l'arrivée d'extraterrestres serait annoncée aux populations.

Les religions, c'est évident, ne seront pas toutes secouées avec la même violence. Certaines, dans leur philosophique indifférence, ne seront même pas ébranlées. Ce pourrait être le cas du confucianisme par exemple. Cela ne signifierait nullement une incapacité de réaction, mais simplement l'acceptation d'une vérité nouvelle, d'une donnée de fait contre laquelle l'antique sagesse commande de ne pas se dresser en vain.

Bouddhisme

L'attitude du bouddhiste ne différerait pas essentiellement de celle du confucianiste. Car le bouddhisme se désintéresse des problèmes de la nature qui l'environne et, bien plus encore, de ce qui se passe ailleurs que sur la Terre.

Hindouisme

Brahmanistes et hindouistes ont déjà peuplé les astres d'une foule de divinités. Ils ont personnifié les étoiles. Ils ont tout prévu puisqu'ils ont même « mythifié » et parfois « déifié » les principaux phénomènes astronomiques. On ne voit pas comment, pour eux, la réalité dépasserait la fiction.

Islam

Pour le musulman, en revanche, le choc pourrait être plus brutal. C'est que le livre sacré sur lequel repose sa foi, le Coran, a tout prévu pour lui donner des règles de vie et, en principe, l'aider à résoudre les problèmes qui se posent à lui, mais n'a pas mentionné les extraterrestres. Il faut donc prévoir un grand bouleversement du côté des mosquées! A moins que le fatalisme enraciné dans les peuples arabes ne leur soit le plus efficace des boucliers et que, face à de nouvelles dimensions humaines et cosmiques, ils ne se réfugient dans la plus noble et souveraine indifférence.

Christianisme

Si nous avons gardé pour la fin l'attitude que la religion chrétienne pourrait avoir dans ces circonstances, c'est qu'elle devrait logiquement se trouver dans une position fort inconfortable, pour s'être fondée sur le dogme de l'Incarnation, aussi anthropocentriste que possible. Quand le géocentrisme s'écroula et que la Terre devint une planète comme les autres, le mystère de l'Incarnation fut ébranlé car on comprenait moins facilement pourquoi la Terre avait été privilégiée au point de recevoir la visite de Dieu en personne sous une enveloppe humaine.

Si l'on parvenait à la certitude de l'existence d'autres humanités, le problème de l'Incarnation ne pourrait que prendre une dimension infiniment plus grande. « Comment se fait-il que le Créateur de millions d'univers, demande ingénument A. Giret, nous ait fait l'extraordinaire honneur d'envoyer son Verbe, son Fils unique, sur notre Terre qui n'a rien d'extraordinaire et qui se classe au contraire parmi les plus minuscules globes du firmament ? »

Mais Camille Flammarion fait remarquer que « ce serait une notion fausse et incomplète de la Toute-Puissance que d'imaginer en Elle des degrés de plus ou de moins... et toutes les fois que nous prêtons à Dieu notre manière de sentir ; nous Lui attribuons implicitement les infirmités de notre nature ».

Avant même d'avoir la preuve de l'existence d'autres intelligences, certains penseurs, prenant les devants, réconcilient le dogme et ce qui sera sans doute la vérité de demain :« Or, émanant de la planète moyenne du système, peut-être parce qu'elle le réclamait davantage, pourquoi cette puissance n'aurait-elle pu s'étendre à une des races planétaires du passé lorsque le jour de leur Rédemption fût venu, et à celles de l'avenir lorsque la mesure des temps sera comblée ? », écrit Brewster. Et le père Teilhard de Chardin : « Pour être Alpha et Oméga, le Christ doit, sans perdre sa précision humaine, devenir coextensif aux immensités physiques de la Durée et de l'Espace. Pour régner sur la Terre, il doit sur-animer le monde. »

Nous ne nous risquerons pas à commenter.

Les religions, toutes les religions, ont déjà subi des crises aussi profondes. Nombreux seraient sans doute les croyants affectés dans leur foi personnelle, mais on peut présumer que les Églises n'en seraient guère ébranlées.

Sinon, la révolution des idées que les quatre ou cinq siècles passés ont vu croître, révolution moins ponctuelle mais plus fondamentale que l'arrivée d'extraterrestres, les aurait plus violemment secouées. Et notre humanité, mettant sa technologie raffinée au service de guerres saintes et de croisades idéologiques, risque d'offrir un spectacle assez cocasse à d'éventuels visiteurs...

François Biraud et Jean-Claude Ribes, « Le dossier des civilisations extraterrestres »


Le dossier des civilisations extraterrestres

Voici une mise au point d'astronomes professionnels sur plusieurs questions, objets d'ardentes controverses :

La vie existe-t-elle sur d'autres planètes ?
Des civilisations fondée sur une vie artificielle sont-elles concevables ?
Des contacts avec des êtres extraterrestres sont-ils prévisibles dans un proche avenir ?
Enfin l'irritant mystère des Soucoupes volantes est-il aussi dénué de fondement que veut bien le prétendre la science officielle ?

A ces questions François Biraud et Jean-Claude Ribes ont apporté des réponses d'une extrême clarté et, dans leur véracité, plus passionnantes que n'importe quelle supputation fantaisiste.

Les auteurs n'hésitent pas à critiquer la sclérose des milieux scientifiques universitaires français et prouvent de façon certaine que l'homme n'est pas seul dans l'Univers.



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samedi, avril 16, 2011

Durée de vie de la civilisation




L'astrophysicien allemand Von Hoerner s'était livré à des calculs de probabilités assez complexes pour tenter de déterminer la durée de vie d'une civilisation.

Ses calculs étaient fondés sur cinq éventualités :

1) L'anéantissement de toute vie sur la planète ;

2) L'anéantissement des seuls êtres hautement organisés ;

3) La dégénérescence physique ou spirituelle menant à l'extinction ;

4) La perte d'intérêt pour la science et la technique ;

5) La durée illimitée de la civilisation étudiée.

Les résultats obtenus lui permettaient de considérer qu'une civilisation a un certain nombre de chances de durée qui varient très fortement suivant les cinq cas retenus. Selon lui, toute civilisation possède :

5 pour 100 de chances d'avoir une longévité de 100 ans sa vie étant limitée par destruction complète ;

60 pour 100 de chances d'atteindre 30 ans, la vie des êtres supérieurs étant anéantie ;

15 pour 100 de chances de dégénérer en 30 000 ans ;

20 pour 100 de chances de se désintéresser de la science en 10 000 ans ;

aucune chance de durer indéfiniment.





vendredi, avril 15, 2011

La dé-professionnalisation de la médecine




A l'image de ce que fit la Réforme en arrachant le monopole de l'écriture aux clercs, nous pouvons arracher le malade aux médecins. Il n'est pas besoin d'être très savant pour appliquer les découvertes fondamentales de la médecine moderne, pour déceler et soigner la plupart des maux curables, pour soulager la souffrance d'autrui et l'accompagner à l'approche de la mort. Nous avons du mal à le croire, parce que, compliqué à dessein, le rituel médical nous voile la simplicité des actes. J'ai une amie noire de dix-sept ans qui est récemment passée en jugement pour avoir soigné la syphilis primaire de cent trente camarades d'école. Un détail d'ordre technique, souligné par un expert, lui a valu l'acquittement : ses résultats étaient statistiquement meilleurs que ceux du Service de Santé américain. Six semaines après le traitement, elle a pu faire des examens de contrôle sur tous ses patients, sans exception. Il s'agit de savoir si le progrès doit signifier une indépendance accrue ou une croissante dépendance.

La possibilité de confier des soins médicaux à des non-spécialistes va à l'encontre de notre conception du mieux-être, due à l'organisation régnante de la médecine. Conçue comme une entreprise industrielle, elle est aux mains de producteurs (médecins, hôpitaux, laboratoires pharmaceutiques) qui encouragent la diffusion des procédés de pointe coûteux et compliqués, et réduisent ainsi le malade et son entourage au statut de clients dociles. Organisée en système de distribution sociale de bienfaits, la médecine incite la population à lutter pour obtenir toujours plus de soins dispensés par des professionnels en matière d'hygiène, de prévention, d'anesthésie ou d'assistance aux mourants. Jadis le désir de justice distributive se fondait sur la confiance dans l'autonomie. Aujourd'hui, figée dans le monopole d'une hiérarchie monolithique, la médecine protège ses frontières en encourageant la formation de para-professionnels auxquels sont sous-traités les soins autrefois dispensés par l'entourage du malade. Ce faisant, l'organisation médicale protège son monopole orthodoxe de la concurrence déloyale de toute guérison obtenue par des moyens hétérodoxes. En fait, chacun peut soigner son prochain et, dans ce domaine, tout n'est pas nécessairement matière à enseignement. Simplement, dans une société où chacun pourrait et devrait soigner son prochain, certains seraient plus experts que d'autres. Dans une société où l'on naîtrait et mourrait chez soi, où l'infirme et l'idiot ne seraient pas bannis de la place publique, où l'on saurait distinguer la vocation médicale de la profession de plombier, il se trouverait des gens pour aider les autres à vivre, à souffrir et à mourir.

L'évidente complicité du professionnel et de son client ne suffît pas à expliquer la résistance du public à l'idée de dé-professionnaliser les soins. A la source de l'impuissance de l'homme industrialisé, on trouve l'autre fonction de la médecine présente qui sert de rituel pour conjurer la mort. Le patient se confie au médecin non seulement à cause de sa souffrance, mais par peur de la mort, pour s'en protéger. L'identification de toute maladie à la menace de mort est d'origine assez récente. En perdant la distinction entre la guérison d'une maladie curable et la préparation à l'acceptation du mal incurable, le médecin moderne a perdu le droit de ses prédécesseurs à se distinguer clairement du sorcier et du charlatan; et son client a perdu la capacité de distinguer entre le soulagement de la souffrance et le recours à la conjuration. Par la célébration du rituel médical, le médecin masque la divergence entre le fait qu'il professe et la réalité qu'il crée, entre la lutte contre la souffrance et la mort d'un côté et l'éloignement de la mort au prix d*une souffrance prolongée de l'autre. Le courage de se soigner seul n'appartient qu'à l'homme qui a le courage de faire face à la mort.

Ivan Illich, « La convivialité »


Némésis médicale

Lorsque leur développement dépasse certains seuils critiques, les grands services institutionnalisés deviennent les principaux obstacles à la réalisation des objectifs qu'ils visent. Ce contresens tragique, cette « contre-productivité paradoxale », version moderne du mythe grec de la Némésis, Ivan lllich nous l'a déjà fait percevoir dans ses travaux antérieurs sur l'école (Société sans école), les transports (Énergie et équité), la société industrielle en général (La Convivialité et Libérer l'avenir). Il en fait ici la théorie systématique à propos de la médecine.

La diminution de la santé des hommes par le développement morbide de l'institution médicale, Illich l'appelle : iatrogène, en empruntant ce mot au vocabulaire médical : maladie iatrogène = maladie engendrée par le médecin. Et il distingue trois niveaux de iatrogenèse :

- l'inefficacité globale et le danger de la médecine coûteuse (iatrogenèse clinique),

- la perte de la capacité personnelle de s'adapter à son environnement, et de refuser des environnements intolérables (iatrogenèse sociale),

- le mythe selon lequel la suppression de la douleur, du handicap et le recul indéfini de la mort, sont des objectifs désirables et réalisables grâce au développement sans limites du système médical - mythe qui compromet la capacité autonome des hommes de faire face justement à la douleur, à l'infirmité et à la mort en leur donnant un sens (iatrogenèse structurelle).



Né à Vienne en 1926, a fait des études de cristallographie, d'histoire et de philosophie à Florence, Salzbourg et Rome. Après avoir travaillé à New York, dirigé l'Université catholique de Porto Rico, et traversé l'Amérique latine à pied, il a fondé à Cuernavaca (Mexique) le Cidoc, centre d'initiation à la culture latino-américaine et d'analyse critique de la société industrielle.


Dessin :

jeudi, avril 14, 2011

Dieu, sexe & anarchie




Les Enfants de Dieu

La secte des Enfants de Dieu était au départ constituée d'un groupe de hippies californiens, les Adolescents du Christ, sorte de club dirigé par un fanatique de Jésus aux cheveux longs, un ancien prêcheur méthodiste, qui se nommait David Berg. Il offrait un mélange enivrant de musique pop, de drogues, de sexe, d'anarchie et de religion fait maison à une population qui fut prompte à y répondre.

Berg reprit le discours éculé des prêcheurs en brandissant le spectre du jour du Jugement dernier à une Amérique corrompue par sa politique impérialiste et son obsession du matérialisme ; le salut passait par l'adhésion aux doctrines de Moïse David ou du « Père » David, comme il aimait s'appeler. Il était, selon ses propres mots, le « Prophète de la fin des temps », qui était prêt à montrer le chemin du salut grâce à sa « Loi de l'amour ». Un tel chemin coûterait inévitablement de l'argent. Cet argent servait à maintenir le train de vie fastueux de Berg et de sa famille, tandis que ses ouailles vivaient dans la pauvreté, dans des communautés religieuses. On inculqua tout d'abord aux membres du culte les bienfaits du célibat mais, lorsque les appétits sexuels de Berg débordèrent suffisamment pour que soient impliquées les épouses des adeptes, le nouveau message fut celui de la promiscuité sans restriction. On dit que cela incluait l'homosexualité, l'inceste et la pédophilie. Presque toutes les déviances sexuelles étaient admises et les ouvrages pornographiques circulaient librement car ils entraient dans la catégorie de « l'Amour de Dieu ».

Des filles de joie pour Jésus

Dès le début des années 70, le culte avait dépassé les plages de Californie. Des communautés s'étaient installées partout aux États-Unis avec l'aide de prêcheurs itinérants.

La doctrine grossièrement travaillée de Berg, d'abord proclamée à travers une série de démonstrations pacifiques dans plusieurs villes des États-Unis, allait par la suite évoluer et adopter une stratégie de séduction pour recruter de nouveaux membres. À cette fin, Berg créa un bataillon de « Filles de joie pour Jésus », constitué de jolies femmes, mariées ou célibataires, qui avaient pour mission de « recruter » des hommes dans les clubs et les bars. Cette pratique était appelée le « Flirty Fishing » (la pêche par le flirt).

Berg vivait à l'époque en Angleterre et s'adressait à ses fidèles par l'intermédiaire d'un flux constant de lettres. Ces lettres étaient diffusées à ses acolytes et vendues au public sous forme de pamphlets et de journaux. L'argent était reversé à l'organisation et à Berg, qui était considéré par ses fidèles comme une sorte de Messie des temps modernes.

Parmi les femmes qui « recrutaient » de nouveaux membres dans les bars, beaucoup se retrouvèrent enceintes et donnèrent naissance à des enfants dont les pères n'étaient pas toujours identifiés. La secte, qui était censée s'occuper de ces jeunes victimes, manqua le plus souvent à ses obligations. Les membres qui réussirent à s'enfuir se virent menacés de la damnation éternelle et d'une vie misérable pour eux-mêmes et leur progéniture illégitime..

Enfants maltraités

Vers la fin des années 70, un peu partout dans le monde, la police fut alertée par des personnes affirmant que des enfants étaient maltraités dans le cadre des activités du culte. Berg s'employa à donner à la secte une allure plus respectable en la rebaptisant Famille d'amour - et en en modifiant le régime. Dès le début des années 90, les membres du culte reçurent des instructions strictes stipulant que les travaux internes et les adhésions devaient être tenus secrets. La police n'en continua pas moins ses recherches et il fut établi que, dans le sud de 1'Angleterre, environ un millier d'enfants avaient été recrutés sur une période de dix ans, parmi lesquels au moins 116 étaient morts de causes diverses.

Les poursuites judiciaires commencèrent en septembre 1994 et des dommages et intérêts furent versés à l'une de ces victimes. La secte continua cependant à clamer son innocence. En novembre 1995, Lord Justice Ward déclara devant la Haute Cour que Berg était un pervers sexuel et qu'il avait sacrifié les droits des enfants sur un faux autel. Il prononça un jugement à l'encontre de la secte et autorisa une adepte âgée de 28 ans à garder son enfant de 3 ans si elle acceptait de dénoncer les enseignements de Berg. A l'issue du procès, une porte-parole de la secte déclara que le verdict était une victoire.

M. Jordan, "Sectes".


« Il n'y a pas de lois contre l'inceste au Royaume de Dieu. »
David Berg




Purulence

Extrait : " - Moi j'aime bien... Le revers puissant que m'a destiné "papa" m'envoie tournoyer et brise la claire euphorie qui animait mes paroles. - Que je ne te reprenne pas à dire "moi je" ! Ça ne doit plus sortir de ta bouche. On te l'a déjà dit, non ? - Le "moi je", c'est l'ego, et c'est mal. Ton corps et ton esprit appartiennent à Jésus et à la Famille. Le "moi je", tu le fais disparaître. C'est le Seigneur à travers toi qui doit briller, explique ma mère. J'ai quatre ans et je m'oublie beaucoup. J'ai quatre ans, et "moi je" ne doit plus exister ".

Livre de la nécessité, Purulence est le récit à hauteur d'enfant d'une survivante dont la lucidité transforme le témoignage en une œuvre d'une présence effroyable.

mercredi, avril 13, 2011

La notion de temps à l'est et à l'ouest




Helmuth von Glasenapp, indologue à l'université de Tübingen, avait l'habitude de dire à ses étudiants : « A l'ouest de l'Hindou-Kouch le temps court, à l'est il se tient coi. »

En Occident, puisque notre temps « court », nous devons concevoir un commencement et une fin à notre univers. Nos religions comportent des mythes de création et nos sciences naturelles partent de cette supposition.

C'est ainsi que le judaïsme, le christianisme et l'islam sont des religions prophétiques qui attendent, ou ont attendu, leur Messie. Nous regardons vers l'extérieur, donnant la primauté à ce que nous percevons avec nos sens. Nous pensons de façon analytique, en subdivisant toujours davantage. Nous devenons tous des spécialistes, c'est-à-dire des gens qui savent de mieux en mieux de moins en moins de choses. Notre science surdéveloppée est le fruit de cette façon de penser.

Au XXe siècle seulement, notre vision mécanique du monde a commencé à être ébranlée par la théorie de la relativité d”Einstein et les découvertes des physiciens : le temps et l'espace forment une unité inséparable, l'espace est courbe et notre univers, bien que sans limite, n'est néanmoins pas infini.

Comment pouvons-nous donc nous imaginer le temps autrement ?

Les chemins de la connaissance ont toujours mené à la perception d'un temps immobile. Il est ici et maintenant. Tout ce qui est arrivé ou va arriver se produit dans l'ici, dans le moment présent. Le moment présent, «maintenant››, est la seule partie de ce que nous appelons le « déroulement » du temps à laquelle nous pouvons directement prendre part. « Avant »et « après » sont déjà des réflexions de notre cerveau. Saint Augustin décrit exactement cela quand il dit : « Le temps existe d'une triple présence : le présent comme nous le vivons, le passé comme souvenir présent et l'avenir comme attente présente. »

Il est étonnant que même un philosophe profondément matérialiste comme Wittgenstein écrive à la fin d'un de ses exposés : « Quand on comprend par « éternité » non une durée de temps infinie, mais bien la « non-temporalité », alors celui qui vit dans le présent vit éternellement. »

Peter Grieder, « Pays entre ciel et terre ».


 Pays entre ciel et terre

En guise de présentation :

Ce livre est le fruit de ma recherche de vérité. J'y présente des images et des textes qui, en se répondant, donnent naissance à une cohérence intérieure. Tout au long des pages se déroule comme un fil sur lequel les perles sont progressivement enfilées, un sutra qui graduellement conduit la méditation du lecteur de l'extérieur vers l'intérieur.

Par ce livre, je désire vous inviter à un voyage intérieur.

Le voyage commence avec des vues de fleurs, de lacs, d'enfants et de paysages. Il se termine avec le Livre des Morts tibétain. Comme dans le mandala, le chemin part de la périphérie pour aboutir au centre où est gardé le mystère.

Je ne suis pas un tibétologue scientifique de formation. Ce qui m'autorise à écrire sur le peuple du « pays entre ciel et terre », sur sa culture et sa religion, ce sont les expériences que j'ai pu rassembler comme directeur de l'Institut Monastique du Tibet à Rikon/Zurich, en Suisse, ainsi que les expériences de ma vie.

Je tiens à remercier tous ceux qui m'ont accompagné sur mon chemin de vie. Sans leur aide, ce livre n'aurait jamais vu le jour.

Peter Grieder.


mardi, avril 12, 2011

Le refus de l'officiel



Par Michel Maffesoli

L'ambiance générale est bien au scepticisme. Scepticisme vis-à-vis des grands systèmes théoriques, la chose est entendue. Mais, également, vis-à-vis de ceux qui, de diverses manières, ont la prétention de parler pour et au nom des autres.

L'intellectuel est passé du statut de maître-penseur à celui d'« expert ». C'est dire la haute idée que l'on a de lui : il a été a la soupe.

Le politique est, globalement, déconsidéré. Et quand il n'est pas soupçonné de corruption, il est vu comme un histrion aux gesticulations et au langage étranges, pour lequel on n'a que commisération. Sa préoccupation essentielle d'ailleurs, est de se produire dans les divers médias, de privilégier la « communication », et de participer à des « talk-shows » insipides. C'est dire le niveau atteint par les représentants de la chose publique !

Quant aux journalistes, hélas ! ils se contentent de mettre en scène la débilité ambiante. « Sans subjectivité, ni objectivité », ainsi que le notait, déjà, le philosophe G. Lukács, leur principal souci est, dans tous les sens du terme, de rendre « passable » le débat public.

Et l'on pourrait continuer à égrener la longue liste des protagonistes de l'intelligentsia, de tous ceux qui ont (quelque) pouvoir de dire et de faire, et dont l'ultime ambition est bien l'impérieuse nécessité de préserver les pauvres privilèges de petites sectes en voie de décomposition avancée.

Il n'y a pas lieu, dès lors, de s'étonner du fossé faramineux existant entre les représentants et les représentés. Désamour s'exprimant dans la désaffection vis-à-vis du politique, vis-à-vis de la presse, vis-à-vis du débat d'idées. Toutes choses qui furent la spécificité de la modernité.

Ce n'est pas la première fois qu'existe une telle « secessio plebis ». Le peuple fait sécession d'une manière bruyante ou silencieuse, quand il n'y a plus de pensées hardies capables de traduire l'aspect aventureux de son existence réelle.

Et il ne s'agit pas, ici, d'un simple problème d'école. Car c'est dans l'écart existant entre ceux qui disent et ceux qui vivent que peuvent se nicher les diverses formes de fanatismes, de xénophobies ou de racismes. Le succès des démagogues de tout poil repose, essentiellement, sur l'incapacité de rendre compte de l'imaginaire à l'œuvre dans la vie sociale. L'animal humain a besoin de se dire. Mais le propre des « discours » (mythes, représentations, histoires) est d'être impermanents, de se saturer.

D'où la nécessité de reconnaître cette saturation et de repérer ce qui, d'une manière balbutiante, tend à émerger. Pars destruens, pars construens. La vie est faite de destruction et de construction. La pensée, aussi, n'y échappe pas qui doit révéler l'inanité des analyses de ces « experts » dont on sait, d'avance, ce qu'ils vont dire, et dont le conformisme atterrant va de pair avec leur ignorance de ce qui est l'existence en son quotidien.

Il faut rompre le cercle vertueux des analyses convenues. De ces analyses fades faites plus de virtuosité que d'amour. Analyses élaborées dans ces endroits protégés que sont les lieux de pouvoir (symbolique, économique, politique). Analyses sectaires, c”est-à-dire coupées de la réalité, à usage des tribus de ces mêmes pouvoirs, qui se contentent soit de conforter un statu quo bien fragile, soit de le critiquer d'une manière bienséante et polie.

Voilà bien l'enjeu, épistémologique et éthique, d'une pensée forte, en congruence avec son temps. Et dès lors lucide, roborative, et quelque peu amorale. Au-delà et en deçà de la critique et avant l'action, il faut savoir célébrer le monde tel qu'il est, pour ce qu'il est. Et dès lors oublier la critique hargneuse des esprits malheureux. Ce, non par mépris (l'on sait qu'il faut être économe de ce sentiment), mais bien parce que c”est en rompant avec l'opinion, fût-elle savante, que l'on peut apporter son tribut à l'édification d'une pensée qui soit en congruence avec son temps.

Exciter les clameurs et les haines importe peu dès lors que l'on s'emploie à être fidèle à l'exigence intellectuelle que l'on s'est fixée : contre l'automatisme des idées abstraites et diverses analyses convenues, indiquer une démarche stéréoscopique, sachant tout à la fois rendre compte des rêves les plus fous et du pragmatisme terre à terre qui sont, de tout temps, les essentielles caractéristiques de ce que Montaigne nommait, avec quelque tendresse, cette « hommerie » qui est la nôtre.

Faire le relevé d'une topographie dont les contours ne varient pas, mais dont il importe, toujours et à nouveau, de rappeler les méandres. D'où un questionnement, quelque peu répétitif, se déroulant en volutes autour d'une idée centrale : penser la singulière métamorphose de la vie en son déroulement, faisant revenir ou réactualisant ce qui a toujours été.

Pour reprendre un terme que j'ai proposé il y a fort longtemps, et qui tend, de plus en plus, à s'imposer, il y a bien une logique « sociétale » à l'œuvre dans notre espèce animale. Mais cette logique n'est réductible à rien. Surtout pas à la raison, à la conscience, à l'individu. Pas plus qu'à un savoir censé leur donner statut scientifique. C'est une logique de l'entre-deux, c'est-à-dire du multiple. Non plus un sujet maître de lui, agissant sur un objet soumis, mais bien un trajet en constante évolution. D'où le balancement entre la connaissance et la vie quotidienne, entre l'esprit et les sens.

« Connaissance ordinaire » (1985), avais-je dit. Ou encore « Raison sensible » (1996). En bref il n'y a de savoir qu'enraciné dans l'existence courante. « Être à la hauteur du quotidien », disait, à sa manière, Max Weber. Et il est vrai que l'éthique, fondement du lien social, dépend, structurellement, de l'esthétique : cette capacité d'éprouver des émotions, de les partager, de les constituer en ciment de toute société.

Tout cela peut sembler académique, et il est vrai que l'affairisme dominant, dans ses aspects journalistiques, bien sûr, mais également universitaires ou politiques, s'accommode des simplismes convenus : la doxa dont il a été question. L'endurance ou l'exigence de la pensée est pourtant affaire de tous, si l'on veut que cesse cette étonnante et dangereuse déconnexion existant de nos jours entre ceux qui vivent et ceux qui sont censés dire ce que cette vie doit être.

Résistance et soumission. Résister au conformisme qui se contente de dire ce qu'il aimerait qui soit, ou ce que la morale devrait être. Se soumettre, ce qui est faire preuve d'invention : cette créatrice capacité de faire venir au jour (in venire) ce qui est. Paradoxe, certes, faisant des amateurs du monde les plus farouches opposants de tout institué : conformisme intellectuel et/ou institution sclérosée.

La pensée n'est intéressante que quand elle est dangereuse. Dangereuse pour l'opinion établie et ronronnante servant de fondement à toutes ces « expertises » dont se repaît le pouvoir. Bavardage tonitruant. Jargon en folie tenant lieu de pensée. De plus en plus nombreux sont ceux qui n'ont rien à dire et le disent bien haut.Voilà bien ce qui tend à dominer. Une écœurante vulgate où se complaisent la médiocrité et la médiacratie unies en un spasme incestueux.

Il est des mots que l'on attend pour conforter ses certitudes. C°est bien cela la doxa intellectuelle dominante. Il en est d'autres dont on pressent l'impérieuse nécessité pour se mettre en question. Pour participer à la question qu'au travers de leurs plus authentiques expressions : mythes et symboles divers, les sociétés se posent à elles-mêmes. L'intranquilité de l'être n'a, fondamentalement, que faire des veules et benoîtes assurances. Bien plus lui plaît l'inquiétante inquiétude qu'est toute vie. L'énigme plus que la solution.

Et ce d”autant plus que ces certitudes, ces assurances tous risques, intellectuelles et politiques furent élaborées en un temps qui ne fut pas sans intérêt mais qui semble, empiriquement, bien daté. Les incantations républicaines et autres développements sur le contrat social, aussi tonitruants soient-ils, n'en sont pas moins désuets.

« Monnaie usée, toujours utilisée » (Husserl). Les mots deviennent futiles lorsqu'ils sont déconnectés de la réalité vécue. Ils n'ont plus d'énergie propre. Et sont, dès lors, impuissants à rendre compte de l'énergie, qui peut être choquante mais pas moins vivace, à l'œuvre dans la socialité contemporaine.

Le conformisme de pensée est de tout temps qui se satisfait des certitudes acquises et n'entend pas remettre en question la sécurité de ses forteresses de pensée. Ainsi tel éminent professeur de physique à la Sorbonne traitant Edison de « ventriloque » lorsque ce dernier présenta son phonographe à Paris. Ainsi les détracteurs de Galilée qui refusèrent son invitation à regarder dans son télescope afin de vérifier, par eux-mêmes, l'existence des satellites de Jupiter. Quand la science s'institutionnalise elle devient dogmatique, et a besoin d'être bousculée pour retrouver son dynamisme originel et original.

Octavio Paz rappelle, dans Sor Juana Inés de la Cruz, qu'à chaque époque il y a ces « lecteurs terribles » que sont les archevêques, les inquisiteurs et autres secrétaires généraux du parti veillant à « ce qu'on ne peut pas dire ». Il note, aussi, que certains transgressent et disent, tout de même, la parole perdue ou interdite. Ce n'est donc pas chose nouvelle. Mais il est important, en reprenant le flambeau de la résistance, que l'on fasse entendre, dans le conformisme ambiant, et face aux divers censeurs, cette voix autre. Cette voix de l'autre, ennemie des notaires, des chefs de bureau, des caporaux de tout poil. Important que l'on sache s'opposer au matois jargon de la moralité bien pensante.

En bref, ne plus juger. Ne plus mesurer les choses à l'aune de nos représentations modernes. Se contenter de les présenter. Est-il encore possible que celui qui a le pouvoir de dire soit le « magister humanitatis » indiquant le sens du monde ? Certainement pas. Les systèmes représentatifs semblant, pour l'instant, saturés, il faut se contenter de
poser des jalons, indiquer quelques repères sur le cheminement personnel et collectif.

En un moment où prédomine le nomadisme existentiel,doit répondre, comme en écho, l'errance intellectuelle. La question plus que la solution. La précaution, soi-disant (se disant) scientifique, doit laisser la place à l'audace de la pensée.

C'est Luther qui qualifie, quelque part, la philosophie de « part du diable », et propose de brûler Aristote. Subtilité de théologue avec ses gros sabots ! Bien étrangère à ce sens de la nuance habitant ceux qui préfèrent le questionnement, douteux, doutant, aux certitudes dogmatiques. Et pourtant Luther est bien l'homme du « non possumus » qui ne pouvait pas ne pas dire, contre la scolastique catholique, les doutes dont il était plein. Étrange drame de la pensée faisant des plus intrépides révoltés, lorsqu'ils institutionnalisent leur hétérodoxie, les plus farouches défenseurs d'une nouvelle orthodoxie !

Le refus de l'officiel ne se partage pas. Toute pensée qui accepte fermeté et vigueur secoue, toujours, les opinions admises. Et le fait qu'elle soit refusée ou mal comprise est, immanquablement, un bon signe. Celui de son adéquation à la centralité souterraine animant, en profondeur, le dynamisme du sociétal. Échappant à l'enfermement que voudraient leur faire subir leurs interprètes universitaires, Nietzsche lorsqu'il s'en prenait aux « gestionnaires de la pensée » (Considérations intempestives) ou Wittgenstein vantant le « charme des destructeurs d'illusion » sont de ceux qui nous appellent à réagir à l'absence d'inquiétude qui tend à prévaloir en une époque érigeant en « expert » patenté n”importe quel petit histrion !

Les illusions ne manquent pas, qui s'emploient à mesurer la pensée à l'aune de la professionnalisation, de l'utilitarisme, de la politique voire de la simple critique. Seule la hardiesse est son lot. Et contre les trafiquants de l'esprit, avec leurs semelles de plomb, elle rappelle qu'un fait est un fait. Et qu'il ne sert à rien de le nier ou de le dénier.

« Le rythme de la vie » (avant-propos).


Le rythme de la vie

D'un côté, le reflux du politique, la disparition du peuple, la déroute des savoirs et des intellectuels. De l'autre, l'avènement de la Toile, le retour des tribus, le règne de la télé-réalité, des parades, des corps tatoués, percés. Une nouvelle barbarie ? Non, répond Michel Maffesoli. Au contraire. Par-delà ses excès, ce renversement nous invite à retrouver le rythme de la vie au plus profond de nos vies. Car l'effondrement des idolâtries de la Raison, de l'Histoire, du Progrès nous rouvre à l'altérité, au quotidien, à l'anomie. Car, en unissant l'archaïque à la technique, notre imaginaire renoue avec la sensibilité. Car notre Moi, rompant avec les illusions binaires du public et du privé, des racines et du nomadisme, de la nation et du cosmopolitisme, se redécouvre multiple. Comment penser, dans l'entre-deux, notre identité ? Décryptant les idéologies anciennes et les censures contemporaines comme les paradoxes postmodernes, convoquant Platon ou Nietzsche comme les sagesses d'hier et les mythes d'aujourd'hui ; c'est une leçon dionysiaque de gai savoir que donne ici Michel Maffesoli. A rebours du pessimisme ambiant, un maître livre pour enfin comprendre et vivre notre monde tel qu'il va.


Sommaire

Avant-propos
1. Le refus de l'officiel
2. Les galeries du social

I. Une sensibilité primitive
1. L'art de la répétition
2. Le présent progressif
3. Le triomphe de la vie

II. La communauté localisée
1. Une éthique non verbale
2. La conscience objective
3. Jugement d'un sens commun
4. De la fission à la fusion

III. Du moi au Soi
1. Osmose avec l'autre
2. L'enracinement dynamique
3. La psyché objective
4. Subjectivité de masse
5. Au cœur du pathétique
6. Logique de l'ombre

IV Présentation des choses
1. Les formes du fond
2. Excursus sur l'avènement
3. Le chemin de l'expérience

Index nominum


Professeur à la Sorbonne, directeur du Centre d'études sur l'actuel et le quotidien (Paris-V), directeur du Centre de recherche sur l'imaginaire (MSH), Michel Maffesoli est l'auteur du « Temps des tribus », du « Nomadisme », de « La Part du diable », entre autres ouvrages, qui l'ont consacré comme l'un des grands philosophes et sociologues contemporains, en France comme à l'étranger.

Photo :
Conférence de Michel Maffesoli au Centre Social Du Chemillois. Le thème de la conférence : "Des lavoirs d’antan à Facebook ou l’évolution des réseaux sociaux en milieu rural".

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