samedi, janvier 28, 2012

Quelle révolution ?





La révolution « Dansons la Carmagnole, Vive le son du canon ! »

Le début du XXIe siècle est marqué par des bouleversements considérables. L'effondrement de la société occidentale, la corruption des politiques, les inégalités croissantes, le marasme économique... provoqueront-ils la révolution ?

Un mystérieux Réseau Vercors déclare la République en danger et demande la mise en place d'un comité de salut public. Ce comité prendra des mesures quelque peu robespierriennes :

Présentation devant des tribunaux populaires de tous les parlementaires, des magistrats, des membres du corps préfectoral, de « l’ensemble des membres des exécutifs français ayant exercés des fonctions gouvernementales depuis 1992 ». Nicolas Sarkozy, accusé de haute trahison, sera jugé par la haute Cour.

Le comité de salut public rompra avec les USA et l'Angleterre et se rapprochera de la Chine, de la Russie et des pays arabes (accord de collaboration avec le monde arabe pour l'émanciper de tout contrôle de l'OTAN)...


Une mesure attire notre attention : le comité dissoudra toutes les congrégations religieuses. Cette décision ne choque pas les personnes qui partagent l'analyse de Frithjof Schuon :
« D'une manière générale, une des découvertes les plus décevantes de notre siècle est le fait que la moyenne des croyants sous tous les cieux, ne sont plus tout à fait des croyants ; qu'ils n'ont plus véritablement la sensibilité conforme à leur religion et qu'on peut leur raconter n'importe quoi. »

La révolution du silence

La spiritualité est une chose trop sérieuse pour être confiée aux religieux. A l'instar de la sexualité, la spiritualité devrait rester dans la sphère de la vie privée. Un spiritualiste protégé de l'emprise des prédicateurs, gourous, prophètes de tout acabit, a plus de chance d'accéder à un véritable état éveil.

Pour Krishnamurti, auteur de La révolution du silence, cet état est « l'état d'une conscience si totalement présente est semblable à celui où l'on se trouverait en vivant avec un serpent dans la chambre : on observerait tous ses mouvements, on serait très, très sensible au moindre bruit qu'il ferait. Un tel état d'attention est une plénitude d'énergie où la totalité de nous-mêmes se révèle en un instant ».

« Ce que Krishnamurti ne va cesser d'affirmer à partir de 1929, c'est qu'il faut se libérer de nos conditionnements, de tout ce qui nous construit et nous sclérose : illusions, croyances, préjugés ; pour pouvoir accéder à la vérité de la vie. […]

Il est très probable qu'il restera dans l'histoire comme un révolutionnaire spirituel, tant son message et sa pédagogie sont novateurs.

Krishnamurti révolutionne le monde spirituel. En effet, qu'elles soient orientales ou occidentales les religions sont embourbées dans leurs croyances, leurs rites et leurs répétitions. Cela a conduit au conformisme, à l'infantilisme et au mimétisme de la conscience spirituelle.

Krishnamurti a créé la rupture avec cela, en montrant d'abord l'exemple dans sa vie, quand il a tourné le dos à la Société Théosophique.

Le monde est chaotique, non pas depuis le vingtième siècle, mais depuis très longtemps, et la révolution à laquelle nous appelle Krishnamurti, n'est pas un changement politique ou économique ou religieux pour une amélioration ponctuelle, mais une profonde transformation des contenus même de notre conscience. On pourrait parler d'une véritable mutation.

Aujourd'hui, cet appel de Krishnamurti semble loin d'avoir été compris.

Le problème fondamental de son discours réside dans le fait qu'il ne donne aucune méthode. Et l'homme cherche des méthodes, ce qui aujourd'hui devient un vaste marché. Aujourd'hui, la spiritualité sortant des modèles religieux se trouve accaparée par le modèle commercial.

Or la vérité est incommunicable, elle ne peut être enseignée parce qu'il ne s'agit pas d'informations.

Ainsi au premier abord, Krishnamurti ne donne rien et ne veut rien donner, ce qui est frustrant pour qui cherche des trucs et des certitudes rassurantes.

Il se propose juste de créer chez son auditeur un choc, afin qu'il se réveille de lui-même. Encore faut-il qu'il en aie l'envie.

Toutefois, en étant attentif, à travers son discours, on peut comprendre que ce qui est proposé, c'est la liberté et l'autonomie. Là, il donne des clés pénétrantes pour éclairer la conscience. »

Patrick Vigneau, Découvrir Khrishnamurti .

Découvrir Khrishnamurti

Découvrir Khrishnamurti est un petit livre écrit par Patrick Vigneau qui précise un aspect fondamental :

« L'enseignement de Krishnamurti ne peut se lire comme une œuvre littéraire ou scientifique, uniquement avec son intellect. Il implique une attention, une ouverture, une présence qui seule peut provoquer une révolution intérieure. Car il s'agit d'un coup de balai de toutes les poussières intellectuelles du passé.

Il s'agit non de comprendre l'enseignement de Krishnamurti mais de se comprendre soi-même. »

Patrick Vigneau présente avec beaucoup de clarté des thèmes essentiels de l'enseignement de Krishnamurti. En outre, le livre comprend une biographie assez courte mais d'un grand intérêt.

Découvrir Khrishnamurti
Avant propos

« Voilà près de 30 ans que j’ai découvert Krishnamurti et sa parole continue à inspirer mon parcours de vie.

Dans ce petit livre, j’ai souhaité rassembler de manière relativement synthétique différents éléments de son enseignement afin d’en avoir une vision globale.

En effet beaucoup de personnes que je rencontre me disent parfois que la pensée de Krishnamurti est difficile à aborder pour un néophyte et me demandent souvent par quel livre commencer.

C’est en pensant à cette question que j’ai rédigé ces quelques chapitres. Je suis donc resté assez près de ses écrits.

Et j’espère que cela donnera envie d’aller lire ses livres, ses conférences, les biographies et témoignages qui lui sont consacrés.

J’ajoute aussi que Krishnamurti n’a jamais proposé à personne d’être son interprète. Loin de moi la volonté et la prétention d’expliquer son enseignement, je n’arriverais qu’à déformer ses propos.

Mais je souhaite simplement apporter ma petite contribution à la diffusion d’une parole qui assurément marque une profonde rupture avec un enseignement spirituel traditionnel parfois incohérent. 

Parole qui a révolutionné ma conscience et ma vie. 
»



Patrick Vigneau
Éditions l'Originel :


vendredi, janvier 27, 2012

Si vous rencontrez un Bouddha, tuez le Bouddha !






L'enseignement de Lin-tsi représente l'aboutissement presque parfait d'une évolution à laquelle Hui-neng, sixième patriarche du Tchan (Ch'an), avait donné une impulsion décisive. Hui-neng détruisant les soutras, les "Évangiles" bouddhiques, a inspiré des artistes (illustration ci-dessus). L'humanité se porterait-elle plus mal si tous les livres « saints » étaient envoyés au pilon ?

Lin-tsi déclara :

« Adeptes, voulez-vous voir les choses conformément à la Loi ? Gardez-vous seulement de vous laisser égarer par les gens. Tout ce que vous rencontrez, au-dehors et (même) au-dedans de vous-mêmes, tuez-le. Si vous rencontrez un Bouddha, tuez le Bouddha ! Si vous rencontrez un patriarche, tuez le patriarche ! Si vous rencontrez un Arhat, tuez l'Arhat ! Si vous rencontrez vos père et mère, tuez vos père et mère ! Si vous rencontrez vos proches, tuez vos proches ! C'est là le moyen de vous délivrer, et d'échapper à l'esclavage des choses ; c'est là l'évasion, c'est là l'indépendance ! »

Commentaire de John Wu :

« Toutes ces résonances meurtrières ne doivent alarmer personne. Pour Lin-tsi la seule chose importante était la recherche de la Vérité et de la conscience de soi ; et il était compréhensible qu'il considérât comme un obstacle à balayer sans pitié toute chose ou toute personne qui s'y opposait. Pour lui, le problème de la vie est véritablement Être ou ne pas être et c'est seulement lorsque l'on est libéré de l'attachement envers toutes choses hormis le Nec plus ultra que l'on peut commencer à être. […]

Le point central de sa vision philosophique est l'Homme Véritable inconditionné (l'homme vrai sans situation). Il ne se lassait jamais d'insister sur la confiance en le soi propre ; or ce soi n'est pas l'individu provisoire, soumis à toutes les contingences de la vie, mais le soi véritable qui, n'étant jamais né, ne meurt pas, qui se situe au-delà du temps et de l'espace et qui est un avec le Tao. Tant qu'un homme s'identifie au seul soi temporaire, il demeure esclave. Une fois éveillé à l'Homme Véritable qui est en lui, il arrive à sa véritable personne et devient libre.

Montant en salle, il dit : « Sur votre conglomérat de chair rouge, il y a un homme vrai sans situation, qui sans cesse sort et entre par les portes de votre visage. Voyons un peu, ceux qui n'ont pas encore témoigné ! » Alors un moine sortit de l'assemblée et demanda comment était l'homme vrai sans situation. Le maître descendit de sa banquette de Dhyâna et, empoignant le moine qu'il tint immobile, lui dit : « Dis-le toi-même ! Dis ! » Le moine hésita. Le maître le lâcha et dit : « L'homme vrai sans situation, c'est je ne sais quel bâtonnet à se sécher le bran. » Et il retourna à sa cellule.

La signification de ce dialogue sera claire si l'on se souvient que le moine qui avait posé la question pensait encore à l'homme véritable comme à un étranger et qu'il était donc loin d'avoir conscience de sa personne. Homme libre par essence, il restait esclave en s'identifiant à son moi temporaire, se rabaissant ainsi à l'état d'un objet sans vie et sans valeur tel un bâtonnet à se sécher le bran.

Il existe une curieuse coïncidence entre l'idée de l'« homme véritable » de Lin-tsi et celle du « Soi primitif » d'Emerson. Comme Lin-tsi, Emerson préconisait l'appui sur soi ou la confiance en soi, et il insistait sur le fait que le soi en lequel il faut placer sa confiance n'est pas l'ego individuel, mais un soi fondamental. »


Note de Paul Demiéville :

Je ne sais quel bâtonnet à se sécher le bran : toute définition de l'« homme vrai » ne peut être qu'impropre (au sens propre), vile, ordurière, puisqu'il est par définition ce qui échappe à toute définition. [...]. En Inde, où il n'y avait pas de papier, on s'essuyait avec des bouts de bois, ainsi que le prescrivent les codes disciplinaires, et les moines chinois avaient adopté cet usage. Le Bouddha lui-même est parfois défini dans le Tchan comme un « bâtonnet à se sécher le bran ».

jeudi, janvier 26, 2012

La misogynie religieuse





C'est bien connu, les religions monothéistes sont maladivement misogynes. Mais peu de personnes savent que le bouddhisme ne cesse de clamer sa haine des femmes depuis 25 siècles...

C'est bien naturel, le corps féminin hante le monde onirique des jeunes novices bouddhistes, alors leurs maîtres martèlent le dogme : La femme est impure. Son corps comprend cinq impuretés et a par conséquent cinq obstacles de plus que l’homme pour atteindre l’éveil. " Elle ne peut être ni reine du ciel de Brahma, ni Indra, ni Mâra, ni Çakravartin, ni Bouddha ", proclame le Sutra du Lotus.

Nagarjuna, si brillant par ailleurs, ne peut s’empêcher de dérailler sur ce sujet. Dans la Précieuse Guirlande des avis au roi, le grand philosophe de la vacuité, écrit :

L'attirance pour une femme vient surtout
De la pensée que son corps est pur
Mais il n'y a rien de pur
Dans le corps d'une femme
De même qu'un vase décoré rempli d'ordures
Peut plaire aux idiots
De même l'ignorant, l'insensé
Et le mondain désirent les femmes
La cité abjecte du corps
Avec ses trous excrétant les éléments,
Est appelée par les stupides
Un objet de plaisir".

L’Éveillé, alias le Bouddha, ne dormait plus. Les femmes étaient-elles son cauchemar ? Il faut dire que le saint homme était un sacré misogyne. Il répétait sans cesse :

- « La femme est plus secrète que le chemin où, dans l’eau, passe le poisson. Elle est féroce comme le brigand, et comme lui rusée. Il est rare qu’elle dise la vérité : pour elle la vérité est pareille au mensonge et le mensonge pareil à la vérité. Souvent, à un disciple, j’ai conseillé d’éviter les femmes. »

Pressé par Ananda, l’Éveillé accepta finalement les femmes dans son ordre monastique. Mais le prétendu omniscient patriarche du bouddhisme prédit la disparition de la communauté bouddhique après seulement 5 siècles. "L'admission des femmes sera funeste !"

Le don de prophétie n’était pas le point fort du Bouddha. Le bouddhisme fête ses 25 siècles d'existence. Et durant 25 siècles, le code de conduites des bhikkhus envers les femmes n'a pas changé :

« Les Bhikchous vinrent trouver le Baghavat et lui demandèrent :

« Ô Tathâgata, notre Seigneur et notre Maître, comment doivent se conduire envers les femmes les çramanas qui ont renoncé au monde ?»

Et le Bienheureux dit :

- Gardez-vous de regarder une femme.

- Si vous voyez une femme, faites comme si vous ne la voyiez pas, et n'ayez aucune conversation avec elle.

- « Si, après tout, vous êtes forcés de lui parler, que ce soit avec un cœur pur et pensez en vous-même : « Moi qui suis un çramana, je veux vivre dans ce monde plein de péchés comme la feuille sans tache du lotus qui n'est pas souillé par la vase dans laquelle il croît. »

- « Si la femme est vieille, regardez-la comme votre mère ; si elle est jeune, comme votre sœur ; si elle est très jeune, comme votre fille.

« Le çramana qui regarde une femme comme une femme, ou la touche comme une femme, rompt son vœu et n'est plus disciple de Çâkyamouni.

- « La puissance de la luxure est grande sur les hommes et doit être redoutée en tout temps ; prenez alors l'arc de la persévérance fervente et la flèche aiguë de la sagesse.

- « Couvrez votre tête du casque de la bonne pensée et combattez avec une ferme résolution contre les cinq désirs.

- « La luxure embrume le cœur de l'homme, quand il est ébloui par la beauté de la femme, et son esprit est désemparé.

- «O moines, bien mieux vaudrait être aveugle que d'encourager en vous des pensées sensuelles et regarder un corps de femme avec des désirs charnels.

- « Mieux vaudrait tomber dans la gueule d'un tigre furieux que d'exciter en vous des pensées de luxure.

- « La femme, dans le monde, est avide de montrer sa figure et sa taille, soit qu'elle marche, qu'elle se tienne debout, quelle soit assise ou qu'elle dorme. Même en peinture elle désire captiver par les charmes de sa beauté, et ainsi dérober aux hommes la fermeté de leur cœur.

- « Comment alors devez-vous vous garder ?

- « En regardant ses larmes et ses sourires comme des ennemis, son attitude penchée, ses bras pendants et ses cheveux dénoués comme des manœuvres en vue de prendre au piège le cœur de l'homme.

- « C'est pourquoi, je vous le dis, maîtrisez votre cœur, ne lui donnez pas une liberté effrénée. »
L’Évangile du Bouddha


Le livre de Paul Carus, « L’Évangile du Bouddha », rapproche insidieusement la Bible des Soutras bouddhiques. Il circule dans les sectes où l'on attend l'arrivée du Christ-Maitreya.

La version papier est nullissime (des photocopies brochées, 16,50 euros). L'amateurisme de l'éditeur (Aquarius) est consternant. Entre autres, il n'a pas été capable de remplacer les termes palis par les translitérations modernes.

La version numérique du livre est téléchargeable gratuitement à cette adresse :

Mais pourquoi encombrer son disque dur d'une doctrine qui se résume dans ce précepte christo-bouddhiste :

- « Pratiquez les méditations profondes que je vous ai enseignées. Persistez dans la grande lutte contre le péché. Marchez fermement dans les voies de la sainteté. Soyez forts en puissance morale. Que les organes de vos sens spirituels soient prompts. Si les sept sortes de sagesse illuminent votre esprit, vous trouverez le Noble Chemin Octuple qui conduit à Nirvâna. »
L’Évangile du Bouddha



mardi, janvier 24, 2012

Violence & pédophilie religieuses





Placé à l’âge de 10 ans dans un orphelinat tenu par des prêtres salésiens, Michel vivra durant quatre années sous la férule de religieux névrosés et pédophiles


La violence

La discipline « passe parfois par les sévices physiques :
violents coups de pied aux fesses par un curé qui lance de toutes ses forces son brodequin dans l'arrière-train d'un trop lent, au risque de lui endolorir le coccyx plusieurs jours ; claques qui démanchent le cou violemment assenées sur l'arrière de la tête ; saisie brutale d'un récalcitrant par le bras et secouage en règle au risque de désarticuler l'épaule ; gifles administrées après avoir pris soin de retourner la chevalière ; ces adultes affectivement immatures ne connaissent pas leur force et ne savent pas s'adresser au corps autrement que sur le mode brutal.



Le réfectoire ne doit pas donner d'occasion de se réjouir. On y mange pour ingérer la dose de calories, pas pour le plaisir. Les dames de service, venues du village voisin, semblent sorties d'un film de Fellini. L'une boite au point qu'on craint à chaque pas qu'elle tombe sur le côté, l'autre arbore une moustache de maçon portugais, la troisième, boudinée dans une blouse en nylon bleu, déborde de graisse. Peu probable que les salésiens rompent avec elles leurs vœux de chasteté. A ceux que travaille trop la libido un enfant suffit. 


La discipline, c'est toujours, tout le temps, sans relâche, sans répit. Pas une seconde sans une odeur de terreur. Entrée dans le réfectoire en silence ; on s'assied sur ordre ; on ne parle pas tant que l'autorisation n'a pas été donnée — parfois, c'est immédiatement, d'autres fois, plus tard, uniquement par caprice ; pour faire taire l'assemblée, le Père de service frappe deux fois dans ses mains ; chacun s'exécute immédiatement ; une parole chuchotée, c'est la claque brutale sur la tête ou la gifle ; un claquement de doigts, on place les couverts dans le récipient en plastique blanc, troué, tailladé et gras posé sur la table ; nouveau claquement de doigts, on se lève ; autre claquement, on se dirige en silence vers l'étude.

Un soir, l'un d'entre nous refuse de manger sa soupe 
tomate-vermicelle. Sang de bœuf et asticots... Évidemment la même assiette sert pour tout le repas. Ne pas manger son potage, c'est ne plus pouvoir manger du tout. La punition pourrait suffire... Le curé l'enjoint d'avaler le bouillon rouge, refus, réitération, nouveau refus : il entre alors dans une colère sans nom, empoigne l'enfant par les cheveux, le met à terre, la chaise tombe, il hurle en le rouant de coups de pied avec ses godillots, sous la violence des chocs il traverse le réfectoire entièrement tétanisé dans un silence de mort. Il échoue sous un évier, gémissant comme une bête avec de petits glapissements dans la gorge. Sur le sol, son sang a coulé et laissé une trace comme j'en vois parfois dans la charcuterie de mon village après l'abattage d'un cochon. Le repas se termine sans que personne ose reprendre la parole. J'ai encore la matière de ce silence en tête.

La pédophilie

Et puis, plus grave que les billets jaune ou saumon
(une technique de domination des curés pervers), plus crainte que les coups, l'arsenal disciplinaire compte également avec la loi du silence qui entoure alors la pédérastie. A l'époque, personne n'accorde crédit à quiconque porte à la connaissance d'adultes, ses parents par exemple, que tel ou tel prêtre tripote les petits garçons. On s'entend répondre — moi le premier: «Un homme qui a donné sa vie à Dieu et fait vœu de chasteté ne peut pas agir ainsi. » Justement, si...

L'un enseigne le travail manuel. Chacun admire sa dextérité et sa compétence : là où nous cassons force lames de scie, trouons les plats avec un coup de gouge trop ardent, chargeons en étain la soudure d'un profil de vierge en brox, barbouillons de colle deux pièces de bois ou calcinons au pyrograveur un dessin d'écureuil sur un dessous de plat, il effectue le bon et beau geste qui sauve la mise de plus d'un avant la fête des mères...

En même temps, chacun paie son sauvetage d'une obole singulière : sous couvert d'enseigner le geste exact, il s'installe derrière l'un ou l'autre, demande qu'on pose sa main sur la sienne pour mémoriser le mouvement, puis profite de ce moment qu'il fait durer pour se frotter le long du dos et des fesses de l'enfant bloqué contre l'établi. Le rythme de ses gestes correspond à celui d'une masturbation.


Un autre enseigne la musique. Grand échalas souvent en compagnie de Coco, la corneille mascotte de l'orphelinat, il promène sa silhouette dégingandée du côté du bâtiment où il donne ses cours de musique. Professeur Tournesol en son genre, son bureau croule sous les fils électriques, les fers à souder, les outils, les papiers, les plans de montage. Des rats ou des souris tournent dans une cage. Chaussettes par terre, saleté, puanteur.

On lui doit la construction de A à Z d'une 
véritable chaîne stéréophonique — soudure des composants, branchements, et ce jusqu'à la transformation d'une boîte de conserve en façade d'amplificateur. Il a réquisitionné les boîtes de conditionnement des œufs en cuisine pour tapisser la salle de musique transformée ainsi en auditorium d'occasion. Un grand arbre sur le talus en face tamise le soleil au printemps, se charge des couleurs d'automne, sert de perchoir aux oiseaux l'hiver.

Dans ce lieu à l'écart de l'école, il nous fait écouter Pacific 231 d'Arthur Honegger et raconte les essieux, les boogies, la vapeur ; avec Schéhérazade, il nous transporte en Orient, idem avec Dans les steppes de l'Asie centrale ; il mime L'apprenti sorcier de Paul Dukas, donne un cours de géographie avec La Moldau de Smetana. Moments sublimes, au même titre que les heures de lecture. L'art me prouvait que si le monde des vivants est un enfer, il contient aussi des paradis.

En revanche il nous inflige des cours de flûte et fait jouer A la claire fontaine... Dans pareil moment, il demande au premier rang de se déplacer pour venir occuper le dernier. Chacun sait ce que cela veut dire. Alors que nous nous concentrons sur la partition et le maniement de l'instrument, il caresse la tête de tel ou tel, passe la main dans le cou, la glisse de temps en temps dans le col provoquant parfois le déraillement du musicien en herbe étranglé par sa chemise et terrorisé par le tripotage.


Le même se charge des activités canoë du dimanche après-midi. En toute bonne logique, seuls sont admis les pensionnaires sachant nager. L'eau de l'Orne est glacée, pure, propre, limpide, on voit au fond les oscillations de longues algues, chevelures vertes, brunes d'Ondines viking. Le cours de la rivière est large, la profondeur importante.

Une exception : l'un d'entre nous pratique l'activité bien qu'il ne sache pas nager à la seule condition d'accompagner ce curé-là dans son embarcation. Quand le salésien met le groupe au défi d'une course vers le pont de l'Orne, il déclenche une furie de pagayages, chacun voulant parvenir le premier sous l'édifice en fer. Pendant ce temps, le prêtre manœuvre habillement, entre dans les roseaux avec sa victime, le temps pour lui d'une sexualité avec l'enfant qui avoue sans vergogne, un peu niais, « se faire chatouiller »... Le soir du grillon, le seul épargné gardant le lit pour raison médicale, c'est lui.

Un troisième prêtre pratique lui aussi les petits garçons. Dans l'orphelinat, il occupe le statut pratique pour son forfait de Préfet de discipline — on ne dit pas encore Conseiller d'éducation... Tous les enfants mis à la porte savent qu'il passe régulièrement dans les couloirs et les embarque car il détient la possibilité de suspendre les représailles du corps enseignant par les moyens ad hoc. Son bureau, personne ne souhaite s'y trouver.

Deux mots également sur le salésien chargé de l'infirmerie où personne ne se précipite, et pour cause : le moindre mal de tête vaut au migraineux d'être sur-le-champ déculotté, puis tripoté. Le pantalon sur les chaussures, si l'on proteste en faisant remarquer que la zone en cause n'est pas la bonne, on s'entend dire que les complications se nichent partout! Le tâteur de bourses déclare ensuite, détaché, le moment venu du retour en cours, et paie le tout chichement d'un cachet d'aspirine. J'ai gardé mes maux de tête pour moi... »

Michel Onfray


Interview de Michel Onfray :
http://www.urbanisme.fr/issue/guest.php?code=327


Dessin :
http://bebblol.canalblog.com/archives/2011/01/17/20150963.html

lundi, janvier 23, 2012

Deux brèves



Tintin-zen pose à côté de son maître mi-loup, le loup-gourou Namdak.

Aux armes citoyens !

Tenzin Wangyal (Tintin-zen), gourou tibétain qui a fait fortune en vendant une ragougnasse magico-religieuse (mélange de tantra, de dzogchen, de chamanisme bönpo...) aux américains incultes, est la coqueluche des jeunes lamas qui rêvent d'immigrer en Occident pour escroquer nos fils et nos compagnes...


Coluche Rinpoché

Le lama tibétain Tenzin Namdak, considéré comme omniscient par les membres de sa secte, était en Thaïlande quelques jours avant le tsunami de 2004. Contrairement aux animaux qui sentirent arriver la terrible catastrophe, le prétendu omniscient ne vit rien. Son troisième œil fut-il aveuglé par l'éclat du luxe qui s'étalait autour de lui durant son enseignement réservé aux nantis ?

Pour connaître leur destinée, les Français ont-ils besoin d'écouter des devins tibétains, des escrocs patentés soutenus par des politiciens atlantistes ?

En matière de prédiction, un simple comique bien franchouillard peut surpasser les plus illustres rinpochés du lamaïsme. En effet, Coluche avait dit que la gauche sera au pouvoir en 2012. Prédiction d'autant plus étonnante qu'à l'époque (1978) la durée du mandat du président de la République était de sept ans. Il était donc impossible d'envisager une élection présidentielle en 2012.




Source de la photo, le livre de Tenzin Wangyal, Les prodiges de l'esprit naturel.

Ce texte, écrit au début de la carrière du gourou tibétain, n'est pas un pur produit du marketing spirituel. Dans Les prodiges de l'esprit naturel, Tenzin Wangyal, pour être reconnu comme maître, s'est appliqué. Il développe des aspects relativement intéressants du Dzogchen. Toutefois, après la lecture du livre, le lecteur pourrait avoir l'intention d'adhérer à une secte Dzogchen. Dans ce cas, il faut savoir que la plupart des adeptes de ces sectes sont perturbés mentalement. Il y a plusieurs raisons à cela, en voici une parmi d'autres :

- Les pratiques du Dzogchen ne peuvent pas améliorer l'état mental des schizophrènes qui font vivre les lamas tibétains. Ces derniers exploitent des malades qui devraient être confiés à la médecine moderne. Des pratiques tibétaines, comme les pratiques visionnaires de thögal, aggravent les troubles psychiques. Ci-dessous, l'illustration représente une méthode tibétaine pour provoquer des visions, (fresque du Lukhang, le temple secret du Dalaï-lama) :


La pratique de Thögal ou le bonheur des schizophrènes



Les prodiges de l'esprit naturel



dimanche, janvier 22, 2012

Comment explique-t-on la malédiction des pharaons ?





Pour l'érudit Edward Conze, une grande partie du Tantra de la secte des Anciens (Nyingmapa) du bouddhisme tibétain « est une fusion entre la magie égyptienne sous sa forme gnostique, d'un côté, et la métaphysique du Mahâyâna, de l'autre » (E. Conze, Le bouddhisme, p. 241).

En Occident, de nombreuses sociétés secrètes prônent un retour au mysticisme égyptien et à la société hiérarchique des pharaons initiés à une science magique immémoriale. Magie qui aurait causé la mort des profanateurs de la tombe du pharaon Toutankhamon.

Comment explique-t-on la malédiction des pharaons ?

« La malédiction des pharaons, selon laquelle tout violeur d'une tombe serait condamné à une mort certaine par l'air infecté ou par une magie inéluctable, est une fable moderne sans aucun fondement scientifique. Les tombes royales égyptiennes ne contiennent pas de textes hiéroglyphiques maudissant les pillards. La légende de la malédiction doit beaucoup à la découverte, en 1922, de la tombe de Toutankhamon (mort entre 1354-1343 av. J. C.). Dans les mois qui suivirent, une série de coïncidences tragiques fit la une des journaux européens et américains, contribuant à renforcer une croyance exotique, macabre et très médiatique. Quelques temps après la mise au jour de la sépulture de Toutankhamon, le comte de Carnarvon (1866-1923), qui finançait les fouilles de la tombe de ce pharaon, mourut... des suites d'une piqûre de moustique qui s'était infectée. On oublie souvent que ce gentilhomme britannique était loin d'être en bonne santé puisqu'il n'avait plus qu'une moitié de poumon. De plus, les antibiotiques n'avaient pas encore été découverts à cette époque, ce qui rendait toute infection redoutable.

D'autres morts, souvent évoquées à l'appui de la théorie de la malédiction, ont toutes une explication rationnelle: suicide par désespoir sentimental, commotion due à un brusque changement de température à la sortie de la tombe... Quant à Howard Carter, égyptologue anglais qui vécut quotidiennement au côté de la momie de Toutankhamon pendant les quelques années que dura l'exhumation du tombeau, il mourut paisiblement de mort naturelle, dix-sept ans après sa découverte !»

Élisabeth DAVID, égyptologue, chargée d'études documentaires, Musée du Louvre, Paris.


Schwaller de Lubicz & la synarchie


L’œuvre de Schwaller de Lubicz, le maître de l'Égyptologie occulte (le Temple de l'homme, le miracle égyptien...), valorise la société pharaonique. Or, écrit Laura Knight-Jadczyk, « le style de vie pharaonique était celui d'un petit groupe de l'"élite", servie et adorée par tous les autres - et que tous les autres étaient, essentiellement, consommables ». Et elle ajoute, « les occultistes, avec leur amour de la hiérarchie, ont tendance à être naturellement totalitaires et non égalitaires. »

Deux auteurs, Picknett et Prince, ont établi des liens entre R. A. Schwaller de Lubicz et le mouvement synarchique. Ils écrivent :
« Étant donné la nature de la synarchie, on ne saurait probablement jamais  les noms même du plus puissant. Mais nous connaissons vraiment beaucoup l'un d'entre eux : R.A. Schwaller de Lubicz. Il est curieux que Schwaller de Lubicz soit devenu le « parrain » de l'égyptologie alternative bien que peu aient lu ses travaux de première main. Ses idées nous viennent surtout par les livres de Graham Hancock, Robert Bauval et, bien sûr, John Anthony West, tous ayant exprimé leur admiration pour ce savant. Ils se réfèrent à lui comme à un philosophe, ou comme un mathématicien. Ce qui est intéressant pour nous, cependant, est que, bien que Schwaller de Lubicz fût toutes ces choses, ils ne l'appellent jamais un occultiste – qu'il était. Et ne l'appellent jamais un synarchiste – qu'il était. […]
Schwaller de Lubicz était un personnage important dans la Société Théosophique de Paris, il s'est détaché pour former sa propre organisation occulte, qu'il a appelée les Veilleurs, spécifiquement pour porter ses idées ésotériques dans l'arène politique. Peut-être qu'on ne sera pas surpris de découvrir qu'il a été décrit comme un « proto fasciste ». Il revendique même avoir conçu l'uniforme pour les SA d'Hitler (« Chemises Brunes »). [...] Un des « Veilleurs » de Schwaller de Lubicz était Vivien Postel du Mas, l'homme qui a écrit le Pacte Synarchiste des années 1930. Par du Mas, Schwaller de Lubicz avait une influence particulière sur l'adjoint d'Hitler, le torturé et le complexe Rudolf Hess. Schwaller de Lubicz était antisémite et raciste - et, comme les nazis, pensait que les femmes étaient inférieures aux hommes. Par exemple, il enseignait que les femmes étaient intellectuellement incapables de comprendre l'hermétisme. Tout cela est important, parce qu'il est impossible de séparer les croyances politiques, synarchistes de Schwaller de Lubicz, de son travail comme égyptologue, le travail que certains auteurs admirent tant. »
Il y a plusieurs mois, un homme, en contact avec une société secrète et probablement agent (conscient ou inconscient) de la contre-initiation, m'avait fait parvenir AOR, l'appel du feu de Schwaller de Lubicz. C'est un texte prétentieux et ennuyeux qui expose les habituelles mièvreries de la propagande occultiste. Cet individu m'envoyait régulièrement des e.mails antisémites, islamophobes et nazis. Il voulait me convaincre d'adopter les doctrines occultes et racistes de ce groupe de prétendus initiés. 

Le gouvernement synarchique mondial

« Picknett et Prince connectent Papus (nom réel Gérard Encausse, 1865-1916) à Saint-Yves (Joseph Alexandre Saint-Yves d’Alveydre, 1824-1909). Papus était une figure énormément influente dans le monde des sociétés secrètes ésotériques à la fin du 19ème et au début du 20ème siècles. Ils connectent aussi les martinistes à Saint-Yves et par eux, les sociétés moderne des templiers et des rosicruciens et le petit nouveau, le Prieuré de Sion. De peur que le lecteur ne pose la question, en effet, Picknett et Prince les ont connectés tous en haut avec les francs-maçons ! Tirez au sort l'OTO, la Golden Dawn et les satanistes variés et vous avez une belle rangée des canards d'appât qui travaillent activement pour leurs maîtres, aucun d'eux comprenant la nature machiavélique du drame et que les" agents" d'un coup d'état sont toujours les premiers à être détruits. [...]

Picknett et Prince nous disent que de tels groupes sont derrière l'arrivée du "Nouvel Ordre Mondial," en particulier les "États-Unis d'Europe." Picknett et Prince font remarquer que la synarchie favorise des régimes non démocratiques et totalitaires et qu'ensuite ils connectent correctement ce mouvement au développement du fascisme et la suggestion que les synarchistes sont derrière l'idéologie nazie. Tous ces groupes sont impliqués dans des conspirations sociales, religieuses, politiques et économiques et le plus curieux de tout, ils semblent TOUS chercher quelque chose. » (Laura Knight-Jadczyk)


Synarchie européenne, fantasme ou réalité ?



La pyramide de Khéops

Impostures égyptiennes & syndrome égyptomaniaque http://bouddhanar.blogspot.com/2011/11/impostures-egyptiennes-syndrome.html

vendredi, janvier 20, 2012

Une cartographie de la misère






La logique impériale libérale.

Deux siècles après la Révolution française, en guise de singulier bicentenaire, le Mur de Berlin s'effondre, sapé de part et d'autre par l'Ouest et l'Est. Le Pape y compte pour rien, les dirigeants occidentaux non plus, encore moins les intellectuels européens, car l'impulsion ne vint pas de l'extérieur, mais de l'intérieur. Il n'y eut pas explosion du système soviétique, mais implosion d'une machine viciée par ses mécanismes internes. Faussement révolutionnaire, socialiste et communiste, vraiment totalitaire et bureaucratique, l'Union soviétique avec son Empire s'écroule faute d'avoir été dialectique, c'est-à-dire à l'écoute plastique des leçons données par l'Histoire.

Cette date compte à égalité avec celles qui marquent la chute des pouvoirs policiers, militaires et fascistes du XXe siècle. Au nom du peuple et des idées de gauche, ce régime fut semblable en de trop nombreux points aux dictatures militaires nazies et mussoliniennes pendant plus de soixante-dix ans. Après tant d'années au pouvoir, que restait-il ? Rien... Un pays en déshérence, perclus de misères généralisées, profondément traumatisé, marqué pour de longues générations, saigné à blanc. Aucune production littéraire, philosophique, culturelle, artistique, scientifique digne de ce nom une catastrophe intégrale.

L'adversaire libéral gagne sans même avoir mené le combat. Bilan de cette guerre froide ? Un vainqueur décidé à remplacer la misère soviétique par la misère libérale. Disparition des camps, certes, ouverture du marché, bien sûr, mais aussi, et surtout, généralisation de la prostitution, règne sans partage de l'argent sale, des pouvoirs de la mafia, apparition de la faim, clochardisation massive, réduction de la consommation aux seules élites générées par le marché, logiques consuméristes, trafics internationaux de matières fissiles, guerres ethniques, terrorisme brutalement réprimé, recyclage au pouvoir de spécialistes en services secrets, questions militaires et autres spécialités policières. Marx passait pour une peste planétaire, Tocqueville devint le choléra généralisé.

Le libéralisme semble l'horizon indépassable de notre époque. Et, comme jadis à l'époque florissante des succès soviétiques, il dispose d'intellectuels, de chiens de garde appointés et d'idiots utiles. On ne compte plus, parmi les penseurs dits médiatiques, les soutiens à l'Amérique, même quand elle viole le droit international, bafoue le droit de la guerre, ignore le droit des gens, méprise les conventions juridiques planétaires, inonde le monde d'exactions passibles de haute cour de justice, soutient des régimes condamnés par les associations des Droits de l'Homme.

Outre-Atlantique, d'aucuns en viennent même à déclarer la fin de l'Histoire ! Rien moins... Avec le triomphe planétaire du libéralisme américain, quel besoin d'imaginer un après ? Le monde devenu Un, plus aucune alternative politique crédible ne vient désormais demander des comptes au triomphateur. Quand la réalisation de l'Histoire arrête l'Histoire, reste à contempler le vainqueur, lui élever des temples, célébrer sa gloire et, collaborer.

Et puis, et puis... Vint le 11 septembre comme preuve que l'Histoire continue. A la manière d'une réponse de Diogène à Zénon — marcher pour démontrer l'inanité de la thèse niant l'existence du mouvement —, la destruction d'un symbole — le Centre du Monde des Affaires — atteste la suite. Et quelle suite ! On n'allait pas tarder à comprendre de quelle manière l'Histoire continue avec le dessin aux contours nets du nouvel adversaire de l'Occident libéral : l'Islam politique qui, à sa manière, fédère les victimes de l'arrogance du marché occidental. Avec pareil ennemi qui dispose de Dieu dans sa besace et croit que toute mort au combat ouvre illico les portes d'un Paradis sucré, mielleux et définitif, le combat promet d'être rude.

L'Europe a choisi son camp depuis bien longtemps. La gauche socialiste et gouvernementale a idéologiquement rallié les troupes du vainqueur libéral, en jouant d'arrogance pour masquer sa collaboration de fait par une résistance verbale sur le mode de la posture de principe. La droite n'a aucun mal à célébrer son territoire naturel. La démocratie a fait long feu. On ne trouve plus, en France et en Europe, qu'une oligarchie au sens premier du terme : le pouvoir d'une minorité qui, droite et gauche confondues, communie dans les mêmes dogmes du marché libre et de l'excellence libérale. Ainsi, l'Europe actuelle représente un maillon utile dans la chaîne d'un gouvernement planétaire à venir.

En France, les ralliements ne se comptent plus : un bottin (mondain) d'anciens maoïstes, trotskistes, situationnistes, althussériens, marxistes-léninistes, et autres activistes de Mai 68 ne suffit pas pour enregistrer les reniements, les passages à l'ennemi et les mises au service du libéralisme dans ses secteurs les plus stratégiques — affaires, journalisme, médias, édition, politique évidemment, banque, etc. Chacun connaît les noms et les carrières, tout le monde sait les trajets et la suffisance, l'arrogance de cette poignée qui donne des leçons aujourd'hui avec l'aplomb inchangé de leurs trente ans. La différence? Ils vantent aujourd'hui ce qu'ils moquaient jadis dans la bouche de leurs géniteurs !

Or il existe encore et toujours une gauche qui n'a pas trahi et reste fidèle aux idéaux d'avant l'exercice du pouvoir. Elle croit encore que les idées défendues par les socialistes avant le 10 mai 1981 demeurent d'actualité, au même titre que celles de Jaurès, Guesde, Allemane ou Louise Michel. Certes, il faudrait les reformuler, les repréciser, les passer au crible de la postmodernité, mais pour les rendre plus actives, mieux opérantes, et non pour leur enlever leur substance. La souveraineté populaire, la défense des miséreux et des sans-grades, le souci du bien public, l'aspiration à la justice sociale, la protection des minorités, restent des idéaux défendables.

A l'évidence, cette gauche qui reste de gauche n'a pas été dite par ses adversaires gauche de gauche, mais gauche de la gauche, ou, disons-le autrement, gauchiste. On s'en doute, le glissement sémantique est organisé par les libéraux soucieux de décrédibiliser cette pensée et de la renvoyer aux utopies de cerveaux immatures et irresponsables. Ceux-là pensent à droite, défendent des idées de droite — la loi du marché comme horizon indépassable —, vivent à droite, fréquentent le monde de droite et parlent à gauche, avec un vocabulaire permettant à leur reniement de ne pas (leur) paraître trop radical : ils ne peuvent avoir changé tant que cela, la preuve, ils votent encore à gauche ! Certes, mais quelle gauche... Dans les boutiques de ces gens-là, quiconque parle du Peuple devient Populiste et en appeler à la Démocratie définit désormais le Démagogue.

Quand dira-t-on que ces reniements, ce passage de la gauche gouvernementale à l'ennemi libéral, cette oligarchie qui dispose de la visibilité médiatique terrorise intellectuellement tout défenseur d'une réelle idée de gauche, cet abandon de souveraineté suivie d'une mise à disposition d'une autorité tierce — États-Unis ou Europe —, ce refus des élites aux commandes de bon nombre de valeurs cardinales héritées de 1789 — la Nation, l’État, la République, la France, comme autant de logos vichystes, pétainistes, fascistes, etc. —, quand dira-t-on que ces renoncements créent un désespoir national, puis fondent et légitiment le vote d'extrême droite depuis un quart de siècle?

Misère sale contre misère propre.

Les intellectuels français méprisent Billancourt. Billancourt, c'est-à-dire? Pas seulement la classe ouvrière qui n'existe plus comme jadis. Celle de Simone Weil écrivant La condition ouvrière, celle de Sartre lui consacrant des pages denses de la Critique de la raison dialectique, celle de Camus signant les chroniques d'Actuelles. Mais cette nouvelle version des misérables analysée, montrée, décortiquée par Pierre Bourdieu et les siens dans La misère du monde. Secrétaires et gardiens d'immeuble, agriculteurs et chômeurs, petits commerçants et enseignants en ZEP, banlieusards et immigrés, mères célibataires et travailleurs précaires, videurs de boîte et intermittents du spectacle, ouvriers métallos licenciés et fin de droit à la rue, îlotiers en uniforme et intérimaires, tous ces oubliés de la politique politicienne toutes ces victimes de la violence libérale, tous ces laissés-pour-compte de la société consumériste.

Faut-il que Bourdieu découvre le pot aux roses en montrant cette misère-là, qu'on fasse tout de suite de cet homme qui donne la parole à ces oubliés un bouc émissaire contre lequel se déchaînent la quasi-totalité des journalistes, copains comme cochon avec la presque entièreté des intellectuels qui ont traîné son nom, son travail, son honneur, ses méthodes, sa carrière, sa réputation dans la boue. Et ce jusques et y compris dans les heures suivant sa mort. J'ai épinglé ces pages immondes et dit ce que j'en pensais dans un Tombeau pour Pierre Bourdieu intitulé Célébration du génie colérique.

Haro sur celui qui tend le miroir ! On n'en veut pas aux responsables de l'état de fait, aux coupables de cette misère généralisée. Mieux : on les épargne, on évite de les citer et de les désigner. Puis l'on crie sur celui qui effectue son travail d'intellectuel, de philosophe, de penseur engagé, de sociologue et raconte le malaise, lui donne une identité, le met en formule, en appelle aux témoignages de ces victimes sans visages et sans nom. Malheur à celui qui ne collabore pas et résiste : on lâche contre lui les chiens qui ne reculent devant aucun moyen pour discréditer, falsifier, mentir — comme aux plus belles heures du magistère de Jean Kanapa.

Laissons donc de côté les manants qui puent, vendent de pitoyables journaux ou qu'on enjambe dans la rue, en sortant de chez soi, pour prendre l'avion de Téhéran, Kigali, Sarajevo, Alger, Bagdad ou Grozny, ces empyrées de la misère propre où, entre deux hôtels de luxe, on effectue un reportage qui permet, quelque trois jours plus tard, de donner des leçons d'humanisme, de droit de l'homme, de politique étrangère dans les colonnes de journaux qui ouvrent leurs pages comme d'autres leurs cuisses, par habitude professionnelle. Billancourt? Trop peuple, trop trivial, trop provincial...

Avec la misère lointaine, cosmopolite, mondiale et planétaire, quand elle permet la mise en scène de soi sur le mode malrucien, alors on peut lui donner sa personne, son talent et son énergie : on en récolte les bénéfices sonnants et trébuchants après constitution de soi en valeur monnayable sur le marché de l'édition, de la publication, de l'intelligence mondaine, spectaculaire et médiatique. Marx prévenait pourtant les béjaunes que l'histoire se rejoue toujours selon une impitoyable loi : la tragédie se reformule plus tard, certes, mais sur le mode comique... N'est pas René Char ou Georges Orwell qui veut !

Dans Politique du rebelle, j'ai décrit ce nouvel enfer en réactivant les bolges de La divine comédie : privés d'activités et corps improductifs : les vieux, les fous, les malades, les délinquants ; forces improductives : immigrés, clandestins, réfugiés politiques, chômeurs, Rmistes, intérimaires ; forces exploitées du corps social : nomades et privées de sûreté : contractuels, apprentis ; ou sédentaires et privées de liberté : adolescents, salariés, prostitués, prolétaires, précaires. Des millions de personnes exclues du corps social, éjectées de la logique dite démocratique.

Jamais représentées, nulle part évoquées, sans cesse écartées, invisibles dans les mondes de la culture, de la politique, de la littérature, de la télévision, des médias, de la publicité, du cinéma, des reportages, de l'université, de l'édition, interdites de visibilité, ces preuves par le déchet que le système fonctionne bien et à plein régime, les oligarques ne veulent pas le rappel de leur existence. Tout retour de ce refoulé les met en rage, et ils s'autorisent tout pour l'anéantir, l'empêcher et le décomposer. Y compris, bien sûr, en recourant à des solutions radicalement immorales.

La négation de cette partie souffrante de la population, le braquage des projecteurs sur les misères planétaires propres, la rupture du lien entre l'intellectuel et la société, le déni de la misère sale, la décomposition de la gauche gouvernementale, le produit frelaté d'une tendance libérale libertaire — dont on voit bien le libéralisme, mais dont la partie libertaire demeure franchement cachée... —, tout cela crée soit de l'abstentionnisme politique lors des consultations électorales, soit un vote refuge dans le protestataire pur, soit encore un engrossement de la nébuleuse d'extrême droite. Le déni de la misère sale produit un retour du refoulé nihiliste.

Michel Onfray, La puissance d'exister.


La puissance d'exister





Dessin :

jeudi, janvier 19, 2012

Louise Michel






« Maintenant que nous savons que les riches sont des larrons, si notre père, notre mère n'en peuvent purger la terre, nous quand nous aurons grandi, nous en ferons du hachis. »

Louise Michel


Quand les victimes du capitalisme, comme les nouvelles chômeuses et ex ouvrières de l'usine Lejaby d'Yssingeaux, auront une forte attirance pour les idées radicales de Louise Michel, les larrons de la foire mondialiste trembleront.

Idées que ne renieraient pas les bodhisattvas bouddhistes. Un bodhisattva fait le vœu de sauver tous les êtres et, selon les textes, n'hésite pas à éliminer un criminel qui projette d'attenter à la vie de plusieurs personnes. Or le monde est à la merci de criminels. « Les spéculateurs qui ont ruiné les économies occidentales par appât du gain et avidité folle devraient être traduits devant un tribunal de Nuremberg pour crime contre l'humanité », estime Jean Ziegler.


"Buter le patron voyou"

« Louise (Yolande Moreau) est employée dans une usine de textiles de la région de Picardie, dont le patron vide les locaux en une nuit, pour la délocaliser. Les manutentionnaires l’apprendront le lendemain, au moment de regagner leur poste, vêtues de leur nouvelle blouse offerte la veille par le dirigeant ! Michel (Bouli Lanners) est le plus improbable des tueurs à gages que vient trouver Louise, afin qu’il accepte un contrat rétribué avec la prime de licenciement des ouvrières bafouées : « buter le patron voyou » ! Voilà le tandem engagé dans une équipée improbable, des arrière-cours picardes jusqu’à l’île de Jersey en passant par la Belgique. » ARTE

Louise-Michel




Carnet de police française de 1894 où figurent des personnes recherchées aux frontières. Parmi elles, le célèbre géographe Élisée Reclus et la « vierge rouge » Louise Michel.  


Un rabbin affirme que les Juifs sont des extraterrestres venus pour « conquérir » la Terre.

Le rabbin Michael Laitman est l'auteur de "Kabbalah, Science and the Meaning of Life". Le livre retrace les étapes de l'év...