mercredi, août 12, 2015

Méfiez-vous des Auxcriniers !



Le Roi des Auxcriniers, dessin de Victor Hugo. Le poète s'est inspiré d'une illustration représentant le dieu égyptien Bès dans "L'Histoire de la caricature antique" de Champfleury.


L
e channeling, une nouvelle forme de spiritisme, recommande d'user de la méditation pour se connecter à de prétendus maîtres ascensionnés ou des « anges ». Attention, des créatures du monde intermédiaire, que Victor Hugo appelle les « Auxcriniers », seraient à l’affût !

« Hugo se prend de passion pour ce qu'il nomme « les tables mouvantes » en septembre 1853, lors de son exil à Guernesey. Il demeure un spirite fort actif tout au long de l'année 1854, mais s'interrompt brutalement au début de l'an 1855 quand l'un des participants aux séances de tables tournantes, Jules Allix, devient la proie d'une crise de démence. Dans « Hugo », Henri Guillemin évoque un phénomène particulièrement troublant et déstabilisateur :

« Mais si l'on ne touche plus, à Guernesey, au guéridon loquace, les « esprits » une fois convoqués ne se laissent pas ainsi réduire au silence. Jusqu'à la fin de sa vie, pendant les trente années qui lui restent à parcourir, Hugo ne cessera plus [...] de subir ces inquiétants contacts. [...] Ces "anges ténébreux" dont il entend les frappements dans son mur, le glissement dans sa chambre (et quelqu'un, dans le noir, le touche à l'épaule, et on respire à côté de lui, et une espèce de chant devient perceptible, et un mot, soudain, retentit, inexplicable, et une force horrible sépare violemment ses mains jointes), ces visiteurs énigmatiques l'obsèdent". » (Guillemin, « Hugo ».)

Une nuit de 1865, un nom lui vient brusquement à l'esprit : « les Auxcriniers ». Ainsi nomme-t-il les créatures du monde intermédiaire, qui parfois s'introduisent dans notre réalité...

Victor Hugo été envoûté par les « esprits » ? Les « tables mouvantes » lui ont-elles tourné la tête ?

Cet homme qui se dit officiellement « libre-penseur » semble perpétuellement habité par la question de Dieu. Selon ses enfants, il prie quotidiennement et pratique une sorte de déisme personnel. Jusqu'à sa mort, il se montre même ouvertement attaché à la personne du Christ. Un long poème inachevé, Dieu, témoigne de son regard nimbé de spiritualité. A ses yeux, Dieu ne saurait être que l'Inconnu, l'Inachevé, le grand X de l'algèbre.


« Cet X a quatre bras pour embrasser le monde, 
Et, se dressant visible aux yeux morts ou déçus, 
Il est croix sur la terre et s'appelle Jésus. » 


Christophe Bourseiller, « Et si c'était la vérité ».




mardi, août 11, 2015

La méditation des ascètes du Shugendo


Le 10 août 2015, le thème de l'émission de France inter « ça va pas la tête » est : « La méditation, ça m'énerve ».

Les participants sont : Fabrice Midal, directeur de l’école occidentale de méditation, auteur d’un Que sais-je ? consacré à cette pratique, le psychiatre Christophe André, auteur de « Méditer jour après jour, 25 leçons pour vivre en pleine conscience », l’écrivain Bernard Werber et Aline Perraudin, directrice de Santé magazine.

Pour Aline Perraudin, « La méditation ne convient pas à tous. » Elle rapporte une étude réalisée par son magazine. « La méditation n’est pas une pratique facile, parce qu’on ne sait pas forcément à qui s’adresser, mais surtout les personnes qui se lancent en attendent parfois trop ».

Dans son livre, « Budo ésotérique ou la voie des arts martiaux », Michel Coquet expose les bases de la méditation des ascètes du Shugendo, sans omettre de rappeler que méditer est sans danger pourvu que soient respectées les règles simples qui régissent cette pratique. En réalité, selon Michel Coquet, « la méditation est dangereuse et sans profit s'il n'y a pas les bases de bonnes qualités ; les fondations d'une vie pure. La méditation est dangereuse si, par nos tendances, elle devient le moyen servant à amener les énergies dans le but de stimuler les éléments indésirables de la vie de l'homme. Elle est dangereuse si elle est la nourriture du désir de puissance et de croissance personnelles et que les vrais motifs sont faux. Elle est dangereuse si elle devient un moyen de développer l'égoïsme et de nourrir l'orgueil. »

"
C'est à l'université de Koya-san (près de Kyoto), écrit Michel Coquet, qu'il me fut donné de rencontrer un groupe d'étudiants se préparant à devenir des moines de l’école Shingon. Certains membres de ce groupe s'entraînaient au karatédo et recevaient un enseignement privé sur cet art, par l'intermédiaire d'un maître de temple, du nom de Heiya. C'est du moins de cette manière qu'il voulait être appelé par ce groupe.

Je n'eus que peu de contacts avec le groupe lui-même, car je ne restais jamais très longtemps à Koya-san. Mes relations avec Heiya Sensei furent cependant très riches. Lorsque je revins en France, Heiya Sensei, qui connaissait mon désir d'enseigner le budo traditionnel en Europe, me dévoila une méthode de méditation.

Cette méditation est appelée Seishin. Selon Heiya Sensei, cette technique n'avait jamais été enseignée autre part que dans des groupes très clos, appartenant plus ou moins aux ascètes du Shugendo. Il me dit aussi que cette méditation était comparable au Zen, et peut être pratiquée par tous, sans danger, pourvu que soient respectées les règles simples qui la régissent.

Seishin est un mot composé de deux idéogrammes Sei : l'esprit, et Shin : le cœur. Il est difficile de connaître l'exacte signification du mot en lui-même, mais il semble que Heiya Sensei entendait par Sei : l'énergie du principe vital et par Shin : ce qui se rapporte au sentiment élevé de la conscience.

Seishin, indique à la fois un principe de vie et de conscience. Quoi qu'il en soit, Seishin renferme un pouvoir réel lorsqu’il est pratiqué régulièrement. Les effets sont divers et toujours propres aux individus qui la pratiquent.

Lorsqu'il est raisonnablement appliqué et que le méditant parvient à une certaine maîtrise, on peut être à même de réduire son temps de sommeil. 


D'autres effets arrivent rapidement: l'oubli total du corps, l'arrêt presque total de la respiration. Et lorsque la notion de temps, d'espace, de lieu ont disparu, il ne reste que le Soi. « Il ne sait qui il est, mais cependant, il est ». La réalisation du Soi émerge alors, progressivement pour certains, dans une expérience soudaine pour d'autres.

Cette méditation est fort simple. Elle est unique et sa forme extérieure peut lasser celui qui n'est pas motivé. Seul l'ego se lasse, « Le Soi est un puits sans fond qu'il faut pénétrer sans cesse ».

« Celui qui se lasse, est comme un homme qui joue près d'un portail, il finit par se lasser de l'endroit, mais il ne fait pas l'effort de passer le portail pour découvrir les trésors illimités du château. ». Enfin, un dernier mot : la méditation Seishin résume en elle-même les cinq étapes qui mènent l'aspirant aux portes de la libération, puisqu'en effet, au fur et à mesure de sa pratique, lui sont donnés intérieurement et extérieurement les éléments essentiels nécessaires à l'aboutissement de ses projets spirituels.

Ces cinq étapes peuvent être ainsi énumérées :

1. La concentration : l'acte par lequel nous concentrons notre intellect et ainsi apprenons à en faire usage.

2. La méditation : la concentration prolongée de l'attention, dans toute direction donnée, la fixation persistante du mental sur une idée déterminée.

3. La contemplation : une activité de l'âme, détachée du mental, qui est maintenue au repos.

4. L'illumination: le résultat des trois étapes précédentes, impliquant l'apport à la conscience cérébrale du savoir acquis.

5. L'inspiration: le résultat de l'illumination, tel qu'il se manifeste dans une vie de service.
La pratique du Seishin

1. La méditation est une concentration soutenue.

La première étape consiste à s'asseoir sans aucune tension, en demi-lotus ou sur une chaise, l'important étant d'avoir une colonne vertébrale bien droite. Les mains reposent à plat sur le haut des cuisses. La tête est droite, le menton légèrement rentré. Sur une chaise, utilisez un coussin, afin que les genoux soient plus bas que les hanches (ce qui permet au ventre–hara de s’épanouir).

Commencez par respirer calmement avec le ventre, ne forcez pas votre respiration, observez-la tout simplement. Le calme apaisera tout naturellement votre respiration. La meilleure posture pour méditer est celle qui facilite l'oubli du corps.

2. La méditation se fait le matin à jeun et le soir avant de se coucher.

Choisissez toujours le même endroit, si possible un endroit tranquille, aéré, ni trop chaud, ni trop froid. Dix minutes sont suffisantes au début. Plus tard, vous pourrez sans peine y consacrer une petite heure. Faites toujours la méditation bien relaxé, cela vous évitera de pénibles migraines. Les yeux sont fermés et le mental est entièrement dirigé vers le point au centre des sourcils (ajna chakra).

3. Lorsque le corps est oublié, que le plexus solaire est calmé, sans émotion ou angoisse et que la conscience s'est élevée vers le point au centre des sourcils alors vous pouvez commencer votre méditation.

4. L'action requise consiste à suivre l'inspir et l'expir en chantant mentalement (sans remuer la langue ou les lèvres)

• SEI : au moment de l'inspiration.
• SHIN: au moment de l'expiration.

Il est fondamental de maintenir ferme sa concentration et de ne pas permettre aux pensées vagabondes de s'interposer entre vous, le penseur, et Sei-Shin, le Japa-Mantra. Avec l'habitude, le corps tout entier se relaxe et la respiration devient lente et silencieuse.

Heiya Sensei me conseillait de me visualiser au bord de la mer et de respirer au rythme du ressac :

• inspirer : Sei avec la venue de la vague, en s'identifiant à elle;
• puis expirer : Shin lorsque l'eau repart.

« Plus tard, disait-il en souriant, il faudra oublier la marée et plonger dans les profondeurs de l'océan, là où disparaissent le bruit et Ici lumière, là où se troupe le Soi. »

L'essentiel de cette méditation est de rester, face à la respiration, un observateur froid et attentif au fur et à mesure que celle-ci devient longue et imperceptible, jusqu'à disparaître totalement. Alors, sans perdre conscience, comme dans le sommeil, votre Soi réel commencera à devenir pour vous une réalité. Il aura conscience d'être, sans plus. La moindre envie de vouloir analyser l'expérience brisera le charme et il faudra recommencer. Ainsi, progressivement, le Soi se dissociera du non-soi (la personnalité terrestre et le sens du « je »).

Le SEI et le SHIN doivent être chantés à l'intérieur du front: comme si l'océan s'y trouvait. C'est là une tâche ardue. Aussi, ne vous énervez pas, ne vous irritez pas, n'abandonnez pas, le mental serait trop heureux de vous avoir vaincu et, avec le sourire, tranquillement mais fermement, ramenez votre pensée sur le Sei-Shin, quoi qu'il arrive, car après tout il vous faudra un jour devenir ce maître recherché et on ne peut espérer y parvenir avant d'avoir atteint la maîtrise du mental.

5. Si vous continuez avec persévérance et opiniâtreté, des résultats apparaîtront après trois ou six mois de pratique, ou peut-être avant.

De jour en jour, la méditation deviendra profonde et, sans perdre conscience de votre réalité, vous perdrez la notion de temps et d'espace. Vos sens seront déconnectés de votre mental et ne filtreront plus les informations de l'extérieur. C'est là un stade important car les intervalles entre l'inspir et l'expir augmenteront au point que la respiration deviendra si faible que l'invocation du Sei-Shin sera entrecoupée d'un long silence, ce silence s'appelle Munen-Mushin.

6. Que faire pendant ces instants bénis de vrai silence ?

Surtout ne faire aucun effort, et continuer ce silence par le silence. Sei-Shin lui-même tend à disparaître pour laisser place à la félicité du mental pur. C'est cela la conquête du Soi. Au fur et à mesure que ces étapes se prolongent, la connaissance du Soi imprègne le mental qui n'est plus et le cerveau peut faire l'expérience consciente et objective de la soi-conscience, dont aucun mot ne peut décrire la force, la beauté et la profondeur.

Il importe seulement que le silence soit naturellement consacré à la divinité, quelle que soit la manière dont chacun puisse se la représenter (le Tout, l’Univers, la nature pour le panthéiste, Ishvara pour le yogi, Bouddha pour le bouddhiste, etc.) et de ne pas adorer le moyen, la méditation Sei-Shin, en oubliant le but, le silence du Soi.

7. Lorsque vous parvenez au silence, sans pour cela perdre conscience un seul instant de votre vraie nature, alors vous avez atteint le stade dit de « contemplation ».
L'illumination et l'inspiration viendront alors en leur temps, et selon les voies mystérieuses de la divinité.

Quelques effets du Sei-Shin

Au premier degré.

Comme cela a été dit, la méditation permet le contrôle des instincts du corps, telle que la possibilité de rester plusieurs jours sans manger (sans ressentir ni faim ni faiblesse excessive). Colère et irritation disparaissent. La peur est supprimée ainsi que la timidité, l'énergie sexuelle est mieux contrôlée.

Au second degré.

Le Sei-Shin permet le développement de la vacuité, de sentir l'autre, d'unir le yang et le yin, c'est-à-dire l'âme et la personnalité alignée, celle-ci devenant un instrument parfait au service des plus hautes aspirations spirituelles pour le bien du monde.

Au troisième degré, la méditation produit :

1. Un rapport entre l'âme, le mental et le cerveau.
2. Une puissante vitalisation
3. Une nouvelle orientation de la vie intérieure.
4. Un mental concentré.
5. La capacité de construire des formes-pensées par l'art de la visualisation.
6. Le transfert de l'énergie des centres inférieurs vers les centres supérieurs.
7. La manifestation d'événements objectifs.
8. Par la méditation, l'âme impose ses conceptions au mental limpide et réceptif.

Mais la méditation Sei-Shin est dangereuse et sans profit s'il n'y a pas

• les bases de bonnes qualités ;
• les fondations d'une vie pure.

La méditation est dangereuse si, par nos tendances, elle devient le moyen servant à amener les énergies dans le but de stimuler les éléments indésirables de la vie de l'homme.

Elle est dangereuse si elle est la nourriture du désir de puissance et de croissance personnelles et que les vrais motifs sont faux.

Elle est dangereuse si elle devient un moyen de développer l'égoïsme et de nourrir l'orgueil.

Bien entendu, le thème de la méditation ne s'arrête pas à la technique mais inclut le domaine de l'expérience personnelle, un domaine où chacun sera responsable de sa propre progression."





Budo ésotérique ou la voie des arts martiaux





mercredi, juillet 29, 2015

Pour l'Eveil


« Dans la vie, il n y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent.»

Saint-Exupéry

L'Eveil est l'orientation première. Selon tous les témoignages passés et présents, il se traduit toujours par une transfiguration de la totalité de l'être : corps, âme et esprit.

Les témoins sont unanimes pour affirmer qu'aucune technique ne peut produire l'Eveil (avec une majuscule). Les techniques produisent parfois des éveils (avec une minuscule) fragmentaires et temporaires. La seule possibilité réside dans la préparation du terrain où la transfiguration pourra s'opérer. S'il est impossible de « faire silence », on peut toutefois supprimer les bruits. Ce travail préparatoire s'effectue simultanément sur le plan de l'Intelligence, de la compréhension subtile et sur le plan de l'âme, de la psychologie bien comprise. Pas d'Eveil sans Intelligence. Celle-ci (avec majuscule) n'a pas grand' chose à voir avec l'intelligence « intellectuelle ». L'intellectualisme est en effet un handicap sérieux sur le Chemin. Il disparaîtra lors de l'avance. L'Intelligence est inséparable de la subtilité. Tout ce qui favorise la subtilité est à accueillir. Tout ce qui élargit le champ de vision est bienvenu. Pas d'Eveil sans ouverture d'esprit, sans sens de l'humour.

Pour développer cette Intelligence subtile, on peut étudier les grandes spiritualités et traditions (le Paganisme antique, la théologie apophatique orthodoxe, le Védanta, le Tantra, le Bouddhisme, le Soufisme), les grands philosophes (Heidegger par exemple), de grandes œuvres littéraires (Pessoa ou le subtilissime Jünger), les Poètes (Char), l'ésotérisme (Gurdjieff, Crowley, etc.) et des inclassables comme Abellio, Carteret, Stephen Jourdain. « Il y a plus d'une sagesse et toutes sont nécessaires au monde » a écrit Yourcenar.

Nul besoin de tout lire, de tout étudier : il s'agit de bien lire. De la compréhension subtile naît le sens du discernement. La Spiritualité n'est pas le spiritualisme et la Tradition n'est pas le traditionalisme. Tous les systèmes religieux et philosophiques peuvent être étudiés en sachant qu'ils sont tous sans intérêt au regard de l'essentiel. Le chemin est jonché de paradoxes. Outre l'étude théorique, il est possible hic et nunc de rencontrer certains témoins de l'Eveil. Là on change de dimension : la motivation peut devenir très forte. Un authentique Eveillé attise le feu intérieur de celui qui vient le trouver... pour peu que cette flamme existe en lui. Pas d'Eveil sans

travail psychologique. L'Eveil ne peut survenir chez des individus psychologiquement délabrés ou névrosés tels que le monde moderne en engendre toujours davantage. La névrose se traduit par une structure caractérielle rigide qui sert à contenir un certain nombre d'émotions que l'on n'a guère envie de ressentir. Ses modalités sont multiples – le style écorché ou renfermé – , mais l'aspect figé est toujours là. Le névrosé joue toujours la même musique. On en trouve à gauche comme à droite et surtout aux extrêmes. « Même merde, parfums différents », disait Gurdjieff.

Avant tout, il faut retrouver une santé psychologique et corporelle certaine. Illusoire est à cet égard la croyance, forme subtile de superstition, que la pratique de techniques souvent issues de l'Orient (Yoga, Zen...) dispensera du travail psychologique bien compris. Ces techniques sont apparues dans un contexte traditionnel où l'homme moyen pouvait être considéré comme « normal ». Elles donnaient alors des résultats. Il en va autrement aujourd'hui : celles-ci sont généralement inopérantes et un grand nombre de centres spirituels conseillent de commencer par un travail sur soi avant de fantasmer sur des réalités « plus élevées ».

Il existe beaucoup de livres sur ce travail qui autorise une véritable connaissance de soi et qui permet de développer une vertu première sur le chemin : l'Attention. Le monde moderne a fourni le poison et le contrepoison. On peut faire feu de tout bois (Jung, Reich, Groddeck) mais il est impossible de se contenter de lire. Pour avancer, il faut s'exposer. Inévitablement, les peurs se réveillent. Le choix est là : tourner en rond ou poursuivre le chemin ?

L'efficacité du travail psychologique, liée à l'énergétique, fait que certains ne jurent plus que par ce travail. Ils tombent dans un réductionnisme qui finira par les lasser. Toujours garder à l'arrière-plan la perspective spirituelle. Les enseignements de Graf Dürckheim et d'Arnaud Desjardins sont très précieux à ce sujet. La capacité de passer de la mesure à la démesure et son contraire, la souplesse alliée à la fermeté sont des signes d' une bonne santé intérieure. Si ce Travail est accompli, tout deviendra possible et nous verrons que « le miracle est la substance dont la vie se nourrit », pour reprendre une belle parole de Jünger.

En 1994, le groupe de prospective Hélios envoya ce texte à la revue Antaios qui le fit paraître la même année.

mardi, juillet 28, 2015

Le chef du pouvoir occulte





E
n 1907, une brochure anonyme, intitulée LE DIABLE ET SES SUPPOTS AU CONGRÈS DE L'OCCULTISME, dénonçait le complot des initiés :

« Le chef actuel du pouvoir mystérieux, caché, secret, en un mot occulte, qui exerce sur les hommes un pouvoir funeste, si terrifiant, se nomme B..., rédacteur en chef du Voile d'Isis. Il est de plus homme du meilleur monde, socialiste, athée, graphologue, chiromancien, magnétiseur.

Il n'a point créé lui-même cette secte méchante, subtile, qui exploite adroitement et impunément les hommes de bien ; il a seulement reçu par succession élective la science et les secrets de ses prédécesseurs, sans lesquels secrets il ne pourrait point conserver ses pouvoirs.

Il organise actuellement un Congrès de l'Occultisme, où, profitant de ses nombreuses relations dans le monde, il espère créer un mouvement dont il deviendrait le chef le plus puissant et le plus écouté. Il est associé dans cette œuvre néfaste au Docteur P..., directeur de l'Initiation et auteur de la Magie pratique, monsieur dont la réputation surfaite et la moralité professionnelle font la joie de tous ceux qui le connaissent.

Ces deux messieurs sont aidés dans leur œuvre ténébreuse par un tout jeune homme, nommé M..., auteur d'un miroir magique, véritable œuvre de Belzébuth dénommé prétentieusement le Visionomos, il est également l'auteur d'un procédé de divination dit la Visionomonie.

Ces trois suppôts de Satan s'entendent à merveille pour faire le mal, mais si le dernier nommé est encore peu méchant, tout en étant le digne élève de ses maîtres, le second l'est terriblement, tandis que B... est le crime en personne.

Cette secte existe depuis les premiers âges du monde, se basant sur la tradition Hébraïque. Les dieux Païens, Saturniens et Jupitériens, furent les dieux mystérieux des criminels. Le Léviathan, précurseur de Job, fut également l'un de ses chefs. Satan, prince des ténèbres, contre lequel Jésus-Christ s'élève si souvent, dirigeait, de son temps, la société secrète des criminels. Enfin, lorsque le peuple parle du Diable, il fait allusion, sans s'en douter, à cet être mystérieux, à ce chef honteux des méchants.

Ainsi B... est le chef réel de la secte secrète des méchants. Il est le serviteur du Diable de notre époque. Il est aussi Adepte, c'est-à-dire grand Initié, ce dont il ne se vante guère.

Le diable est un homme qui boit et mange comme tous les humains. Il vit au milieu de nous, mais il cache avec soin son titre de chef du pouvoir honteux, Il exerce le pouvoir avec tant de mystère, que le peuple ignore que certains des maux dont il souffre et qui l'accablent sont préparés par lui. Mais ce diable rejette ses crimes tantôt sur les Jésuites, tantôt sur les politiciens selon les événements et les circonstances, afin que le peuple ne songe jamais à remonter jusqu'à lui. Le peuple sait cependant que l'influence des Jésuites et des politiciens disparaît tout à tour, et que les grands crimes se renouvellent sans cesse. [...]

Ces suppôts de Satan, [...] tels des magiciens, commandent à l'invisible, au moyen de certains pentacles et de formules chimiques ; ils arrivent à bouleverser le monde ; chevaliers de la mort, ils sèment la ruine et la tristesse partout où ils passent, tels des vampires, ils ne peuvent se passer de victimes ; point n'est besoin pour eux dans leurs évocations de cercles, de costumes, de lieux spéciaux, quelques parfums, baguettes, couteaux, employés sur un rite spécial, sont tout leur arsenal. Savoir, vouloir, oser et se taire, telle est leur maxime. »

A.-V., occultiste désabusé, LE DIABLE ET SES SUPPOTS AU CONGRÈS DE L'OCCULTISME, PARIS, 1907.




mardi, juillet 14, 2015

Tourner le regard en soi et réaliser l'unité primordiale

Selon des commentaires de Thomas Cleary du manuel de méthodes de clarification de l'esprit intitulé Le secret de la Fleur d'or.

L'art du retournement de la lumière

Cet "art" était enseigné par le taoïsme de la branche nord, influencé par le bouddhisme chan. Il exclut les systèmes de manipulation physiologique de l'énergie tels que les enseigne le taoïsme de la branche sud, influencé par le bouddhisme tantrique.

Le « retournement de la lumière » consiste à mentalement « tourner le regard » en soi, vers la source de la conscience.

Quand la lumière, qui représente la fonction de la conscience inconditionnée, est « retournée » et dirigée vers sa propre source, l'esprit se dégage de l'influence de l'environnement et des facteurs psychologiques. Avec entre autres pour conséquence que l'énergie physique est conservée et purifiée, du fait même qu'elle n'intervient plus de manière conflictuelle dans les états intérieurs ou extérieurs.

Ce retournement permet d'accéder à un état mental libre de l'influence du conditionnement temporel. Le retournement correctement effectué permet d'être au-delà de tous les états méditatifs provoqués.

En dehors du retournement de la lumière, il n'y a pas d'exercice spécial qui permette de restaurer l'intégrité primordiale.

L'esprit originel et l'esprit conscient

La distinction entre l'esprit originel et l'esprit conscient est la suivante. Tandis que l'esprit conscient est historiquement conditionné, l'esprit originel est l'essence même de l'intelligence. (Intelligence au sens étymologique d'entendement, faculté cognitive)

L'esprit conscient correspond à un ensemble de modifications de l'intelligence primordiale, l'esprit originel représentant l'essence de cette intelligence première. Une essence qui transcende l'organisation primordiale, à savoir qu'elle est par nature encore plus fondamentale que les grands types de modifications pouvant affecter la conscience.

« Voir l'essence » et le « visage originel » sont deux termes du bouddhisme chan qui correspondent à l'expérience de l'esprit primordial. Cette expérience ne peut-être comprise que lorsqu'on la fait soi-même.

Donner la primauté à l'esprit originel fait que l'esprit conscient reprend sa place de subordonné. En effet, l'esprit conscient (celui qui pense) est en principe le serviteur de l'esprit originel, mais il a tendance à centrer toute son activité sur lui-même, au point qu'il finit par apparaître comme une entité indépendante.

Retourner la lumière de la conscience pour qu'elle devienne consciente de sa propre source permet à l'esprit de se libérer de l'intérêt obsessionnel qu'il porte à ses propres fabrications. Cela permet de maîtriser et d'ordonner l'esprit conscient sans forcer, simplement en maintenant la position centrale de l'esprit originel.

Il n'est nullement question d'oblitérer l'esprit conscient (l'esprit qui pense, qui imagine, qui rêve et qui éprouve des émotions).

Chez le « libéré vivant », la pensée, l'imagination, le rêve et l'émotion ne sont pas supprimés, mais ces facultés sont placées sous le contrôle de la source qui les nourrit et elles deviennent des moyens d'expression de cette énergie.

« L'énergie de la véritable unité primordiale » représente le flux vivant des cycles perpétuels de l'évolution naturelle dans laquelle tout être et toute chose participent de la vie du reste. Le Tao exprime l'idée de l'unité primordiale en ces termes : « Tous les êtres sont fondamentalement forme et énergie. La forme et l'énergie sont fondamentalement esprit. L'esprit est fondamentalement ouverture totale. Le Tao est fondamentalement le non-être ultime. Là se trouve le changement. »

Le corps

L'énergie s'affranchit de l'âme inférieure, c'est-à-dire qu'elle se détache du sentiment d'être un corps « solide » (doué d'une réalité matérielle), physiquement présent dans un monde « solide » (ayant une réalité matérielle). Lorsque l'énergie se libère de l'attachement obsessionnel au corps et aux émotions grossières, elle peut servir à restaurer l'intégrité de l'esprit originel.

La maturation

Grâce à l'exercice régulier du retournement de la lumière, une sensation d'ouverture et d'espace apparaît, ainsi que la présence de l'énergie dans l'infinitude de l'esprit qui a fusionné avec le ciel.

Le retournement de la lumière coupe court à l'imagination vagabonde et élimine les habitudes compulsives en les arrêtant à la source même.

Le processus de maturation qui suit l'éveil initial produira le corps spirituel naturel.

Durée

« La lumière est facile à mettre en mouvement mais difficile à stabiliser. Une fois retournée pendant un certain temps, elle se cristallise. C'est cela, le corps spirituel naturel, celui qui stabilise l'esprit au-dessus des neufs cieux. » (Le secret de la Fleur d'or). L'expression « au-dessus des neuf cieux » décrit un état mental libre de l'influence du conditionnement temporel.

Une période de cent jours est nécessaire pour ériger les fondations en stabilisant l'« ouverture » à l'esprit originel. Il se peut bien entendu que le temps réel soit différent, auquel cas le critère déterminant la durée sera la production de l'effet recherché.

L'accomplissement spirituel surgit de lui-même et on ne peut l'attendre, car il n'est pas le produit d'une imagination subjective. L'espoir et les attentes du disciple ne font que gêner l'action spontanée du potentiel qui se réalise pour devenir accomplissement.

Le fait de déterminer à l'avance la durée de la session de retournement de la lumière peut avoir des effets négatifs en transformant en rituel automatisé ce qui devrait être une technique libératrice. Les adeptes japonais du zen et leurs émules occidentaux donnent souvent l'impression d'avoir une conception quantitative de la méditation, alors que l'aspect qualitatif est la préoccupation essentielle de l'art du « retour » à la nature de l'esprit.

Les méditants ont tendance à mettre surtout l'accent sur la méditation assise, bien que les enseignants qualifiés aient souligné que l'attachement au calme peut avoir de graves inconvénients, tant au plan mental que physique. Si l'on ne s'adonne à la pratique du « retournement de la lumière » que dans certaines conditions ou au moyen de posture spécifique, on risque de ne pas savoir l'intégrer complètement au quotidien, ce qui peut entraîner une sorte de scission de la personnalité.

L'esprit & le souffle

« Les débutants souffrent généralement de deux sortes de maux : la torpeur (engourdissement de l'esprit qui fait oublier l'objet de l'attention) et la distraction. Il existe un moyen de s'en débarrasser qui consiste simplement à laisser l'esprit se poser sur le souffle. »

Quand l'esprit s'excite, la respiration s'accélère ; quand l'esprit est calme, il en va de même pour le souffle.

Les débutants apaisent l'esprit grâce à la respiration.

"Mais, les plus avancés, parviennent à rester dans la nature de l'esprit dans toutes les circonstances de la vie et laissent se dérouler en pleine liberté toutes sortes d'activités, qu'il s'agisse de mouvement de colère, de course effrénées en tout sens, d'actions parfaitement neutres, d'activités ordinaires consistant à se nourrir, marcher, s'asseoir, danser, fabriquer quelque chose, etc. (Les Instructions du Vainqueur Éternel, manuel de « méditation » des dzogchenpa bönpo.)" *

A ce stade, « Le secret de la fleur d'or » parle de maîtrise : « Trouvez la maîtrise de jour, et vous l'utiliserez de nuit. Trouvez la maîtrise de nuit, et vous l'utiliserez de jour. »

La « maîtrise » signifie une stabilisation de la conscience supérieure telle qu'on soit capable d'effectuer le retournement de la lumière à volonté et en toutes circonstances. Nous retrouvons ici l'un des préceptes du dzogchen bönpo exposé dans « Les Instructions du Vainqueur Éternel » (voir plus haut) **.

Erreurs dans le retournement de la lumière

S'égarer dans le quiétisme et le nihilisme.

Un état de tranquillité sans pensée peut conduire dans des impasses sans même s'en rendre compte.

Rester immergé dans le néant ou l'indifférence.

Le lâcher prise qui va jusqu'à la torpeur.

Se laisser distraire par les expériences qui surviennent durant la contemplation.

Croire que le but a atteindre est l'arrêt complet de la pensée.

Expériences qui authentifient le retournement de la lumière

L'esprit est lucide et calme.
Un sentiment de bien-être apparaît.
Les passions disparaissent.
L'altruisme supplante l'égoïsme...


Méthode vivante du retournement de la lumière

Une « méthode vivante » est une méthode bien adaptée aux besoins de chacun et bien intégrée au quotidien, à la différence d'une « méthode morte » qui consiste à se livrer mécaniquement à une routine.

Le texte souligne à plusieurs reprises que l'ouverture de la conscience élargie connue sous le nom de « fleur d'or » n'est pas le simple résultat de la pratique régulière d'exercices yogiques répétitifs.


Il est inutile d'abandonner ses occupations ordinaires.

* et **, notes de Félicie.

samedi, juillet 11, 2015

Le 17e karmapa accusé de blanchiment

Ogyen Trinley Dorje, 17e karmapa et dauphin du dalaï-lama, est accusé de blanchiment d'argent en Inde.


Un million de dollars en devises étrangères


Un juge de la Haute Cour de l'État de l'Himachal Pradesh (nord de l'Inde) a ordonné mercredi de rouvrir une enquête criminelle contre Ogyen Trinley Dorje, consécutive à la découverte d'environ un million de dollars en devises étrangères lors d'une descente de police dans un monastère bouddhiste il y a quatre ans. Des poursuites pour complot criminel avaient été ouvertes contre lui à la suite de cette perquisition, mais un tribunal avait ordonné l'abandon de ces poursuites en 2012, une décision qui a été renversée mercredi en appel. "La décision contestée du 21 mai 2012, prise par le magistrat d'Una, est annulée", a dit le juge Sureshwar Thakur dans un jugement consulté par l'AFP.

Le chef de la police locale Anupam Sharma a confirmé avoir entamé la réouverture de l'enquête. "Nous avons déjà déposé un procès-verbal d'accusation contre lui auprès du tribunal", a dit Sharma à l'AFP, ce qui signifie que la police a déposé un résumé des indices visant le suspect auprès du tribunal. La police avait perquisitionné en janvier 2011 le monastère, situé dans la ville de Dharamshala dans l'Himalaya, retrouvant des billets de 26 devises différentes, et en particulier des yuans chinois pour un montant de plus de 100 000 dollars.

Le 17e karmapa de l'école Karma Kagyu

Cette descente avait été décidée après l'interception de deux personnes transportant d'importantes sommes d'argent liquide dans une voiture. Les deux hommes avaient assuré que l'argent était destiné à une transaction foncière impliquant un trust dirigé par Trinley. Trinley a démenti toute malversation et a expliqué que l'argent liquide provenait de dons de fidèles accumulés sur plusieurs années et a dit n'avoir aucun rôle dans la transaction foncière.

Le moine, qui porte le titre de karmapa, est considéré comme le 17e karmapa de l'école Karma Kagyu, l'une des quatre principales écoles du bouddhisme tibétain. Il a fui le Tibet à 14 ans à la fin des années 1990, atteignant l'Inde après un parcours de huit jours à pied et à cheval dans l'Himalaya. Il a principalement vécu au monastère de Gyuto à Dharamshala, ville qui abrite le siège du gouvernement tibétain en exil. Trinley est reconnu à la fois par la Chine et le dalaï-lama comme la réincarnation du Karmapa Lama, le chef de la lignée Karma Kagyu. Il est considéré comme l'un des favoris parmi les jeunes lamas à pouvoir succéder au dalaï-lama, qui vient de fêter ses 80 ans. Son porte-parole, Kunzang Chungyalpa, a déclaré que Trinley faisait confiance au système judiciaire indien. "Il est persuadé que la vérité prévaudra in fine", a-t-il dit à l'AFP.



(Info relayée par Yak Breton.)

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