Le
confinement des humains dans les mégalopoles est contre nature, il
est hors sol. Il a généré un mode de pensées séparé de la
puissance de la vie. L’obstacle le plus généralisé est notre
vision fragmentée.
Lorsque
l’écologie est bien abordée, elle nous apprend à nous remettre à
proximité des sources qui assurent la pérennité de la vie et non
dans l’anecdote d’une urbanisation qui ne pourra pas tenir.
Actuellement, nous pourrions dire que c’est une pensée urbaine qui
essaie de penser la Nature sans pour autant en avoir l’expérience
tangible et sensible. Je dis à des amis qui sont dans la politique
écologique : «Vous ne parlez jamais de la beauté et du sacré de
la vie, vous ne parlez que des éléments factuels alors qu’en
réalité l’écologie ce n’est pas cela.»
La
terre est un organisme vivant à part entière avec des bactéries,
des vers de terre, des insectes multiples, des cellules où l’air,
l’humidité, tous les éléments vivants dont ceux de notre être
se combinent à elle, étant donné son besoin d’eau, d’air et de
chaleur. Puisque ces éléments sont vibratoires, selon l’influx
que nous y mettons, même par la pensée, combinés, ils vont agir
d’une manière ou d’une autre. Si cette terre est morte, les
aliments qu’elle nous donnera ne seront plus porteurs de l’énergie
que la terre devrait donner. En plus de l’énergie cosmique, il y a
l’énergie tellurique. Lorsque la plante jaillit du sol c’est le
soleil qui intervient, pour nous c’est l’ensemble du système
vibratoire. C’est pourquoi la biodynamie intègre les planètes
parce que chacune d’elles émet des fréquences variables qui
constituent un élément symphonique
: lorsque la plante reçoit l’ensemble de ces énergies, elle
trouve son équilibre.
Actuellement, on lui met des engrais solubles
chimiques qu’elle absorbe par effet osmotique, elle s’appauvrit
et se déséquilibre. Que va-t-il se passer ? La maladie
cryptogamique arrive avec les microchampignons qui interviennent en
premier sur les feuilles, en détruisant les cellules de la plante
pour l’empêcher de se multiplier, ensuite les ravageurs savent
laquelle doit disparaître pour ne pas créer la dégénérescence de
l’espèce, ils éliminent les plantes fanées et sont très
efficaces. Si nous mangeons cette plante carencée et forcée par des
engrais chimiques, au lieu de la laisser pousser avec le vecteur des
énergies terrestres et célestes, elle transmet à notre propre
organisme – qui, lui, va être satisfait par la chaîne des
oligo-éléments nécessaires à un certain équilibre – toutes les
substances. Quand nous les ingérons, cette part altérable modifie
notre santé. Si nous ajoutons l’eau et l’air pollués,
l’atmosphère stressante, je trouve que nous sommes assez solides !
Crise
humaine et spirituelle
Pour
moi l’écologie intègre l’univers entier et si notre soleil
s’arrêtait de briller, nous disparaîtrions. Au lieu que la
conscience humaine voit dans cette planète un véritable miracle,
elle ne fait qu’exploiter les gisements et épuise les ressources
jusqu’au dernier poisson, et dernier arbre, en polluant… Je dis
parfois à des amis religieux : «Vous devriez être les premiers à
dénoncer la pollution puisque l’œuvre de Dieu est profanée.
La
Création ne nous appartient pas, elle nous accueille». Beaucoup de
discours sont devenus creux et ne reflètent plus la réalité
tangible ! Dit-on assez aux enfants : «La vie est sacrée, tout ce
que tu as, tout ce que la vie te donne, ce n’est pas un dû, c’est
un don ?» En règle générale éduque-t-on
à la gratitude ? Non, donc toute la phase qui nous amènerait vers
l’éducation du respect et du sacré est occultée.
Je
reste très attaché au Message christique. Pour moi, c’est un
immense événement, une conscience qui proclame de façon forte que
la plus grande puissance qui soit c’est l’amour, et que nous
sommes là pour aimer, pour prendre soin, et non pour détruire. Nous
ne pourrons construire
un monde apaisé qu’en remettant de la beauté et de l’amour dans
nos relations, en misant sur la richesse de nos valeurs les plus
nobles : l’unité, la solidarité, la convivialité.
Les
institutions installent des situations complexes dans la gestion et
de plus, les pays aux religions monothéistes n’arrêtent pas de se
faire la guerre. Nous sommes finalement dans une vision matérialiste
et profane de la vie qui n’a rien à voir avec le Message du
Christ. On s’arrange à notre façon avec des préceptes, pourtant
si nous sommes conscients que nous dépendons de l’énergie divine,
reliée à l’Innommable, l’Indicible, Celui dont nous ne pouvons
rien dire, l’ambiguïté fait notre quotidien car derrière tout
cela il y a la peur et nous cherchons seulement à justifier l’état
des lieux. Nous vivons dans l’anxiété de quelque chose qui nous amène
à vouloir absolument tout expliquer, alors que nous savons très
bien que nous avons des limites. Je m’en tiens donc à cette phrase
de Socrate, qui dit : «Je sais que je ne sais pas».
Penser au Divin
est un besoin que nous éprouvons, c’est une nourriture, et le
silence pour moi est
une très grande nourriture ; ce n’est pas facile mais lorsque nous
arrivons à le vivre profondément cela régénère. C’est un long
souffle tranquille. Néanmoins, parce qu’il a fait des découvertes
technologiques importantes et instauré un paradigme nouveau en
exhumant la matière morte (pétrole, charbon...) qui résulte de la
longue alchimie de la terre, l’homme a instauré un système où il
se prend pour un dieu, il veut modifier le cycle naturel qui gêne sa prétention
à vouloir mieux savoir ! De ce fait, notre société est basée sur
la frénésie, la vanité de vouloir toujours dominer. Sous cette
influence, notre mental produit des chimères, des peurs, des
angoisses. Comment l’apaiser ? C’est un foyer où se déclarent
les haines et où l’amour domine rarement. Mais nous avons le libre
arbitre pour rester libres.
La
majorité des scientifiques sont dans la rationalité froide, par
contre une frange de la science ne s’y est pas enlisée. À l’appui
d’un vécu ressenti, elle a évolué en utilisant raisonnement et
intuition. Exemple, je me soigne en homéopathie qui pour la science
pure et dure correspond à un placebo. Il est très difficile
d’obtenir le composé du produit, car la substance du support a été
diluée de très nombreuses fois, alors qu’est-ce qui agit ? Seule
l’information ! Ce qui amène à dire que le «subtil» est
au-delà, tout vient du subtil, et c’est le rôle de l’humain de
le révéler dans la matière. Le matérialisme très limité ne le
prend pas en compte. Nous sommes donc dans une situation
inintelligible.
Cultiver
son jardin
Depuis
quarante-cinq ans, j’ai orienté ma vie autour de comment me mettre
au service de la vie, de cette planète dont la beauté ne cesse de
me couper le souffle. Vue du ciel, la planète bleue n’est pas la
mappemonde découpée que nous décrivons dans nos discours et
enseignements.
L’autonomie
de la planète se fonde sur le non gaspillage. La nature n’a pas de
poubelle parce qu’elle ne crée pas de déchets. Dans la conscience
écologique, l’impact du film de Coline Serreau «Solutions locales
pour un désordre global» a contribué à l’évolution d’un
changement. Dans ce cas, nous sommes placés dans la situation de
propager notre message, mais nous ne faisons pas que montrer et
analyser, nous agissons.
Quel
que soit le pays, nous créons des structures qui incarnent nos
valeurs. J’aimerais bâtir le modèle «un hectare, une famille, un
habitat». Il est vital de soutenir l’agriculture qui soigne ses
sols, de favoriser les AMAP, de réapprendre à vivre avec un
potager, une ruche, un poulailler…
Cultiver
son jardin de même que nos choix de consommation sont de la
politique en actes. L’écologie nous conduit à repenser notre
médecine, notre industrie pour plus de sobriété…
En
Afrique, au Burkina Faso, Maroc, Mali... beaucoup d’agriculteurs
sont pris dans le traquenard de
la mondialisation, et celui qui cultivait son lopin familial s’est
retrouvé propulsé par la loi du marché
dans la même arène que les gros producteurs américains, donc
endetté puis insolvable. Cette misère de masse va bien au-delà de
la pauvreté, elle confisque aux hommes ce que la nature leur a
donné, la vie, l’eau, la terre, les semences… Donc, nous les
aidons à s’affranchir et leur transmettons des savoir-faire
écologiques en réhabilitant les pratiques traditionnelles.
En partant de la terre nourricière qui est le fondement de la vie,
nous leur apprenons à incarner des valeurs importantes. Pour être
plus efficaces, nous avons créé une Fondation qui est le résultat
d’années de travail et de souffrances comme dans toute aventure
humaine.
Je
suis à l’origine de l’option écologique du Monastère de Solan
dans le Gard. J’ai proposé aux sœurs de valoriser leurs terres
dans le respect de l’environnement, d’en faire un écosite expérimental
d’intérêt général. L’impact est désormais visible, et des
monastères orthodoxes roumains me demandent conseil pour suivre la
même démarche.
Solan est un exemple d’agro-écologie.
Je ne suis d’aucune religion, mais c’est dans le monde orthodoxe
que l’engagement écologique est le plus affirmé. Le respect de la
Création, comme devoir de l’homme envers Dieu, est proclamé par
le patriarche lui-même. L’écologie ne peut pas être un paramètre
parmi d’autres. C’est le fondement même de la vie et la vie
transcende tout. Bien comprise, l’écologie fondée sur
l’interdépendance des règnes et des espèces est, par excellence,
une grande leçon d’autonomie et de sobriété.
Moi-même,
issu des deux cultures Nord et Sud, j’ai appris à me définir sans
choix confessionnel, ni idéologie… Avec notre capacité de penser
limitée, nous avons la prétention d’appréhender
le réel de nature infinie, or nous pouvons juste comprendre un
fragment de réalité souvent différent de celui de nos semblables.
Nous
produisons de l’indigence et de la souffrance
En
2012, nous avons lancé un mouvement que nous appelons «Tous
candidats». J’ai écrit un opuscule qui s’intitule «Éloge
du génie créateur de la société civile» car dans ma
vision propre, j’ai l’impression que les politiques font de
l’acharnement thérapeutique sur un modèle qui est déjà
moribond. Aujourd’hui, tous les diagnostics que nous avons sur les
banques, les faillites, etc., montrent
que nous produisons de l’indigence à grand rendement et de la
souffrance avec un modèle qui était censé nous libérer. Avec
l’idée de solutionner, nous créons de plus en plus de problèmes.
La pulsion du toujours plus, censée permettre à tout le monde
d’avoir à manger et ce qu’il faut pour vivre, crée de
l’indigence. Il y a bien là une inversion de la compréhension qui
n’est pas résolue.
La
société ne peut changer si l’homme ne change pas. C’est
impossible ! C’est lui qui détermine les choses et si lui-même ne
fait pas son propre changement par rapport à la société,
à la nature et à l’ensemble de sa vie intérieure, je ne vois pas
comment cela pourra changer. Dans ma réflexion, je m’étais dit
naïvement qu’avec l’agriculture bio il y aurait une attitude
élevée, une morale à l’égard de la vie : avoir de la gratitude,
prendre soin de la terre en la cultivant pour obtenir les substances
nobles et la vitalité de la nourriture pour que les énergies
cosmiques nous mettent dans le circuit réel de la vie. Souvent
j’interpelle les gens : «Manger
bio et vous chauffer au solaire, c’est bien, mais la vraie
transformation c’est de ne plus exploiter votre prochain !» Le
problème est là, chacun de nous doit changer et ainsi nous
contribuerons à changer le monde. Tout peut être détourné,
inventé mais si l’être ne change pas fondamentalement, nous
serons dans l’avidité permanente, sans jamais nous satisfaire. Il
ne faut pas confondre aptitudes et intelligence. Nos aptitudes
rendent le monde chaotique, elles ne parviennent pas à donner un
ordre intelligent à nos prouesses. Il y a un ordre d’intelligence
qui nous précède et qui est symphonique.
L’écologie
est une symphonie dans laquelle chacun joue sa partition. L’homme
d’aujourd’hui est manipulé à être insatiable, à être
insatisfait de ne pas avoir ceci ou cela. En agissant ainsi on ne
nourrit pas son être profond. On laisse croire que le bonheur se
trouve dans l’accumulation et on comprend qu’elle ne mène à
rien. Je peux tout acheter avec de l’argent ou presque, sauf la
joie. La joie ne s’achète pas et c’est pourtant elle qui nous
nourrit vraiment ! La vraie joie, état fondamental de bien-être, n’a
rien à voir avec le plaisir qui est éphémère.
Créer
une société apaisée
La
réforme de la société ne peut se faire sans une réforme de
l’éducation. Lorsque nous voyons un
enfant venir au monde, il est dans une disponibilité totale, il
appréhende le monde avec ses cinq sens, prend connaissance de son
corps, écoute, se nourrit, regarde, exprime ses émotions et ses
désirs. C’est souvent l’éducation qui l’abîme en lui donnant
en exemple la rivalité ou la domination. Nous ensemençons l’enfant
d’angoisses parce que nous ne l’invitons pas à être libre et
bienvenu dans la vie pour réaliser ce qu’il a à faire sans
préjudices. Souvent, nous lui portons atteinte en lui demandant de
se mettre en concurrence pour être le premier. Notre rôle serait de
dire : «trouve ta place», sans le pousser dans le sens où nous
voudrions qu’il aille.
La
charge de l’éducateur est d’expliquer que chacun apporte quelque
chose et qu’il y a une mutualisation des valeurs nous permettant
d’être solidaires. Les défaillances de l’un peuvent être
corrigées par l’autre et dans cette mutualisation nous créons une
société apaisée. Je crois à une pédagogie qui révèle l’enfant
à lui-même et lui transmet l’enthousiasme d’apprendre. Il est
navrant que l’intellect prime à ce point sur le travail manuel.
Nos mains sont des outils magnifiques
capables de construire une maison, de jouer une sonate, de donner de
la tendresse.
Offrons
aux nouvelles générations l’épreuve de la nature, du travail de
la terre, des saisons. La pensée humaine n’a pas de meilleure
école que l’intelligence universelle qui la précède et qui se
manifeste dans la moindre petite plante, dans la diversité, la
complexité, la continuité du vivant.
À l’évidence, le pôle sud n’est pas contre le pôle nord, rien
n’est contre rien, c’est une unité absolument magnifique d’ordre
harmonique.
L’écologie
est donc l’union où les éléments constitutifs d’un système
donnent et reçoivent. Les gens manifestent dans la rue en levant le
poing contre l’injustice réelle ou non, mais il faut être logique
: la première chose à appliquer c’est ce qui est juste là où je
vis. Est-ce que j’aime mon compagnon ou ma compagne comme il ou
elle doit être aimé ? Est-ce que j’aime mes enfants, mes
voisins ? Est-ce que je suis vraiment dans la démarche que je
prétends vouloir pour le monde ? Si je n’y suis pas, ma
revendication ne sert à rien.
La
gentillesse, la bienveillance, la bonté, tout ce qui est évident
n’est pas toujours facile, pourtant c’est là que tout doit
commencer puisque là est le royaume de chacun : ce champ d’action
est à la disposition de tous et tout un chacun peut décider et
gouverner avec des valeurs importantes dans son microcosme. Ces
exemples qui devraient se retrouver dans la famille, à l’école et
dans la société, demandent de l’abnégation et du discernement
aux adultes. L’enfant doit trouver l’accueil, la sécurité, les
soins, l’écoute et l’amour indispensables à
tout être. Lui-même le fera alors dans son petit royaume.
Tout
cela fait partie du changement de paradigme qui inclut forcément la
reconnaissance de la beauté dans les rapports humains.
Dans
bien des cas, notre relation au monde animal est devenue tragique
également ; les animaux sont un peuple fantôme à nos yeux. Nous
les regardons derrière un voile anonyme, pour
éviter le difficile spectacle de la souffrance que nous leur
infligeons. Cet état de fait d’une inertie
complice dans bien des cas nous rend sans crédibilité aux yeux des
enfants qui en souffrent.
Beauté
et énergie sont liées
Pourquoi
avons-nous si peu d’émerveillement ? La plupart des écologistes
ne parlent pratiquement jamais de la beauté, de la vie, ils parlent
de carbone, bien sûr. Pourtant si nous nous sommes installés ici,
c’est pour la beauté du paysage.
En
1963 sur notre sol rocailleux, le chemin était à peine praticable,
il n’y avait pas d’électricité, pas de téléphone, très peu
d’eau. Les gens ne comprenaient pas notre démarche et disaient
qu’ils ne voulaient pas nous aider à nous suicider. Nous leur
avons donc expliqué que le lieu était beau et que c’était là
que nous voulions vivre. Nous étions totalement persuadés que
l’énergie pour y vivre nous serait donnée et cela n’a pas
manqué. Lorsque nous sommes nourris intérieurement de beauté et de
satisfaction, tout cela génère en nous l’énergie pour ensuite
répondre aux difficultés de la vie.
Du
point de vue agronomique, nous aurions pu facilement partir et avoir
des terres plus fertiles, mais nous voulions rester dans cette
beauté, ce silence, l’air pur, les lieux habités par tout ce qui
est vivant, avec les étoiles ! C’est cela le contexte humain,
l’homme n’est pas né pour toujours arracher à la terre des
choses à transformer en dollars, c’est absurde.
L’homme
est fait pour admirer, donc pour aimer ; c’est la raison pour
laquelle nous avons orienté notre vie en prenant toujours en compte
que la beauté d’essence divine n’est affiliée à aucune
religion. Par contre, je sais que la nature m’a ouvert la porte à
des trésors de mystères de vie, à la spiritualité profonde, à la
beauté infinie.
Comme
l’homme moderne n’est pas nourri intérieurement, il achète sans
cesse en pensant qu’avec toutes ces choses il va combler ou
compenser, mais non, cela ne peut pas contrebalancer ce manque de
lien avec la Nature.
De
plus, la présence et la beauté animale nous manquent. «En
considérant parfois les fresques des pyramides égyptiennes où
elles figurent, je songe particulièrement à ces vaches zébus,
porteuses de lyres en guise de cornes. Elles parcourent la brousse
sahélienne généreuse, patiente, tranquille comme un hymne vivant à
la majesté d’une création qui nous est devenue étrangère.»
(«La tragique
condition
animale», 9/05/2007)
Silence,
jardinage et poésie
Le
jardin est un lieu où je sème et récolte avec reconnaissance, un
lieu qui m’oblige à m’orienter avec humilité. Si nous voulons
du rendement, nous aurons du rendement mais si nous sommes attentifs
au miracle de la vie, il nous ouvre des perspectives absolument
extraordinaires : quoi que nous fassions nous sommes ramenés au fait
que l’intelligence est là et je sais que je ne sais pas. Le réel
se révèle particulièrement dans le silence qui favorise plus la
modestie que la spéculation, il permet de comprendre dans le sens
profond du terme. Les grands intuitifs comme Goethe, Galilée,
Einstein avaient certainement de la modestie et leur âme
vibrait.
Nous
portons en nous quelque chose de l’intérêt commun qu’il faut
rendre efficace dans le monde de l’organisation. Ma nature me porte
vers la poésie et heureusement je me suis découvert très stratège.
Enfant, je n’en avais pas conscience. C’est après avoir suivi
mon chemin que j’ai atteint un certain seuil. La valeur du
parcours, c’est l’utilité de l’expérience.
Un
ami m’a fait l’honneur d’une biographie : «Pierre Rabhi le
fertile». Lorsque j’ai écrit ma première biographie : «Du
Sahara aux Cévennes ou la reconquête du songe», ce que j’entendais
par songe, c’est le fait qu’aujourd’hui nous n’avons plus
d’espace pour nous retrouver tranquille avec nous-même, ce temps
que donne la Nature quand nous cheminons avec
elle. Le songe, ce n’est pas le rêve creux, ce ne sont pas les
chimères, c’est aimer notre chemin de vie avec les saisons. Entrer
dans l’automne, vivre l’hiver, découvrir la jubilation et le
renouveau du printemps, l’apothéose de l’été. Nous avançons
dans ce cycle qui nous enseigne à
la fois la patience et le mystère : si nous observons une graine
dans la terre, nous comprenons qu’il y a déjà un programme à
l’intérieur alors qu’elle est minuscule. Comment cela
fonctionne-t-il ? Nous ne sommes plus
assez attentifs à tout cela.
Le
féminin est au cœur du changement
La
femme représente le principe féminin qui est une sensibilité
particulière. Nous naissons tous à partir de l’union d’un homme
et d’une femme, alors pourquoi dans la vie sociale le féminin
est-il subordonné ? J’ai toujours beaucoup souffert de la
subordination universelle de la femme.
La
non reconnaissance du féminin est un des éléments importants et
constitutifs du tout. En Afrique ou en Amérique latine, pays dits en
développement, sans les femmes tout s’effondrerait. En Occident,
le système est masculinisé au point que la femme s’adapte même en
sortant de sa propre nature. Le masculin a forgé le paradigme actuel
de la vitesse, de la puissance, de la technologie avancée, etc. La
femme, souvent malmenée, a du mal à trouver sa place dans les
pulsions dominantes d’ordre masculin.
Ce
déséquilibre existant est rarement abordé, alors que la réalité
devrait reposer sur le féminin et le masculin dans leurs genres
respectifs. Ces deux genres complémentaires par nature sont devenus
antagonistes. Chez ceux que nous appelons les peuples premiers, nous
trouvons cet équilibre
où les deux éléments sont rassemblés et perçus comme une unité
et non simplement comme deux éléments. La vie n’est faite que de
complémentarité. Dans mon engagement j’inclus
vraiment le fait de restaurer cette complémentarité féminin/masculin.
En
2002, lorsque je me suis présenté aux élections, c’était bien
«le féminin au cœur du changement» qui en était la base. Le
masculin qui avait fabriqué ce monde ne pouvait le changer dans sa
globalité, par contre l’élément féminin qui avait été occulté
avait la charge du changement.
La
femme dans sa façon d’éduquer l’enfant prépare la société
nouvelle, et est vraiment très soucieuse de la continuité de la
vie. Elle nourrit l’enfant en elle et hors d’elle et tout cela
pour le mettre sur le chemin de la vie. Dans le don de soi, homme et
femme peuvent retrouver leur potentiel, alors l’humanité
retrouverait la qualité de confiance qui lui manque.
Extrait des propos
recueillis par Jacqueline Thibeaudeau pour Le Monde du Graal.
et
aussi :
Les
amis de Solan 30330 La Bastide
d’Engras
04 66 82 94 25