Il
est indiscutable que le capitalisme est une forme économique
d'esclavagisme et il y a des considérations utiles à tirer d'une
comparaison entre l'esclavage et le capitalisme ; et j'espère
vous le montrer. Précisons tout de suite que cette comparaison n'a
de sens que d'un point de vue économique, puisque le capitalisme est
un système économique, et que l'esclavage lui-même a connu des
justifications économiques. La comparaison ne portera donc pas sur
les droits qui sont reconnus à l'esclave ou à l'ouvrier : ces
droits sont, dans un cas comme dans l'autre, extrêmement variables,
selon les époques et les cultures.
Qu'est-ce
que l'esclavage ? C'est la possession d'un homme à qui on est sensé
donner nourriture, logis, bien de nécessité et quelques autres en
fonction des services rendus et des relations que le maître
entretient avec son esclave. Dans l'antiquité, certains s'occupaient
même de la formation technique, voire intellectuelle, de leurs
esclaves : c'est ainsi que l'esclave Épithète fut formé à la
philosophie.
Qu'est-ce
que posséder des moyens de productions ? C'est acheter les
conditions de travail d'un homme, afin de tirer ensuite profit de son
travail.
Dans
un cas, on achète un homme et on tire profit de son travail.
Dans
l'autre cas, on achète les conditions de possibilité du travail, et
donc, dans des conditions
ordinaires, de la survie d'un homme, et on tire profit de son
travail.
Le
but est donc le même : tirer profit du travail d'autrui (ce qui est
le propre du capitalisme, puisque son but est d’accroître le
capital en faisant les bons investissements).
Le
moyen diffère. Mais nous devons souligner qu'il diffère surtout
pour ce qui concerne des
conditions extérieures au capitalisme et au domaine économique
proprement dit. Heureusement, l'employeur n'a pas le droit de châtier
corporellement son employé, par
exemple, mais cet interdit ne relève pas de la définition même du
capitalisme, qui n'a
pas toujours eu ces scrupules. Et l'honnêteté oblige à dire que
les droits reconnus aux
travailleurs ne sont pas assurés par l'idéologie capitaliste, mais
par la vigilance de l’État
ou par les luttes et la surveillance syndicales.
Aussi
bien pourrions-nous imaginer un pays où l'esclavage serait toujours
permis, mais où cette pratique aurait été finalement plus
"humanisée", par l'imposition de certaines règles de
conduites : le maître ne doit pas tuer son esclave, il ne doit même
pas le blesser physiquement, ni lui interdire de se marier, etc..
Mais tout le travail de l'esclave restera possession du maître, qui,
en retour, lui donnera de quoi vivre.
L'esclave
vit ainsi directement sous la dépendance de son maître. L'employé
ne vit pas directement sous la dépendance du capitaliste ; il a
d'abord l'impression de vivre par son travail. Mais il faut avouer
que la différence paraît moins nette. Car, à cause de la relation
de dépendance qui existe malgré tout entre le capitaliste et
l'employé, c'est au premier qu'apparient d'abord toute la richesse
produite. Et ce n'est qu'en un second temps qu'il donne une part de
cette richesse à son employé. Et l'on sait que ces dernières
décennies la part de richesse reversée au travail n'a cessé de
diminuer - ce qui est tout à fait dans la logique du capitalisme.
Nous
nous demandons franchement quelle différence fondamentale existe
alors entre les deux systèmes du point de vue économique. Dans les
deux cas, la somme de travail et surtout la somme de richesse
produite est la propriété du maître ou du capitaliste. Et celui-ci
en redistribue une part à son esclave ou à son employé.
On
me dira : mais tout de même, l'employé peut partir de son
entreprise s'il n'est pas content ! L'esclave, lui, ne le peut pas.
Certes, mais cette objection prend appui sur une considération qui
sort du domaine économique : il ne peut donc servir pour montrer que
d'un point de vue économique il y a une différence. En outre, il
faut observer que le capitalisme tend naturellement à empêcher la
contestation des employés : en favorisant les grands regroupements,
il conduit à niveler les conditions de travail, et même à les
détériorer si cela permet des profits supplémentaires. Et il ne
trouve pas intérêt à investir dans les zones où les exigences
sociales sont jugées excessives, et préférera donc s'installer là
où les employés seront plus « concurrentiels », c'est-à-dire là
où le profit sera meilleur. Dans un environnement de libre
échange, les emplois ne pourront donc pas être viables si les
employés ne se plient pas à la nécessité d'offrir du profit.
L'employé
peut donc certes partir de son entreprise, mais que trouvera-t-il
ailleurs ? Rien
de mieux, voire pire : le chômage. Il y a donc bien une sorte de
chantage, qui n'est plus
strictement « travaille pour moi ou meurs », mais qui s'en
rapproche étrangement.
Il
me semble ainsi que, du point de vue économique, le système
capitaliste n'est rien d'autre qu'un système d'esclavage décentré
et donc déguisé. Au lieu d'annoncer clairement que l'on possède un
homme, on s'arrange pour qu'un homme soit obligé de venir nous
offrir son travail. De la sorte, il y a pour lui, en fait, du point
de vue économique, les
mêmes contraintes et les mêmes résultats.
Sans
doute ce rapprochement paraîtra excessif, même après ces
explications. Mais je voulais
démontré que, pour ce qui concerne la logique économique de fond,
il est évident que le capitalisme était idéologiquement parent de l'esclavagisme.
Il
est toujours un peu surprenant de constater comment les capitalistes,
pour défendre leur position, renvoient leurs adversaires aux crimes
du communisme, comme si être anticapitaliste impliquait forcément
de revenir à de tels modèles. Il sera tout de même bon, alors, de
leur rappeler qu'autrefois le capitalisme a bel et bien été
esclavagiste, au sens le plus fort et le plus douloureux du terme.
Pourquoi donc n'en ont-ils pas déduit qu'il fallait l'abandonner ?
Chacun
sait ou devrait savoir que l'écart au chapitre de la répartition de
la richesse dans le monde se creuse de plus en plus. Ce que l'on sait
moins cependant, c'est que cet écart se creuse à un rythme effréné
au point de noter une accélération quasi exponentielle au cours des
dernières années seulement.
Non
seulement les nations et corporations les plus riches
accroissent-elles sans cesse leur niveau de richesses, mais il en est
de même des individus comme tels, en particulier ceux qui, depuis
les dix dernières années, détiennent la plus grande part des
capitaux sur la planète, dont les Bill Gates et Warren Buffet pour
n'en nommer que deux, et non les moindres, sans compter les têtes
couronnées, les émirs, les magnats et barons de la finance, toutes
espèces confondues, y compris ceux reliés au monde interlope, et
tous les autres.
A
ce jour les 3 personnes les plus fortunées au monde possèdent une
valeur nette supérieure au total du produit international brut (PIB)
des 50 nations les plus pauvres, ne s'agissant
pas d'une mince affaire si l'on considère que ces dernières
représentent pas moins
de 25% de l'ensemble de tous les pays.
On
rapporte par ailleurs qu'en 1995 le cinquième de la population
vivant dans les pays les plus riches avait des revenus de plus de 80
fois supérieurs à ceux du cinquième de la population vivant dans
les pays les plus pauvres, écart qui s'est creusé depuis en faveur des
plus nantis. [...]
Il
appert également que le 1/3 des habitants de la planète souffrent
de problèmes reliés de
près ou de loin à l'anémie découlant notamment de la malnutrition
et de la sous-alimentation chronique et que plus de 38 millions de
personnes meurent de faim annuellement, sans compter une
recrudescence sans précédent, ces dernières années, des maladies
contagieuses dans les pays en voie de développement alors qu'on est
censé disposer de tous les médicaments nécessaires pour les
enrayer ; encore faut-il être en mesure de se les procurer !
Bien
sûr, ces chiffres ne tiennent pas compte de toutes les carences,
autres que celles dues au manque essentiel de nutrition, dont
souffrent la grande majorité des habitants de la planète et
principalement ceux vivant dans les pays en voie de développement,
comme celles en matière d'hygiène, de soins de santé et de
services sociaux, de même que celles au chapitre de l'éducation et
de l'instruction.
Dire
que moins de 5% de la richesse se trouvant actuellement entre les
mains des individus les plus fortunés de la planète, soit moins de
20 milliards de dollars canadiens, suffirait à assurer les besoins
essentiels aux plus démunis, l'équivalent en fait ce que les
américains et les européens réunis consomment annuellement en eaux
parfumées de toutes
sortes.
Dans
les fait, nous disposons de toutes les ressources nécessaires pour
nourrir tous les habitants de la planète sauf que pour différentes
raisons, et pas toujours pour celles qui sont mises de l'avant dans
les médias, ces ressources et la richesse qui la sous-tend sont mal
réparties.
Combien
savent par exemple qu'au fil du temps la faim est devenue une arme
politique de plus en plus utilisée, et surtout de plus en plus
sophistiquée, et que mises à part les famines provoquées par les
catastrophes naturelles celles-ci ne sont jamais gratuites ?
Pour
paraphraser les coauteurs de Géopolitique de la faim, ce ne
sont plus les peuples ennemis et ceux à conquérir que l'on affame,
mais bien les propres populations de ces nations dont les dirigeants
peu scrupuleux veulent tirer profit de la manne provenant de tous ces
conflits, ethniques et autres, de plus en plus nombreux, qui sont mis
en évidence par
les couvertures médiatiques et qui entraînent le déchaînement de
la compassion internationale, source quasi intarissable d'argent, de
nourriture et de tribunes publiques pour
exposer leurs revendications.
A
titre d'exemple, des pays comme la Somalie, le Soudan, le Liberia, la
Corée du Nord, la Birmanie, l'Afghanistan et le Sierra Leone sont
menés par des dictateurs et chefs de guerre qui tiennent lieu
d'hommes d'état, lesquels, dans le but bien arrêté d'atteindre
coûte que coûte leurs objectifs politiques, prennent littéralement
en otage leur propre population et n'hésitent pas à prendre tous
les moyens à leur disposition pour mener celle-ci au doigt et à
l'œil, bien souvent avec l'aide et le concours des plus hautes
autorités et instances et de puissants syndicats financiers.
Il
ne faut pas oublier par ailleurs les cas du Pérou et du Brésil, et
puis celui du Rwanda où encore dernièrement des commandes étaient
données pour l'achat de milliers de machettes, de houes et de pieux
destinés à mieux pouvoir mâter la population récalcitrante.
Le
cas plus récent du Sierra Leone ne peut par ailleurs être passé
sous silence lorsque l'on
voit jusqu'à quel point les dirigeants du parti au pouvoir et le
seul, incidemment, à être officiellement autorisé, le Rebel United Front, sont prêts à aller pour mener à bien leur
campagne de terreur contre les populations locales, allant même pour
ce faire jusqu'à amputer
à la machette les mains des paysans pour s'assurer qu'ils ne
pourront plus jamais cultiver, les premiers effets visés par la
mesure étant le rapatriement des terres entre les mains d'un nombre
limité de personnes et une flambée du prix de base des denrées
céréalières au niveau international, s'assurant ainsi de prix
d'exportation plus avantageux. [...]
Déréglementation
des marchés, décomposition des économies locales, contrôle de la
masse monétaire et dévaluation éhontée des monnaies des pays en
difficulté, concentration des terres entre les mains de groupes
restreints, détournements de fonds, manipulations des données et
chiffres officiels, libéralisation truquée des systèmes bancaire
et monétaire, mainmise sur le bien public, malversations et
magouilles de toutes sortes, établissement et maintien en place par
tous les moyens de gouvernements fantoches et même fantômes, dont
les dictatures réelles et les démocraties autoritaires, de manière
à pouvoir surveiller de près ses intérêts, contrôle du peuple
par la base, à commencer par le ventre, en les coupant d'abord de
leurs terres et en leur enlevant tout pouvoir d'achat, interventions
souvent subtiles pour instaurer un climat de méfiance à l'intérieur
du pays visé et pour fomenter les guerres internes, toutes espèces
confondues, instillation subtile de tous les ingrédients nécessaires
pour s'assurer du contrôle sur les prix et les mouvements des
matières premières du pays visé, allant même pour ce faire
jusqu'à s'assurer que toutes les conditions soient réunies pour
qu'il y ait famine lorsque jugé nécessaire, autant de facettes dont
usent les Grands de ce monde et leurs alliés en l'occurrence pour
s'assurer du plein contrôle des richesses d'un pays donné, le plus
souvent avec la bénédiction de leurs collaborateurs d'appoint
qu'ils manipulent comme de vulgaires marionnettes, dont le Fonds
monétaire international et la Banque mondiale qui invoqueront pour
leur part de faux prétextes pour soutenir leur intervention, comme
le fait qu'ils sont là précisément dans le but d'aider les pays en
difficulté à s'acquitter de leurs dettes envers les grandes
puissances, sans oublier l'intervention en coulisses des services
secrets et autres organisations dites d'intelligence également à la
solde des puissants de ce monde.
Pour
le moment, rien, absolument rien ne semble pouvoir arrêter cette
marche incessante et
sans merci vers une totale concentration du pouvoir et de la
richesse. De
quoi rester sur sa faim !
La
désillusion est grande pour n'importe quel citoyen lorsqu'il prend
conscience qu'il n'y a pas d'égalité des chances. Elle est encore
plus grande quand il constate qu'il n'a jamais vraiment vécu en
démocratie. De l'illusion à la désillusion il n'y a qu'un
pas !
Le
rêve d’une démocratie parfaite où il ferait bon vivre heureux et
épanoui dans la société est certainement une image qui parcourt
l’esprit de tous ceux épris de justice. Or aujourd’hui la
démocratie est bien souvent vécue comme une désillusion. À chaque
élection, les masses médias nous rabâchent que ce qui risque
d’être le facteur déterminant serait le taux d’abstention.
Lequel pourrait certainement être bien moins important si le vote
blanc n’était pas relégué au rang d’un vote nul. Car celui-ci
est porteur de beaucoup de sens politique dans les choix des
candidats offert à la mandature par les partis
politiques. Cependant l’abstention ne veut pas dire
désintéressement de nos concitoyens de la chose politique mais est
plutôt le signe pour Pierre Rosanvallon d’un « désenchantement démocratique » qui « dérive d’un idéal de fusion entre gouvernés et gouvernants ». De surcroît, les projets des deux
partis majoritaires, censés motiver l’acte de votation et nous
représenter, convainquent de moins en moins. Les autres partis
hormis certains extrêmes sont souvent porteurs de renouveau
démocratique, mais ne possèdent pas les clés d’entrées aux
masses médias, dont les portes sont verrouillées par l’univers
de l’argent, les instituts de sondage, les outils médiatiques
financés par l’armement et l’industrie plus généralement.
En
Europe, ces désillusions ont leur fondement dans les années
Mitterrand. Élu grâce à une vision socialiste de la société, ces
années ont permis à ses gouvernements d’installer paradoxalement
la philosophie néolibérale qui n’est autre qu’antisociale et
antisolidaire, donc en totale opposition aux aspirations d’une
majorité qui l’a porté au pouvoir. Ce néolibéralisme, à la
recherche de toujours moins d’État, de déréglementation et
toujours plus de contrôle des populations (fichier policier, fichage
ADN, mise en garde à vue abusive (devenu anticonstitutionnelle en
Juillet 2010), plan vigipirate), c’est vu renforcé par les années
Chirac et atteint aujourd’hui une apothéose grâce à la crise
financières de 2008 et à des dirigeants politiques qui renouent
avec des valeurs et des actes qui ont par le passé soit failli nous
faire basculer dans un gouvernement totalitaire (exemple de la
période en amont de la Grande Guerre et au cours des années 30)
soit nous y ont conduit sous le gouvernement de Vichy, au cours de la
période d’occupation de la Seconde Guerre Mondiale. Cette attitude
décomplexée vis à vis de ces années noires pour notre histoire
contemporaine relève d’individus trop jeunes pour avoir vécu la
honte que cela a représenté à l’issue de cette guerre.
Aujourd’hui
la relative désaffection des urnes est certainement plus due à une
conséquence de la perte de confiance envers ce système
représentatif qui n’est plus suffisant du point de vue
organisationnel et à la perte de légitimité de nos représentants
élus qui font souvent défaut dans leur impartialité, leur
réflexivité sur l’état et le devenir de la société et leur
manque de proximité avec le citoyen.
Il
en résulte certes un sentiment de confiscation du pouvoir au peuple
au profit de celui de groupes de pression (lobbies) qui au mieux
orientent les décisions politiques et les lois, au pire détournent
les richesses produites par les biens communs au profit de
l’enrichissement de particuliers, de groupes d’individus,
d’entités économiques dont leurs activités ne seraient plus
régulées par le pouvoir politique mais par une « main invisible»
du marché.
Ainsi,
comme le souligne Pierre Rosanvallon, cette relative désaffection
n’est pas synonyme de dépolitisation et de passivité de notre
société qui fait preuve au contraire de réactivité, d’inventivité
et de propositions dans un mouvement général de contre-démocratie
disséminé dans la société. Un accroissement du pouvoir social en
gestation, actuellement incanalisable, faussement interprété par
les instituts de sondages qui s’affichent comme un outil
scientifique pour faire croire à la pertinence de leurs analyses.
La
sortie de ce marasme ambiant et l’avenir de la contre-démocratie
passerait d’après Yves Sintomer, par l’élévation du niveau de
notre démocratie par plus de pouvoir au peuple qui permettrait plus
de participation aux décisions, aux contrôles et la validation des
choix de nos représentants élus et institutions administratives.
Des
tentatives sont actuellement expérimentées par des équipes
politiques locales autour des budgets participatifs, les comités de
quartiers, les comités de quartier, sans pour autant donner les
moyens aux citoyens de réellement participer, contrôler, valider
les projets.
Cependant
pour le développement et la réussite de ceux-ci, je pense que les
mouvements associatifs, les personnes riches de propositions, doivent
apprendre à adopter les techniques de la communication douce. Il est
certainement plus primordial d’engager des évolutions avec les
politiques et les responsables de l’administration pour créer des
univers de confiance plutôt que d’imaginer une quelconque
révolution qui comme le mot l’indique conduit à des situations où
on finit par se retrouver au point de départ. S’engager à adopter
une stratégie de communication douce permettra à mon sens d’engager
cette évolution collective grâce à notre évolution individuelle.
La démarche d’individuation que nous observons aujourd’hui par
la montée en puissance de l’individualisme, entraîne certes la
volonté de défendre son point de vue, ses envies etc. mais oblige
en contre partie à apprendre à écouter l’Autre. Cela nécessite
donc beaucoup de remises en question de notre manière d’Être en
groupe. Sans cela, sans une démarche de coconstruction des projets
communautaires avec pour objectif la recherche du consensus il
serait difficile d’entrevoir une quelconque élévation de nos
démocraties, quand bien même les outils fussent-il mis à notre
disposition.
La
société est particulièrement injuste, c’est le moins que l’on
puisse dire. Et bien peu de gens se soucient d'y remédier trop
absorbés par les profits mirobolants qu’engrangent les
marchés financiers.
Contrairement
à une légende savamment entretenue pour justifier les multiples
plans d'austérité, le capitalisme n'est pas en train de s'assainir.
La bourgeoisie veut nous faire croire qu'il faut aujourd'hui payer
pour les folies de ces dernières années afin de repartir sur des
bases assainies. Rien n'est plus faux, l'endettement est encore le
seul moyen dont dispose le capitalisme pour repousser les échéances
de l'explosion de ses propres contradictions... et il ne s'en prive
pas, contraint qu'il est de poursuivre sa fuite en avant. En
effet, la croissance de l'endettement est là pour pallier à une
demande devenue historiquement insuffisante depuis la première
guerre mondiale. La conquête entière de la planète au tournant de
ce siècle représente le moment à partir duquel le système
capitaliste est en permanence confronté à une insuffisance de
débouchés solvables pour assurer son « bon » fonctionnement.
Régulièrement confronté à l'incapacité d'écouler sa
production, le capitalisme s'autodétruit dans des conflits
généralisés. Ainsi, le capitalisme survit dans une spirale
infernale et grandissante de crises (1912-1914 ; 1929-1939 ;
1968-aujourd'hui), guerres (1914-1918 ; 1939-1945) et reconstructions
(1920-1928 ; 1946-1968). Aujourd'hui, la baisse du taux de profit et
la concurrence effrénée que se livrent les principales puissances
économiques poussent à une productivité accrue qui ne fait
qu'accroître la masse de produits à réaliser sur le marché.
Cependant, ces derniers ne peuvent être considérés comme
marchandises représentant une certaine valeur que s'il y a eu vente.
Or, le capitalisme ne crée pas ses propres débouchés spontanément,
il ne suffit pas de produire pour pouvoir vendre. Tant que les
produits ne sont pas vendus, le travail reste incorporé à ces
derniers ; ce n'est que lorsque la production a socialement été
reconnue utile par la vente que les produits peuvent être considérés
comme des marchandises et que le travail qu'ils incorporent se
transforme en valeur.
L'endettement
n'est donc pas un choix, une politique économique que les dirigeants
de ce monde pourraient suivre ou non. C'est une contrainte, une
nécessité inscrite dans le fonctionnement et les contradictions
même du système capitaliste. Voilà pourquoi l'endettement de tous
les agents économiques n'a fait que se développer au cours du temps
et particulièrement ces dernières années. Voilà pourquoi aussi la
pauvreté ne cesse de s’accroître et pas seulement dans les pays
pauvres mais chez nous également.
Les
idéologues du capital ne voient la crise au niveau de la spéculation
que pour mieux la cacher au niveau réel. Ils croient et font croire
que les difficultés au niveau de la production (chômage,
surproduction, endettement, etc.) sont le produit des excès
spéculatifs alors qu'en dernière instance, s'il y a « folie
spéculative », « déstabilisation financière », c'est parce
qu'il y avait déjà des difficultés réelles. La « folie » que
les différents « observateurs critiques » constatent au niveau
financier mondial n'est pas le produit de quelques dérapages de
spéculateurs avides de profits immédiats. Cette folie n'est que la
manifestation d'une réalité beaucoup plus profonde et tragique : la
décadence
avancée,
la décomposition du mode de production capitaliste, incapable de
dépasser ses contradictions
fondamentales et empoisonné par l'utilisation de plus en plus
massive de manipulations
de ses propres lois depuis bientôt près de trois décennies.
Le
capitalisme n'est plus un système conquérant, s'étendant
inexorablement, pénétrant tous
les secteurs des sociétés et toutes les régions de la planète. Le
capitalisme a perdu la
légitimité qu'il avait pu acquérir en apparaissant comme un
facteur de progrès universel. Aujourd'hui,
son triomphe apparent, repose sur un déni de progrès pour
l'ensemble de
l'humanité. Le système capitaliste est de plus en plus brutalement
confronté à
ses propres contradictions insurmontables.
Nolan Romy