samedi, octobre 08, 2022

Cioran et le bouddhisme



Loin d'être seulement un moraliste et un essayiste, comme on se plaît à le répéter, Cioran est bien un authentique philosophe, dont la pensée, certes contradictoire, fragmentaire et aporétique, se meut entre scepticisme et nihilisme ; n'est-ce pas d'ailleurs à bon droit que sa pensée, à la cohérence certes ô combien paradoxale et ambiguë, se laisse confronter, de par sa profondeur et sa richesse, à celle d'un Nietzsche, par exemple, quand bien même Cioran serait-il un penseur de moindre envergure ? Or, parmi les penseurs contemporains, nul davantage que Cioran n'a manifesté autant de dilection pour le bouddhisme.

Plaçant Pyrrhon et le Bouddha au-dessus de tout, Cioran confie s'être senti attiré par le bouddhisme dans la mesure où c'est une « religion athée » exempte de tout recours à la foi : « Le bouddhisme m'a pendant longtemps intéressé ; c'est que le bouddhisme vous permet d'accéder à une religion sans avoir la foi. Le bouddhisme est une religion qui ne préconise que la connaissance. On nous enseigne que nous ne sommes que des composés, que ces composés se dissolvent, qu'ils n'ont pas de réalité, on nous démontre notre non-réalité. Et ensuite, on dit : maintenant tirez les conséquences » (Cioran). Quoi qu'il en soit de la justesse de cette caractérisation du bouddhisme comme « religion athée » exempte de tout recours à la foi (caractérisation sur laquelle il y aurait beaucoup à dire, tant elle appellerait des précisions et des correctifs afin d'éviter d'éventuels contresens), le fait est que Cioran, au témoignage de ceux qui l'ont bien connu (M. Eliade, G. Matzneff), était un esprit religieux sans religion (à la différence d'un Montherlant, par exemple, qui, lui, était totalement agnostique et athée) ; Cioran, tout en étant agnostique et athée, reste passionné par les questions théologiques. Mystique sans idoles, le fils du pope de Sibiu juge le bouddhisme supérieur au christianisme : « Mon objection contre le christianisme : il n'aide que si on a la foi, alors que le bouddhisme est d'un grand secours, quelles que soient vos croyances. - Je me méfie d'une religion où l'on a des rapports si compliqués, presque mesquins, avec un dieu personnel auquel on ne peut pas croire si on n'a pas la grâce, c'est-à-dire si, lui, il ne vous l'accorde pas -, tandis, que le bouddhisme ne fait appel qu'à la réflexion, à l'effort vers la connaissance » (Cioran). « Quelle erreur que celle des deux Testaments d'avoir personnalisé la divinité ! En créant un dieu à notre image, ils l'ont rendu fragile, vulnérable, éphémère. Le bouddhisme est autrement dans le vrai » (Cioran). « Ce dieu trop personnel du christianisme ne me dit plus rien, ni non plus cette ferveur directe, lyrique et quasi érotique qui m'enchantait tant a une autre époque de ma vie. Après avoir fréquenté un certain temps le bouddhisme, il m'est impossible de revenir aux mièvreries chrétiennes » (Cioran).

Bien plus, Cioran n'ayant pas consenti à séparer sa pensée et son individualité, ses théories et son destin personnel, c'est à la lumière de la doctrine bouddhique qu'il tente de comprendre sa propre trajectoire existentielle, ressaisie dans sa « discorde intérieure ».

Étrange destin pourtant que celui de Cioran : après s'être longuement targué, d'être bouddhiste, il s'est aperçu qu'il ne pouvait triompher de son moi, au point d'avouer que son bouddhisme n'était qu'une «imposture ». C'est ainsi que celui qui « ambitionnait de devenir l'émule du Bouddha » (Cioran) devait faire l'aveu suivant : « Au fond, la seule religion qui me séduise vraiment est le bouddhisme. Mais je ne suis pas bouddhiste, je vis par contradictions, lesquelles m'empêchent d'adhérer à une doctrine quelconque [...]. L'histoire des religions, quelle erreur ! Le spectacle de la mort est plus enrichissant que l'enseignement du Bouddha ».

Fantasmant lyriquement sur l'utopique condition ataraxique mais conscient du caractère impraticable du chemin de la délivrance, il finira par se résoudre à la « sagesse de l'indélivré » (cette notion apparaît dans Le Mauvais Démiurge, mais s'affirmera surtout à partir de 1990) : devenant « ce sage qu'il ne sera jamais », n'aspirant même plus au nirvâna, Cioran devient alors ce « sage indélivré » (ainsi qu'il se nomme), qui se caractérise par le projet utopique et paradoxal d'une acceptation volontaire d'être non délivré en vue d'atteindre à une sagesse qui lui promettrait la délivrance.

Tel est le paradoxe dont il convient d'élucider les raisons, s'il est vrai que le rapport de Cioran au bouddhisme, par-delà les vicissitudes de sa trajectoire individuelle, intéresse l'aventure spirituelle de l'Occident tant il est emblématique. Prendre la mesure de ce paradoxe et en démêler les raisons reviendra à mettre au jour l'écart qui sépare le bouddhisme authentique et le « bouddhisme frénétique » de Cioran (ainsi qu'un de ses amis caractérise Le Mauvais Démiurge).

Il apparaît que deux séries de raisons se conjuguent pour rendre compte d'un pareil écart. Que cela tienne d'abord à son idiosyncrasie personnelle est patent, et l'on connaît l'ancrage physiologique de sa pensée. Mais cela tient autant également à la manière propre qu'a Cioran d'entendre le bouddhisme, manière qui n'est pas sans lui infliger certaines distorsions, voire des solécismes d'interprétation. Si les raisons qui tiennent à son idiosyncrasie personnelle sont trop évidentes et trop connues pour qu'il soit besoin d'insister longuement - « Glissez mortels ! » - (au demeurant toutes les études sur Cioran les cernent parfaitement), les distorsions subtiles auxquelles Cioran soumet le bouddhisme méritent d'être mises au jour et analysées afin de comprendre à l'aune du bouddhisme lui-même pourquoi Cioran, aspirant à la délivrance, devait inéluctablement connaître un tel échec : c'est au fil conducteur du bouddhisme lui-même qu'il convient d'apprécier le faisceau de facteurs qui a conspiré à sceller son échec.

Cioran et son intérêt de prédilection pour les philosophies orientales

Si marqué qu'il soit, l'intérêt de prédilection de Cioran pour le bouddhisme demande cependant à être apprécié dans le cadre plus large de son intérêt pour l'ensemble des religions et philosophies de l'Inde, et ce dès sa période roumaine (il a suivi les cours de Mircea Eliade à l'Université de Bucarest). Car du relevé des occurrences consacrées aux religions et philosophies de l'Inde, il appert que Cioran s'est toujours intéressé à l'ensemble des religions et philosophies de l'Inde, dont le bouddhisme, on l'oublie trop souvent, n'est jamais qu'un rameau particulier : sur les 125 occurrences environ qui se peuvent dénombrer dans son œuvre (réunie dans l'édition Quarto et dans les Cahiers, c'est là un ordre de grandeur), on ne compte pas moins d'une vingtaine consacrées aux Upanishad et au Vedânta, à la Bhagavad Gîtâ (qu'il confie avoir lue une vingtaine de fois), au Sâmkhya, à des figures de mystiques tel Râmakrishna, aux grands indianistes tels que M. Eliade (auquel il consacre un texte), H. Zimmer, etc.

« A dire vrai, j'aurais pu être heureux dans une autre civilisation, et à une autre époque, aux Indes, au temps védique, etc., etc. Chine, Japon !

Il y a en moi un fonds d'Orient que je retrouve toutes les fois que je me détourne de cet intolérable monde moderne. L'Orient, cet univers sans temps, cette province absolue, - objet de tous mes regrets » (Cioran). « Les Veda, les Upanishad, j'y reviens de temps en temps. Tous les ans, j'ai des accès d'indianité » (Cioran).

En fait, contrairement à ce que l'on croit, Cioran a hésité entre les Upanishad et le Vedânda, d'une part, et le bouddhisme, de l'autre, et même le Taoïsme : « Ma position « philosophique » se place quelque part entre le bouddhisme et le Vedânta » (Cioran). « Devant la mort il n'y a que deux formules possibles : le nihilisme et le Vedânta. je passe de l'une à l'autre sans pouvoir m'arrêter ou me fixer à aucune » (Cioran). « Le Vedânta et le bouddhisme - le Soi et la négation du soi – deux manières de s'accommoder de la mort et d'en triompher. Essence ou agrégat. Entité ou “formation” » (Cioran).

Ce qui est exact, c'est que dans sa période française Cioran devait approfondir son intérêt pour le bouddhisme et qu'il se lance dans des lectures étendues de textes bouddhiques de sorte que son niveau d'information est supérieur sur le versant bouddhiste que sur le versant upanishadique et védântique : grâce à son amitié avec M. Eliade et sa familiarité avec son œuvre, il eut accès à des traductions sérieuses, notamment de textes du Mahâyâna, à des travaux de référence en la matière (De La Vallée-Poussin, L. Silburn, Instant et Cause. Le Discontinu dans la pensée philosophique de l'Inde), alors que sa connaissance du Vedânta reste tributaire d'un auteur déjà dépassé en son temps (par exemple, il cite Shankara à partir d'Oltramare, au nom d'ailleurs mal orthographié, Histoire des idées théosophiques dans l'Inde).

Ainsi pourra-t-il noter avec pertinence :

« J'ai réfléchi au Vedânta, avec le sentiment de l'avoir compris ou plutôt senti. Il me semble que j'ai perçu pour la première fois le sens de l'Atman et du Brahman, leur communication et aussi la possibilité de leur identité. Le Vedânta est plus exaltant que le bouddhisme, mais le bouddhisme est plus direct, terre à terre, et aussi plus radical ; ensuite, avec lui, on court moins le risque de se tromper, de sacrifier à une illusion. En effet, cela ne veut rien dire de revenir du bouddhisme, puisque le postulat sur lequel il s'appuie est que tout est illusoire, donc de quoi pourrait-on revenir encore, une fois qu'on s'en tient audit postulat ? Alors que le Vedânta, s'il déclare ce monde illusoire, il ose en revanche le Brahman et l'Atman, ces deux en un, comme suprême réalité. Or tout ce qui affirme et proclame le réel, l'absolu si l'on veut, court le risque d'être infirmé ou d'inspirer des doutes. Il est facile de revenir de l'être, mais quand on bâtit, comme le Bouddha, sans se soucier de l'être ni même du non-être, on ne voit pas de quoi on serait revenu. L'être seul peut décevoir ; mais quand on le remplace par rien, ce rien, nécessairement simulacre de l'être, comment décevrait-il puisqu'on n'en attend précisément rien ? » (Cioran).

Le bouddhisme : un scepticisme radicalisé

« On me demande : Est-ce que vous avez subi l'influence de X et de Y ? - Non. Je n'ai eu que deux maîtres : le Bouddha et Pyrthon » (Cioran). Or, la principale distorsion que Cioran inflige au bouddhisme tient précisément à ce que son propre scepticisme l'incline à aborder le bouddhisme à la lumière du scepticisme antique, comme si le bouddhisme n'était en fait qu'un scepticisme radicalisé. Issu du scepticisme incandescent de sa période roumaine, le scepticisme de Cioran s'inscrit à la croisée du scepticisme de Pyrrhon et de celui de Sextus Empiricus, encore que les inflexions pyrrhoniennes y prédominent. Que la légende suivant laquelle Pyrrhon aurait accompagné son maître lors de la campagne d'Alexandre en Asie et aurait rencontré en Inde des gymnosophistes ait un fondement historique ou non, nul ne saurait nier que les démarches sceptique et bouddhique apparaissent consonantes.

Certes, il est vrai que les conclusions phénoménistes du scepticisme consonnent étrangement avec la démarche sur laquelle s'appuie la doctrine bouddhiste. De part et d'autre, on décèle une même remise en question de la prétendue connaissance objective, une même radicalité désontologisante qui aboutit à la pulvérisation de la réalité, tant il est vrai que l'attitude de remise en cause, de négation, de méfiance à l'égard des évidences sensibles est essentielle au scepticisme comme au bouddhisme en tant qu'ils mettent à distance les évidences sensibles. Or, comme dans le pyrrhonisme et le bouddhisme, le scepticisme chez Cioran est avant tout « un exercice de défascination » ; « La sagesse ? L'art de se déprendre. L'insensé s'emballe, le sage se déprend » (Cioran).

De part et d'autre, on décèle également une même remise en question de l'identité d'un sujet dont on sait à quel point l'enseignement bouddhique s'est montré soucieux de le réduire à une simple combinaison d'agrégats (skandha).

Bien plus, le bouddhisme met en œuvre une déconcertante méthode d'éveil proche de ces pratiques de « suspension du jugement » (épochè), de non-assertion (aphasia), d'attitude d'« indifférence » (adiaphoria) , par lesquelles le pyrrhonisme entendait réduire l'entendement au silence et conquérir la quiétude de l'âme : la démarche sceptique et la démarche bouddhique ont assurément en commun de viser à ce que l'esprit se délivre de ses mirages et cesse de se pétrifier, même si l'attitude bouddhique apparaît beaucoup plus radicale.

La suspension du jugement que prône le scepticisme est censée conduire à une sagesse qui se définit toujours par des négations, l'ataraxie devant suivre la suspension du jugement comme l'ombre suit le corps. De la suspension du jugement naît, en effet, une situation d'équilibre que décrit le silence d'une imagination qui ne sait plus ni affirmer ni nier touchant la nature de l'objet : « La non-assertion (aphasia) est l'état de notre âme qui nous pousse à ne rien affirmer non plus que nier ›› (Sextus Empiricus, Hypotyposes, I, 192). Le scepticisme use par ailleurs de la stratégie de l'isosthénie (étant donné que les choses sont de soi indifférentes, afin de préserver l'équilibre de l'âme, il convient de suspendre son jugement dès lors qu'il y a autant de rationes pro que de rationes contra de forces égales pouvant être opposées à toute opinion, s'agissant par exemple de l'existence ou non des dieux, de la réalité ou non du nexux causal, etc.). Enfin, le scepticisme a également recours à la dialectique négative comme chez Sextus.

De son côté, le Bouddha prône également la suspension du jugement lorsqu'il refuse de s'engager dans les sables mouvants de la métaphysique spéculative et constructive : refusant de statuer sur les questions spéculatives du type « Le monde a-t-il un commencement ou bien est-il éternel, est-il fini ou bien infini ? L'âme existe-t-elle ou non, et subsiste-elle ou non après la mort, et, dans l'affirmative, est-elle consciente ou inconsciente ? », etc. (questions spéculatives qui ne sont d'ailleurs pas sans évoquer celles de la Dialectique transcendantale selon Kant), il préfère garder le silence en présence des « quatorze questions [spéculatives] à laisser sans réponse (caturdasâvyankritavastuni) ».

Mais en comparaison avec la démarche sceptique, il est clair que la démarche bouddhique accuse une radicalité sans commune mesure avec le scepticisme grec, puisqu'elle use d'une dialectique destructrice et évacuatrice dont la méthode a systématiquement recours à cette matrice déconstructive qu'est le « tétralemme » (catushkoti). Comme le déclare le grand dialecticien bouddhique Nâgârjuna (Ier-IIe s. de notre ère) : « [L'un ne saurait affirmer que] “Chaque chose est vraie” ; “chaque chose n'est pas vraie” ; “chaque chose est à la fois vraie et non vraie” ; ou bien [l'on ne saurait affirmer] “ni que chaque chose est vraie ni que chaque chose est non vraie” : tel est l'enseignement du Bouddha » (Nâgârjuna, Mâdhyamika Kârikâ, XVIII, 8).

Pareille méthode dialectique ne peut naturellement que fasciner Cioran de par sa radicalité :

« Je me suis replongé dans la philosophie hindoue et je retombe dans cette alternance d'apaisement et de désespoir inhérent à cette philosophie. Le bouddhisme mahâyâna, dont je me sens pourtant si près, me désarçonne complètement. La dialectique de Nâgârjuna, celle de Çandrakîrti, de Çântideva - elle détruit tous les concepts, toutes les superstitions, pour que la vacuité plus que jamais raffermie en tant que seule « réalité », on s'y accroche et on y puise consolation et force pour dompter ses passions. La visée morale est évidente derrière ce déploiement d'arguments destructeurs : on anéantit tout pour trouver la paix au bout. Tant que quelque chose est, on vit dans le trouble. Anéantissons l'édifice de nos pensées et de nos « volitions » et reposons-nous sur ses décombres. Il n'y a de paix que si l'on a deviné que tout est phantasme ; dès que quelque chose existe, on entre dans le drame. Il faudrait dire des qu'on croit que quelque chose existe, - car il ne s'agit que de nos folies et de nos emballements, lesquels ne cachent rien derrière eux, puisqu'il n'y a rien qu'eux ». Ainsi la conclusion que Cioran tire de la dialectique destructrice et évacuatrice de Nâgârjuna rejoint-elle ici Pyrrhon, en tant qu'il annule la différence de l'apparence et de l'être, et postule l'existence d'une apparence pure et sans extérieur, apparence universelle et absolue, qui est le tout. Cioran confie encore: «Tout ce que je pense des choses est résumé dans cette formule d'un représentant du bouddhisme tibétain : “Le monde existe, mais il n'est pas réel ».

Toujours est-il que la mise en œuvre de la méthode dialectique mâdhyamika, de par la suspension hyperbolique qu'elle induit, débouche sur un état de réceptivité spontanée où l'on s'ouvre à la Réalité par excellence, incommensurable, indéfinissable. Ouverture au mystère de la présence qu'incarna justement le Bouddha dans un épisode que prise Cioran, l'épisode fameux du sourire silencieux du Bouddha, épisode qui se déroula au Pic des Vautours à Râjagriha et qui est rétrospectivement regardé comme ayant marqué l'acte de naissance du Mahâyâna :

« Le Bouddha, devant ses disciples, prend une fleur de lotus et sourit, Tous se demandent quelle est la signification de ce geste. Un seul en comprit le sens : il sourit lui-même » ; « Le sourire du Bouddha. Il sourit quand, à la suite d'une série de questions sur le sens dernier du désir, du dégoût, de la sérénité, on lui demande : Quel est le but, le sens dernier du nirvâna ?

Le Bouddha qualifie cette question d'excessive, d'extrême ; elle ne comporte aucune réponse. Et il sourit. On a beaucoup épilogué sur ce sourire. Pourquoi n'y pas voir une réaction normale devant une question gênante, voire indiscrète, en tout cas impossible ? C'est ce que nous faisons chaque fois que quelqu'un nous interroge sur quelque chose qui ne comporte aucune réponse. C'est notre comportement devant le pourquoi absurde des enfants ou des malappris, des indiscrets. Nous sourions, parce que la réponse n'est pas possible, ceci parce que la question est dépourvue de sens ».

Il n'en demeure pas moins que cette identification du bouddhisme au scepticisme fait problème dans la mesure où la caractérisation du bouddhisme comme « scepticisme » demeure insuffisante et ne va pas sans difficultés. En effet, la démarche bouddhique, si elle comporte un versant de nature négative lorsqu'elle prône la suspension de toute affirmation dogmatique (telle est sa récusation ontologique qu'elle s'abstient d'affirmer aussi bien l'être que le non-être), ne s'adosse pas moins également à un versant de nature positive lorsqu'elle prescrit et exige l'adhésion à une doctrine-médecine qui, elle, répond à une position bien déterminée : lorsqu'il enseigna la doctrine des Quatre Nobles Vérités et la doctrine de l'impermanence des cinq agrégats, le Bouddha a assumé une position bien déterminée et réputée vraie parce que conforme à la nature profonde des choses. Or, l'adhésion requise ici n'a rien à voir avec une quelconque « foi », car elle consiste bien plutôt en une adhésion raisonnée puisqu'elle invite à mettre réflexivement à l'épreuve la vérité même de la doctrine-médecine bouddhique et à la tester in vivo dans ses bienfaits ou méfaits éventuels.

Sans doute Cioran aime-t-il à se présenter comme un « sceptique sui generis » qui « possède encore sur [l'autre] l'avantage de pouvoir s'ouvrir à des expériences d'un ordre différent, à celles des esprits religieux surtout, qui utilisent et exploitent le doute, en font une étape, un enfer provisoire mais indispensable pour déboucher sur l'absolu et s'y ancrer » (Cioran). Mais voilà, un de ses amis clairvoyant dénonce chez lui son fâcheux « automatisme du scepticisme », lequel, fatalement, ne pouvait que faire obstacle à l'adhésion requise : Cioran n'avoue-t-il pas déceler en lui « un penchant à la négation extrêmement accusé et dont dérivent tous mes autres goûts, en premier lieu celui sur la mystique. Tout m'ennuie, sauf quand il s'agit de détruire ce monde » (Cioran). C'est peu dire que Cioran est « un écorché érigé en théoricien du détachement, un convulsionnaire qui joue au sceptique » : son scepticisme est un « scepticisme pathétique », s'il est vrai que le scepticisme est « l'élégance de l'anxiété » en même temps que « la forme la plus subtile de l'intolérance ». Comme Cioran est loin de ce parangon de détachement et de ce modèle de douceur qu'était, paraît-il, Pyrrhon !

Aussi la notion de scepticisme chez Cioran ne laisse-t-elle pas d'être ambivalente : partagé entre un désir d'échapper à ce monde dont la vision lui est trop difficile à supporter et l'incapacité à renoncer aux passions du moi, Cioran troque la sérénité pyrrhonienne et bouddhique contre le vertige moderne : pris entre deux vertiges, Cioran fait alors l'expérience paradoxale et singulière d'un « scepticisme de la chute ». Seulement, ce « scepticisme de la chute » le condamne à ne jamais connaître la suspension et le détachement nécessaires à l'ataraxie. Comment, en effet, se détacher d'une suspension et suspendre une chute ? N'est-ce pas là un programme impossible à réaliser ? À travers l'écriture, Cioran tente alors de cohabiter avec lui-même ; son œuvre est l'histoire de cette cohabitation passionnelle au fil d'un itinéraire philosophique en proie à une sagesse impraticable puisque se niant sans cesse. [...]

François Chenet, Cioran, L'Herne.



vendredi, octobre 07, 2022

La violence dans la Bible





A la fin du 20e siècle, un député du Land de Bavière s'intéressa au contenu de la Bible. Choqué par la violence du texte religieux, il tenta de faire interdire l'enseignement biblique.

Il est vrai que des préceptes bibliques font frémir les âmes les plus endurcies :

Les joies de la guerre sainte

« Quand tu t’approcheras d’une ville pour l’attaquer, tu lui offriras la paix. Si elle accepte la paix et t’ouvre ses portes, tout le peuple qui s’y trouvera te sera tributaire et asservi. Si elle n’accepte pas la paix avec toi et qu’elle veuille te faire la guerre, alors tu l’assiégeras. Et après que l’Éternel, ton Dieu, l’aura livrée entre tes mains, tu en feras passer tous les mâles au fil de l’épée. Mais tu prendras pour toi les femmes, les enfants, le bétail, tout ce qui sera dans la ville, tout son butin, et tu mangeras les dépouilles de tes ennemis que l’Éternel, ton Dieu, t’aura livrés. C’est ainsi que tu agiras à l’égard de toutes les villes qui sont très éloignées de toi, et qui ne font point partie des villes de ces nations-ci. Mais dans les villes de ces peuples dont l’Éternel, ton Dieu, te donne le pays pour héritage, tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire » (Deutéronome 20:10–17).

Jouir des jeunes filles de ses ennemis

« Maintenant, tuez tout mâle parmi les petits enfants, et tuez toute femme qui a connu un homme en couchant avec lui ; mais laissez en vie pour vous toutes les filles qui n’ont point connu la couche d’un homme » (Nombres 31:17–18).

Boucherie divine

« Alors l'assemblée envoya contre eux douze mille soldats, en leur donnant cet ordre : Allez, et frappez du tranchant de l'épée les habitants de Jabès en Galaad, avec les femmes et les enfants. » (Juges 21:10)

Les petits rigolos, Dieu en fait de la pâtée pour ours mal léchés

« Élisée monta de là à Béthel ; et comme il cheminait à la montée, des petits garçons sortirent de la ville, et se moquèrent de lui. Ils lui disaient : ‘Monte, chauve ! monte, chauve !’ Il se retourna pour les regarder, et il les maudit au nom de l'Éternel. Alors deux ours sortirent de la forêt, et déchirèrent quarante-deux de ces enfants. » (2 Rois 2:23-24)

Les jeunes vierges sont plus agréables vivantes que mortes

« Maintenant, tuez tout mâle parmi les petits enfants, et tuez toute femme qui a connu un homme en couchant avec lui ; mais laissez en vie pour vous toutes les filles qui n’ont point connu la couche d’un homme. » (Nombres 31:17–18).

Qui aime bien, châtie bien

En matière éducative, Dieu est un véritable père fouettard : « Qui aime son fils lui prodigue le fouet, plus tard, ce fils sera sa consolation. » (Ecclésiastique, 30, 1).

La terminale des récalcitrants

Quant aux adolescents indociles, Dieu les voue carrément à la mort par lapidation : « Si un homme a un fils dévoyé et indocile, qui ne veut écouter ni la voix de son père ni la voix de sa mère, et qui, puni par eux, ne les écoute pas davantage, son père et sa mère se saisiront de lui et l'amèneront dehors aux anciens de la ville, à la porte du lieu. Ils diront aux anciens de la ville : "Notre fils que voici se dévoie, il est indocile et ne nous écoute pas, il est débauché et buveur." Alors, tous ses concitoyens le lapideront jusqu'à ce que mort s'en suive. » (Deutéronome 21, 18-21)


Quand un jésuite tente de démontrer que le Dieu de l'Ancien Testament n'est pas vraiment violent, cruel, jaloux...

Pierre Gibert, maître dans l'art consommé de l'argumentation jésuitique, tente de défendre l'indéfendable dans son livre "L'espérance de Caïn" :

"Si la Bible constate avec un réalisme parfois éprouvant la nature violente de l'homme, c'est pour mieux condamner la violence et poser, au nom de Yahvé, l'interdit du meurtre. [...]

Nous formulons l'hypothèse que la Bible, dans son projet d'ensemble, entre dans l'effort non moins humain de gérer la violence afin, sinon d'en venir définitivement à bout, du moins de lui opposer suffisamment d'obstacles."



jeudi, octobre 06, 2022

Les humains seraient les otages d’un groupe d’entités

"Flyer" en train de vampiriser un humain.


Fausse pandémie, injections empoisonnées, crise bancaire, guerre mondiale, pénuries, esclavage numérique..., nous vivons une période pré-apocalyptique propice aux bouleversements et à d’étonnantes révélations. Le terme apocalypse signifie " révélation de la nature véritable des êtres et des choses ". Ce qui était alors caché se dévoile.

"L’apocalypse de Jean, écrit Alain Daniélou, présente une vision analogue à celle des Purânas dont la tradition n’était certainement pas inconnue de son temps puisque c’est seulement en 304 de notre ère que saint Grégoire fit détruire, entre autres, les deux temples hindous construits en Arménie sous le règne d’un monarque Arsacide, en 149 et 127 avant J.-C."

Qui sont les véritables maîtres du monde ? Ce secret, longtemps jalousement gardé, est désormais entrevu par les personnes qui se donnent la peine de sortir des sentiers battus.

Des hiérarchies rétrogrades ont fait main basse sur les principales institutions politiques, scientifiques, religieuses... Le lamaïsme par exemple est sous leur contrôle depuis la création de l’institution des dalaï-lamas. Les mystiques errants du plateau tibétain, au mode de vie comparable à celui des sannayasins hindous indépendants et gyrovagues, se soumirent aux hiérarques guélougpas qui les parquèrent dans des monastères. Depuis des siècles, des milliers de moines, assujettis au cléricalisme centralisé et hiérarchisé de la secte des bonnets jaunes, se livrent à une magie collective qui n’a rien en commun avec la voie libératrice du Bouddha.

Les masques tombent durant cette période de grand chambardement cyclique. Ainsi, avant de mourir, le célèbre Carlos Castaneda révéla l'existence de redoutables prédateurs à son héritier spirituel Armando Torres.

"Carlos affirmait que les êtres humains sont les otages d’un groupe d’entités cosmiques qui se dédient à la prédation et que les sorciers appellent "les Flyers".

Il déclara que ce sujet avait été tenu secret par les anciens voyants, mais que suite à un présage, il avait décidé qu’il était temps de le révéler. Ce présage était une photographie que son ami Tony, un chrétien bouddhiste, avait prise. Sur cette photo apparaissait nettement l’image d’un être obscur et menaçant, flottant au-dessus d’une multitude de fidèles réunis sur le site des pyramides de Teotihuacan…

Lorsque j’en eus l’opportunité, je lui demandai de m’en dire un plus à propos des "Flyers", et il me raconta l’un des aspects les plus terrifiants du monde de don Juan : nous sommes prisonniers d’êtres venus des confins de l’Univers, qui nous utilisent comme nous utilisons des poulets.
(Don Juan fut le premier initiateur de Carlos Castaneda au chamanisme des Naguals.)

Carlos expliqua : " La portion de l’Univers qui nous est accessible est le champ opérationnel de deux formes de conscience radicalement différentes.

Celle qui inclut les plantes, les animaux et aussi les êtres humains, est une conscience blanchâtre, jeune et génératrice d’énergie. L’autre est une conscience infiniment plus ancienne et parasite, possédant une quantité énorme de connaissance.

En plus des hommes et des autres êtres qui habitent cette Terre, il y a dans l’Univers une immense gamme d’entités inorganiques. Elles sont présentes parmi nous, et à certains moments sont visibles. Nous les appelons fantômes ou apparitions.

L’une de ces espèces, que les voyants décrivent comme d’énormes silhouettes volantes de couleur noire, arriva un jour de la profondeur du Cosmos et rencontra une oasis de conscience sur notre planète. Elles se sont spécialisées dans la "traite" des êtres humains.

- C’est incroyable ! m’exclamai-je.

- Je sais, mais c’est la plus pure et la plus terrifiante vérité ! Ne t’es-tu jamais questionné sur les hauts et les bas émotionnels énergétiques des gens ? Ce sont les prédateurs qui viennent périodiquement prélever leur quota de conscience. Ils nous laissent juste ce qu’il faut pour que nous puissions continuer à vivre, et parfois même pas ça.

- Que voulez-vous dire ? Parfois ils prennent trop et la personne tombe gravement malade, et peut même en mourir.

Je n’arrivais pas à croire ce que j’entendais.

- Voulez vous dire par là que nous sommes dévorés vivants ?

Carlos sourit.

- Bon, ils ne nous "mangent" pas littéralement, ce qu’ils font c’est un transfert vibratoire. La conscience est énergie et ils peuvent s’aligner avec nous. Puisque par nature ils sont perpétuellement affamés et que nous, en revanche, exsudons de la lumière, le résultat de cet alignement peut être décrit comme une prédation énergétique.

- Mais, pourquoi font-ils cela ?

- Parce que sur le plan cosmique, l’énergie est la devise la plus forte, nous la recherchons tous, et les humains sont une race vitale, riche en aliments. Chaque chose vivante en mange une autre et c’est toujours le plus puissant qui gagne. Qui a dit que l’homme était au sommet de la chaîne alimentaire ? Cette vision ne peut venir que d’un être humain. Pour les êtres inorganiques, nous sommes des proies.

Je commentai qu’il m’était inconcevable d’accepter que des entités, même plus conscientes que nous, parviennent à un tel degré de prédation.

- Il répliqua : Mais qu’est-ce que tu crois que tu fais quand tu manges une laitue ou un beefsteak ? Tu manges de la vie ! Ta sensibilité est hypocrite. Les prédateurs cosmiques ne sont ni plus ni moins cruels que nous. Lorsqu’une race plus forte en consomme une autre, inférieure, elle aide à ce que son énergie évolue. Je t’ai déjà dit que dans l’Univers il n’y avait que la guerre. Les confrontations entre êtres humains ne sont qu’un reflet de ce qui se passe là, dehors. Il est normal qu’une espèce cherche à en consommer une autre. Un guerrier ne se lamente pas à ce sujet, il essaie de survivre.

- Et comment nous consomment-ils ?

- Au travers de nos émotions, incessamment occasionnées par notre dialogue intérieur. Ils ont dessiné l’environnement social de telle façon que nous sommes en permanence en train de projeter des ondes d’émotions qui sont immédiatement absorbées. Ce qu’ils aiment par-dessus tout, ce sont les attaques de l’ego ; pour eux c’est une bouchée exquise. De telles émotions sont identiques en n’importe quel endroit de l’Univers où ils sont présents et ils ont appris à les métaboliser.

Certains nous consomment pour notre luxure, notre peur ou notre colère ; d’autres préfèrent les sentiments plus délicats, comme l’amour et la tendresse. Mais tous sont intéressés par la même chose. Leur voie d’attaque normale est la tête, le cœur ou le ventre, là où nous emmagasinons la plus grande partie de notre énergie.

- S’attaquent-ils aussi aux animaux ?

- Ces êtres utilisent tout ce qui est disponible, mais ils préfèrent la conscience organisée. Ils drainent les animaux et les plantes dans la partie de leur attention qui n’est pas trop fixée. Ils attaquent aussi la plupart des êtres inorganiques, sauf que ceux-ci les voient et les esquivent comme nous faisons avec les moustiques. Les seuls qui tombent totalement dans leur piège sont les être humains !

- Comment est-il possible que tout cela se passe sans que nous ne nous en rendions compte ?

- Parce que nous héritons de cet échange avec ces êtres comme s’il s’agissait d’une condition génétique, et cela nous semble naturel. Lorsque quelqu’un naît, la mère l’offre en nourriture sans même s’en rendre compte, car son esprit est lui aussi contrôlé. Baptiser l’enfant, c’est comme signer un contrat. Dès ce moment, la mère s’efforce de lui inculquer des modes de conduite acceptables ; elle l’apprivoise, réduit son côté guerrier et le convertit en une brebis docile.

Lorsqu’un enfant a suffisamment d’énergie pour rejeter cette imposition, mais pas assez pour entrer sur le chemin du guerrier, il devient un rebelle ou un délinquant. L’avantage des "Flyers" provient de la différence entre nos niveaux de conscience. Ce sont des entités très vastes et puissantes ; l’idée que nous avons d’eux est équivalente à celle qu’une fourmi peut avoir d’un être humain.

Cependant leur présence est douloureuse et peut se mesurer de différentes manières. Par exemple, lorsque nous faisons face à des attaques de rationalité ou de méfiance, ou quand nous sommes tentés de violer nos propres décisions. Les fous peuvent les détecter très facilement, trop facilement dirais-je, parce qu’ils sentent physiquement comment ces êtres se posent sur leurs épaules, générant des paranoïas. Le suicide est le sceau des "Flyers", car leur esprit est potentiellement homicide.

- Vous avez dit qu’il s’agissait d’un échange, mais que gagnons-nous d’un tel pillage ?

- En échange de notre énergie, les "Flyers" nous ont donné notre mental, nos attachements et notre ego. Pour eux, nous ne sommes pas des esclaves mais une espèce d’ouvriers salariés. Ils accordèrent ces privilèges à une race primitive et lui donnèrent la faculté de penser, laquelle nous fit évoluer. En fait ils nous ont civilisés. Sans cela, nous serions encore cachés dans des grottes ou en train de faire des nids au sommet des arbres.

Les "Flyers" nous contrôlent au travers de nos traditions et de nos coutumes. Ils sont les maîtres de la religion, les créateurs de l’Histoire. Nous écoutons leur voix à la radio et nous lisons leurs idées dans les journaux. Ils dirigent tous nos moyens d’information et nos systèmes de croyance. Leur stratégie est magnifique. Par exemple, il exista un jour un honnête homme qui parla d’amour et de liberté ; ils le transformèrent en auto-compassion et en servilité. Ils le font avec tout le monde, même avec les Naguals. C’est pour cette raison que le travail d’un sorcier est solitaire.

Durant des millénaires, les "Flyers" ont concocté des plans pour nous collectiviser. Il y eut une époque où ils furent tellement effrontés qu’ils étaient même vus en public, et les gens en firent des représentations de pierre. Ces temps étaient obscurs, ils pullulaient partout. Mais à présent leur stratégie est devenue tellement subtile que nous ne savons même plus qu’ils existent.

Dans le passé, ils nous tenaient par notre crédulité, aujourd’hui ils y parviennent par le matérialisme. Ils sont responsables de l’ambition de l’homme moderne à ne plus penser par lui-même. Observe juste combien de temps une personne pourra tolérer le silence !

- Pourquoi ont-ils changé leur stratégie ?

- Parce qu’en ce moment, ils sont en train de courir un grand risque. L’humanité est en contact constamment et rapidement, et l’information peut atteindre tout le monde. Ou ils nous remplissent la tête et nous bombardent jour et nuit de tous types de suggestions, ou certains commenceront à réaliser ce qui se passe et avertiront les autres.

- Que se passerait-il si nous parvenions à repousser ces entités ?

- Nous récupérerions en une semaine toute notre vitalité et nous serions à nouveau brillants ! Mais, en tant qu’êtres humains ordinaires, nous ne pouvons envisager cette possibilité parce qu’elle impliquerait que nous allions contre tout ce qui est socialement acceptable…"


Source de l'illustration :


mercredi, octobre 05, 2022

Larry Silverstein

On n'oublie rien de rien
On n'oublie rien du tout
On n'oublie rien de rien
On s'habitue c'est tout
(Jacques Brel)




Laurent Guyénot :

"L’homme qui pourrait certainement nous donner la raison de l’effondrement de la Tour 7 est son propriétaire Larry Silverstein, le requin de l’immobilier qui prit également en leasing les Tours jumelles à la ville de New York au printemps 2001. Interviewé pour le documentaire de PBS America Rebuilds en septembre 2002, Silverstein déclara au sujet de la Tour 7 : 

« Je me souviens avoir reçu un appel du chef du département des pompiers, me disant qu’ils n’étaient pas sûrs de pouvoir maîtriser le feu, et j’ai dit : “Nous avons déjà perdu tant de vies, peut-être que la meilleure chose à faire est de le tirer (pull it).” Et ils ont pris la décision de le tirer (pull) et on a regardé le bâtiment s’effondrer. ». Parce qu’il est impossible de démolir (tel est le sens de pull dans le jargon du bâtiment) un gratte-ciel en quelques heures, Silverstein s’est repris par la suite en expliquant qu’il avait voulu parler d’« évacuer » l’équipe de pompiers, comme si une telle décision lui revenait.

Mentionnons que durant l’été 2001, alors qu’il venait d’acquérir les deux Tours jumelles, Silverstein avait renégocié ses contrats d’assurance afin de couvrir chaque tour contre les actes terroristes à hauteur de 3,5 milliards de dollars, et de s’assurer qu’il aurait le droit de les reconstruire. Après les attentats, il a poursuivi ses assureurs en justice afin de recevoir le double de l’indemnisation prévue, en prétextant que les deux avions constituaient deux attentats séparés.

Après une longue bataille juridique, il empocha 4,5 milliards. Un autre détail a son importance : depuis des années, les Tours jumelles devaient être désamiantées, mais le coût pharaonique du désamiantage, estimé à près d’un milliard de dollars en 1989, avait fait reculer indéfiniment ce chantier. L’Autorité portuaire de New York avait été trop contente d’en passer la responsabilité à Silverstein en 2001. [...]

L'ami de Benjamin Netanyahou

Selon l’agent renégat Victor Ostrovsky (By Way of Deception, 1990), le Mossad tire son efficacité de son réseau international de sayanim (« collaborateurs »), terme hébreu désignant des juifs vivant hors d’Israël et prêts à accomplir sur demande des actions illégales, sans nécessairement connaître leur finalité. 

Une opération de l’envergure du 11 Septembre nécessite la collaboration, non seulement d’un réseau infiltré dans le gouvernement, mais aussi de puissants collaborateurs dans la société civile. Larry Silverstein, titulaire du bail des Tours jumelles depuis avril 2001, apparaît comme l’archétype de ces super-sayanim new-yorkais. Il est membre dirigeant de la United Jewish Appeal Federation of Jewish Philanthropies of New York, le plus grand leveur de fonds américains pour Israël (après l’État américain, qui verse chaque année trois milliards d’aide à Israël). Silverstein était aussi, au moment des attentats, l’ami intime d’Ariel Sharon et de Benjamin Netanyahou ; il est en conversation téléphonique chaque dimanche avec ce dernier, selon le journal israélien Haaretz.

Le partenaire de Silverstein dans le bail du WTC pour le centre commercial du sous-sol était Frank Lowy, un autre « philanthrope » sioniste proche d’Ehud Barak et Ehud Olmert, et ancien membre de la Haganah. Le chef de la New York Port Authority, qui privatisa le WTC en concédant le bail à Silverstein et Lowy, était Lewis Eisenberg, également membre de la United Jewish Appeal Federation et ancien vice-président de l’AIPAC."


mardi, octobre 04, 2022

La prophétie d'un guerrier bouddhiste

Ungern selon Hugo Pratt dans Corto Maltese en Sibérie 

Ungern von Sternberg, aristocrate balte né en Autriche, militaire russe marié à une princesse mandchoue, qui, dans la tourmente révolutionnaire russe, parvint à se rendre maître de la Mongolie durant quelques mois. 


— Maintenant je vais vous parler de moi, dit le baron Ungern Von Sternberg à Ossendowski, et vous saurez qui je suis. Mon nom est entouré de tant de haine et de terreur que nul ne peut distinguer le vrai du faux, l’histoire de la légende. Un jour vous écrirez un livre, vous vous rappellerez votre passage en Mongolie et votre séjour dans la yourta du « général sanguinaire ».

Il ferma les yeux, ne cessant de fumer tout en parlant, précipitant ses phrases nerveusement, sans les achever, comme si on ne lui en laissait pas le temps.

La famille des Ungern von Sternberg est ancienne : elle provient d’un mélange d’Allemands et de Hongrois, des Huns du temps d’Attila. Mes ancêtres guerriers prirent part à toutes les guerres européennes. On les vit aux croisades : un Ungern fut tué sous les murs de Jérusalem, où il combattait dans les troupes de Richard Coeur de Lion. La tragique croisade des enfants, elle-même, fut marquée par la mort de Raoul Ungern, à l’âge de onze ans. Quand les plus hardis guerriers du pays furent envoyés sur les frontières orientales de l’empire germanique, contre les Slaves, au douzième siècle, mon ancêtre Arthur était avec eux : c’était le baron Halsa Ungern Sternberg. Ces chevaliers des marches frontières formèrent l’ordre teutonique des Chevaliers moines qui, par le fer et par le feu, imposèrent le christianisme parmi les populations païennes, Lituaniens, Estoniens, Livoniens et Slaves. Depuis lors l’ordre des Chevaliers teutoniques a toujours compté parmi ses membres des représentants de notre famille. Quand l’ordre teutonique disparut dans le Grünewald, sous les coups des troupes polonaises et lituaniennes, deux barons Ungern von Sternberg furent tués dans la bataille. Notre famille avait l’esprit guerrier, avec une tendance au mysticisme et à l’ascétisme.

« Pendant le seizième et le dix-septième siècle, plusieurs barons von Ungern avaient leurs châteaux en Livonie et en Estonie. Maints contes et légendes rapportent leurs exploits. Heinrich von Sternberg, qu’on appelait « la Hache » était chevalier-errant. Les tournois de France, d’Angleterre, d’Espagne et d’Italie connaissaient son nom et sa lance, qui remplissaient de terreur le cœur de ses adversaires. Il tomba à Cadix sous l’épée d’un chevalier qui lui fendit le crâne. Le baron Raoul Ungern était un chevalier-brigand qui opérait entre Riga et Reval. Le baron Pierre Ungern avait son château dans l’île de Dago en pleine mer Baltique où il tenait à sa merci les marchands de son époque par ses exploits de corsaire.

« Au commencement du dix-huitième siècle, un fameux baron Wilhelm Ungern était connu sous le nom de « frère de Satan » à cause de sa pratique de l’alchimie. Mon grand-père était corsaire dans l’océan Indien, imposant le tribut aux vaisseaux anglais marchands et échappant pendant de nombreuses années à leurs navires de guerre. Capturé à la fin, il fut livré au consul russe qui le fit transporter en Russie où il fut condamné à la déportation en Transbaïkalie. Je suis, moi aussi, officier de marine, mais la guerre russo-japonaise me força à abandonner ma profession pour me joindre aux Cosaques du Zabaïkal. Toute ma vie je l’ai consacrée à la guerre, ou à l’étude du bouddhisme. Mon grand-père nous avait rapporté le bouddhisme des Indes : mon père et moi nous en devînmes des adeptes. En Transbaïkalie, j’ai essayé de former l’ordre militaire des bouddhistes pour organiser la lutte implacable contre la dépravation révolutionnaire.

Il se tut et but plusieurs tasses de thé, qu’il prenait très fort, noir comme le café.

— La dépravation révolutionnaire ! Qui donc y songe, en dehors du philosophe français Bergson et du très savant Tachi Lama au Tibet ?

Le petit-fils du corsaire, citant des théories et des ouvrages scientifiques, des noms de savants et d’écrivains, la Bible, les livres bouddhiques, mêlant le français, l’allemand, le russe et l’anglais, continua :

— Dans les livres bouddhiques comme dans les vieux livres chrétiens, on lit de graves prophéties relatives à l’époque où devra commencer la guerre entre les bons et les mauvais esprits. Alors viendra la malédiction inconnue qui, conquérant le monde, balayant toute civilisation, tuera toute moralité et détruira les peuples. Son arme est la révolution. Pendant toute révolution, l’intelligence créatrice aidée de l’expérience du passé sera remplacée par la force jeune et brutale du destructeur. Celui-ci placera et maintiendra au premier rang les passions viles et les bas instincts.

L’homme s’éloignera du divin et du spirituel. La grande guerre a prouvé que l’humanité doit s’élever vers un idéal toujours plus haut ; mais c’est à ce moment qu’apparut la malédiction que pressentirent le Christ, l’apôtre saint Jean, Bouddha, les premiers martyrs chrétiens, Dante, Léonard de Vinci, Goethe, Dostoïevski. La malédiction apparaissant fit reculer le progrès, nous barrant la route vers le divin. La révolution est une maladie contagieuse, et l’Europe, en traitant avec Moscou, s’est trompée elle-même comme elle a trompé les autres parties du monde. Le Grand Esprit a mis au seuil de notre vie Karma, qui ne connaît ni la colère ni le pardon. Il règle nos comptes, et le résultat sera la famine, la destruction, la mort de la civilisation, de la gloire, de l’honneur, la mort des nations, la mort des peuples. Je vois déjà cette horreur, cette sombre et folle destruction de l’humanité.

Ferdinand Ossendowski


L'armée d'Ungern

Les soldats du baron Ungern étaient en uniforme bleu ; les Mongols et les Tibétains en habits rouges, avec des épaulettes jaunes, portant le svastika de Gengis Khan et les initiales du Bouddha vivant ; les soldats chinois appartenant à un détachement de l’armée mongole portant à la casquette et aux pattes d’épaules, des dragons chinois argentés...

Cosaques (chrétiens, parfois musulmans ou juifs), Mongols et Tibétains (bouddhistes), Chinois (taoïstes), Sibériens (orthodoxes) étaient tous unis pour combattre le bolchevisme, prolongement de la subversion satanique ourdie dans les loges noires de la franc-maçonnerie. Mais, l'empire russe s'effondra et le culte de Mammon se répandit dans le monde en générant une sous-humanité, les « pashus » à l'âme sclérosée.


Les Cosaques élisent leurs chefs militaires
lors des radas (assemblées générales)

Aujourd'hui

Un siècle après la mort du baron Ungern, le constat de Vincent Vauclin permet de dire que le guerrier bouddhiste ne s'était pas trompé.

« Le totalitarisme qui nous fait face, écrit Vincent Vauclin, est le plus impitoyable qui soit. De toutes les dictatures, la dictature hédoniste est de loin la plus performante, la plus implacable, la plus solide de toutes.

Aboutissement d’un long processus historique, culturel et socio-psychologique, la domination moderne s’est imposée comme une idéologie totale, omniprésente, dont chaque individu se fait aujourd’hui le vecteur à son insu, dans son langage, dans son comportement, et son mode d’appréhension du monde.

Aucune sphère de la société, publique ou privée, n’est épargnée par ce vaste élan de subversion qui ravage les structures et les institutions traditionnelles, impose un rythme effréné, et induit un déracinement à la fois spatial et temporel des hommes, transformés en nomades dans un monde purgé de son sens, amputé de son Histoire, privé de son avenir. L’aliénation est ainsi totale, et à mesure que les derniers remparts à l’hégémonie moderne s’effondrent, de nouvelles promesses hédonistes émergent, ouvrant comme seules perspectives les satisfactions éphémères, conditionnées et perverses de la consommation et de la sexualité.

Animant ce mouvement, la standardisation des personnalités par les médias de masses systématise, normalise, les comportements les plus abjectes qui s’inscrivent ainsi dans un paradigme global purement matérialiste dont la fonction première est d’isoler l’individu de l’ensemble de ses appartenances, substituant le bien au lien, la possession à la relation.

Un tel totalitarisme neutralise alors l’ensemble de ses oppositions tout en alimentant son essor, s’appuyant sur les archaïsmes psychologiques d’individus qui se trouvent bombardés, infectés, pluri-quotidiennement d’injonctions publicitaires et normatives qui excitent les plus bas instincts et leur offrent dans le même temps des débouchés standardisés pour décharger ces pulsions, que ce soit dans l’acte d’achat ou l’acte sexuel. La mobilisation de ces processus primaires – et parfaitement inoffensifs pour le Système – entraînant par ricochet une dégradation générale de l’intellect dont la source sublimatoire se trouve tarie par le jouir sans-entrave qui s’y manifeste. Dès lors, un cercle vicieux s’enclenche.

Standardisés et aliénés, les individus renforcent par leurs comportements et leurs discours une pression sociale qui broie insidieusement le collectif et normalise le processus de décivilisation. C’est là le caractère le plus abjecte de ce totalitarisme : sa domination ne repose ni sur la coercition, ni sur la force. Elle s’appuie sur l’adhésion collective, sur un contrat tacite et inconscient par lequel l’individu renonce à son âme, et à ses responsabilités, en échange de la satisfaction immédiate de ses désirs, des désirs étant par ailleurs conditionnés par le Système (à travers les phénomènes de mode par exemple). C’est la mort du corps social, tué de l’intérieur par ceux-là mêmes qui en dépendent. [...]

Le fléau de la modernité n’a jamais autant prospéré qu'en cet âge sombre, celui du capitalisme mondialisé et consumériste, teinté d’un individualisme de masse, décomplexé et totalitaire. Et pour cause : la modernité n’est pas une conséquence du capitalisme, elle est son préalable fondateur, sa composante intrinsèque.

Rien de ce monde décadent n’aurait pu advenir sans l'émergence de cette domination moderne et antitraditionnelle, qui fit, en quelques sortes, sauter tous les verrous moraux qui bridaient le développement exponentiel du capitalisme productiviste, et de son corollaire naturel, la société de consommation. La transgression des valeurs traditionnelles […] semble donc s’inscrire dans le cadre d’une doctrine bicéphale, qui combine perversion et profit, aliénation consumériste et exploitation commerciale. Avec un seul objectif : ôter à l’homme toute dimension transcendantale, tout sens du sacré, l'affranchir des limites morales, et le mettre ainsi à disposition du monde marchand pour y jouer ce rôle si dégradant et aliénant de consommateur, dont l’identité se résume à un ensemble de pulsions téléguidées par les publicitaires et dont l’assouvissement constitue la seule raison de vivre, justifiant à ses yeux son exploitation quotidienne et laborieuse. C'est ainsi que se dessine l’alliance entre la transgression morale et le conditionnement consumériste, soit la promesse d’un monde décadent et macabre, qui fait l’apologie du vice sous toutes ses formes possibles.

Laïcisation et consumérisme

Il apparaît ici clairement que la sécularisation de notre société, notamment par la mise en place de l’emblématique « Loi pour la laïcité de 1905 », fut au cœur d'un projet de dissolution sociale, par immunosuppression, ouvrant la voie à l'infection moderne qui allait compromettre le développement normal de la vie, des individualités, et de l'ensemble des structures sociales qui sous-tendent la civilisation. Et ce n’est sans doute pas un hasard si les tenants revendiqués de cette « Loi de 1905 » – les obédiences maçonniques et leurs adeptes – comptent également parmi les principaux groupes économiques dominants dans notre pays, profitant donc grassement de cette domination sociale et économique.

L’exigence, il y a un peu plus d’un siècle, de la séparation de l’Église et de l’État dissimulait une volonté pure et simple d’extraire au forceps la société Française des « carcans religieux » qui étaient les siens depuis des siècles, et ce afin de fournir à la République laïque le terreau d'un athéisme radical dans lequel celle-ci devait semer le grain frelaté des valeurs « civiques et citoyennes », qui, bien évidemment, ne germa jamais. Mais la nature a horreur du vide. Cet espace spirituel laissé vacant fut rapidement comblé par l'émergence du culte consumériste, synthèse chimérique du matérialisme, de l'athéisme et de la perversion. Fruit d'une mutation sans précédent, ni croyant – la pression normative athéisto-laïcarde ayant fait son œuvre, ni citoyen – la république ayant lamentablement échoué à fournir un quelconque projet de civilisation digne de ce nom, l'individu devint ce à quoi une société entière le destinait : un consommateur. L’acte d’achat s'érigea en norme hégémonique, en culte monopolistique, pratiquant le dumping par le vice. C’est alors tout un modèle normatif, religieux bien qu'athéiste, qui s’imposa au fil des années, mimant l'american way of life et son système de « valeurs » exacerbées : celles de l’individualisme, de l’égocentrisme, de l’ostentation et de la possession, ainsi que d’une certaine forme de mépris envers les profanes thésauristes, et envers ceux qui restent fidèles aux anciennes idoles morales et traditionnelles. [...]

C’est donc une voie de décivilisation que nous empruntons, sous le double effet du déclin de la morale et de la spiritualité traditionnelle d’une part, et de l’émergence d’un culte athéiste et pervers-consumériste d’autre part.

La Boite de Pandore

Mais n'étant qu'un phénomène de surface, le cyclone ne permet pas d'imager adéquatement la seconde phase du processus moderne aux implications bien plus profondes, et qui s'apparente davantage au cancer. La marche triomphante et infernale du monde moderne en présente en effet toutes les caractéristiques. Un cancer qui se développe silencieusement, et dont on ne perçoit véritablement l'existence et la nature qu'au stade terminal de son hôte. Un cancer qui gagne du terrain, et dont chaque ramification, chaque excroissance, permet la contamination de tissus jusque là préservés. Un cancer enfin, qui gangrène les organes vitaux du corps social au point de condamner ce dernier. Car c'est de cela qu'il s'agit. Aucune société dans l'Histoire ne se serait aventurée sur le chemin de la transgression systématique de ses propres fondamentaux. Or, c'est précisément ce chemin damné que notre monde emprunte. [...]


Le triomphe de la perversion


La société moderne n'est finalement rien d'autre qu'une vaste chaîne de production d'individus standardisés, et standardisants, dont le caractère, l'intellect, la spécificité, et l'identité, sont broyés dès la plus petite enfance par le système scolaire, médiatique et publicitaire, par la pression sociale du totalitarisme quotidien. « Tous pervers ! », voilà quel pourrait être le slogan de ce monde dégénéré où les hommes ne s'appartiennent plus, où toute transmission véritable est abolie. C'est l'irresponsabilité érigée en système, c'est l'abolition autistique de toute altérité, de tout enracinement et de toute symbolisation collective, c'est le triomphe d'un modèle importé qui nous était étranger en tout point il n'y a encore que quelques décennies.

L'hégémonie de ces logiques primaires et perverses scellera la tombe de ce qu'il reste de désintéressé, d'authentique, d'altruiste et sincère entre les hommes. Les communautés s'en trouveront progressivement éradiquées : familles, collectifs, localités, et, au final, patries, seront purement et simplement vidés de leur substance, voués à disparaître, puisque les liens unissant leurs composantes se déchireront à mesure que s'éteindront les foyers du rite, du symbole et de la morale, qui les baignent encore de leurs lueurs millénaires.

Le projet est clair : qu'il n'existe plus la moindre parcelle qui n'échappe à l'aliénation subversive et systématique de la modernité.

Quoi que vous fassiez, quoi que vous pensiez, vous le ferez selon des codes qui vous furent inoculés durant votre (in)existence. Semblable à une créature robotique, l'individu moderne est intégralement programmé pour remplir le rôle auquel il fut affecté à son insu, et pour lequel il vivra et mourra, en vain. Toutes les connaissances qui lui sont enseignées n'ont qu'une fonction de formation et de spécialisation, segmentant son savoir, tordant sa façon de penser, le destinant à évoluer dans la classe unique des ressources humaines qui, ironie du sort, fait tourner ce monde de tarés. Y compris à l'université, espace tragi-comique d'aliénation totale, où la moindre étincelle, la plus petite intuition intellectuelle ou spirituelle, est balayée par la violence inouïe d'un conformisme inerte, pervers, avalé et relayé à la fois par la plupart des enseignants et des étudiants, en échange des gratifications virtuelles que sont les notes, les salaires, les avancements de carrière. Ce sont là les manifestations de cette doctrine de la perversion, qui est à l'individu ce que la modernité est à l'Histoire : un cataclysme silencieux. La doctrine de la perversion, c'est un mode de pensée et d'appréhension du monde à travers le seul prisme de la satisfaction immédiate des besoins et désirs personnels. Tout être, toute chose, tend alors à devenir un simple agrégat calorique dont l'ensemble des dimensions ne se mesure qu'à l'aune des bénéfices que pourra en tirer l'insatiable machinerie formatée et déshumanisée qu'est l'individu moderne et déraciné. [...]


L'Empire


Le monde marchand n'est pas mu par la philanthropie. La modernité n'est pas un phénomène indépendant de toute volonté humaine. Ainsi, nous nommons Empire la combinaison de la modernité en tant que processus historique de subversion mondiale, d'une part, et des instigateurs individuels, élitistes et communautaires qui œuvrent méthodiquement à son hégémonie, d'autre part.

On nous qualifie alors de « complotistes » : mais qui peut penser que les pouvoirs politiques, militaires, économiques et financiers vivent au jour le jour ? Sans jamais rien prévoir ni planifier ?

Comment peut-on croire une seconde, par exemple, que l’objectif de l’industrie pharmaceutique est le bien commun et non son profit ?

Qui peut croire que des politiques qui participent de la Franc-Maçonnerie et qui donc, le soir, au sein des loges, qualifient de frères de hauts dirigeants de la finance et de l’économie, pourraient le lendemain s’attaquer à ces mêmes pouvoirs économiques et financiers ?

Comment peut-on concevoir que des alliances d’intérêts se forment dans des syndicats et des corporations populaires, et ne se forment pas dans des cercles de pouvoirs élitistes, où se réunissent les pontes de la politique, de la finance, des médias, de l’économie ?

Ces cercles « très privés » ne constituent-ils pas alors l’institutionnalisation d’une solidarité de classe, la classe des puissants, des oligarques, des décideurs ? Notre complotisme n’est alors rien d’autre qu’une grille de lecture particulière de la réalité, où les concepts sont réincarnés, où l’on va considérer que ce n’est pas le capitalisme ou le mondialisme qu’il faut simplement dénoncer en tant que concepts, mais les capitalistes et les mondialistes, qu’il faut identifier dans la réalité de leurs réseaux. [...]


Les coupables


La subversion moderne est portée par une clique psychopathique d'oligarques, au sein de laquelle se mêlent de façon hétéroclite divers acteurs dont les alliances, tacites ou explicites, circonstancielles ou historiques, ont en commun un même projet mortifère : la gouvernance globale. Soit l'instauration institutionnelle et transnationale d'une féodalité bancaire dominant un monde... [...]

Par l'usure, la subversion, la corruption et le chantage, l'oligarchie tisse sa toile. Elle vassalise, elle coopte, et marque de son emprunte ceux qui s'égarent dans ses illusions, qui cèdent à ses perfidies. […]

La démocratie représentative leur offre le champ de bataille idéal pour maintenir l'illusion du pluralisme politique là où il n'y a que copinages, arrangements et connivences. Franc-Maçons (GODF, GLNF etc.), dynasties familiales (Rothschild, Rockefeller etc.), israélites (B'nai B'rith, CRIJF etc.), think-thank élitistes (Bilderberg, Le Siècle, PNAC, CFR, Trilatérale etc.), conglomérats transnationaux et leurs fondations respectives, mafias et autres tenants de la finance internationale constituent ce pouvoir multiforme et officieux dont Wall Street, le Pentagone, la City, en passant par Bruxelles, Tel Aviv et Genève, constituent les centres névralgiques. »

Vincent Vauclin, "Cendres - Croisade contre le Monde moderne".
PDF gratuit ICI.



lundi, octobre 03, 2022

La Crise du monde moderne








René Guénon, ‘Abd al-Wâhid Yahyâ, est né le 15 novembre 1886 à Blois en France et Mort le 7 janvier 1951 au Caire en Egypte.

« Tradition » a pour racine indo-européenne DÔ, transmettre la possession de … Cette racine a donné en latin : tradition, action de transmettre, tradere : transmettre, livrer. Le mot Tradition a deux sens : 1 – L’UN, caractérisant les transmissions des éléments AVEC articulation métaphysique des Voies authentiques Libératrices. 2 – L’autre, « profane », caractérisant la transmission d’éléments SANS articulation métaphysique. C’est à l’honneur de René Guénon d’avoir rétabli le premier sens, effacé par le modernisme, le sens profane ayant prévalu dans l’oubli du troisième composant de l’homme : l’articulation métaphysique, Prajñâ, Intuition métaphysique ou Connaissance transcendante.

Nirodha


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Les propos qui suivent viennent d’un exposé oral par un auteur lettré « Le Précepteur » qui connaît l’essentiel des écrits de René Guénon. D’une façon claire et pédagogique il nous informe de notions fondamentales retrouvées dans les principaux ouvrages de René Guénon, « notions » qui éclairent les événements politiques internationaux actuels, qui permettent d’en comprendre certaines causes profondes et qui démontrent la décadence de l’Occident :

« René Guénon est un auteur dont en entend beaucoup parler depuis les années 2000 alors même qu’il est mort en 1951. Et quand je dis qu’on en entend beaucoup parler, je parle du grand public, non pas des milieux universitaires. René Guénon est très peu étudié en cours de philosophie malgré l’influence qu’il exercera sur le monde intellectuel au 20ième siècle. Et l’une des raisons pour lesquelles on parle beaucoup de René Guénon c’est parce que c’est un intellectuel qui a prédit la fin du monde. Alors, dit ainsi, cela peut paraître un peu loufoque, même un peu grotesque ! Qu’est-ce que c’est que ces intellectuels qui parlent de fin du monde ? Cela ne fait pas très sérieux et pourtant vous allez voir que nous n’avons pas affaire à un illuminé qui prétendrait avoir reçu un message des anges, mais à quelqu’un qui s’est attaché tout au long de sa vie à étudier les doctrines spirituelles, surtout orientales, et qui considère qu’il y a dans ces doctrines des enseignements que nous, occidentaux modernes, avons perdu. Le combat de René Guénon fut un combat de la réhabilitation et de la réactivation des sagesses ancestrales de l’humanité, et nous allons voir à quoi a conduit selon lui la perte de ces sagesses ancestrales, à quoi a conduit l’éloignement de l’Occident vis-à-vis de la spiritualité, un éloignement qui serait la source et le symptôme de l’effondrement prochain de notre civilisation.

R. G. a vécu de la fin du 19ième siècle jusqu’au milieu du 20ième siècle, et déjà à son époque on observe que le monde est en crise ou plus exactement que le monde occidental est en crise : crise économique avec cette crise majeure qu’est ce crash boursier de 1929, la plus grande dépression économique qu’est connue le 20ième siècle, crise politique et militaire. René Guénon a vécu de près la 1ière guerre mondiale, l’une des plus sanglantes et traumatisantes que nous n’ayons jamais connue, crise écologique. Cela peut nous sembler surprenant mais dès 1927, Guénon parle du désastre écologique dont se rend coupable l’Occident à travers la pollution liée à l’hyper–industrialisation, crise de l’éducation, de la famille, des valeurs. Bref on croirait entendre parler de notre époque. Il ne manque plus que la crise sanitaire pour compléter le tableau.

Donc, ce qui caractérise la modernité, dit René Guénon, c’est la multiplication et l’intensification des crises qui, selon lui, participent toutes d’une seule et même crise globale qui est la crise de la modernité.

Alors, il faut tout de suite préciser que l’on parle de deux choses qu’il faut avoir à l’esprit pour comprendre ce que René Guénon veut nous dire : 

1 – On parle d’un moment critique. Crise et critique, c’est la même racine ; on parle d’un dérèglement, d’une catastrophe, d’un bouleversement, voire d’un effondrement. Mais on parle aussi 

2 – d’une refondation, d’une réforme. Autrement dit, une crise n’est pas que du négatif. C’est du négatif qui débouche vers du positif. On pourrait dire que c’est bien gentil, mais rien n’est jamais purement négatif. Oui, si tout s’effondre, ensuite cela ne pourra que repartir. Quand tout va mal, cela ne peut qu’aller mieux ! C’est cela l’idée. Mais ce que cela veut dire « au-delà » des mots, c’est que la crise est une phase transitionnelle. Une « crise » indique le passage d’un état à un autre.

Dans le langage courant on parle de « crise d’adolescence », le moment où l’enfant entame sa mû (pas sa mue), c’est-à-dire sa « mutation », sa transformation. On parle de « crise » de la quarantaine, ce moment où on a l’impression que notre vie stagne et qui nous pousse à tout envoyer valser, à revivre une dernière fois le frisson de la jeunesse pour entrer plus sereinement dans l’âge de la maturité. Donc, les « crises » sont non seulement utiles mais nécessaires au sens d’inévitables, au sens de non contournables. Donc, la « crise du monde moderne » c’est la crise que l’Occident traverse actuellement qui se manifeste par toute une série de crises dans tous les domaines de l’existence que nous ne pourrons pas empêcher, parce que cette « crise » a un caractère de nécessité. La « crise », on ne l’évitera pas, on n’y échappera pas ; on ne pourra que la surmonter et pour la surmonter il faudra l’affronter.

Donc, chez René Guénon ce n’est pas vraiment l’optimisme mais en même temps la « crise » est une condition pour des lendemains meilleurs. Et c’est où il faut aborder la « métaphysique » dont René Guénon se réclame. Il dit qu’il n’a pas créer la métaphysique mais il en a hérité pendant que les occidentaux modernes l’ont oublié.

Cette métaphysique est celle des cycles cosmiques. Qu’est-ce que cela veut dire ?

A notre époque on étudie les cycles cosmiques d’un point de vue scientifique, essentiellement d’un point de vue astronomique. Nous savons qu’il existe des cycles astronomiques réguliers : la révolution des planètes autour de leur astre, la rotation des galaxies, la précession des équinoxes. L’univers obéit à des cycles et ces cycles s’inscrivent dans une temporalité et définissent notre temporalité. « 1 » an n’est pas défini arbitrairement. « 1 » an c’est le temps que met la terre à faire le tour complet autour du soleil, d’où le lien étymologique entre « année » et « anneau », l’idée de cercle. Donc, l’univers obéit à des cycles. Ce que nous dit René Guénon et ce que nous disent les doctrines métaphysiques de la Tradition, c’est que l’humanité aussi obéit à des cycles, que la mentalité et la manière d’être des êtres humains obéissent également à ces cycles et donc que les événements qui se produisent sur terre se doivent d’avoir être compris comme des indicateurs de notre position dans le cycle et qu’actuellement nous sommes à la fin d’un cycle.

La fin du monde dont parle René Guénon c’est la fin d’un cycle cosmique dont nous sommes partie prenante et auquel succédera un nouveau cycle et ainsi de suite indéfiniment.

Pour René Guénon, contrairement à ce que pensent les modernes, nous sommes finalement peu de choses. Pour René Guénon, l’homme se caractérise par son égocentrisme, par sa haute conception de lui-même ; le « péché » de l’homme moderne selon René Guénon est d’avoir oublié que son existence s’inscrivait dans un cycle et dans un devenir infiniment supérieur à lui, le devenir universel qui s’impose à nous. L’erreur des modernes c’est d’avoir cru qu’ils étaient capables de dompter l’univers ; pour René Guénon c’est peine perdue !

Descartes illustre parfaitement le projet des modernes : « se rendre comme maître et possesseur de la nature », faire de la nature (en grec : PHUSIS), le monde physique, notre propriété. C’est très prétentieux ! L’humanisme est cette période de l’histoire occidentale moderne pendant laquelle les européens ont cherché à conquérir la nature pour la mettre au service de l’homme. L’humanisme s’inscrit dans une période que l’on appelle la « renaissance », le fait de naître à nouveau. Qui peut naître à nouveau si ce n’est Dieu lui-même, la figure du Christ ressuscité ? …

Donc, il y a dans l’humanisme de la « renaissance », dans ce projet de conquête de la nature, une aspiration à la « divinisation de l’homme » à remplacer l’Absolu divin par un absolu humain. Et cela pour René Guénon est un signe de la fin des temps parce que c’est un signe que nous avons oublié que les principes supérieurs nous régissent.

Pour en revenir à nos cycles cosmiques, René Guénon explique que l’humanité a connu 4 grandes périodes, 4 âges que l’on appelle dans la spiritualité Hindou des YUGAS. Il se trouve que ces 4 âges se retrouvent chez les Perses, les Grecs et les Romains.

- L’âge d’or, le satya-yuga,
- L’âge d’argent, le treta-yuga,
- L’âge de bronze, le dvarapa-yuga,
- L’âge de fer, le kali-yuga qui est l’âge sombre, celui des ténèbres.

Et comme vous l’avez compris nous nous trouvons actuellement dans l’ère du kali-yuga et même dans la phase terminale du kali-yuga, l’âge du désordre et du rejet des principes supérieurs. Pour ceux qui aiment les mathématiques, notez que la durée de chaque yuga décroit en suivant une progression arithmétique. Si on divise un MAHÂ-YUGA en 10 portions égales le Mahâ-yuga étant la totalité des yugas, l’âge d’or dure 4 portions, l’âge d’argent 3 portions, l’âge de bronze 2 portions, l’âge de fer 1 portion. 4, 3, 2, 1, rappelle le compte à rebours mais aussi le « tetractys » de pythagore, le nombre triangulaire, un symbole mystique bien connu des initiés. A la fin du kali-yuga, l’humanité connaîtra « l’apocalypse » qui signifie en grec « révélation ». Après, un nouveau Mahâ-Yuga s’enchainera et s’ouvrira sur un nouvel âge d’or pour redescendre lentement jusqu’au kali-yuga suivant.

Voyons ce que dit René Guénon au début de « la crise du monde moderne », son livre phare publié en 1927 :

Il nous dit que nous sommes arrivés à la fin du dogme du progrès. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela veut dire que nous avons une vision ascensionnelle de l’histoire, on voit l’histoire humaine comme une marche vers l’amélioration de nos conditions d’existence, des savoirs, des relations humaines. Il est vrai que si on nous proposait de vivre au moyen-âge ou dans l’antiquité, sans électricité, sans téléphone, sans internet, nous serions très nombreux à refuser et cela indépendamment de nos conditions d’existence actuelle parce que « pour nous le passé est forcément dépassé », moins enviable que le présent ou le futur. C’est « cela » la traduction concrète de notre conception du progrès, l’idée qu’aujourd’hui est meilleur qu’hier !

René Guénon nous dit que c’est « seulement » sur le plan matériel qu’il y a un progrès. Oui, Louis XIV ne roulait pas en BMW, Jules César ne connaissait par Youtube … Mais ces avantages de la modernité n’en sont que pour ceux qui les possèdent déjà. Les gens du moyenâge ne souffraient pas de ne pas avoir internet. Les gens de l’antiquité ne souffraient pas de ne pas avoir l’électricité. Ces besoins sont apparus en même temps que sont apparus les moyens de les satisfaire. Donc, il n’y avait pas de manque, de frustrations de ne pas vivre dans la modernité. De même aujourd’hui, nous ne souffrons pas du manque d’objets qui n’ont pas été inventés.

Voilà pourquoi René Guénon refuse d’appeler « progrès » ce qui n’est en réalité qu’une création de besoins artificiels qui nous donne « l’illusion » du bonheur mais qui ne fait en réalité que creuser davantage le puit de nos désirs.

Même chose pour les relations humaines qui se sont certes pacifiées, mais se sont-elles améliorées ?! Sommes-nous réellement plus solidaires, plus disponibles, plus conviviaux ? Rien n’est moins sûr.

Il se pourrait que ce que nous appelons progrès n’est que celui de « l’individualisme », le progrès de la solitude, de la misère affective, de l’indifférence et que les progrès de la technologie matérielle aient eu pour effet de précipiter cet individualisme, de le renforcer … avec des écouteurs dans les oreilles, un écran devant les yeux, et voilà ce monde !

[Entendons ici que l’auteur parle de la solitude profane chez l’homme extérieur non éveillé. Il ne parle pas bien sûr de la solitude recherchée par l’ascète contemplatif, l’homme intérieur (selon maître Eckhart), qui étudie et pratique sa voie de Libération le plus souvent dans le silence mais sans jamais oublier ses frères et sœurs]

Bien sûr qu’il y a des avantages à la modernité, le nier serait malhonnête. Mais la question est de savoir :

Qu’est-ce que l’humanité y a gagné en bonheur ?
Est-ce que les progrès matériels peuvent raisonnablement constituer une finalité en soi ?
N’avons-nous pas été victime d’un mensonge du progrès ?

Ces questions posées, René Guénon pense que ce mensonge commence à se remarquer, à devenir visible. Rappelons que « apocalypse » signifie « révélation » comme se révèle un mensonge.

La crise du monde moderne, c’est à la fois le point culminant de ce mensonge du progrès en même temps que la prise de conscience de ce mensonge, parce qu’il faut que les choses atteignent leur point culminant pour pouvoir être constater par tous.

Donc, la crise du monde moderne a bien une issue positive qui est la prise de conscience du caractère mensonger du concept de progrès, prise de conscience qui débouchera à l’issue du kali-yuga sur une refondation et une rénovation.

Pour en finir sur la notion de progrès on pourrait dire que les modernes ont appelé progrès ce qui en fait devrait être appelé « développement » car développer c’est étendre, faire croitre. Comment appelle-t-on l’indicateur de prospérité économique des modernes ? : « la croissance » ! La modernité est cette époque à laquelle on identifie l’amélioration à l’augmentation. C’est cette époque à laquelle on identifie la qualité à la quantité. Pour René Guénon notre époque est « le règne de la quantité ». On pourrait avoir une vision un peu réductrice de ce que nous dit René Guénon. On pourrait dire qu’il inaugure ce que l’on appellera plus tard la critique de la société de consommation. Ce n’est pas faux mais il va beaucoup plus loin. Le règne de la quantité n’est pas simplement le désir de cumuler des biens matériels.

Pour le comprendre nous allons maintenant expliquer ce qui se produit selon la Tradition au cours d’un cycle cosmique.

Quand on parle de Tradition on ne parle pas de coutumes ni de conservatisme. René Guénon parle de Tradition primordiale avec un « T » majuscule. Il dit qu’il existerait une spiritualité commune à tous les anciens peuples et que cette Tradition se traduirait dans des formes culturelles particulières. Pour René Guénon la Tradition primordiale inclut aussi bien l’hindouisme, le bouddhisme, le taoïsme, le christianisme comme l’islam mais dans leur version « ésotérique ». René Guénon considère qu’il y a une unité profonde dans toutes les doctrines métaphysiques traditionnelles et que leurs différences ne sont que des différences de formes liées au fait que chaque peuple est spécifique et qu’il faut donc un langage spécifique à chacun.

Qu’est-ce qui se produit au cours d’un cycle cosmique ?

Il se produit un éloignement progressif du principe spirituel. Est-ce que cela nous éclaire ? Oui, parce que cela veut dire que l’histoire de l’humanité c’est l’histoire de la matérialisation du monde, de la descente de l’humanité dans la matière et ses ténèbres.

Pour René Guénon un cycle cosmique se caractérise par la chute du pôle « essentiel » vers le pôle « substantiel », autrement dit du pôle « spirituel » vers le pôle « matériel ». Nous allons essayer de représenter cela par une image.

Imaginez une boule de lumière. Cette boule de lumière est l’origine spirituelle du monde. Imaginez qu’une parcelle de lumière soit éjectée de cette boule et qu’elle tombe dans les profondeurs ? Plus la parcelle de lumière tombe, plus elle s’obscurcie ; et sous l’effet de la gravité la parcelle de lumière accélère dans sa chute. Et plus elle accélère plus elle se refroidit et en se refroidissant elle se solidifie, elle devient matière. Cette image illustre notre éloignement progressif du principe spirituel qui est la boule de lumière d’origine divine. C’est l’âge d’or, l’unité des hommes avec Dieu [à noter que la racine sanskrite DYU signifie « ce qui brille »] et avec la nature, avec la faune et la flore.

L’éjection de la parcelle de lumière c’est la séparation initiale, l’entrée dans la « dualité », c’est l’expulsion d’Adam et Eve, la domestication des animaux et l’invention de l’agriculture, c’est l’âge d’argent.

La chute de la parcelle de lumière c’est la matérialisation, la création d’outils, la métallurgie qui allait permettre de conquérir la nature et de faire la guerre, c’est l’âge de bronze.

Arrive l’extinction de cette parcelle de lumière, la dissolution, c’est l’âge de fer, le kaliyuga qui met un terme au cycle.

Plus l’humanité avance dans le temps, plus elle s’éloigne du principe spirituel, plus elle le nie pour faire de la matière son unique préoccupation et son unique mode d’être. Remarquez que nous sommes passés au fil des âges d’une conception métaphysique du monde à une conception physique et matérielle du monde. Il ne s’agit pas de dire que c’est bien ou mal. Il s’agit d’observer l’évolution de la mentalité humaine.

Les cosmologies antiques étaient des cosmogonies, c’est-à-dire que l’on racontait la naissance de l’univers à partir d’un principe créateur lui-même non matériel, la cause du monde matériel n’était pas matérielle mais uniquement supra–matérielle, parce que dans le cas contraire cette cause matérielle aurait elle-même une cause qui la précède. Rien de secret dans le monde matériel. Tout n’est qu’agencement et réagencement. De la mythologie babylonienne à la genèse biblique, il y avait toujours un principe supra–matériel à l’origine de l’univers, un principe supra–matériel dont l’univers matériel n’était qu’une émanation dégradée. Hors, aujourd’hui, lorsque l’on parle de l’origine de l’univers, on ne parle pas d’un principe supra– matériel, on parle de Big-Bang, on parle de ce qu’il y avait avant le Big-Bang, du vide quantique, un vide pas totalement vide. On n’est donc en recherche d’un principe matériel à l’origine matérielle. Et d’ailleurs, quand des physiciens parlent d’univers, ils parlent de la matière qui constitue l’univers, des planètes, des galaxies, de ce que l’on appelle l’univers observable.

Donc, il y a bien une épistémologie matérialiste dans la science moderne.

En physique comme en médecine, aujourd’hui, on s’occupe de « corps », donc de matière. Quand les modernes pensent le monde, ils le pensent toujours sous l’angle de la matière. Et cela, René Guénon le met évidemment en lien avec ce qu’il appelle « le règne de la quantité ». Pourquoi ? Parce que la quantité c’est ce qui est mesurable. Un corps se mesure, sa longueur, sa largeur, sa masse. Voilà pourquoi les mathématiques ont un rôle central dans l’étude du monde physique. D’ailleurs, René Guénon fait remarquer qu’il y a une parenté étymologique entre le mot latin « matematicus » qui signifie « mesurer » et « materia » qui signifie « matière ».

[Note supplémentaire : le mot latin « matematicus » vient du grec « mathêma » par « manthanô = apprendre. En sanskrit « medhâvi, sumedho = le savant, l’intelligent » en passant par le grec qui a donné « mathématique »].

La matière c’est le mesurable, le quantifiable, mais la contrepartie c’est que tout ce qui n’est pas quantifiable échappe à la science moderne ! Un sentiment n’est pas quantifiable. Une idée n’est pas quantifiable. Une invention n’est pas quantifiable.

Le matérialisme moderne a besoin que tout soit quantifiable, quitte à rejeter ce qui ne l’est pas. Dans les composantes de la mentalité moderne il y a donc le matérialisme. Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi, et c’est lié, le « rationalisme » qui est le fait de considérer que seule la raison permet d’accéder à des connaissances fiables.

Le rationalisme est la prééminence de l’intellect. Alors on trouve déjà des traces de rationalisme dans l’antiquité avec Platon, le défenseur du logos, de la pensée rationnelle et logique, mais Platon considérait malgré tout que « l’Intuition » était un mode de Connaissance supérieur à la raison. L’Intuition c’est la saisie immédiate. C’est le stade supérieur de la raison.

Spinoza aussi croyait dans la puissance de l’Intuition et chez Spinoza aussi l’Intuition n’était pas la négation de la raison mais le dépassement de la raison.

C’est au 18ième siècle avec Emmanuel Kant que l’Intuition allait être battue en brèche parce que pour Kant, l’Intuition ne peut porter que sur des objets sensibles, pas sur des objets intellectuels. En clair, Kant pensait qu’il n’y avait pas de mode de connaissance supérieur à la raison et que la raison était fondamentalement limitée, l’entendement humain est limité. Il y a des concepts qui dépassent l’entendement comme le concept de Dieu. Pour Kant il est impossible de démontrer rationnellement l’existence de Dieu parce que Dieu se situe au-delà des frontières de la raison.

Et donc, c’est avec Kant que l’on rentre dans l’ère du rationalisme moderne, c’est-à-dire dans l’ère de la limitation de la connaissance.

Et d’ailleurs, vous remarquerez qu’aujourd’hui quand on dit que l’on sait quelque chose par Intuition, on vous regarde bizarrement parce que d’un point de vue moderne savoir par Intuition cela veut dire savoir sans savoir pourquoi. Dans la modernité, l’Intuition n’est pas considérée comme un mode de connaissance fiable. Ce qui est considéré comme un mode de connaissance fiable, c’est la raison. C’est cette partie de l’esprit humain qui décompose, qui dissocie, qui mesure, et là encore l’étymologie nous renseigne parce que l’étymologie du mot « raison » c’est « ratio » qui a donné rationnel et « ratio » veut dire « calcul », terme retrouvé en mathématique. Un « ratio » est un rapport entre 2 nombres. La raison fonctionne sur ce principe de mise en rapport. La raison quantifie, elle additionne, soustrait, divise, c’est le principe de la déduction, ce que l’on appelle le syllogisme, une opération logique, sauf que là encore René Guénon nous dit :

« La raison réduit le champ de la connaissance » parce que la raison reste sourde à certaines vérités qui ne sont pas d’ordre du raisonnement logique. Il y a des choses que l’on sait sans pouvoir expliquer pourquoi ni comment on le sait. Si vous parlez avec des mathématiciens, vous découvrirez que certains parviennent à résoudre des équations de manière intuitive, c’està-dire qu’ils voient le résultat sans voir la démonstration qui conduit à ce résultat. C’est cela l’Intuition, l’Intuition du vrai.

Pour en revenir au rationalisme : c’est l’application du règne de la quantité au domaine de la connaissance. La raison quantifie pour connaître. Elle sépare et dissocie mais elle demeure impuissante quand il s’agit de rassembler, quand il s’agit de synthétiser ; la raison voit les différences avant de voir les points communs.

Et donc, pour René Guénon, une connaissance uniquement fondée sur la raison ne peut être qu’une connaissance atrophiée, amputée.

Et c’est là que l’on arrive au 3ième pilier de la mentalité moderne après le « matérialisme » et le « rationalisme », à savoir « l’individualisme » qui est la conséquence logique et inéluctable du matérialisme et du rationalisme. Pourquoi ? Parce que le matérialisme et le rationalisme coupent l’individu de toute forme de Transcendance et nient l’existence de tout principe supérieur. En l’absence de principe supérieur, l’individu est privé de tout moyen d’élévation. Il devient son seul et unique référentiel. Que peut bien signifier s’élever s’il n’y a rien au-dessus de nous ? A quoi bon se conformer à des principes si ces principes n’engagent que ceux qui y croient ? C’est une perte de temps. Si la modernité est bel et bien la phase d’éloignement ultime du principe spirituel, c’est dans la mesure où la modernité a rendu absurde l’idée de se conformer à des principes supra-individuels, et là encore on retrouve le règne de la quantité.

Parce que qu’est-ce qui compte quand aucun principe supérieur guide notre existence ?

La maximisation du plaisir, l’oubli de soi dans la seule sensation. La raison me dit que rien ne m’est accessible au-delà du monde de la matière. Donc, je ne suis qu’un corps et si je ne suis qu’un corps, je dois jouir de mon existence terrestre et donc ce que nous dit René Guénon c’est que la modernité c’est l’ère de l’oubli de l’être dans l’agir. « On agit pour ne pas avoir à être », pour s’agiter parce que l’agitation met notre corps en mouvement, remplit notre corps de sensations et ce faisant l’agitation rend le spirituel superflu.

Le kali-yuga c’est la matérialisation de l’homme, c’est l’agitation et l’accélération comme principes d’existence et c’est à terme la dissolution de l’être.

Citons maintenant René Guénon :

« C’est bien là, en effet, le caractère le plus visible de l’époque moderne : besoin d’agitation incessante, de changement continuel, de vitesse sans cesse croissante comme celle avec laquelle se déroulent les événements eux-mêmes. C’est la dispersion dans la multiplicité et dans une multiplicité qui n’est pas unifiée par la conscience d’aucun principe supérieur ; c’est dans le vie courante comme dans les conceptions scientifiques, l’analyse poussée à l’extrême, le morcellement indéfini, une véritable désagrégation de l’activité humaine dans tous les ordres où elle peut encore s’exercer ; et de là l’inaptitude à la synthèse et l’impossibilité de toute concentration, si frappantes aux yeux des orientaux. Ce sont les conséquences naturelles et inévitables d’une matérialisation de plus en plus accentuée, car la matière est essentiellement multiplicité et division ; et c’est pourquoi, disons-le en passant, tout ce qui en procède ne peut engendrer que des luttes et des conflits de toutes sortes entre les peuples comme entre les individus. Plus on s’enfonce dans la matière, plus les éléments de divisions et d’oppositions s’accentuent et s’amplifient ; inversement, plus on s’élève vers la spiritualité pure, plus on s’approche de l’unité qui ne peut être pleinement réalisée que par la conscience des principes universels. Ce qui est le plus étrange, c’est que le mouvement et le changement sont véritablement recherchés pour eux-mêmes et non en vue d’un but quelconque auquel ils peuvent conduire. Et ce fait résulte directement de l’absorption de toutes les facultés humaines par l’action extérieure dont nous signalions tout à l’heure le caractère momentané. C’est encore la dispersion envisagée sous un autre aspect ; et à un stade plus accentué : c’est, pourrait-on dire, comme une tendance à l’instantanéité, ayant pour limite un état de pur déséquilibre qui, s’il pouvait être atteint, coïnciderait avec la dissolution finale de ce monde ; Et c’est encore un des signes les plus nets de la dernière période du kali-yuga. Sous ce rapport aussi la même chose se produit dans l’ordre scientifique : c’est la recherche pour la recherche, beaucoup plus encore que pour les résultats partiels et fragmentaires auxquels elle aboutit ; c’est la succession de plus en plus de théories et d’hypothèses sans fondement, qui, à peine édifiées, s’écroulent pour être remplacées par d’autres qui dureront moins encore, véritable chaos au milieu duquel il serait vain de chercher quelques éléments définitivement acquis, si ce n’est une monstrueuse accumulation de faits et de détails qui ne peuvent rien prouver ni rien signifier. Nous parlons ici bien entendu de ce qui concerne le point de vue spéculatif, dans la mesure où il subsiste encore ; pour ce qui est des applications pratiques, il y a au contraire des résultats incontestables, et cela se comprend sans peine, puisque ces applications se rapportent immédiatement au domaine matériel et que ce domaine est précisément le seul où l’homme moderne puisse se vanter d’une réelle supériorité. Il faut donc s’attendre à ce que les découvertes ou plutôt les inventions mécaniques et industrielles aillent encore en se développant et en se multipliant de plus en plus vite elles aussi, jusqu’à la fin de l’âge actuel ; et qui sait si, avec les dangers de destruction qu’elles portent en elles-mêmes, elles ne seront pas un des principaux agents de l’ultime catastrophe, si les choses en viennent à un tel point que celle-ci ne puisse être évitée ?

Face à la crise que traverse le monde moderne, beaucoup s’interrogent, s’inquiètent. Comment éviter la catastrophe ? L’apocalypse ? Est-elle seulement évitable ? Que peuvent faire quelques être humains face aux lois cosmiques ? La fin du dogme du progrès entraine un peu partout des retours à la Tradition. On sent que la modernité est à bout de souffle, qu’elle ne tient plus ses promesses, qu’elle ne rend pas les gens heureux. Et donc on se replie dans les choses solides du passé. Le retour des religieux est un pur produit de la modernité, une réaction de défense face à un monde qui ne comble pas notre besoin de sens, notre besoin d’un au-delà du matériel, notre besoin de spiritualité. La modernité a fait croire à l’homme qu’il n’était qu’un corps doté d’une raison, que la spiritualité était une chose du passé, une chose dont ils pourraient se passer tant il est vrai que nous serions trop évolués pour porter du crédit à la spiritualité. C’est au nom du progrès que l’on a amputé l’être humain de sa dimension spirituelle et aujourd’hui on s’étonne que l’homme moderne soit partagé entre tourments et ressentiments, entre dépression et hystérie, entre addictions et inertie.

Priver un être humain de sens c’est comme priver une fleur de lumière. Alors, s’il y a la moindre chance que nous survivions à la modernité et qu’il nous faille bâtir le monde nouveau, ce ne sera pas en combattant l’inéluctable mais en le fécondant de notre lumière ».

Principaux ouvrages de René Guénon :

1. La crise du monde moderne. PDF gratuit ICI.

2. Le règne de la quantité et les signes des temps. PDF gratuit ICI.

3. L’homme et son devenir selon le Vedânta. PDF gratuit ICI.

4. Introduction générale à l’étude des Doctrines Hindoues. PDF gratuit ICI.

5. Orient et Occident. PDF gratuit ICI.

6. Autorité spirituelle et pouvoir temporel. PDF gratuit ICI.

7. Les états multiples de l’être. PDF gratuit ICI.

8. Les principes du calcul infinitésimal. PDF gratuit ICI.

9. La métaphysique orientale. PDF gratuit ICI.


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