jeudi, avril 05, 2012

L'égorgement rituel, une spécialité française ?





Source de la carte : http://viande-laique.fr/


« Ma mère, écrit Lamartine dans ses Confidences (on ne les lit plus et l'on a bien tort), ma mère était convaincue, et j'ai comme elle cette conviction, que tuer les animaux pour se nourrir de leur chair et de leur sang est une des infirmités de la condition humaine que c'est une de ces malédictions jetées sur l'homme, soit par sa chute, soit par l'endurcissement de sa propre perversité. Elle croyait, et je le crois comme elle, que ces habitudes d'endurcissement de cœur à l'égard des animaux les plus doux, nos compagnons, nos auxiliaires, nos frères en travail et même en affection ici-bas, que ces immolations, ces appétits de sang, cette vue des chairs palpitantes, sont faits pour brutaliser et pour endurcir les instincts du cœur... Quelques jours après, ma mère me fit passer dans la cour d'une boucherie. Je vis des hommes, les bras nus et sanglants, qui assommaient un bœuf ; d'autres qui égorgeaient des veaux et des moutons, et qui dépeçaient leurs membres encore palpitants. Des ruisseaux de sang fumaient çà et là sur le pavé. Une profonde pitié mêlée d'horreur me saisit... L'idée de ces scènes horribles et dégoûtantes, préliminaires obligés d'un de ces plats de viande que je voyais servir sur la table, me fit prendre la nourriture animale en dégoût, et les bouchers en horreur ».

« Michelet, qui écrit (La Femme) que c'est « une grâce d'amour de vivre d'aliments innocents », ajoute que le régime végétarien ne contribue pas pour peu à la pureté de l'âme, et que « cette grossière alimentation de viandes sanglantes rend la femme violente, fantasque, passionnée ».

Bossuet s'écrie, dans son Discours sur l'Histoire : Comme dernière conséquence du meurtre des animaux, le sang humain, abruti, ne pouvait plus s'élever aux choses intellectuelles.

Dans l'Inde, les lois de Manou proclament : « Celui qui, se conformant à la règle, ne mange pas de la chair comme un vampire, se concilie l'affection dans ce monde et n'est pas affligé par les maladies ».

Il n'est guère possible non plus de prétendre au respect de la vie humaine, et de massacrer ou laisser massacrer les animaux pour satisfaire un simple plaisir gustatif, alors que les fruits sont si savoureux, si sains, bien plus nutritifs, et ne contribuent à émousser les sentiments, comme cela peut survenir avec des pratiques carnivores. « Il est banal d'entendre dire, écrit le Dr Kalmar (Comment vous vieillissez) « Puis-je manger du mouton ? » ; « Que dois-je manger de préférence, du veau ou du bœuf ? ». La sensibilité est à ce point émoussée qu'on ne perçoit même pas ce qu'il y a d'horrible dans de tels propos. Car, à l'arrière-plan, il y a le sang répandu, et tout cela suppose des assassinats commis au nom d'un pseudo-besoin physiologique. Il est vrai que dans un monde où des millions d'hommes sont périodiquement assassinés, sans motif valable, les flots de sang des animaux ne sauraient émouvoir. Et pourtant, c'est dans les abattoirs et les boucheries que se préparent les guerres, car c'est là que l'on tue la sensibilité, prélude à la tuerie des hommes. » 


Les hommes s'évertuent à améliorer leurs conditions d'existence : ils luttent pour un avenir toujours meilleur, ils rêvent du paradis perdu. Et ils espèrent de la viande à tous les repas ! Concevraient-ils l’Éden installé dans un abattoir ? L'âge d'or serait-il l'âge du sang ?

Raymond Dextreit



On dissimule aux consommateurs qu'ils achètent de la viande d'animaux égorgés. Ils ignorent aussi que l'agonie de l'animal dure 14 minutes...

  

mercredi, avril 04, 2012

Éloge de la lenteur





Lutter contre la dictature du court terme, relocaliser l'économie..., autant de principes que le mouvement Slow applique déjà à son échelle dans un esprit convivial.

N'en avez-vous pas parfois assez de courir après le temps, sans prendre suffisamment le temps de manger, de créer, de bavarder... ? De ce constat est né en Italie (dans le village de Brà, dans le Piémont) le mouvement Slow, créé par Carlo Petrini dans les années 1980, avant de s'étendre peu à peu à 50 pays. Il compte désormais près de 100 000 adhérents à travers la planète et a pour objectif de lutter contre la surconsommation. Paul Ariès, directeur du bimestriel Le Sarkophage et auteur de La simplicité volontaire contre le mythe de l'abondance (La Découverte, 2010), évoque plus largement « une société qui nous pousse à vouloir toujours plus ; sous une contrainte constante d'accumulation matérielle et de pouvoir ».

Au départ, l'alimentation

Même si le mouvement Slow touche désormais tous les aspects de nos vies (transports, vêtements...), c'est d'abord via l'alimentation qu'il a commencé à s'ancrer en France en 2003. 2 000 adhérents se réunissent désormais dans 45 groupes locaux, appelés « conviviums ». Ils organisent des rencontres à l'occasion desquelles les adhérents établissent des relations avec des producteurs de leur région, mènent des campagnes pour protéger les produits alimentaires traditionnels, organisent des dégustations et des ateliers, invitent des chefs cuisiniers à s'approvisionner localement et travaillent pour développer l'éducation au goût dans les écoles.

Fédérés au sein de Slow Food France, ses membres luttent contre la malbouffe et œuvrent pour la défense de la biodiversité, en s'appuyant, rappelle Jean Lhéritier, président de la structure hexagonale, « sur des valeurs, une façon de vivre le plaisir et une culture alimentaire locale ». Il commente : « Notre objectif est notamment de lutter contre l'appauvrissement et la standardisation des modes d'alimentation. Nous cherchons donc autant à préserver les variétés de maïs que l'on ne trouve qu'en Amazonie qu'une recette ancestrale auvergnate, ou bien encore un mode de cuisson comme le tagine ou une façon de manger ensemble, à l'africaine par exemple, dans un plat commun. »

Les villes lentes

Informer les citoyens sur l'agriculture, l'environnement, le mode de développement et défendre une production de proximité permettant de relocaliser l'économie constituent deux axes majeurs des actions de Slow Food. L'association défend par ailleurs ce qu'elle appelle la « haute qualité alimentaire », un concept que les collectivités territoriales pourraient, selon elle, reprendre à leur compte dans les services publics en appliquant, par exemple, le slow dans les cantines scolaires ou les maisons de retraite. Enfin, Slow Food France prône le développement d'une agriculture « propre, bonne et juste », comprenant trois dimensions : le bon goût, le respect des écosystèmes et la juste rémunération des agriculteurs.

Au-delà de nous permettre de renouer avec une qualité de vie, son projet a en effet pour but de promouvoir un modèle économique plus écologique. Ainsi, le mouvement Slow propose d'appliquer le concept à notre façon de nous habiller, de nous meubler - le slow design adopte les principes du développement durable en prônant la récupération, la bonne gestion des ressources, la lutte contre la standardisation, etc. -, mais aussi de vivre ensemble en ville. Les villes lentes ou città slow, nées en Italie en 1999, promeuvent une gestion municipale centrée sur la qualité de vie, l'économie de proximité, le respect des paysages, au détriment de l'extension des zones commerciales et industrielles, de l'étalement pavillonnaire et de la prédominance de la voiture. En Italie, 70 villes appliquent ce principe, dont Orvieto, Barga, Greve in Chianti et Positano. En France, Segonzac (ville d'un peu plus de 2 000 habitants), en Charente, est la première municipalité à avoir adhéré, en mai 2010, au réseau international des villes lentes (Cittaslow). Concrètement, cela se traduit, par exemple, par l'ouverture d'un parc, la préservation du patrimoine historique, l'incitation au retour du petit commerce, la réhabilitation d'un réseau de ruelles piétonnes et cyclables, la création de marchés des produits locaux, l'investissement dans les structures d'accueil pour la petite enfance et les personnes âgées, la création de jardins partagés, la transformation de la station d'épuration en bassins filtrants naturels...

Contre la dictature du court terme

Jean Lhéritier rappelle que le concept du slow est déjà une tendance médiatisée par la presse, dont la femme du Président américain, Michelle Obama, se serait inspirée pour créer le potager de la Maison Blanche... Pour autant, il peine à s'imposer comme un modèle alternatif Paul Ariès abonde en son sens : « En France, on a du mal à mobiliser sur la lenteur et la relocalisation. Et pourtant, l'enjeu est social : quand une société accélère, c'est toujours au détriment des plus faibles ; la vitesse est génératrice d'exclusion, pour les personnes âgées par exemple, mais aussi pour ceux qui sont le moins armés pour la course à la productivité. »

Et d'ajouter : « La vitesse est consubstantielle au capitalisme. Il s'agit d'une part d'un système fondé sur l'exploitation des salariés, qui leur impose aujourd'hui de produire des biens et des services en flux tendus, à la demande du client. Et il s'agit également, c'est son autre versant, d'un système qui impose un style de vie précis à un nombre toujours plus important de consommateurs à travers le monde. Le capitalisme répond ainsi à nos angoisses existentielles en exploitant notre peur du vide et de la mort. » Face à cela, les leviers pour réagir ne manquent pas : du bridage des moteurs à l'interdiction de travailler le dimanche, en passant par la fin de l'éclairage dans les villes la nuit. Individus, collectivités, législateurs, nous sommes donc tous des ralentisseurs en puissance. Prenons le temps d'y réfléchir.




lundi, avril 02, 2012

La sobriété heureuse




Patrick Viveret prône une sobriété heureuse pour sortir de la démesure qui caractérise notre époque et mène à une crise économique, sociale, écologique, mais aussi politique.

Quelles réformes (y compris utopiques) faudrait-il mettre en œuvre pour que notre société soit plus durable, plus épanouissante pour chacun et moins inégalitaire ?

Lutter contre l'inégalité et l'injustice est en effet un objectif central. La permanence de ces phénomènes est en effet un des obstacles majeurs pour traiter les questions écologiques. Il nous faut donc instaurer non seulement un bouclier social mais aussi un bouclier vital, afin d'empêcher des personnes de plus en plus nombreuses de basculer, au-delà même de la pauvreté, dans la misère. Cela implique de créer un revenu social de base qui ne soit pas lié à des mesures répressives comme celles que l'on retrouve dans le dispositif du revenu de solidarité active (RSA). En effet, celui-ci prévoit notamment la radiation des personnes qui n'acceptent pas les emplois qu'on leur propose. Un revenu maximum permettant de limiter l'échelle des salaires à une grille allant de 1 à 10 ou de 1 à 20 serait également nécessaire. C'est une question de justice sociale.

Quant à la question de la durabilité de notre société et de l'épanouissement de chacun, il faudrait mettre en œuvre une vraie politique des temps de vie, depuis l'accompagnement de la naissance à celui de la mort. Cela suppose de donner les moyens à chacun de sortir d'une logique de survie, d'aider chaque être humain à trouver son projet de vie, en se posant la question « que dois-je faire "de" ma vie ? », au lieu de la question « que dois-je faire "dans" la vie ? » En clair, il convient que la société mette davantage l'accent sur les problématiques de métier (qui renvoie au projet de vie dans son sens historique et étymologique) plutôt que sur celles de job et d'emploi. Cela suppose que le système de formation sorte d'une vision réductrice et adaptative de l'éducation. Tout être humain, même en situation défavorisée, est porteur de savoirs. Il faudrait, pour en tenir compte, réinventer de véritables chambres des métiers qui seraient des espaces où, par exemple, on aiderait les jeunes à définir leur projet de vie, en les accompagnant pour cela vers une formation. Le Pôle emploi actuel deviendrait un Pôle métiers, articulé avec les chambres des métiers. Le système d'orientation, qui est trop souvent une pré-adaptation des jeunes à des filières qu'ils n'ont pas choisies, serait profondément transformé et doté de moyens nouveaux.

L'automatisation nous permet aujourd'hui de réduire la part des emplois pénibles et d'accroître celle des travaux qualifiants. Cette transition doit se poursuivre, sachant que nombre d'emplois considérés comme peu qualifiés, en particulier dans le domaine des services à la personne, doivent être sécurisés, mieux rémunérés, reconsidérés.

Vous proposez pour cela de mesurer autrement la contribution des différentes activités à la société ?

Il faut en effet requalifier les activités qui sont dans une logique contributive au bien-être, et au contraire limiter celles qui sont nuisibles, en particulier sur le plan écologique. Quantité d'emplois sont aujourd'hui dans des secteurs destructeurs, comme par exemple les fonctions de traders liées à la spéculation financière, alors que des temps sociaux, qui sont prétendument de l'ordre de l'inactivité, dans le travail domestique ou le bénévolat, ont une utilité immense. La moitié des responsables associatifs et le tiers des élus locaux sont à la retraite. Or leur contribution sociale est essentielle.

Comment la « sobriété heureuse » pourrait-elle y participer ? Par quelles réformes se traduit-elle concrètement ?

La crise systémique que nous traversons actuellement a été causée par la démesure. On constate par exemple, au travers des chiffres officiels fournis par l'Organisation des Nations unies (ONU), que les fortunes personnelles des 225 familles les plus riches du monde sont équivalentes aux revenus cumulés de plus de 2,5 milliards d'habitants. On pourrait aussi reprendre les propos d'Henri Ford. Bien qu'il ne soit pas précisément connu pour être un « alternatif », il considérait qu'à partir du moment où le revenu le plus haut dans une entreprise représentait plus de dix fois le plus bas salaire, l'entreprise était en danger. Rappelons que sous la présidence Eisenhower, plutôt conservatrice, le taux d'imposition des plus hauts revenus était de 91 %. On est loin, vous le voyez, du « bouclier fiscal » ! C'est dire à quel point les écarts colossaux aujourd'hui constatés - de 1 à 1 000, voire plus - entraînent des conditions de « vivre ensemble », que ce soit à l'intérieur d'une entreprise ou de tout autre système extérieur, qui ne peuvent pas résister durablement. Il y a aussi démesure dans le décalage abyssal entre l'économie réelle et l'économie spéculative et financière, dans les rapports à la nature, dans le rapport au pouvoir.

Or la sobriété heureuse consiste précisément à accepter que notre activité économique ait des limites. Tout d'abord des limites écologiques, en préservant les ressources naturelles, mais aussi des limites en termes d'abus de pouvoir. Comme l'explique Hervé Kempf, nous sommes face à des logiques oligarchiques contre lesquelles il faut lutter afin de reconstruire la démocratie. En France, il faut sortir du mécanisme de sélection en chambre de nos dirigeants. Les candidats aux élections présidentielles sont le plus souvent choisis parmi les 1 % à 10 % les plus riches de la population, voire les 0,1 % des hyperriches. Cette collusion s'exprime de façon dramatique en Italie avec l'oligarchie berlusconienne, qui concentre le pouvoir économique et médiatique. Il faut, face à cela, construire de vraies logiques de séparation des pouvoirs.

La sobriété heureuse est aussi un art de vivre, de bien vivre (buen vivir, dit-on en Amérique du Sud), et ce thème fut au cœur du Forum social mondial de Belém, en 2009. Une politique inspirée par ce principe peut s'appliquer aussi bien à la ville, qu'aux transports ou au travail. Ainsi, il faut mettre en place des politiques publiques sur la qualité du sommeil. L'être humain passe plus de temps à dormir qu'à travailler, et ce temps, les neurosciences nous l'ont montré, joue un rôle décisif dans la créativité et l'intelligence. Il faudrait donc travailler à limiter le bruit, la mauvaise alimentation, le stress qui gâchent la qualité du sommeil. Il faudrait aussi réorganiser la ville pour en finir avec les cadences infernales, comme le fait le mouvement des villes lentes. Enfin, les réponses à la souffrance au travail consistent à revaloriser les métiers, ne pas simplement traiter les symptômes, mais prévenir les phénomènes de stress, notamment celui lié à l'exigence de productivité. En effet, nous ne sommes pas seulement dans une économie des flux tendus, mais aussi une société des flux tendus. Et nous avons impérativement besoin de ralentir.

Selon vous, ces transformations sont déjà en marche ?

L'histoire nous le montre aussi, les fusils les plus puissants ne peuvent rien à la longue contre la force des idées. La puissance de l'opinion mondiale et locale a eu raison de l'apartheid en Afrique du Sud, de la colonisation anglaise en Inde et, plus récemment, les peuples tunisien et égyptien ont eu raison des dictateurs qui dirigeaient leurs pays. Alors, pourquoi ne pas avoir raison du mur de l'argent, des logiques de peur, de domination et de maltraitance, de la démesure et du mal-être, de la dégradation de la planète, de ce seuil symbolique, franchi en 2009, du milliard de gens qui ont faim ?

Cette immense transformation culturelle, sociale est déjà en marche, et nous n'avons pas d'yeux pour la voir. Songeons, par exemple, à la rapidité avec laquelle se développent dans nos sociétés (sans grande intervention des politiques, qui ne font que suivre le mouvement) des changements d'attitude qui pourtant paraissaient énormes comme le tri sélectif des déchets, la circulation en vélo dans les villes, l'interdiction de fumer dans les lieux publics, les limitations de vitesse sur la route, la consommation de nourriture biologique, et maintenant la réorientation de la consommation de masse vers des dépenses plus durables et plus nécessaires. Je définis souvent la philosophie comme « l'art de la dégustation de la vie ». Il nous faut non seulement croire à un avenir possible pour l'humanité, mais aussi imaginer un avenir désirable qui ne se limiterait pas à l'objectif minimaliste d'assurer la seule survie biologique de l'humanité. C'est la question de la vie intense qui se pose, aussi bien dans nos vies personnelles que dans la vie collective de la famille humaine. Pour repérer ces forces créatrices, il est important de voir ou de croire qu'a un autre monde est possible ».

Propos recueillis par N. N. pour Alternatives Economiques 


Reconsidérer la richesse

« Il est nécessaire de porter les questions d'une nouvelle approche de la richesse à la fois dans l'espace des institutions internationales, dans celui des entreprises, et bien sûr dans celui de la société civile mondiale. Ce qui était encore il y a huit ans une approche extrêmement marginale commence en effet à s'imposer dans le débat public international sous l'effet de la crise écologique, sociale et financière ».
Patrick Viveret


Patrick Viveret est philosophe, ancien conseiller à la cour des comptes et membre fondateur du Forum pour d'autres indicateurs de richesse (FAIR).

samedi, mars 31, 2012

Une visite à l'ermite de la montagne





Voilà trois heures que nous gravissons le chemin abrupt bordé de genévriers ; nous avons auparavant traversé des prairies couvertes de gentianes bleues et d'edelweiss d'un blanc feutré, avenantes invitations au repos. Le Dritchou, qui prend sa source sur les hauts plateaux tibétains et devient le Yangtsé en Chine, semble déjà très loin, en contrebas, dans la grande vallée qu'il traverse et à laquelle il donne vie. L'air est vif : à 4 500 mètres d'altitude le bleu lumineux du ciel, d'une intensité inconnue dans les plaines, claque sur la clarté des rocs. Nous approchons des grottes où une douzaine d'ermites, moines, nonnes ou pratiquants laïcs mènent sereinement leur vie contemplative dans un silence que seuls troublent parfois, comme pour en souligner la profondeur, le cri d'une marmotte, l'appel rauque d'un grand corbeau ou la mélodie flûtée d'une grive. Le lieu s'appelle la « Prairie de Lotus ». Ainsi que l'écrivait Kaldèn Guiatso, le grand ermite, très révéré de l'Amdo :

Si tu aspires à la solitude des montagnes,
Les grottes accueillantes s'ouvrent à flanc de falaise
Sous des sommets drapés de brume.
Demeurer en ces retraites est source d'une indicible joie,
temporelle et ultime.

Participer à la vie des ermites en subvenant à leurs maigres besoins est une joie pour les nomades des environs. Ils viennent parfois leur rendre visite et leur apportent des provisions : tsampa (farine d'orge grillée], beurre, viande séchée qu'ils déposent à l'entrée de l'ermitage si le méditant est en retraite fermée.

Nous nous approchons de l'une des grottes qui s'ouvre sur une petite corniche ensoleillée. Nos deux guides, un moine du monastère de la vallée et un praticien de médecine traditionnelle tibétaine, connaissent bien les ermites et savent que le retraitant du lieu accepte de recevoir les rares pèlerins de passage. La grotte a été très simplement aménagée : on y a construit quelques murets de pierre pour la rendre habitable. Il faut se courber pour franchir la porte basse qui donne sur une antichambre minuscule. L'inventaire est vite fait : un âtre de glaise, une pile de bois sec, une bouilloire en aluminium et quelques sacs de toile contenant des provisions.

Deux marches, un lourd rideau de toile, et nous sommes en présence de l'ermite. La pièce est faiblement éclairée par une lucarne on peut tout juste se tenir debout en son centre. Sur un côté, un petit autel a été disposé dans la roche noire. De l'autre, un simple mur de pierre enduit de terre et, à même le sol, la couche sur laquelle l'ermite est assis le jour et dort la nuit. À son chevet, sur une étagère rustique, sont empilés des livres enveloppés de tissus multicolores : recueils d'instructions spirituelles, biographies de saints et quelques traités philosophiques. Ils sont constitués de folios oblongs, non reliés, calligraphiés ou imprimés à partir de planches de bois gravées, analogues à celles utilisées à la grande imprimerie artisanale de Dergué.

L'ermite nous accueille avec calme et gentillesse. Il a trente-six ans et est en retraite dans cette grotte depuis quatre ans. Après de nombreuses années d'étude dans un monastère de la vallée, où il a obtenu le titre de khènpo, équivalent d'un doctorat en philosophie, il a ressenti un profond désir de se consacrer à la méditation. Il avait grande hâte de s'éloigner des préoccupations mondaines qui affligent nombre d'entre nous : le gain et la perte, le plaisir et le déplaisir, la louange et le blâme, la renommée et l'anonymat.

Il nous offre du thé - à vrai dire, de l'eau chaude à la surface de laquelle flottent quelques feuilles de thé. Dans cette atmosphère recueillie, les grandes conversations semblent déplacées. Nous nous enquérons de sa santé, échangeons quelques propos sur la pratique spirituelle, et promettons de lui faire parvenir un texte qu'il souhaite avoir et que nous avons réimprimé en Inde. Puis, après avoir partagé son silence pendant quelques instants, nous prenons congé, non sans avoir déposé discrètement une offrande pour l'aider à poursuivre son ascèse. […]

Matthieu Ricard, Tibet, regards de compassion.




Note :

Contrairement à l'affirmation de Matthieu Ricard, le titre de khènpo n'est pas l'équivalent du doctorat de philosophie. On devient khènpo en connaissant parfaitement les dogmes magico-tantriques et mythologiques du lamaïsme. Or la véritable philosophie est née auprès de ceux qui ont, pour la première fois, rejeté les légendes pour expliquer la nature et dire comment le monde est né. « La raison a fait ses premiers pas avec les Milésiens (au début du VIe siècle av. J.-C.) qui ont donné à leur étonnement, non pas l'expression fantasmatique du mythe, mais penseurs rationnels, l'ont transmuée en un véritable questionnement philosophique », rappelle le philosophe Emmanuel Pougeoise.




Tibet
Regards de compassion



Photo :
« Cet ermite de la vallée de Dènkok a passé douze ans en retraite solitaire. Il est coutume que les retraitants ne se coupent pas les cheveux durant leur retraite, pour ne pas gaspiller leur temps dans des tâches inutiles. » 

Matthieu Ricard


Plus lamaïste que le dalaï-lama





Matthieu Ricard, célèbre moine lamaïste et interprète du dalaï-lama, photographie le Tibet depuis des années. Amateur de textes, il est allé dans « la plus grande imprimerie manuelle de l'humanité » située à Dergué, dans l'est du Tibet.

Les belles photographies du moine français nous plongent dans un Tibet paradisiaque et... imaginaire. Matthieu Ricard ne montre jamais l'envers du décor. Par exemple, les moines oisifs et crasseux qui déambulent dans les rue commerçantes, malpropres et polluées de Dergué ou des autres cités tibétaines. Les personnes qui ont voyagé dans cette partie du monde n'ignorent pas que les villes, toujours plus bétonnées, sont souvent hideuses. D'ailleurs, cette manie du béton se retrouve en France où des lamas font édifier à grands frais de vilains temples comme celui de Lérab Ling, à côté de Lodève (34). Dans l'album photographique de Matthieu Ricard, "Tibet, regards de compassion", le Tibet réel, celui de l'affairisme destructeur du tissu social et de l'environnement, est dissimulé.

Matthieu Ricard était le docile disciple du hiérarque tibétain Dilgo Khyentsé (1910-1991). Il a photographié le retour de son gourou au Tibet. Soucieux de faire l'apologie du lamaïsme et de son ordre hiérarchique, il a photographié le gros Dilgo Khyentsé se déplaçant en litière ou en chaise à porteur comme un potentat de l'Antiquité. L'image du hiérarque tibétain dans sa litière portée par des hommes asservis par les superstitions ne choque nullement le moine français. A-t-il oublié que le fondateur du christianisme s'était contenté d'un âne pour se rendre à Jérusalem ?

Matthieu Ricard, propagandiste du lamaïsme féodal et rejeton de Jean-François Revel, de son vrai nom Jean-François Ricard (1924-2006), est bien le fils de son père. Jean-François kahn, cofondateur de Marianne, dresse le portrait du père du moine lamaïste :

« Philosophe, journaliste, excellent et brillant polémiste qui osa de talentueuses sorties iconoclastes (ni Marx ni Jésus). Fut un ardent mitterrandiste, assimila la France gaulliste à une dictature bananière, avant d'expliquer, en 1981, que la France basculait inéluctablement dans le système totalitaire. Candidat aux élections, il bénéficia, en 1967, du désistement des communistes dont il expliqua, par la suite, qu'ils étaient en train de s'emparer de tous les leviers du pouvoir afin d'installer un régime soviétique.

Esprit aigu et lucide, il annonça, outre l'instauration d'une « dictature rouge » en France, l'élection de Mc Govern à la présidence des États-Unis ou l'émergence d'un « modèle vénézuelien » avant Chavez, ainsi que l'inévitable échec des démocraties face au rouleau compresseur soviétique. Il expliqua que se poser des questions sur les conditions de la première élection de George Bush, et en particulier sur la nature du scrutin en Floride, constituait le comble de l'antiaméricanisme forcément primaire. Plus bushiste d'ailleurs que Bush lui-même, soutenant tout ce qui vient de Moscou (pardon, de Washington !), il applaudit à l'invasion de l'Irak, croisade légitime pour la démocratie, et expliqua ensuite que les Irakiens n'étaient « congénitalement » pas faits pour la démocratie. Converti au néolibéralisme pur et dur dont il refusa, par esprit de système, d'examiner la moindre tare, il continua de batailler jour après jour, avec verve et talent, contre le monstre communiste... »

A l'instar de son père, Matthieu Ricard n'examinera jamais les tares de l'odieux système qu'il sert.



Note :

Dilgo Khyentsé revient au Tibet à l'âge de 77 ans. Malgré le kum Nyé, la méthode de guérison holistique des Tibétains, et son prétendu accomplissement spirituel, le gourou de Matthieu Ricard est un vieillard cacochyme. Les prélats du lamaïsme sont souvent de gros mangeurs de viande. Ils payent leur goinfrerie durant la vieillesse et même avant. (Le végétarien Théodore Monod, lui, participa à une méharée dans le Sahara à l'âge de 92 ans...)


vendredi, mars 30, 2012

La pratique du jeûne





Dès la plus haute antiquité on reconnut bien vite que la meilleure méthode pour se préserver des maladies était la pratique de l'abstention alimentaire pour un temps plus ou moins prolongé. Le jeûne est le procédé de choix permettant un rapide et sûr nettoyage de l'organisme, cela par des moyens simples conformes aux lois de la nature et de la saine physiologie ; son efficacité contre la maladie est telle que tout animal souffrant, guidé par son instinct, s'y soumet de lui-même et refuse de manger tant que les symptômes morbides sont aigus ; nos frères inférieurs, plus raisonnables en cela que beaucoup d'humains, voire même de médecins, nous donnent ainsi un exemple de conduite diététique des plus sages.

Afin de lui donner force de loi, les fondateurs des religions, qui furent aussi des hygiénistes avertis, ont tous incorporé le jeûne dans les prescriptions du rituel ; ces jeûnes figurent encore sur la liste des observances de presque toutes les religions actuelles, mais il est triste de constater qu'ils sont de moins en moins observés d'une façon stricte et effective et que la majorité des fidèles n'en comprend plus le sens pratique, purificateur et moral.

Cette incompréhension s'étend même aux membres du clergé qui semblent, pour la plus grande majorité, avoir perdu la connaissance effective des possibilités et de l'utilité de jeûnes prolongés ; ainsi nous trouvons dans un des ouvrages de l'Encyclopédie théologique de l'abbé Migne : le Dictionnaire historique de la Bible, rédigé par le père Dom Augustin Calmet, révisé et complété par l'abbé A.F. lames, un article sur le jeûne qui est typique à ce point de vue ; nous y lisons entre autres :

« On ne saurait assez s'étonner de l'extrême relâchement qui est arrivé dans le jeûne parmi les chrétiens, surtout dans l’Église latine. »

De plus, ces auteurs ne paraissent considérer le jeûne que comme une pratique de mortification, ils laissent trop dans l'ombre sa valeur purifiante tant corporelle que spirituelle : « Le jeûne a été de tout temps et parmi toutes les nations un exercice usité dans le deuil, dans la douleur, dans la tristesse. » Tel est l'angle sous lequel ils l'envisagent tout spécialement. Enfin ils ne semblent considérer les jeûnes prolongés que comme tout à fait exceptionnels et ne pouvant être pratiqués qu'en vertu d'une grâce spéciale par des êtres d'élection. Ils ignorent totalement que des périodes d'abstinence complète de trente jours, et plus, sont parfaitement possibles sans dommages pour le jeûneur, bien au contraire. Voici ce que disent en effet nos auteurs : «Je ne parle pas du jeûne de quarante jours que Moïse passa sans manger sur la montagne d'Horeb, parce que ce jeûne n'est point dans les règles ordinaires de la nature. » Et plus loin : « Quant aux jeûnes des chrétiens, sans parler des quarante jours de jeûne que Jésus-Christ a passé dans le désert sans manger, et qui est au-dessus des forces ordinaires de l'homme, on ne peut pas douter qu'étant aussi attaché qu'il l'était aux observances légales, il n'observât et ne fît observer par ses disciples tous les jeûnes qui étaient d'obligation dans sa nation. »

Les Spartiates, de même que les Persans, entraînaient leurs enfants à supporter des jeûnes graduellement prolongés afin de les habituer à tous les genres de privations pour les rendre plus forts et plus résistants.

On raconte que les Normands avaient coutume, avant d'entrer en campagne, de se soumettre au jeûne afin, disaient-ils, d'affronter la mort le corps et l'esprit purifiés.

Les Aryens, au dire du Dr Möller, avaient l'habitude de jeûner un jour par semaine.

Pour dégager l'esprit de la matière, le Bouddha s'était astreint à de longues périodes de jeûne et ses adeptes continuent à cultiver ce mode purificatoire, notamment les yogis.

A. Réville raconte également que les prêtres de l'ancien Mexique vivaient d'une vie très austère où figuraient de longs jeûnes : « Préalablement à toutes les fêtes, ils devaient s'imposer un jeûne plus ou moins prolongé. » Leurs élèves étaient soumis à une discipline rigoureuse avec jeûnes progressifs.

En Égypte, les candidats à l'initiation aux Mystères d'Isis et d'Osiris devaient se soumettre à un jeûne de sept jours ; dans certains cas même la durée était fixée à quarante-deux jours. Des prescriptions identiques étaient en vigueur pour les néophytes aspirant à l'initiation aux Mystères d'Eleusis ; ils jeûnaient de sept à neuf jours avant de pouvoir être admis à la cérémonie.

A Delphes, la prêtresse ne pouvait consulter l'oracle qu'après s'être purifiée par un jeûne de vingt-quatre heures. Le jeûne était de pratique si courante chez les Grecs qu'ils avaient un terme spécial pour désigner le jeûneur ou la jeûneuse, et une locution consacrée signifiant « exhaler l'odeur spécifique d'un estomac à jeun» ; fait qui nous indique qu'ils avaient déjà remarqué et qu'ils connaissaient bien l'odeur spéciale et fétide dégagée par tout jeûneur durant les premiers jours de son abstinence.

Dans l'Ancien Testament il est fréquemment fait mention de jeûnes pratiqués par périodes de trois, sept, vingt-et-un ou quarante jours. Moïse avait prévu dans sa loi des jours et des époques où le jeûne était de rigueur ; lui-même jeûna quarante jours sur le Sinaï lorsqu'il reçut les Tables de la Loi :

« Moïse fut là avec l’Éternel quarante jours et quarante nuits. Il ne mangea point de pain et il ne but point d'eau » (Exode 34. 28).

Aux premiers temps de l'ère chrétienne le jeûne était encore très en honneur chez les fidèles qui s'astreignaient à des périodes d'abstinence totale de vingt-quatre heures appelées en latin mystique d'alors : « jejunium a vespera ad vesperam » (jeûne d'un soir à l'autre).

Nombreux sont les religieux et les ascètes qui sont mentionnés dans la littérature hagiographique comme ayant jeûné de un à deux mois et plus pour purifier leur corps et libérer leur esprit des liens de la chair ; on remarqua aussi que leurs pouvoirs curatifs, comme guérisseurs mystiques, étaient considérablement augmentés à la suite de ces pratiques ; la même constatation eut lieu le siècle passé avec saint J.-B. Vianney, plus connu sous le nom de curé d'Ars, dont les cures d'âme et les guérisons remarquables sont encore dans toutes les mémoires ; c'est à ces jeûnes austères qu'il attribuait en grande partie le développement de ses pouvoirs.

Un des plus illustres Pères de l’Église, saint Jean Chrysostome, définit on ne peut mieux le but et l'utilité du jeûne : « Le jeûne est la nourriture de l'âme, il refrène les intempérances de langage et clôt les lèvres, il dompte la luxure et adoucit le tempérament colérique, il réveille le jugement, confère de la force et de la clarté aux pensées, il rend le corps plus agile, chasse les rêvasseries nocturnes, il guérit les douleurs de tête et fortifie les yeux. »

C'est grâce à la pratique de jeûnes répétés, alliés à une sobriété exemplaire, que plusieurs de ces ascètes chrétiens sont devenus plus que centenaires. Lessius rapporte de multiples exemples de religieux confinés dans la solitude, vivant uniquement de pain, de dattes, de salades et d'eau qui ont dépassé 100 ans. «Tel, dit-il, Paul l'Hermite vécut 115 ans, dont au rapport de saint Jérôme, il en passa près de cent dans les déserts, ne vivant les quarante premières années que de dattes et d'eau pure, les autres de pain et d'eau. Tel saint Antoine parvint à l'âge de 105 ans, dont, selon saint Athanase, il en passa près de quatre-vingts dans les solitudes, ne se nourrissant aussi que de pain et d'eau, à quoi il ajouta vers la fin un peu de salade. Tel Arsenius, précepteur de l'empereur Arcadius, qui atteignit l'âge de 120 ans ; il passa d'abord soixante-cinq ans au désert dans la plus sévère abstinence. Tel Epiphane se conserva 115 ans au moyen de la plus rigoureuse diète. »

Mahomet fut également un grand partisan du jeûne ; d'après lui la prière nous conduit à la moitié du chemin qui nous mène à Dieu et le jeûne nous fait arriver aux portes du ciel. « Celui qui demeure quarante jours dans la prière la plus pure, dit-il encore (c'est-à-dire en se privant de toute nourriture et de toutes boissons), goûte la joie de sentir les sources de la sagesse se déverser du cœur sur les lèvres. » Mais encore faut-il que cette pratique soit faite en toute conscience pour porter ses fruits : « C'est un bien pour vous de jeûner, surtout si vous le faites avec compréhension. »

Lorsque les musulmans se rendent en pèlerinage à la Mecque, ils sont astreints à trois jours de jeûne durant le voyage d'aller et à sept jours pendant le retour.

Voici un précepte extrait du Coran qui mérite d'être médité tant par les chrétiens que par les fidèles d'Allah :

« La diète est le remède de premier ordre ; l'estomac est le réceptacle des maladies ; on ne possède jamais la santé en remplissant son estomac ; il ne faut pas s'épuiser par la nourriture et la boisson ; manger trop est le père de tous les maux ; le régime est le père des remèdes. »

Le Dr P. de Régla, ayant longtemps vécu à Constantinople, y fit la connaissance d'un sage musulman, le Khôdja Orner Haleby, abou Othnzdn, dont il devint le disciple ; il traduisit et adapta en français son remarquable ouvrage El Ktab, le Livre des choses connues et cachées ; on trouve dans ce volume de nombreux passages où les bienfaits du jeûne et de l'abstinence sont parfaitement mis en valeur : « Gouvernez et modérez votre ventre, dit-il, car c'est lui qui mine le corps, qui engendre les maladies, qui fait négliger la prière. » Pour lui le médicament par excellence, c'est la faim et, la cause de la maladie : « c'est entasser nourriture sur nourriture, charger un repas sur un autre ». Il s'appuyait encore sur les paroles du Prophète : « Le vrai croyant ne mange que pour un intestin, le mécréant mange pour sept intestins. La sagesse et la raison ne sauraient être compatibles avec un estomac chargé de nourriture. »

Mohammed avait coutume de dire : « Le jeûne est la santé. »

A l'heure actuelle la pratique d'un jeûne de quarante jours est encore très en honneur chez les Soufis.

Parmi les religions modernes qui ont conservé des souvenirs du passé, mais combien affaiblis et déformés, nous citerons les bouddhistes, les catholiques, les orthodoxes avec leurs périodes de carême, leurs jours maigres où l'on se croit obligé de remplacer la viande défendue par d'abondants plats de poissons variés !

Les Israélites ont leurs jeûnes nationaux : Purim et Jom-Kipour, soit une abstinence totale de vingt-quatre heures.

Les mahométans ont le Ramadan et de nombreuses prescriptions rituéliques hygiéniques concernant les ablutions fréquentes, une gymnastique éminemment salutaire consistant en de nombreuses génuflexions, enfin de multiples restrictions alimentaires des plus profitables pour les fidèles qui les respectent et les mettent en pratique.

Nous pouvons donc conclure de cette revue succincte que les fondateurs de religions et les sages de tous les temps ont considéré le jeûne comme un facteur utile et nécessaire, capable de purifier le corps et de fortifier l'esprit en le dégageant des liens de la matière...

Édouard Bertholet



Télécharger gratuitement le livre du docteur Bertholet Le retour à la santé par le jeûne :


Le jeûne, une nouvelle thérapie ?


Dans les pays occidentaux, les cas de diabète, d'hypertension, d'obésité, de cancers se multiplient et la consommation de médicaments explose. Et s'il existait une autre voie thérapeutique ? Depuis un demi-siècle, en Russie, en Allemagne et aux États-Unis, des médecins et des biologistes explorent une autre piste : le jeûne. Réputé pour sa source d'eau chaude, le sanatorium de Goriachinsk, dans la plaine sibérienne, est aussi connu pour son centre de jeûne, créé en 1995. Atteints d'asthme, de diabète, de rhumatisme, d'allergie... les patients, très encadrés, n'ingurgitent rien à part de l'eau durant douze jours en moyenne mais la cure se prolonge parfois trois semaines. Après la douloureuse crise d'acidose des débuts, ils se sentent plus en forme et les deux tiers voient leurs symptômes disparaître après une ou plusieurs cures. Remboursé, ce traitement s'appuie sur quarante ans d'études scientifiques, malheureusement non traduites, qui ont démarré sous l'ère soviétique. Bien qu'elles soient inconnues hors de Russie, des médecins et chercheurs occidentaux creusent aussi ce sillon, même si, aux pays du médicament-roi, ils bénéficient de peu de subventions.




jeudi, mars 29, 2012

Les révolutionnaires du numérique






Révolution numérique & fin de l'oligarchie

Dans leur livre, « Les vrais révolutionnaires du numérique », Michel Berry et Christophe Deshayes proposent un voyage palpitant dans la société de demain. Toutefois, ils omettent de dire que le numérique permet de débarrasser la France, l'Europe et le monde des parasites du peuple, oligarques, politiciens professionnels, députés, sénateurs, conseillers, ploutocrates et tous les autres scélérats qui trahissent la démocratie pour satisfaire leurs intérêts personnels ?

Nous disposons des moyens techniques pour instituer la démocratie directe. Chaque citoyen pourrait s'exprimer sans intermédiaire dans une vaste assemblée numérique. Cette grande assemblée du peuple gouvernerait en étant la source de tous les pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire, comme dans la Grèce antique où tous les citoyens participaient dans l'Assemblée au gouvernement de l’État.

Les vrais révolutionnaires du numérique

On nous prédit depuis des décennies la révolution numérique, et nous y sommes. Se déroule sous nos yeux, sans que nous en ayons toujours une claire conscience, une transformation radicale qui touche tous les secteurs de la société : l'entreprise, l'école, l'hôpital, la ville, les loisirs, etc. On ne sait pas encore si cette révolution créera le monde nouveau et harmonieux que des prophètes nous ont fait miroiter, mais une certitude plutôt inattendue émerge de l'observation : nous y allons gaiement et dans une relative douceur.

Or, jusqu'ici dans l'histoire humaine, le terme de révolution évoquait la violence, le courage et la souffrance. Les barricades y étaient indispensables, tout comme les Gavroche et les têtes coupées. La révolution a une dimension tragique. Ici, point de Gavroche ni de barricades, ni même d'affrontements violents entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Les acteurs de cette révolution sont innombrables, s'impliquent souvent dans la joie et sont animés par la curiosité insatiable dont sont capables les hommes quand on leur en donne l'occasion. Les révolutionnaires ne sont pas les jeunes patrons de start-up tantôt portés aux nues tantôt décriés, mais une masse silencieuse et joyeuse d'hommes et de femmes ordinaires dont les passions, les motivations, les énergies convergent et s'agrègent, ne serait-ce qu'un court instant.

Que l'on pense à l'incroyable passion qui anime les bâtisseurs de Wikipédia. Certains se font même une spécialité de corriger les fautes d'orthographe, gratuitement, en se contentant de l'estime de quelques-uns, aux quatre coins de la planète, qui savent le travail formidable qu'ils accomplissent. Que l'on pense aussi aux débats passionnés qui se développent autour de n'importe quel sujet sur le web, accident, procès, événement politique, et qui mobilisent des points de vue variés, dont ceux d'experts affûtés qui disqualifient rapidement les propos officiels développés dans une langue de bois traditionnelle.

Des jeunes qu'on disait perdus pour l'école développent une technicité ou une inventivité inouïes pour nourrir leur passion : écouter de la musique, visionner des films, faire connaître leurs talents de créateurs ou d'artistes. Évidemment, quand cette ingéniosité tourne au piratage, cela menace des équilibres anciens et l'on comprend que les maisons de disques ou de films s'émeuvent. Mais on voit également apparaître des activités totalement nouvelles, comme les multiples conseils pour la vie quotidienne proposés par des sites tels que Videojug, qui n'enlèvent le pain de la bouche à aucun acteur ancien. Et puis, surtout, la dimension ludique de ces nouveaux outils, qui stimule la curiosité chez un nombre croissant de personnes, jeunes ou moins jeunes, leur redonne le goût de la connaissance ; or on sait que plus un esprit est stimulé, plus il a de l'appétence pour apprendre. On verra, par exemple, dans ce livre, que l'iPod peut redonner aux jeunes le goût de l'école, voire celui de la dictée.

À l'idée de révolution est aussi associée celle de grand soir : un jour, tout doit basculer pour que s'ouvre à nous un monde meilleur. Ce qui permet cette bascule, c'est une utopie, une nouvelle théorie du monde, peaufinée par des intellectuels et brandie par des meneurs politiques qui, une fois au pouvoir, peuvent organiser rapidement la société selon un nouveau cadre. La Révolution française préparée par les Lumières, la révolution russe engendrée par le marxisme, etc. Or ce qui est frappant ici, c'est que les acteurs de la révolution numérique ne sont pas guidés par l'idée d'un grand soir, au contraire : ils se défient des idéologies et ont souvent perdu confiance dans la politique. Plus encore, ils sont souvent rebelles à l'idée de contracter des engagements durables. Ce qui est frappant ici, c'est que chacun peut s'engager de manière réversible : je contribue à une définition de Wikipédia, mais je n'irai pas forcément plus loin ; je participe à un réseau, mais j'arrête quand je veux. Et d'engagement réversible en engagement réversible, on en vient à persévérer. Il se pourrait alors qu'on s'implique plus volontiers, plus joyeusement, parce qu'on se sent plus libre.

Il faut dire toutefois que cette transformation numérique excite aussi l'esprit rebelle qui est une des choses les plus largement partagées, et qui avait du mal à s'exprimer dans notre monde très organisé. Certains engagent des croisades, comme les fondateurs d'Apple qui voulaient créer de petits ordinateurs pour lutter contre la domination des grandes entreprises, ou les communautés open source pour faire pièce à l'hégémonie de Microsoft. Les nouveaux moyens de communication servent aussi à des manifestants anti-G8 pour tournebouler les forces de l'ordre. Ils peuvent servir à inventer des formes d'organisation non structurées particulièrement efficaces dans l'exercice du contre-pouvoir, comme nous le verrons avec le Réseau éducation sans frontières (RESF). On a aussi vu récemment que les nouveaux moyens de communication comme Twitter sont incontrôlables même par les régimes les plus autoritaires, et qu'ils permettent d'organiser une résistance et d'en informer le monde. On voit bien, à observer ces phénomènes, qu'on est plutôt dans le registre de la comédie, des tours qu'on aime volontiers jouer aux pouvoirs établis, que de la tragédie.

Voici donc une transformation sociale (la vraie dimension de cette révolution numérique) animée par la curiosité, la passion, un zeste d'esprit frondeur et dans laquelle chacun peut être alternativement moteur ou en situation de retrait. Comment l'empêcher d'avancer ? Comment même contrôler son cours ? Pour contenir une révolution classique, on peut essayer de repérer ses meneurs et ses penseurs. Mais ici, où sont les meneurs, qui sont les penseurs ? Et pourquoi arrêter ce mouvement qui s'appuie sur les outils dont nous sommes les plus fiers et qui incarnent le progrès ? Et même comment décrire, comment nommer cette révolution ? De quoi s'agit-il au juste ?

Michel Berry et Christophe Deshayes



Les vrais révolutionnaires du numérique





Dessin de Bavony, Rue89.


mercredi, mars 28, 2012

Sommes-nous des primates fruito-végétariens ?





Si nous tentons d'établir une classification du régime de l'homme en tenant compte de son anatomie, de sa morphologie et de sa physiologie, nous aboutissons à le placer chez les primates essentiellement fruito-végétariens.

Du point de vue de la morphologie, l'homme est un bipède, plantigrade disposant de mains libres dont les doigts sont dotés d'ongles plats. Tout cela le prédispose plus à la cueillette qu'à la chasse.

Pour l'anatomie, notons que les canines situées sur la mâchoire humaine sont de taille voisine de celle des incisives et prémolaires. Les canines des carnivores sont beaucoup plus développées. Les molaires des carnivores sont en forme de dents de scie : leur rôle est de déchiqueter la viande crue. L'homme, ainsi que les primates (chimpanzé), possède des molaires garnies de saillies arrondies. Leur rôle est d'écraser les aliments et notamment les fruits et légumes crus préalablement tranchés par les incisives.

Par ailleurs, le foie des carnivores est plus actif que celui des hommes. C'est cette propriété qui explique la possibilité que possèdent les carnivores de ne pas s'empoisonner et de ne pas succomber à une toxémie induite par leur alimentation carnée. Enfin, les carnivores ont un canal intestinal relativement court : trois à cinq fois la longueur du corps, comptée de la gueule à la naissance de la queue. Les primates fruito-végétariens, dont l'homme, possèdent un intestin proportionnellement plus allongé que celui des carnivores : dix à douze fois la longueur du corps. Les herbivores, et tout particulièrement les ruminants, présentent un intestin très allongé : 20 à 28 fois la longueur du corps.

La longueur des intestins est en relation directe avec la nécessité de digérer la cellulose qui accompagne les aliments. Cette cellulose est pratiquement inexistante chez le carnivore, en quantité moyenne chez le fruito-végétarien et en grandes proportions pour les herbivores. Comme nous le disions précédemment, en accord avec la plupart des biologistes, l'homme présente les caractères morphologiques, anatomiques et physiologiques d'un primate fruito-végétarien.

Cependant, dans la vie courante, force nous est de constater qu'il se comporte généralement comme un omnivore.

Même si l'homme a, au cours des temps, peut être par nécessité, orienté son alimentation vers des aliments variés, sa constitution demeure celle du fruito-végétarien. Il n'est ni lion (viande), ni oiseau (graines), ni veau (lait) et il devrait donc se conformer à son régime originel. Dans la pratique, le climat, les activités, l'alimentation traditionnelle, l'éloignent de cette alimentation originelle.
Désiré Mérien

L'adieu au steak

« L'industrie agroalimentaire tente de nous persuader que consommer de la viande est bon pour la santé et que celle-ci est nécessaire à notre équilibre alimentaire. Or de nombreuses études prouvent que trop de viande rouge peut non seulement menacer la santé, mais même raccourcir l'espérance de vie. Quant aux viandes blanches, elles contiennent trop souvent des résidus d'antibiotiques. De manière générale, les élevages sont devenus des entreprises high-tech dans lesquelles on oublie totalement que les animaux sont des êtres vivants et non de simples produits. Sans parler des abattoirs. Et pour nourrir ces animaux qui fourniront les 40 millions de tonnes de viande produits chaque année, l'Europe doit importer du fourrage, par exemple du Paraguay, où quelques gros producteurs profitent de ces commandes tandis que la majorité de la population subit les conséquences, parfois dramatiques, de l'utilisation massive des pesticides. Pire encore : grâce à cette exploitation des ressources mondiales, la production européenne est tellement bon marché que les pays émergents préfèrent importer la viande d'Europe plutôt que de soutenir les producteurs locaux. Si l'on ajoute à ce tableau la contribution des élevages au réchauffement climatique, la pollution de notre environnement par les herbicides, insecticides et les nitrates, il est plus que temps de reconsidérer les habitudes de consommation de cette viande des riches qui affame les pauvres. »



Végétariens célèbres

mardi, mars 27, 2012

Messages d'amour israélo-iraniens






Le pouvoir rend fou. Et, quand une civilisation dispose d'armes de destruction massive, il est vital de faire entendre la voix des populations. La passivité du peuple-troupeau a trop souvent permis des tragédies. Maintenant, grâce au Web, il est possible d'exprimer des opinions qui s'opposent aux plans des gouvernants haineux.

D'un côté, des dirigeants veulent rayer Israël de la carte. De l'autre, on parle de bombarder et de « vitrifier l'Iran ». Mais le message d'amour des Israéliens envoyés aux Iraniens permettra peut-être de contrer le risque d'un bombardement qui mettrait le feu aux poudres au Moyen-Orient et dans une grande partie du monde. Ce message est : « Iraniens, nous ne bombarderons jamais votre pays. Nous vous aimons ».

Des Iraniens ont répondu positivement à ce message, comme cette dame qui dit :

« je suis une dame iranienne. Je viens de voir votre beau message à mes compatriotes.

Lire votre message m'a mis les larmes aux yeux et du chaud au cœur. Je veux seulement vous assurer que nous Iraniens pensons la même chose, nous ne voulons que la paix et la beauté sur la terre, nous haïssons la guerre et les tueries, nous sommes tous les parties d'un même corps et c'est une douleur de voir un être humain souffrir puisqu'il ou elle est une partie de notre âme.

J'ai toujours été curieuse de ce que vous puissiez nous haïr, de votre côté, parce que je suis convaincue que le vrai visage des Iraniens ne vous aura pas été présenté…

Somme toute, je voudrais seulement vous remercier pour votre très beau message et dire que nous vous aimons tous parce que vous êtes nos frères et nos sœurs. La seule chose qui compte, c'est la beauté du cœur, et pas la culture, la langue, la couleur de peau, la religion ou la patrie. » (Message rapporté par Fred Petrossian dans Rue89)

Si l'initiative prend de l'ampleur et parvient à neutraliser les va-t-en-guerre des deux camps, le Web pourrait faire naître la démocratie directe. La démocratie directe, c'est la véritable démocratie qui met fin à la professionnalisation de la politique et au règne de l'oligarchie. 


Des apparitions et d'autres phénomènes surnaturels

Hologramme de dragon projeté dans le ciel lors d'un match de baseball en Corée du Sud. Fox News : "Le Vatican s'apprête à publi...