Un amour pathologique
et destructeur : le hoarding
La Société protectrice des
animaux est parfois confrontée à un type d'attitude très
particulière : « celle de personnes qui n'ont pas conscience
qu'elles maltraitent leurs animaux mais qui se laissent dépasser par
leur amour pour eux en s'entourant d'un trop grand nombre d'entre
eux, les mettant ainsi dans de mauvaises conditions qui ne répondent
plus à leurs besoins. C'est le phénomène de l'animal hoarding
(de l'anglais to hoard : accumuler), qui a tendance à
connaître un véritable essor.
Certains se souviennent
peut-être de cette femme russe, habitant en Sibérie, qui comptait
dans son appartement près de 150 chats, tous ramassés dans la rue.
« Catwoman » avait alors fait la une des télés du monde entier.
Loin d'être un simple délire de vieille dame, l'animal hoarding
est considéré aux États-Unis comme une vraie maladie mentale,
classée parmi les TOC (troubles obsessionnels compulsifs). Il s'agit
d'avoir en sa possession un nombre d'animaux au-delà du raisonnable,
sans se rendre compte que l'on est dans l'incapacité de leur fournir
le minimum d'hygiène, de nourriture et de soins, ces négligences
entraînant une dégradation de l'habitat, de graves problèmes de
santé pour les animaux, allant parfois jusqu'à la mort. Cela
s'accompagne chez les personnes d'un déni de cette incapacité à
les soigner et de problèmes relationnels ou familiaux. Ces critères
ont été déterminés par Gary J. Patronek, médecin psychiatre
américain qui s'est penché depuis une dizaine d'années sur le
problème des hoarders.
Quoique moins étendu, le
phénomène n'est cependant pas anodin en Europe. Les associations de
protection animale sont de plus en plus régulièrement confrontées
à des gens qui adoptent en masse et laissent leurs animaux se
reproduire sans aucun contrôle. Ces gens se disent souvent éleveurs
ou protecteurs souhaitant sauver tous les animaux en détresse ; ils
viennent sur les forums Internet ou dans les refuges, épluchent les
petites annonces pour adopter d'autres animaux ou en vendre.
Nourriture non adaptée, hygiène déplorable, aucune quarantaine,
contaminations et décès d'animaux en cascade... Aujourd'hui, des
associations essaient de réunir des preuves contre elles, mais c'est
difficile car un hoarder vit dans le déni total, persuadé
qu'il aide les animaux ; de plus il a travaillé insidieusement pour
se forger une image destinée à se faire respecter. Les cas les plus
difficiles à résoudre restent ceux de personnes « déguisées »
en sauveurs d'ani-maux légitimes, refuges ou sanctuaires puisque la
distinction entre ceux qui pensaient bien faire (et se retrouvent
débordés) et les vraies pathologies de personnes victimes de
compulsion est ténue.
Détenir beaucoup d'animaux
ne fait pas forcément de vous un hoarder tant que vous pouvez
accueillir et soigner les animaux dans de bonnes conditions,
nécessaires à leur santé et à leur bien-être. Mais les adoptions
à outrance peuvent vite submerger les personnes les mieux
intentionnées du monde. Si les animaux sont les premières victimes,
les humains peuvent également être affectés : les possibilités de
contagion existent bel et bien et un hoarder peut aller
jusqu'à négliger sa famille pour ses animaux. Voici un exemple en
septembre 2008, en banlieue parisienne où les services de fourrières
sont appelés pour intervenir dans un domicile. L'alerte a été
donnée par les services sociaux car les enfants de la famille
n'étaient plus scolarisés depuis plusieurs jours. En pénétrant
dans les lieux, ils ont été assaillis par des odeurs
pestilentielles et ont trouvé trente chiens de petites tailles
entassés dans le salon, probablement pas sortis depuis plusieurs
mois (plusieurs années ?), les déjections jonchant le sol, des
cadavres de chiens dans les coins et deux enfants de huit et dix ans,
eux-mêmes couverts de déjection et dans un état sanitaire
déplorable... Les enfants ont été confiés aux services sociaux et
les animaux à la SPA, en vue de leur réadoption après une période
d'éducation plus que nécessaire. Tel a été également le cas
d'une mère et de sa fille qui se sont retrouvées avec plus de cent
chiens dans leur maison. Ces personnes qui, au départ, ne
possédaient que quelques femelles et mâles n'avaient pas stérilisé
leurs animaux faute de moyens financiers. Ces animaux se sont
reproduits et elles ont accueilli toutes les portées. En dix ans
elles sont passées de moins de cinq chiens à plus de cent. La SPA
avait alerté la Direction des services vétérinaires (DSV)
plusieurs années auparavant lorsque la famille ne possédait que
quelques dizaines d'animaux, sans résultat. En revanche, en 2008, la
DSV a su faire appel à la SPA pour récupérer, en urgence bien sûr,
la centaine d'animaux présents. »
Caroline
Lanty
Caroline
Lanty, avocate au Barreau de Paris, a été présidente nationale de
la Société protectrice des animaux de 2006 à 2008. Dans son livre,
« Le Scandale de l'animal business », elle souhaite
sensibiliser et interpeller l'opinion publique pour dénoncer le
commerce des animaux de compagnie, trop souvent relégué au rang de
l'anecdote et du fait divers.
Le
Scandale de l'animal business
Le
regard attendrissant des chiots et chatons parqués dans les vitrines
d'animaleries cache souvent une réalité sordide. Celle d'un trafic
d'animaux cruel mais très lucratif.
Ce
commerce échappe à tout contrôle douanier, sanitaire ou économique
et alimente une demande croissante, irresponsable, d'animaux de
compagnie devenus animaux objets. Sait-on que ce trafic, de chats et
de chiens principalement, est souvent organisé par des filières
mafieuses d'Europe de l'Est ? Mais pas seulement... De nombreux
élevages en France le pratiquent également. A-t-on idée des sommes
que génère ce marché et dans quelles conditions ces animaux
marchandises sont élevés, transportés et vendus ?
Face
à la passivité des pouvoirs publics, la SPA a dû prendre les
devants et créer une cellule de choc, la Cellule anti-trafic,
destinée à lutter en France et en Europe contre les trafiquants
d'animaux. Mais elle a besoin d'un soutien juridique et pénal,
aujourd'hui inefficace, voire inexistant, pour convaincre gendarmes,
policiers, et surtout le ministère de l'Agriculture et la Direction
des services vétérinaires de la nécessité d'agir.
Ce
livre fait la lumière sur des pratiques intolérables passées sous
silence. II dénonce également l'ineptie des lois sur les chiens
dits dangereux et montre toute l'urgence de mesures protectrices des
animaux, paradoxalement menacés par l'amour que nous leur portons.