lundi, mars 12, 2012

Les solutions à la crise





La France est-elle réellement un pays démocratique ? L'accès au suffrage universel n'est-il pas verrouillé par les grands partis qui dissuadent les maires de donner leur signature aux « petits » candidats ?

Jean-Marc Governatori, candidat de l'Alliance écologiste indépendante, est l'un de ces candidats écartés par le système. Il fait la grève de la faim depuis le 28 février pour protester contre le déni démocratique qui l'empêche de se présenter à l'élection présidentielle de 2012.

Déclaration de Jean-Marc Governatori :

« C’est une résolution à la fois grave et mûrement réfléchie que j’ai dû prendre. Je suis contraint de faire une grève de la faim jusqu'au vendredi 16 mars, date du dépôt des parrainages pour la présidentielle.

Je camperai au pied du siège du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel à partir de ce mardi à 16h30 (28 Février) et jusqu’à ce que l’équité en matière d’accès aux médias soit enfin respectée pour l’ensemble des candidats.

Aujourd’hui, l’élection présidentielle n’est qu’une parodie de démocratie. Verrouillée à deux niveaux.

Le premier concerne les parrainages. Les maires s’autocensurent de peur des conséquences de leur geste que ce soit vis-à-vis des subventions des conseils généraux et autres collectivités ou du regard de leurs électeurs. Tant que l’anonymat ne sera pas de mise, le pluralisme politique ne pourra pas être respecté.

D’une manière générale, PS et UMP se partagent le pouvoir et prennent soin (mode de scrutin…), d’un comme un accord, de conserver ce bipartisme hégémonique qui sert aux deux partis de gouvernement.

Le deuxième verrou est le "blacklistage" par les médias et les instituts de sondages. Journalistes et sondeurs cooptent un certain nombre de candidats sur des critères qui leur sont propres, faisant fi des recommandations du CSA. Un vrai cercle vicieux. Si vous n’êtes pas sondé, vous n’êtes pas dans les médias et vice-versa. Vous n’avez donc aucune chance de pouvoir présenter vos propositions au plus grand nombre. Malgré mes nombreuses réclamations auprès du CSA, et les retours positifs de leur part, rien ne bouge.

Les médias qualifient de "grands candidats" tous ceux qui ont pourtant échoué localement ou nationalement. On prépare allègrement une finale présidentielle des plus conventionnelles avec messieurs Sarkozy et Hollande.

Pourtant, l'histoire et le poids économique de notre pays requiert que nous montrions la voie à tellement de populations déboussolées. Ce n'est pas avec les mêmes politiques qui nous ressortent les mêmes programmes que nous préparerons des lendemains qui chantent. En l’absence de choix alternatifs, de nombreux français se tournent malheureusement vers les extrêmes, vers le populisme et le nationalisme.

L’écologie indépendante que je représente est le courant de pensée originelle de l’écologie politique avant que les Verts ne l’aient dévoyée en France. Nous avons toute notre place dans le débat démocratique comme l’atteste un récent sondage (72 % des français interrogés souhaitent que l’Alliance soit présente au premier tour).

Les 1000 bénévoles de l'Alliance écologiste indépendante ont sué sang et eau pour parvenir aujourd'hui à 315 parrainages, mais j’ai bien peur que nous n’arrivions pas à réunir les 500 signatures.

J'en appelle donc aux maires et aux médias afin qu’ils respectent le pluralisme politique, un des piliers garant de notre démocratie. Dans cette grève de la faim, je veux représenter ces millions de Français qui ne se reconnaissent pas dans cette classe politique conventionnelle qui sabote le bien être durable de tous. »
Meilleur gestionnaire de France, détenteur du Trophée de l'Emploi, Jean-Marc Governatori œuvre depuis 20 ans pour l'environnement, le respect des droits de l'homme et de la femme, pour l'enfance en danger...

Jean-Marc Governatori propose des solutions à la crise qui inquiètent sérieusement l'oligarchie politico-financière. En effet, il écrit :
« La spéculation financière est la cause de drames humains et écologiques, l'un allant tôt ou tard avec l'autre. Ce qui est écologiquement déraisonnable est économiquement irrationnel. Elle est très profitable pour quelques uns et permet de gros bénéfices rapides. On peut réglementer. L'Union européenne est une opportunité fabuleuse. On a fait une Europe commerciale, une Europe de la circulation des personnes, on peut faire une Europe financière qui sera profitable au plus grand nombre. L'Europe politique suivra quand les peuples et les élus nationaux seront européens. Cette Europe financière et des cours d'histoire-géographie européens pour nos enfants dans les pays à vocation européenne, affirmeront cette Europe politique.
 […]

Voici comment nous allons construire cette zone européenne réglementée et à laquelle la France pourrait donner l'exemple et l'impulsion :

- Retour de la banque à sa véritable vocation, à savoir celle d'intermédiaire capable de collecter de l'épargne dans le but d'octroyer du crédit.

- Faire coexister banques publiques (au moins 2) et banques privées, en tous cas en France.

- Changer le comportement des banques qui ne jouent plus leur rôle à l'égard de nos entreprises en limitant la concentration bancaire afin de permettre aux régulateurs d'exercer un contrôle effectif sur tous les établissements, sans possibilité d'être surpassés par la taille de ceux-ci.

- Exiger la transparence des comptes des banques.

- Agir pour supprimer les paradis réglementaires en interdisant à nos banques de travailler avec.

-Tenir compte des activités et de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et ce, afin de pondérer favorablement les risques pris au travers de crédits consentis à ces entreprises, et inciter les banques à les financer dans de meilleures conditions.

- Inciter l'investissement dans les activités à fort contenu de travail et faiblement délocalisable (Economie Sociale et Solidaire) Améliorer l'accès des entreprises aux financements européens dont les crédits ne sont aujourd'hui pas entièrement consommés.

- Permettre l'essaimage d'une monnaie complémentaire type « Sol» (fondante pour qu'elle soit ni spéculable, ni thésaurisable).

- Interdire les crédits à taux variable aux particuliers Supprimer la titrisation des créances et faire la séparation claire entre banques d'affaires et banques de détail, sans financement des unes par les autres. La titrisation permet aux banques de se défaire de leurs crédits aussitôt qu'accordés, et de les vendre sous la forme de créances négociables sur des marchés. L'instrument de la titrisation est dangereux car il soustrait le comportement bancaire d'émission de crédits, donc de risques, à toute régulation prudentielle. En effet, les banques sont normalement limitées dans leur politique de crédit par les règles prudentielles qui les contraignent à réserver du capital propre à près de 10 % du total de leurs encours risqués. Mais les crédits titrisés sortent du bilan des banques : donc, interdire purement et simplement le recours à la titrisation des crédits.

- Toutes les transactions sur les marchés organisés passent par l'intermédiaire d'une chambre de compensation qui est la contrepartie commune de tous les intervenants : elle est l'acheteuse de tous les vendeurs et la vendeuse de tous les acheteurs. La chambre de compensation impose à tous les intervenants des avances de fond appelées dépôts de marge. Les exigences de fonds propres sur les produits dérivés sont ridicules. Il faut donc imposer aux chambres de compensation d'exiger des dépôts de marge beaucoup plus importants (50 %) que les quelques pourcents d'aujourd'hui.

- Les banques ne sont pas les seuls acteurs de la finance. Les investisseurs, quelle que soit leur nature, doivent être soumis à ces ratios, surtout les Hedge Funds qui font de l'évasion réglementaire un élément constitutif de leur stratégie en se domiciliant dans des places financières offshore.

- Rendre la rémunération des traders pleinement algébrique, c'est-à-dire susceptible de valeurs négatives! Les traders auraient ainsi à rembourser sur leurs gains passés les pertes présentes et dans les mêmes proportions. Outre la taxation à 90% de la part des revenus qui excèdent 300 000 euros par an.

- Imposer des minima de sanctions pénales individuelles aux abus de marché (incitation, complicité, tentative de manipulation et manipulation de marché).

- Interdire toute transaction entre les opérateurs financiers de la zone réglementée et les entités des places offshore (les « paradis réglementaires » appelés par d'autres « paradis fiscaux »).

- Imposer des limites aux intervenants sur les principales matières agricoles, énergétiques et sur les métaux pour empêcher la spéculation. Pouvoir exiger d'un intervenant qu'il divulgue sa position et, en cas de tension sur le marché, qu'il la réduise.

- Si la spéculation se nourrit de flux de liquidités, dont le crédit représente une bonne part, il est clair qu'une politique monétaire laxiste contribue aux bulles financières. Mettons en place une politique monétaire dédoublée avec un taux d'intérêt bas pour refinancer les banques à hauteur de leurs concours - l'économie réelle, et un autre taux d'intérêt lourd pour les refinancer à hauteur de leurs concours à la sphère financière.

- Interdire les ventes à découvert (qui consistent à emprunter un titre en pariant sur sa baisse et à le vendre sur les marchés. La vente à découvert « à nu » consiste à vendre un titre sans même l'avoir emprunté auparavant).

- Dans la zone européenne réglementée, les transactions OTC seront purement et simplement interdites. Il n'est pas une transaction sur produits dérivés qui ne sera autorisée si elle ne passe par un marché organisé avec chambre de compensation, évidemment sous tutelle publique, et dans les conditions d'appel de marge conformes à la précédente proposition.

- Limiter l'impact informatique, en imposant un temps minimal de validité pour tout ordre entré dans le carnet d'ordres d'une Bourse avec aussi une obligation de liquidité aux utilisateurs d'algorithmes, histoire de les obliger à rester dans le marché même lorsque les conditions sont devenues adverses.

- Poser clairement le principe selon lequel tous les instruments financiers standardisés et suffisamment liquides ont vocation à être négociés sur des marchés réglementaires (les Bourses) ou des MTF (plate-formes alternatives).

- La liberté de circulation des capitaux entre la zone européenne réglementée et les zones non réglementées sera interdite. Les flux entrant en Europe ne seront admis que si les institutions d'où ils sont originaires sont elles-mêmes soumises de fait à ces normes européennes.

- La finance privée européenne doit oublier les profits mirobolants des bulles et apprendre à se satisfaire de moins. Comme tout le monde aura à la faire.

- Instaurer au niveau européen une taxe de 0.05 % sur les transactions financières

- Créer une agence de notation publique européenne.

- Mettre en place un appareil commun statistique en matière budgétaire.

- Mettre en place un nouvel indicateur de richesse dépassant le PIB, le BEV - (Bien Être du Vivant) reposant sur 12 critères : la part de l'agriculture bio, l'empreinte écologique et son impact sur l'animal, les résultats éducatifs, le délai des décisions de justice et le niveau de délinquance, celui des déficits et impôts, le taux d'emploi et d'activités, la part de l'économie sociale et solidaire, la qualité des logements pour tous, l'espérance de vie, la fréquence des maladies, la situation des enfants, des femmes, des personnes handicapées et des personnes âgées, la pluralité des croyances, des médecines, des médias et des partis politiques.

Le temps de mettre en place cette réglementation européenne, on peut réglementer nos banques, mais aussi travailler les autres solutions. Résoudre la crise financière requiert d'améliorer plusieurs facettes de la société. La seule réglementation est insuffisante, passons au réalisme. Le réalisme en matière de crise financière c'est regarder ce qui coûte et ce qui rapporte, puis en tirer les conséquences ! Pour cela, j'aborderai l'écologie fiscale, l'écologie sanitaire, l'écologie économique et sociale, l'écologie environnementale, l'écologie éducative et l'écologie relationnelle. Il est impossible d'évaluer précisément l'impact de telle ou telle mesure fiscale car les réactions du consommateur et du taxé sont imprévisibles. Le site «Pour une révolution fiscale» est très intéressant et il confirme que dans notre pays plus on est riche moins on paie en proportion ! Je rappelle que même la personne qui dépend du RSA paie beaucoup d'impôts et taxes à travers la TVA sur ses achats, en proportion de son revenu. Mettre de la morale dans l'impôt est indispensable. Les fraudes fiscales et sociales sont inquantifiables précisément, mais elles sont de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Les nuits d'hôtels à plus de 10 000 euros pour nos dirigeants politiques sont criminelles. Par ailleurs, accepter que la campagne de chaque présidentiable coûte 10 millions d'euros aux contribuables alors qu'un million suffirait largement, sous prétexte que 100 millions pour 10 candidats est une goutte d'eau par rapport au déficit, est une ignominie. De même, dire qu'il ne faut pas trop taxer les richissimes car cela les ferait fuir, dire que cela rapporte finalement peu, sont deux arguments insuffisants face à la nécessité d'un message fort de solidarité et de morale. Dans ce registre, des PV proportionnels à la cylindrée du véhicule seront bienvenus (c'était le cas en Italie avant Berlusconi).

Les mentalités étant ce qu'elles sont, l'urgence étant ce qu'elle est, la morale et le réalisme appellent une taxation à 90 % sur la part des revenus excédant 300 000 euros annuels. Ou alors une obligation d'investissement dans des micro-projets alternatifs et non polluants. Je comprends très bien des revenus individuels très différents, mais la décence demande certaines limites (en l'occurrence 300 000 euros). L'inégalité est acceptable lorsque le moins bien loti peut se loger dignement, avoir une nourriture saine, pouvoir se déplacer et avoir accès à la culture.

- Donner la capacité de sanction à la Cour des Comptes et aux Chambres des Comptes régionales avec un vrai contrôle de l'utilisation des fonds publics.

- Mettre en place un mécanisme permettant d'évaluer en permanence l'efficacité des dépenses publiques.

- Comparer la fiscalité et l'apport social par habitant des principaux pays, et les faire connaître aux électeurs.

- Il faut aussi agir pour que l'Union européenne instaure une taxe à ses frontières, proportionnelle aux transports des produits. Mieux que démondialiser, on peut mondialiser intelligemment.

- Selon l'économiste Robert Bell, taxer le combustible fossile qui produit l'émission de Co2, pourrait rapporter pour l'Europe des 27, plus de 100 milliards d'euros par an, sans même prendre en compte le nucléaire ! [...]



Lire en ligne « Les 4 solutions à la crise » :


Alliance écologiste indépendante :



dimanche, mars 11, 2012

Cankahneries politiciennes





Serge Dassault, héros de la résistance contemporaine qui a décidé de libérer la France de... l'impôt sur la fortune. Question intellect, Johnny Hallyday à côté est une réincarnation de Spinoza (mais, dans leur spécialité respective, la voix et l'avoir, ils sont imbattables). Héritier d'un grand constructeur d'avion qui, grâce aux aéroplanes qu'il n'a pas conçus, a pu acheter des grands journaux qu'il n'avait pas créés, contrairement aux Servan-Schreiber qui ont, eux, créé de grands journaux qu'ils ont dû vendre. Le premier est un capitaliste. Les seconds furent des entrepreneurs.


Alain Duhamel, version sociale-libérale et démocrate de il est partout. Est à la bien-pensance ce que la grenouille est à la météorologie. Peut collaborer à un journal de gauche et à un journal de droite, non pas parce qu'il change d'avis selon les titres (il a de solides convictions en même temps qu'une immense culture) mais parce que, en réalité, les journaux en question, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont le même avis : celui d'Alain Duhamel justement. Ce qui tombe bien. Se trompe presque toujours dans ses prévisions, mais toujours très intelligemment. A soutenu Giscard en 1981, Barre en 1988, Balladur en 1995 et Jospin en 2001, Sarkozy et Hollande frissonnent.

Les bobos : la droite NAP (Neuilly-Auteuil-Passy) avait ses « rentiers viagers », la gauche caviar a ses bobos. A chacun son peuple. Qu'est-ce qu'un bobo ? Un lili baba obsédé par sa bibitte qui lit « Libé ». Après les pavés, la plage. Passé du culte de Mao à celui du « Moâ ». Ce qui compte, pour le bobo, c'est bibi ! Naturellement hédoniste, il pratique la lutte des Glaces, au nom de la cause du « people ». Gâté du PIB, il fait fureur dans la pub. Ex-rouge, s'affiche vert, pense gris, n'y voit que du bleu, apprécie les Jaunes et paie Fatima au noir ! L'estomac à droite, le foie à gauche, le zizi à l'extrême gauche, le cœur au centre et la tête ailleurs. Actif avec Alain Madelin, festif avec Jack Lang. Libertaire le week-end (c'est-à-dire à partir du jeudi après-midi), libéral en semaine. Ici on Nike, là on nique. Roule en semaine en Scenic 4/4 et le week-end en velo-Sollers ! Identifiant le capitalisme à une partouze, le bobo voit poindre le spectre de « l'ordre moral » derrière toute critique du marché du sexe. Le porno est pour lui ce qu'au prolo fut le Pernod. S'attire tout ce qui « bourge ». Pousse la témérité jusqu'à dénoncer, en 2004, le régime du maréchal Pétain ; et le courage jusqu'à stigmatiser, sans faux-fuyants, le « populisme » de ces démagogues qui exigent la revalorisation du Smic. Soutient les sans-papiers qui acceptent, eux, de travailler pour moins cher que ceux qui en ont. Défend l'endroit de l'Homme, ignore l'envers. Aucun CAC 40 de conscience ! Dénonce les « dérives sécuritaires » à l'ombre de son double digiCode pénal. Pratique l'antiracisme d'entre Blancs, comme des Polonais l'antisémitisme sans Juifs. Tombé du haut de ses juvéniles utopies, le bobo a inventé, pour se rehausser, la semelle antifasciste de compensation. L'antilepénisme de posture lui sert volontiers de progressisme d'imposture.

Le bobo ne jure que par Godard, exalte les colonnes de Buren lit Voici caché dans Les Inrockuptibles et ne rate pas un épisode de « Loft Story ». Le bobo est cool, le bobo pense « bien » et en rond, le bobo en société est plaisant, quoique le bobo, comme le « Bororo », reste généralement entre soi. Utilise un discours précongelé disponible dans tous les rayons Picard du « politiquement correct ». Idéologiquement propre sur lui, le bobo se fait volontiers un uniforme de son impensé unique. Coupe au carré, un seul ton, tissu imperméable. Le bobo est « dans la ligne » du grand parti intello-médiatique-bobo. Et n'imagine d'ailleurs pas qu'on puisse s'en éloigner. Il traverse dans les clous sous l’œil attendri des poulagas de la bien-pensance. En fonction de quoi, très civilement, très poliment, très benoîtement totalitaire, il excommunie en douceur et ostracise mezzo voce.

Même quand il a bu, le bobo, à bout, boude l'abus, comme si la moindre tension réveillait en lui les anciens bobos du bébé bobo. Vocabulaire minimum, mais des batteries de références. Peu cultivé, mais forcément « d'avant-garde ». Ne citerait pas une seule pièce de Racine, ne connaît de Voltaire que le boulevard, croit qu'Anatole France est le fils de Mendès, mais n'ignore rien des expériences de Catherine Millet et des extases de Michel Houellebecq. Côté vacances : plus Marrakech que Palavas-les-Flots. En babouche, le bobo biche ! Son couvert d'argent est mis à la table de la droite économique, et son Lubéron de serviette à celle de la gauche culturelle !

Le bobo se place toujours du côté de la modernité. Son choix est net. Et même Internet ! C'est pourquoi il s'est précipité sur les actions Vivendi Universal et a même cru aux start-up qui proposaient des chaussures qu'on ne pouvait pas essayer !

Bobos de tous les pays, unissez-vous ?
C'est fait !
Et ça donne quoi ?
Le monde actuel...

Jean-François kahn
Dictionnaire incorrect

samedi, mars 10, 2012

Yoga & quête de soi





Le yoga a grande vogue de nos jours, même en Occident, où on en disserte peut-être plus que dans l'Inde elle-même. Il arrive malheureusement que cette vulgarisation fasse parfois perdre de vue le sens véritable du yoga. Le yoga est en effet avant tout une technique pour ramener et fixer l'esprit dans son centre. Le but du yoga est essentiellement de conduire le spirituel à la nue conscience de son existence, par-delà toutes les manifestations d'ordre phénoménal perceptibles à ses sens et à sa pensée. En ce centre ou cette cime de soi seulement, l'homme s'atteint et se réalise en la vérité de son être, plus exactement peut-être, de son acte d'exister. Il accède à ce que l'Inde appelle l'état de kevala, c'est-à-dire d'isolation où il se situe soi-même par rapport à tout ce qui n'est pas lui de façon essentielle et permanente, de tout ce qui en lui est simplement relatif et mouvant, les vritti ou tourbillons de sa pensée aussi bien que les transformations incessantes de son organisme. Il se découvre comme absolu et, par le fait même, réalise la parfaite liberté et la totale indépendance de sa personne. De ce point central de son être où il est lui, où il est soi-même, simplement, sans adjonction ou mélange d'aucune sorte, il est à même de dominer et de contrôler, sans que rien échappe, toutes les manifestations psychologiques, voire physiologiques, de sa vie.

Le moyen par excellence de parvenir à cet état est le contrôle progressif et de plus en plus serré de l'activité mentale, et, à la limite, son arrêt total. Dans cet arrêt précisément, la conscience qu'on a de soi brille enfin d'un éclat non mélangé et remplit à elle seule le champ total de la perception mentale. En vue de rendre possible ou du moins plus aisée cette maîtrise du flux mental, des exercices divers furent imaginés puis éprouvés par une longue expérience. Le plus important en est la méditation qui concentre l'esprit sur un point précis, physique, imaginatif ou mental. Il ne s'agit point ici de méditer au sens occidental du mot, d'imaginer par exemple une scène et d'en contempler successivement les différentes parts, ou bien de réfléchir sur une idée et d'en examiner les divers aspects. Au contraire la méditation yoguique vise à réduire à un point indivisible le champ de la conscience, à réaliser l'unité d'attention, à maîtriser la dispersion et à contraindre l'esprit au silence. Les exercices de postures (âsana) ou de respiration (prânâyâma) ont valeur purement préparatoire et sont tout ordonnés à cette fixation du psychisme. Leur but immédiat est de permettre au yogi de contrôler, de rythmer, voire d'immobiliser ou presque ses muscles, surtout ceux qui commandent les mouvements respiratoires. C'est qu'en effet il y a interconnexion entre le psychisme de l'homme et son organisme physiologique, et correspondance plus profonde encore, dit la tradition, entre le souffle vital (prâna) et le principe intérieur de la vie.

Le yoga étant une technique, il ne pouvait manquer de lui arriver ce qui arrive à toute technique, qu'elle soit d'ordre physique, psychique, social ou religieux. La technique en soi retient de plus en plus l'attention, et les moyens risquent d'être valorisés pour eux-mêmes aux dépens de la fin primitivement poursuivie. Les dangers alors du yoga ne sauraient être minimisés.

L'un des plus graves est de faire surgir au fond de la conscience du yogi une espèce de sur-moi, si puissant éventuellement qu'il est capable de contrôler et de dominer la conscience phénoménale, le flux mental et même les mouvements musculaires. Un tel sur-moi n'est en définitive qu'une exaltation du moi, de Pahamkâra, une prolifération cancéreuse de l'ego, un point de la conscience grandi démesurément par rapport au reste. Telle est la source de l'orgueil luciférien de certains yogis. Descendant au fond d'eux-mêmes, ils font effort pour passer soi-disant de soi au Soi. Mais ce vers quoi ils tendent et qu'ils appellent le Soi n'est finalement qu'une projection de leur pensée, le but qu'ils ont conceptualisé et qu'ils se forcent à atteindre. Ce n'est point alors à la perte de leur moi dans le Soi suprême qu'ils parviennent, comme ils se le figurent. Tout au contraire, conséquence même de l'attitude pélagienne qui a accompagné toute leur ascèse, c'est leur propre ego, avec toutes ses particularités et limitations, que, par leur concentration de pensée et leur force de volonté, ils ont enflé de façon monstrueuse et promu au rang de l'absolu.

En quête de soi.

La méthode spirituelle de Ramana Maharishi — si par analogie on peut employer ce terme – était tout autrement libre et dépouillée. Elle découlait tout entière de son expérience personnelle ; il cherchait simplement à aider ses disciples à réaliser par eux-mêmes ce que lui-même avait un jour ressenti.

A quiconque venait le trouver et lui demandait sincèrement que faire pour progresser dans la voie spirituelle, Sri Ramana conseillait régulièrement la pratique du ko'ham, c'est-à-dire de l'interrogation mentale : « Qui (suis-) je ? ». C'est ce qu'il appelait l'âtma-vicâranâ, « investigation de l'âtman », c'est-à-dire la quête, la recherche, la poursuite de soi au-dedans de soi, au-delà de toute manifestation périphérique du je. L'âtma-vicâranâ consiste en la pénétration incisive de l'esprit jusqu'au fond de la conscience, à rebours pour ainsi dire du mouvement centrifuge de la pensée, remontant de pensée en pensée, plus exactement d'une pensée donnée à la conscience qu'on a de penser cette pensée, puis à la conscience de cette conscience et ainsi de suite. Tout particulièrement cette enquête ou investigation doit porter sur la pensée du je et la conscience de soi, sous-jacentes à toute pensée et à tout mouvement du psychisme. Il s'agit d'atteindre là précisément où toute pensée et d'abord la première de toutes, le je, la pensée de soi, jaillit au fond et au centre de l'être. Dans son Upadesha saram, Sri Ramana appelle ce point le « lieu de la source » ; et c'est justement le paradoxe : le filet d'eau sort de la source, mais dès que l'eau coule, ce n'est déjà plus la source... le but indéfiniment se dérobe.

Certains interprétaient son enseignement comme une voie négative d'approche : je ne suis pas cette main, cette image, cette pensée, etc. Le Maharishi n'empêchait pas les débutants de commencer ainsi. Cependant il mettait soigneuse-ment en garde contre les inconvénients d'une telle méthode. En effet tout rappel à l'attention d'une pensée déterminée, serait-ce pour la nier, tout rappel à la mémoire d'un souvenir, serait-ce pour le repousser, risquent de leur conférer une vigueur nouvelle et de les fixer ainsi dans l'esprit, alors que précisément on voulait s'en débarrasser.

La voie conseillée par le Maharishi était, elle, essentiellement positive. C'était de chercher, en chaque instant, en chaque acte, qui en vérité est celui qui vit, qui pense, qui agit, d'être attentif à celui qui voit, dans l'acte de voir, à celui qui entend, dans l'acte d'entendre, etc... Il s'agissait de poursuivre sans relâche cette conscience de soi qui se dérobe derrière les phénomènes et événements de la vie psychique, de la découvrir, de la saisir en sa pureté originelle, nue encore en quelque sorte, avant que rien ne l'ait déjà recouverte, avant que rien ne se soit déjà mélangé avec elle. Ainsi saisie, il fallait la retenir de la plus fine pointe de l'esprit, pour l'empêcher de s'échapper à nouveau. C'était en fait s'efforcer d'atteindre à la personne, au soi, au-delà de toutes les manifestations de la nature. Sri Ramana tenait pour certain que cette investigation ne pouvait manquer de porter ses fruits, pourvu qu'elle se poursuivît sans relâche. Le soi phénoménal, le moi, poursuivi ainsi jusqu'en ses derniers retranchements disparaîtrait finalement comme par enchantement, à la façon d'un voleur pris sur le fait. Le JE essentiel seul brillerait alors dans la conscience stabilisée et la remplirait toute.

Le Maharishi ne refusait pas cependant les voies plus complexes du yoga pour qui s'y croyait appelé. Il ne s'imposait jamais à personne. Tant qu'un individu n'est pas encore prêt, pourquoi le forcer à prendre un chemin dont il n'est point capable ? Pourquoi chercher à devancer les temps ? La philosophie indienne du karma ou de l'évolution individuelle est ennemie des enseignements et des changements trop brutaux. Elle apprend à attendre l'heure avec patience et à ne pas se décourager devant la lenteur des résultats. Chacun n'est-il pas libre d'aller par la voie qui lui plaît, et le but ne sera-t-il pas atteint par chacun au moment fixé par la destinée? Cependant Sri Ramana allait, lui, directement à l'essentiel du yoga et y invitait nettement ceux qui lui faisaient confiance, laissant à leurs illusions ceux qui cherchaient simplement quelque approbation de sa part pour une décision qu'ils avaient déjà prise.

Il n'y avait qu'un seul exercice respiratoire qu'il recommandât vraiment, et cela encore pour ceux seulement qui avaient besoin d'accoiser leur corps et leur pensée. C'était de fixer l'attention sur le souffle successivement inhalé et exhalé. Par elle-même en effet cette concentration rythme et ralentit automatiquement le mouvement de la respiration. Par concomitance le flux mental bientôt prend lui-même un rythme plus régulier, se ralentit et permet la concentration intérieure.

Sri Ramana n'avait jamais pratiqué aucun yoga ni aucune ascèse. L'expérience transformante était comme tombée sur lui de façon foudroyante. [...]

Il n'y a pas à s'exercer en vue de la libération finale ou mukti, et pas davantage en vue de l'expérience du soi, qui lui est identique. En effet, qu'est-ce ce monde, qu'est-ce un autre monde ? qu'est-ce, réaliser ce que l'on est ? qu'est-ce, ne pas l'avoir encore réalisé ? S'efforcer consciemment et volontairement en vue de parvenir à cette « réalisation de soi » en est paradoxalement l'obstacle majeur. C'est en effet poser comme prémices que l'état naturel par excellence de l'homme sa condition innée, sahaja, comme aimait l'appeler le Maharishi — est quelque chose que l'homme ne possède pas encore — comme si l'homme pouvait ne pas être soi ! L'homme est-il moins homme dans l'inconscience du sommeil profond ?

La « quête du soi » que préconisait le Maharishi ne comporte aucun des dangers inhérents au yoga que nous signalions plus haut, du moins si le disciple lui demeure fidèle et ne s'en fabrique pas quelque succédané destiné à sauvegarder quand même quelque chose de son moi, au moins sous un nom d'emprunt. Cette méthode en effet ne laisse aucune place aux transferts du subliminal, aucune place pour l'inflation de l'ego. Elle est tout au long relaxation, dégagement, fuite vers l'intérieur et le réel. Elle ne permet aucun regard sur soi ; elle est à la fois libération et exigence suprême. Ascèse plus intransigeante que toutes, elle exclut même tout effort volontaire vers un but que l'homme se serait assigné. Elle n'admet aucun retour sur la pensée de soi, elle supprime, en s'attaquant à la racine même, toute complaisance de l'intelligence sur soi et en réalise ainsi la purification la plus radicale. Au plus intime de toute pensée, elle insère, à la façon d'un fer brûlant, le neti-neti des Upanishads, le « ce n'est pas encore cela ».


Dom Le Saux

Illustration :

jeudi, mars 08, 2012

La religion





Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) estime stupéfiante la déclaration de François Fillon. Le Premier ministre avait proposé de revenir sur les traditions d'abattage rituel des animaux. 
Ce qui est stupéfiant, c'est que les religieux peuvent institutionnaliser impunément la cruauté envers les animaux dans un État laïque qui proscrit la souffrance animale.

L'égorgement rituel remonte à Abraham qui accepta de sacrifier son propre fils sur l'ordre de Dieu. Le revirement de « Dieu », qui envoya au dernier moment un mouton pour remplacer l'enfant, symbolise probablement une révolte contre la cruauté des prêtres qui furent contraints d'épargner les vies humaines et d'assouvir leur instinct sanguinaire sur les animaux. De nos jours, « le respect des religions » interdit de dénoncer la vieille barbarie religieuse qui est responsable de trop de souffrances.

Respecter les religions

Un sondage indique que 45% des Français pensent qu'il ne faut pas critiquer les religions. Pourquoi est-on passé du respect des personnes à celui de leurs croyances et de leurs manières de vivre ? Parce qu'à la différence de l'idéal des droits de l'homme qui fondait la valeur du respect sur l'égalité générale des individus, nous avons de plus en plus de mal à séparer une personne de ce par quoi elle se manifeste. Cette abstraction est pourtant indispensable pour assurer un véritable universalisme des valeurs (lequel ne fait pas acception des personnes) mais elle a été dénoncée comme une abstraction, justement, c'est-à-dire un oubli de l'humanité concrète.

Si, comme le soutiennent ceux qui voudraient le voir garanti par les codes, le respect des religions est un devoir impératif, alors l'athéisme et l'agnosticisme sont des transgressions flagrantes qu'il conviendrait de sanctionner. Mais la notion de respect des religions tombe dans cette évidente contradiction : toutes les religions actuelles sont elles-mêmes issues de religions antérieures qu'elles ont pour la plupart repoussées avec la plus grande sévérité : le bouddhisme (exception non-violente) fut au départ une branche dissidente du brahmanisme, le christianisme fut d'abord une secte juive, quant à l'islam, il constitua la plus formidable OPA symbolique de l'Histoire puisqu'il intégra une bonne partie du judaïsme (le Coran est décalqué de la Bible, Jérusalem, qui n'avait aucune espèce de relation avec le monde arabe, a été élevée au rang de troisième ville sainte de l'islam après La Mecque et Médine, etc.) et en même temps refoula le judaïsme par les moyens les plus radicaux (voir l'extermination par Mahomet de la tribu juive des Qurayza). S'il y eut des forces qui ont avec acharnement manqué de respect à l'égard des religions, ce sont les religions elles-mêmes : le Dhammapada manque de respect à l'endroit des Vedas, les Évangiles ne respectent pas la Thora, le Coran manque de respect envers la religion juive.

En fait, derrière ce beau mot de « respect » s'abritent tous les fanatismes et toutes les sottises qui croient avoir trouvé ainsi un paravent. Ainsi pensent-ils interdire tout examen, toute critique et même toute étude (demandez à un imam basique ce qu'il pense de l'étude philologique et historique du Coran et des hadith !).

Comme toutes les inventions humaines, mais plutôt plus que les arts et les sciences (qui ont déployé un génie autrement plus libre), les religions ne sont en soi dignes d'aucun respect. Dans ce chantage au religieux auquel nous sommes aujourd'hui presque tous pris, rappelons-nous l'esprit de Voltaire, la formidable leçon d'irrespect vis-à-vis des enfantillages qui devraient tous nous secouer d'un rire homérique (ah ! ces histoires de vierges au paradis qui attendent le martyr !) et surtout vis-à-vis de certaines pratiques qui devraient susciter notre inlassable indignation (lapidation des femmes — pas des hommes, nuance ! — adultères !).

Pour voir un peu plus clair dans le brouillard qui se lève, il conviendrait de commencer par faire la distinction entre le non-respect et l'irrespect, la simple absence de respect et l'attitude qui s'oppose explicitement à celle du respect. Si la religion fut source de sublime, en art particulièrement, elle fut aussi d'une insondable bêtise. Et ce n'est pas manquer de respect vis-à-vis d'une personne que de dénoncer l'ineptie de ses croyances. Bien à l'inverse : c'est faire preuve d'un respect autrement profond et sûr de lui que de pouvoir lui dire : un être libre comme toi, tu ne peux raisonnablement pas croire à de telles sornettes ! Et si tu cherches des compensations aux échecs que tu as subis dans ton existence, sache qu'il y a dans le trésor des civilisations des choses autrement belles et intelligentes auxquelles tu pourrais te raccrocher ! Seulement, voilà, nous n'avons plus de théorie de l'aliénation, et donc plus de théorie de l'aliénation religieuse. Ce n'est pas seulement Voltaire qui nous manque, Marx aussi nous manque.

L'avenir du religieux

Nietzsche s'exclamait : « Deux mille ans, et pas un seul nouveau dieu ! ». L'invention humaine en matière de religion semble en effet s'être tarie depuis Mahomet. Et si la phrase de Malraux s'avère juste «Le XXIe siècle sera religieux — variante : spirituel — ou ne sera pas ! », ce ne pourra être que sur le mode de l'inertie ou du pastiche.

En fait, la religion n'a aucun avenir : tous les développements des sciences, des techniques, et de l'économie vont en effet dans un sens qui ne peut être que directement contraire aux valeurs que le religieux estime fondamentales : le sacré, la transcendance, le mystère, l'âme, le salut...

Certes, bien des groupes seront tentés de brandir la religion (celle, imaginaire, de leurs pères) comme un étendard dans leurs luttes mais il ne s'agira que de signes vidés de leurs contenus, des fétiches creux comme ces slogans répétés par des générations de communistes alors même que le communisme n'était jamais entré dans les faits.

Le retour du religieux

Corollaire du lieu commun de l'avenir de la religion, celui du retour qui impliquerait pour le moins qu'il y a eu un moment d'éloignement ou de disparition. Il est vrai que la plupart des grands penseurs du XIXe siècle, d'Auguste Comte à Nietzsche en passant par Marx, eussent été fort étonnés devant le spectacle de ces millions de fidèles continuant à suivre, du moins en apparence, les préceptes des anciens dieux.

Seulement, en ce domaine comme dans les autres, il convient de se méfier des apparences. Ce n'est pas parce que l'on se dit chrétien qu'on l'est ; ce serait même plutôt mauvais signe pour le christianisme — au Moyen Âge où tout le monde était chrétien en Europe, personne évidemment ne se disait tel, tant la chose allait de soi. Ce n'est pas parce qu'un abruti se fait sauter le ventre bardé d'explosifs dans une rue après avoir fait sa prière et rasé ses couilles de près que son acte est à mettre au compte de la religion musulmane. Les despotismes d'Europe de l'Est, sous la coupe de Moscou, s'appelaient démocraties populaires d'abord parce qu'ils n'étaient pas démocratiques et ensuite parce qu'ils n'étaient pas populaires. Ne nous en laissons pas trop conter par ces protestations/professions de foi d'autant plus douteuses qu'ardentes, et d'autant plus ardentes que douteuses. Ce que l'on appelle le « retour du religieux » est une formation réactionnelle contre la fin du religieux qu'elle manifeste par là même. L'activisme des responsables musulmans vient d'abord du fait que des millions de musulmans d'Occident se laissent gagner à d'autres séductions que l'islam. La foi est soluble dans la consommation et l'érotisme, la liberté personnelle et l'égalité entre les hommes et les femmes — et c'est cela qui rend certains aussi enragés (inconsciemment ils savent que leur partie est déjà perdue : le voile ne sera pas l'avenir de la femme).

Il y a aujourd'hui en France trois fois plus d'athées que de musulmans mais tout se passe comme s'ils n'existaient pas : l'important, c'est de participer ! Tous les indicateurs du religieux — que ce soit la croyance en l'existence de Dieu, l'importance de la foi dans la vie quotidienne, la pratique de la prière, sont à la baisse. Ce n'est pas le déclin de la joie de vivre qui explique la disparition des fêtes comme on le croit volontiers, mais bien celui de la religion. Dieu est mort : le corps a remplacé l'âme et la santé, le salut. Plus aucune transcendance ne nous surplombe. Le peuple américain a beau se dire dans sa grande majorité croyant, la dimension religieuse ne joue plus dans son existence de rôle fondamental (aucun banquier américain chrétien n'a poussé sa foi jusqu'à accepter le remboursement d'un emprunt dans l'au-delà !). Religio, le mot latin qui a donné notre « religion » était l'attention scrupuleuse avec laquelle on fait quelque chose. Notre âge est sans religion en ce sens d'abord qu'il est sans attention scrupuleuse. Réduits à l'état de signes ou de fétiches, les dieux et les objets s'achètent et s'échangent dans ce marché global qui a imposé à l'ensemble de l'humanité son culte : la consommation. Un fond de sauce chrétien, une pincée de bouddhisme et un peu de cabale pour pimenter le tout. C'est amusant, folklorique, mais cela ne saurait constituer un retour du religieux. Ailleurs, si la religion était à ce point dominante, comme le dit, les hommes croiraient-ils autant au bonheur un peu partout dans le monde ?

Christian Godin, Petit lexique de la bêtise actuelle.



mercredi, mars 07, 2012

Résister





Un mot ambigu

Autant le dire d'entrée de jeu (encore qu'on s'en serait douté !), l'on ne résiste pas de la même manière aux intempéries, au fascisme ou à la gourmandise. Le mot a beau être le même, il engage des comportements différents. Certes, il s'agit toujours de se protéger, de dresser des barrières là où se profile une menace, mais la nature de celle-ci change évidemment le sens du combat. Dieu merci, à moins d'être névrosé, l'on se défend avec moins d'acharnement contre un chou à la crème que contre un ouragan. Dans le premier cas, l'on peut même éprouver un certain plaisir à céder, comme dans ces relations amoureuses où l'on résiste... jusqu'à un certain point ; tandis que dans l'autre, c'est notre vie, tout simplement, qui est en lice. Pas question donc d'accommodement avec l'ennemi, on luttera jusqu'à la limite de nos forces.

Car limite il y a. L'être humain ne résisterait pas s'il ne se savait limité et s'il n'avait conscience que ses frontières précisément sont vitales. Il est vrai qu'il s'en faut parfois de trois fois rien, quelques degrés de plus dans le désert, quelques heures encore sans boire, et l'horloge s'arrête. Tel est bien le fond du problème : parce que la machine biologique est fragile et porte sa propre fin inscrite en elle, résister est une nécessité. Plus même : un réflexe. Ce n'est que dans un deuxième temps que le réflexe se fera réflexion et tissera autour de l'ego tout un réseau de protections plus ou moins efficaces. Qu'est-ce que se loger, se vêtir, se nourrir, se soigner sinon se défendre au jour le jour ? rajouter aux mécanismes naturels de préservation de l'organisme ses propres dispositifs ? Prudence oblige. Mais surtout, jeté dans la jungle sociale, confronté à la concurrence sauvage des autres égoïsmes, chacun, dans ces conditions, va vite apprendre à se méfier des autres, à s'opposer à l'impérialisme de leurs désirs. D'abord moi ! Si, en temps ordinaire, les lois et les conventions morales masquent cette réalité, il n'en va plus de même dans un univers dominé par la rareté, où les plus faibles sont impitoyablement « sélectionnés » et condamnés à disparaître au profit des plus forts. Dès lors, tout devient possible, on se battra pour une cuillère de soupe. Primo Levi souligne bien à quel point Auschwitz a pu à cet égard constituer une « gigantesque expérience biologique et sociale » :

« Enfermez des milliers d'individus entre des barbelés, sans distinction d'âge, de condition sociale, d'origine, de langue, de culture et de mœurs, et soumettez-les à un mode de vie uniforme, contrôlable, identique pour tous et inférieur à tous les besoins ; vous aurez là ce qu'il peut y avoir de plus rigoureux comme champ d'expérimentation, pour déterminer ce qu'il y a d'inné et ce qu'il y a d'acquis dans le comportement de l'homme confronté à la lutte pour la vie... »

Résister, dans ce premier sens, c'est donc constituer un cordon sanitaire autour de la flamme fragile, éphémère, de l'existence tenir ferme, rester debout, selon l'étymologie même du mot (resistere, de stare : être debout). Préoccupation ni morale ni immorale, mais vitale, et que l'homme partage avec tout être vivant qui doit se défendre pour persévérer dans son être.

À cette différence près - majeure - que, dans le cas de l'homme, la conscience intervient et modifie l'enjeu. Ainsi, grossissant à plaisir les dangers, elle peut déformer la réalité et susciter en retour ces éternels inquiets qui ne voient que périls à leur porte. Qui n'a connu de ces personnes qui résistent farouchement à tout, qui disent toujours non (qui « râlent » toujours), quoi qu'il arrive, et se barricadent dans la forteresse inviolable de leur moi ? Une attitude qui prêterait volontiers à rire si elle ne portait en germe la peur de l'Autre et les pires aberrations qui en dérivent. Après tout, l'extrême droite, quand elle parle d'endiguer le flux de l'immigration, prétend également « résister »...

Heureusement la conscience peut aussi éclairer le chemin de celui qui résiste et lui permettre de dépasser la crainte. En ce sens, le sportif est déjà un « philosophe de la résistance », lui qui s'efforce en permanence de se connaître, de tester ses limites. Il veut voir jusqu'où il peut aller. Certes, il sait pertinemment qu'il ne pourra tenir que jusqu'à un certain seuil au-delà duquel son corps ne suivra plus, mais il met son orgueil et sa jouissance à reculer toujours plus loin ce seuil. À l'inverse du peureux qui résiste en écartant le danger, il n'hésitera pas à se porter au-devant des périls, voire, en certains cas, à tenter l'impossible, à provoquer l'Everest, à traverser le Pacifique à la rame... Oui, il défiera la mort. Au prix d'un paradoxe, puisque, en résistant pour résister, en essayant de réduire cet acte à son essence pure (au fait de tenir bon, de demeurer en vie), il sera conduit à risquer cette vie même...

Mais c'est que le problème s'est déplacé. Avec l'expérience, en effet, l'homme s'est avisé qu'il était aussi important de résister pour ce qui donnait du sens à sa vie que pour cette vie elle-même ; en d'autres termes, qu'une existence assujettie à la crainte perpétuelle de la mort ne méritait pas ce nom. Si bien que, rompant avec le règne animal, il est entré en quelque sorte en résistance contre lui-même : il ne s'est pas seulement battu contre la montagne ou la mer, mais contre son propre et égoïste désir de préserver d'abord et avant tout sa vie. Il a vaincu sa peur.

Résister, ce n'est donc pas seulement s'arc-bouter sur soi-même, sauver tant bien que mal ce qui peut l'être dans une volonté frileuse de ne rien changer, de tout garder avarement en l'état, mais c'est aussi, dans cette seconde acception du terme, être fort, endiguer le flux incontrôlé, irraisonné de ses pulsions. C'est en ce sens d'ailleurs qu'on parle de résister à la tentation, que ce soit à l'envie de fuir, de céder soudain à la panique, ou au contraire à celle, inverse, de ne pas fuir, de se laisser séduire, détourner, enjôler... Dans les deux cas, il s'agit bien de dominer ses émotions : de rester maître de la partie. Demeurer calme, serein, égal, constant. Toute la sagesse antique vise à cette recherche d'équilibre. Pour Épictète et les stoïciens notamment, l'homme libre est celui qui se refuse à suivre ses passions, qui se garde de toute illusion comme de tout désespoir et préfère prendre le monde tel qu'il est. Tant pis ! il se fera une raison, comme dit Jankélévitch, « volens milens, (il) ira où il lui est prescrit d'aller ». Sans doute dans l'état de la société de son temps peut-il difficilement espérer échapper à son sort. Toujours est-il qu'au lieu de se battre inutilement pour changer le cours des choses, il exercera son courage d'abord contre lui-même, il apprendra à « endurer », donnant ainsi au mot résister un sens passif diamétralement opposé au nôtre : celui d'une résignation supérieure, d'une acceptation souriante du destin.

« À chaque accident qui te survient, souviens-toi, en te repliant sur toi-même, de te demander quelle force tu possèdes pour en tirer usage. Si tu vois un bel homme ou une belle femme, tu trouveras une force contre leur séduction, la tempérance. S'il se présente une fatigue, tu trouveras l'endurance ; contre une injure, tu trouveras la patience. Et, si tu prends cette habitude, les idées ne t'emporteront pas. »
Épictète, Manuel, X

Pourtant ce « souci de soi », cette capacité à se contrôler et se dominer pleinement ne s'expliqueraient pas sans une échelle de valeurs à laquelle l'homme mesure son action. Pas de résistance (contre soi-même) sans idéal. C'est vrai à tous les sens du mot résistance : passif ou actif, ancien ou moderne. Ainsi, s'il ne voulait d'abord et avant tout être libre, détaché de toute contingence, par quel étrange masochisme, par quelle aberration, Épictète s'évertuerait-il à tenir à distance ses plaisirs ? Et, de même, s'ils n'étaient habités d'une certaine idée de la justice (ou d'une certaine vision de Dieu), comment Gandhi, comment Soljenitsyne ou Sakharov trouveraient-ils la force d'âme nécessaire pour soutenir leurs grèves de la faim, pour supporter « stoïquement » prison, exil, persécutions ?... En fait, il n'y a pas de mystère : nul ne s'expose volontairement à la souffrance sans quelque bonne et supérieure raison. Même celui qui se pique d'accomplir gratuitement, sportivement un exploit (pour la beauté du geste) le fait, on l'a vu, au nom de sa liberté, de sa dignité, et pour se prouver qu'il en est bien capable. En cela l'homme qu'on torture lui ressemble : lui aussi doit se dépasser, oublier sa douleur, lui aussi doit commencer par se vaincre lui-même, non pour le simple plaisir d'être maître de son destin mais parce que justement il se fait une trop haute conception de la liberté pour acheter la sienne au prix de celle des autres. Il tiendra donc... jusqu'à la mort ou - pire ! - jusqu'à ce que les mots coulent tout seuls de sa bouche. Car s'il est si difficile de résister, c'est qu'il est si facile, hélas, de céder... Le courage peut à tout instant s'effondrer : un moment de faiblesse, et tout est consommé. Accueillant solennellement Jean Moulin au Panthéon, Malraux a une pensée émue pour ceux qui, à la dernière minute, ont craqué, qui ont eu à la fois et la mort et la honte.

« ... entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé... . »

Résister, en un troisième sens, revient donc à défendre non plus simplement sa vie mais les valeurs sans lesquelles celle-ci ne mérite plus d'être vécue. Et puisque aussi bien ces valeurs sont communes à l'ensemble d'une société ou d'un groupe, l'homme qui résiste n'est plus seul mais solidaire d'une collectivité. Son acte est éminemment culturel et le relie à tous ceux qui partagent les mêmes conceptions que lui. C'est bien pourquoi, dans la chronique des peuples, les grands moments de résistance ont souvent été exaltés et ont tenu lieu de mythes fondateurs. Qui n'a à la mémoire ces figures hautes en couleur qui traversent, drapeau au vent, les pages de nos livres d'Histoire, depuis sainte Geneviève ou Jeanne d'Arc jusqu'à Bayard, Gambetta ou de Gaulle ?

En France d'ailleurs, l'on ne compte plus les films qui célèbrent la lutte contre l'occupant nazi, comme si, la guerre passée, le pays avait ressenti la nécessité de se forger une nouvelle identité autour de ces pages glorieuses écrites pourtant par quelques-uns seulement. À tel point même qu'aujourd'hui ce mot de résistance est inséparable de l'évocation de cette période et qu'il suscite immédiatement, pour qui le prononce, des images de sabotages, de complots, d'attentats, d'exécutions sommaires, bref, des images de violence qui laisseraient à penser que résister ne se conjugue jamais que les armes à la main. Or s'il s'est bien conjugué effectivement ainsi, il y a eu aussi alors bien d'autres façons de dire non, de refuser de coopérer avec l'ennemi, depuis le silence réprobateur jusqu'aux grèves ou aux manifestations sournoises ou ouvertes de désobéissance. Ici, comme dans toute guerre de libération, la lutte armée n'a pu se développer réellement avec de vraies chances de succès qu'au jour où un climat propice s'est créé autour d' elle.

Car résister, c'est aussi, c'est d'abord peut-être un état d'esprit. Une certaine manière de ne pas se soumettre : de ne pas entrer dans le jeu de l'ennemi. Oui, refuser d'être assujetti à un ordre dont on ne veut à aucun prix, voilà la pierre de touche de la résistance, celle dont sortiront un jour révolte, insurrection, émeute. À la vérité, l'esprit qui dit non est comme ces diables à ressort qu'on enfonce au fond des boîtes : à un moment donné, toujours, ils ressortent, ils reviennent vous tirer la langue. Parce qu'on ne met pas un feu follet en prison. On n'arrête pas Gavroche :

« On le visait sans cesse, on le manquait toujours. Les gardes nationaux et les soldats riaient en l'ajustant. Il se couchait, puis se redressait, s'effaçait dans un coin de porte, puis bondissait, disparaissait, se sauvait, revenait, ripostait à la mitraille par des pieds de nez. (...) La barricade tremblait ; lui, il chantait. Ce n'était pas un enfant, ce n'était pas un homme ; c'était un étrange gamin fée. On eût dit le nain invulnérable de la mêlée. (...) Il jouait on ne sait quel effrayant jeu de cache-cache avec la mort... »

Une dernière balle pourtant le jette sur le pavé. Qu'importe ! il rebondit quand même, il quitte la vie sur une chanson :

« Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à... . »
Victor Hugo, Les Misérables.

En ce dernier sens, résister, c'est donc faire preuve d'esprit d'insoumission, savoir préserver vivaces, intactes au fond de soi ses forces de rébellion. Une exigence qui ne s'impose pas seulement en temps de guerre mais aussi, et peut-être d'abord, en temps de paix, lorsque « l'ennemi » se cache sous des dehors aimables, ressemble à Monsieur-Tout-Le-Monde... Alors, et alors surtout, il convient de ne pas être dupe, de garder ce regard dur, critique, décapant qui est gage de vérité. Être lucide. C'est la tâche de chacun bien évidemment, mais c'est aussi, en particulier, celle du philosophe qui se doit d'être vigilant, de dénoncer les mauvaises herbes qui produisent les monstres en pointant les failles, les vides, les étranges oublis qui courent sous les belles théories et les discours trop lisses... Démonter les machines, déconstruire, détricoter les sens qui nous traversent : il y a chez des penseurs comme Foucault, Deleuze, Derrida davantage que le simple désir de savoir, la volonté passionnée de désenchanter le monde, de mettre à nu ses rouages, ses structures, ses modes de fonctionnement, en mobilisant, au besoin, toutes les ressources du style. Car il faut que ce savoir devienne contagieux. Il faut que les écailles tombent des yeux...

Pourtant les idéologies ne sont pas seules en cause. Il y a aussi tout ce bruit, tout ce tapage, médiatique et autre, dans lequel l'homme contemporain est plongé et contre lequel, confusément, il ressent la nécessité de résister pour sauver son intériorité. Mais résister comment ? contre quoi ? contre qui ? Cet ennemi-là est partout et nulle part, il a aussi bien mille visages ou aucun. Emporté à toute vitesse dans un univers factice de sons, d'images, de paroles, saturé d'informations, épuisé de commentaires, notre homme a l'impression de n'être plus que le spectateur impuissant de sa propre impuissance. Comme si les événements glissaient, « surfaient » sur lui sans laisser aucune trace...

Or c'est de traces précisément dont il a le plus besoin : de traces, d'empreintes, de marques. Face à ce monde trop lisse qui se dérobe à sa prise, il éprouve le désir de renouer le contact, de regarder les choses de nouveau, comme enfant, de ce regard vierge, naïf, émerveillé qui ne connaît pas déjà son objet, mais le découvre, l'invente... Oui, il rêve de retrouver le chemin de sa sensibilité. Alors, poussé par ce désir, il entre dans un musée, il pousse la porte d'une salle de concert, il ouvre un livre. Car il y a ainsi, fragiles, humbles, anodins presque, plantés au milieu de notre quotidien, des Venise hors du temps : des îlots de silence où le tumulte du monde cesse un instant pour laisser pénétrer le plein jour de la vie. L'on y vient visiter ceux qui, depuis longtemps, ont choisi de « résister »...

Gérald Cahen, Résister.

Résister
Le prix du refus

mardi, mars 06, 2012

Le pouvoir des rites





Quelques jours avant de décéder d'un myélome, Jean-marc  m'a demandé de venir à l'hôpital afin de procéder à un rituel tibétain et de m'associer à un chaman pour repousser la mort annoncée trop brutalement par un médecin. Ne pouvant se résigner à mourir après plus de six année de lutte contre la terrible maladie, mon ami avait rejeté son athéisme viscéral pour s'accrocher aux croyances les plus archaïques de l'humanité. Avait-il tort ?

« Milan Ryzl, auteur de livres de parapsychologie, relate une série d'expériences télépathiques où l'émetteur essaya de transmettre des accès d'émotion. Quand l'émetteur se concentrait sur l'angoisse de la suffocation, évoquant d'affreuses crises d'asthme, le receveur, à plusieurs kilomètres, souffrait d'un intense accès d'étouffement. Quand l'émetteur se concentrait sur des émotions lugubres et prenait un sédatif, le receveur manifestait la réaction d'EEG appropriée et se mettait à ressentir de violents maux de tête ainsi qu'un état de nausée qui durait des heures. Voilà qui jette une lumière entièrement neuve sur la vieille notion de magie noire. Il ne fait aucun doute qu'une personne qui croit avoir été ensorcelée peut se rendre malade et même mourir par le pouvoir de sa pensée ; pourtant, ces nouveaux travaux donnent à croire qu'il n'est pas nécessaire d'avoir soi-même les pensées destructrices. Quelqu'un d'autre peut les imaginer et les diriger vers nous.

William Seabrook vécut des années parmi le peuple malinké de l'ancienne Afrique occidentale française et nous parle d'un chasseur belge qui maltraitait et tuait ses porteurs locaux jusqu'au jour où, se faisant eux-mêmes justice, ils lui firent jeter un sort par un sorcier. Dans une clairière de la jungle, les Noirs disposèrent un cadavre d'homme réquisitionné dans un village proche, lui passèrent une des chemises du Belge, mêlèrent à ses cheveux quelques cheveux de celui-ci, fixèrent à ses doigts des rognures d'ongles en provenant et rebaptisèrent le corps du nom du chasseur. Autour de cet objet d'envoûtement, ils psalmodièrent et jouèrent du tam-tam, concentrant leur haine malveillante sur l'homme blanc qui se trouvait à des kilomètres. Un certain nombre de ses employés, jouant l'amitié, eurent soin de mettre le Belge au courant de tous ces agissements et ce jusqu'à sa mort. Il ne tarda pas à tomber malade et mourut en effet, apparemment d'autosuggestion. Pour des phénomènes de cet ordre, l'explication admise est qu'une croyance inconsciente en les pouvoirs du sort, même s'il n'a pas été jeté en réalité, peut tuer. Mais la découverte de ce qui semble être une maladie transmise par télépathie donne à soupçonner que la cérémonie elle-même pourrait bien avoir de l'importance. La frénésie de haine autour du cadavre, dans la jungle, avait certainement eu un effet hypnotique sur les participants, ce qui produisait exactement les conditions que l'on sait aujourd'hui nécessaires à la création d'un état télépathique, la « poupée de cire », dans ce cas, ne servant peut-être que de point de rassemblement à des émotions qui exerçaient par elles-mêmes leur action nocive à distance.

On peut considérer dans cette optique, et par hypothèse, tous les accessoires de la magie comme des objets sur quoi, de même que sur l'autel à l'église, l'attention peut être concentrée et autour de quoi l'émotion peut être suscitée. Les sorts qui provoquent l'inhibition sexuelle, la possession, la paralysie et toutes formes de dépérissement reposent indubitablement pour une grande part sur la suggestion. Beaucoup fonctionnent parce que les sorciers croient posséder ces pouvoirs et parce que leurs victimes les croient capables de les utiliser ; cependant, la possibilité d'une action directe sur une personne ignorante ne saurait être négligée.

Il n'y a guère de doute que les procédés de magie rituelle de toute espèce peuvent provoquer des hallucinations. Richard Cavendish décrit le magicien en train de se préparer à l'action par « abstinence et manque de sommeil, ou par la boisson, les drogues et la sexualité. Il inhale des vapeurs capables d'affecter son cerveau et ses sens. Il exécute des rites mystérieux qui font appel aux niveaux les plus profonds, les plus affectifs et les plus irraisonnés de son esprit et il s'enivre davantage encore par le meurtre d'un animal, la blessure d'un être humain ou, dans certains cas, l'approche et l'accomplissement de l'orgasme ». Ce qui inclut à peu près toutes les émotions connues de l'homme. Guère étonnant qu'après tout cela lui et son entourage aient des visions et évoquent de terrifiants démons personnels.

Un complément fréquent à l'art du sorcier et du magicien, c'est un philtre apprêté avec soin en vue d'un effet particulier. Les sorciers étaient des empoisonneurs notoires — les noms bibliques aussi bien qu'italiens pour les désigner se réfèrent spécifiquement à ce talent —, et les poisons préparés se révélaient sans aucun doute efficaces, mais on admet en général que les rites complexes employés pour la réunion et le mélange des ingrédients ne constituaient que des embellissements superstitieux et inutiles. Cela pourrait bien être inexact. Il existe une tradition ancienne d'après quoi on peut préparer à partir du gui un remède contre le cancer, mais que son efficacité dépend entièrement du moment où la plante est cueillie. Un institut suisse de recherche sur le cancer en a récemment fait l'épreuve en effectuant soixante-dix mille expériences sur des parties de la plante cueillies à une heure d'intervalle, de jour et de nuit. On a mesuré le degré d'acidité, analysé les éléments constitutifs, essayé l'effet de toutes les préparations sur des souris blanches. On n'a pas encore découvert un traitement pour le cancer, mais ce que l'on a constaté, c'est que les propriétés de la plante étaient radicalement affectées non seulement par l'heure locale et les conditions météorologiques, mais par des facteurs extraterrestres comme la phase lunaire et la survenue d'une éclipse. Rien ne reste pareil d'un instant à l'autre. L'orientaliste De Lubicz a décrit une drogue qui opérait de façon presque miraculeuse si on la préparait conformément au rituel égyptien traditionnel, mais qui, préparée de n'importe quelle autre manière, était un poison. Le moment, l'endroit et la façon dont quelque chose est accompli importent en réalité beaucoup.

Il n'y a pas tant d'années que la médecine orthodoxe rejetait complètement les causes psychosomatiques. Les choses ont aujourd'hui changé ; cependant, j'ai l'impression que dans la nouveauté de notre enthousiasme pour les phénomènes psychosomatiques, nous risquons d'aller trop loin et de leur attribuer tout ce pour quoi nous ne pouvons découvrir une autre explication raisonnable. Notre avenir est dans l'esprit et dans la compréhension que nous en aurons ; néanmoins, les rituels et les cérémonies complexes qui autrefois entouraient les pratiques occultes associées aux pouvoirs de l'esprit pourraient nous surprendre et se révéler avoir des effets directs de leur cru. Matière, esprit et magie sont tout un dans le cosmos. »

Lyall Watson

Dans certains cas, les rites peuvent êtres efficaces. Toutefois, rappelle René Guénon, « on ne saurait trop se méfier, à cet égard plus encore peut-être qu’à tout autre point de vue, de tout appel au «subconscient», à l’«instinct», à l’«intuition» infra-rationnelle, voire même à une «force vitale» plus ou moins mal définie, en un mot à toutes ces choses vagues et obscures que tendent à exalter la philosophie et la psychologie nouvelles et qui conduisent plus ou moins directement à une prise de contact avec les états inférieurs. À plus forte raison doit-on se garder avec une extrême vigilance (car ce dont il s’agit ne sait que trop bien prendre les déguisements les plus insidieux) de tout ce qui induit l’être à «se fondre», nous dirions plus volontiers et plus exactement à «se confondre» ou même à «se dissoudre» dans une sorte de «conscience cosmique» exclusive de toute «transcendance», donc de toute spiritualité effective ; c’est là l’ultime conséquence de toutes les erreurs antimétaphysiques que désignent, sous leur aspect plus spécialement philosophique, des termes comme ceux de «panthéisme», d’«immanentisme» et de «naturalisme», toutes choses d’ailleurs étroitement connexes, conséquence devant laquelle certains reculeraient assurément s’ils pouvaient savoir vraiment de quoi ils parlent ».


Site de Jean-Marc  

Source de l'illustration :

dimanche, mars 04, 2012

Cankahneries dominicales





Spiritualisme

Le spiritualiste est rarement spirituel. Il peut en revanche développer une pratique solidement matérialiste. Cela ne doit en rien occulter la beauté et la luminosité irradiantes qui caractérisent la façon dont certains vivent cette idéologie fausse.

Luc Ferry

Philosophe élégant. A développé une critique forte et lucide de La Pensée 68, mais il n'a pas osé aller au-delà de cette démystification, et s'est peu à peu laissé engluer, puis engloutir, par l'establishment qui l'avait à la bonne. Sa fascination pour le beau monde l'a empêché d'élucider ce qu'était en train de devenir le monde.

Amoral

Priorité donnée à l'efficacité concrète sur la vertu abstraite. Caractéristique d'une politique rationnelle en système capitaliste pur. Ne pas confondre avec immoral.

Jean-François Kahn


Amoralité et prix du carburant en quelques dessins




Radio-Vipères



Source de la photo :
Regard de Shinzo http://regardeshinzo.blogspot.com/, blog consacré à la photographie d'art. 

samedi, mars 03, 2012

Michel Onfray, nouveau BHL ?





Jean-Pierre Garnier n'aime pas Michel Onfray qu'il qualifie de « philosophe pour tête de gondole de supermarché », d'« anarchiste renégat », de « nain de la pensée », de « mystificateur »...

Dans le numéro du Monde diplomatique de mars 2012, Jean-Pierre Garnier dit tout le mal qu'il pense de Michel Onfray et de son livre L'ordre libertaire. La vie philosophique d'Albert Camus. « Pour qui souhaite connaître la pensée d’Albert Camus, écrit Jean-pierre Garnier, il suffira de lire son œuvre. A défaut d’être toujours profonde, elle a le mérite de la clarté. A cet égard, l’ouvrage que Michel Onfray vient de lui consacrer n’est d’aucune utilité. En revanche, pour qui s’intéresserait à la vision du monde et surtout de lui-même de ce philosophe à succès, la lecture de cette somme est indispensable. »

La critique du freudisme par Michel Onfray, exposée dans ce blog, est-elle fondée ? (La secte de monsieur Freud)

Élisabeth Roudinesco, directrice de recherches à l'université de Paris-VII considère que le livre de Michel Onfray, Le Crépuscule d'une idole, L'affabulation freudienne, comporte de nombreuses erreurs. Elle écrit :

« Dans un brûlot truffé d'erreurs et traversé de rumeurs, Michel Onfray, qui ignore tout des travaux produits depuis quarante ans par les historiens de Freud et de la psychanalyse, se présente comme un psychobiographe de Freud, seul capable de décrypter certaines légendes dorées pourtant invalidées depuis des décennies. S'attachant à percer de prétendues vérités qui auraient été dissimulées par la société occidentale — elle-même dominée par la dictature freudienne et par ses « milices » —, il regarde les Juifs, inventeurs d'un monothéisme mortifère, comme les précurseurs des régimes totalitaires, peint Freud en tyran domestique soumettant toutes les femmes de sa maisonnée à ses caprices et en abuseur sexuel de sa belle-sœur : homophobe, phallocrate, faussaire, avide d'argent, n'hésitant pas à faire payer une séance d'analyse l'équivalent de 450 euros. Chiffre sans fondement sérieux avancé lors d'une émission de télévision et repris par de nombreux médias.

Il décrit le savant viennois comme un admirateur de Mussolini, complice du régime hitlérien (par sa théorisation de la pulsion de mort), et fait de la psychanalyse une science fondée sur l'équivalence du bourreau et de la victime. Tout en se déclarant freudo-marxiste — alors qu'il se veut antifreudien et adepte de Proudhon, et donc ni marxiste ni freudien —, il réhabilite le discours de l'extrême droite française avec lequel (sans le savoir) il entretient une certaine communauté de pensée. De telles positions ne relèvent plus du nécessaire débat intellectuel sur la question de Freud et du statut de la psychanalyse. Car à force d'inventer des faits qui n'existent pas et de fabriquer des révélations qui n'en sont pas, l'auteur de cette charge favorise la prolifération des rumeurs les plus extravagantes: c'est ainsi que des médias ont annoncé, avant même la parution de l'ouvrage, que Freud avait séjourné à Berlin durant l'entre-deux-guerres, qu'il avait été le médecin de Hitler et de Göring, l'ami personnel de Mussolini et un formidable abuseur de femmes. La rumeur aidant, on apprendra bientôt qu'il battait sa gouvernante, sodomisait ses animaux domestiques ou faisait rôtir les petits enfants.

Quand on sait que huit millions de personnes en France sont traités par des thérapies qui dérivent de la psychanalyse, on voit bien qu'une telle démarche s'apparente à une volonté de nuire. Elle ne pourra, à terme, que soulever l'indignation de tous ceux qui — psychiatres, psychanalystes, psychologues, psychothérapeutes — apportent une aide indispensable à ceux qui sont autant frappés par la misère économique — les enfants en détresse, les fous, les immigrés, les pauvres — que par cette souffrance psychique que mettent au jour tous les collectifs de spécialistes. »

Il est certain que Michel Onfray irrite beaucoup de personnes. Cette irritation est nettement perceptible dans le portrait qu'Élisabeth Roudinesco fait du philosophe :

« Fondateur d'une université populaire à Caen, titulaire d'un doctorat de troisième cycle (ancien régime), Michel Onfray est connu pour avoir rassemblé autour de lui un vaste public qui adhère à ses propos comme à une entreprise de rénovation du discours philosophique.

Convaincu que l'Université française et l'École républicaine sont autant de lieux de perdition dans lesquels des professeurs assènent à des enfants soumis des vérités officielles, Onfray a entrepris une révision de l'histoire des savoirs dits « officiels ». Il se veut libertaire, d'extrême gauche, adepte de Proudhon contre Marx, antifreudien, antimarxiste (et non pas freudo-marxiste) et se proclame le défenseur du peuple exploité par le capitalisme. Aussi a-t-il été pendant un temps proche du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), avant d'appeler à voter pour le Front de gauche aux dernières élections régionales.

Depuis plusieurs années, il a entrepris de populariser une «contre-histoire de la philosophie », qui prétend lever les refoulements sur des savoirs qui auraient été censurés par les professeurs, par le pape, par les prêtres. Aussi a-t-il mis au point une méthodologie qui s'appuie sur le principe de la préfiguration : tout est déjà dans tout avant même la survenue d'un événement.

En vertu de cette méthodologie, qui rencontre un vrai succès populaire auprès d'un public fasciné par ce qu'il perçoit comme un appel à une insurrection des consciences, Onfray a pu affirmer qu'Emmanuel Kant, philosophe allemand des Lumières, n'était qu'un précurseur d'Adolf Eichmann — l'organisateur de la « Solution finale », qui se voulait kantien —, que les trois monothéismes (judaïsme, christianisme, islam) sont en eux-mêmes des entreprises meurtrières, que l'évangéliste Jean est l'ancêtre de Hitler, que Jésus pré-figure Hiroshima, et qu'enfin le monde musulman est fasciste.

À l'origine de cette sombre affaire, les Juifs, fondateurs du premier monothéisme — c'est-à-dire d'une religion sanguinaire axée sur la pulsion de mort —, seraient donc, selon Onfray, les responsables de tous les malheurs de l'Occident, les véritables «inventeurs de la guerre sainte» : « Car le monothéisme tient pour la pulsion de mort, il chérit la mort, il jouit de la mort, il est fasciné par la mort, il est fasciné par elle [...]. De l'épée sanguinaire des Juifs exterminant les Cananéens à l'usage d'avions de ligne comme de bombes volantes à New York, en passant par le largage de charges atomiques à Hiroshima et Nagasaki, tout se fait au nom de Dieu, béni par lui mais surtout béni par ceux qui s'en réclament» (Traité d'athéologie, p. 201, 212, 228, etc.).

À cette humanité monothéiste (juive, chrétienne, musulmane) vouée à la haine et à la destruction, Onfray oppose une humanité athéologique, soucieuse de l'avènement d'un monde hygiéniste, paradisiaque, hédoniste: celle qui serait orchestrée par un dieu solaire et païen, entièrement investi par la pulsion de vie et dont lui, Onfray, serait le représentant avec pour mission d'inculquer à ses disciples la meilleure manière de jouir de leur corps et du corps de leurs voisins : par la masturbation. Bien qu'il semble ignorer les travaux de référence sur la question, et en particulier le livre de Thomas Laqueur, Onfray se montre bien décidé à faire du pénis l'objet d'un culte phallique et volcanique hérité des anciens dieux de la Grèce, lesquels, en tant que présocratiques, seraient les précurseurs de Nietzsche. Que Nietzsche ait effectué un grand retour aux présocratiques ne fait pourtant pas de ceux-ci un précurseur de celui-là.

Au fil d'un enseignement fortement médiatisé, Onfray a réussi à convaincre un large public que les représentants de ce dieu païen, célébrant les vertus de la foudre, des comètes et des orages, n'ont jamais fait la guerre à quiconque et sont des pacifistes admirables. Dans cette Grèce vertueuse du bocage de Basse-Normandie, inventée par Onfray, Homère n'existe pas, ni la guerre de Troie, ni Ulysse, ni Achille, ni Zeus, ni Ouranos, ni les Titans, ni la tragédie...

Onfray raconte qu'il a été, dans son enfance, la victime de méchants prêtres « salésiens », dont certains étaient pédophiles (Le Crépuscule, p. 15) et qui ont fait de lui ce qu'il est devenu. Rebelle en émoi, hanté par le complot œdipien qui se serait abattu sur lui, il affirme que son père, « malheureux employé de laiterie », aurait été une victime permanente tout au long d'un drame ayant pour toile de fond le « marché de la sous-préfecture d'Argentan » (p. 15). Sa mère avait été elle-même abandonnée dans un cageot à sa naissance et elle en avait conçu une détestation de son propre fils, explique-t-il, au point de le frapper et de lui prédire qu'il finirait sa vie sous l'échafaud: «Sans jamais avoir tué père (et surtout) mère, ni visé une carrière de bandit de grand chemin, encore moins envisagé l'art de l'égorgeur, je me voyais mal sous le couteau de la veuve. Ma mère si !»

Pour se venger de la détestation qui l'habite et dont il ne cesse de parler, il a donc décidé de s'en prendre à celui qu'il considère comme le responsable de tous les complots contre le père: Sigmund Freud, dont on sait qu'il fut adoré par sa mère. Onfray l'avait admiré autrefois au point de lire quelques-uns de ses ouvrages, dès son enfance, et en se masturbant, comme il le dit lui-même, puis d'inclure sa glorieuse histoire dans celle de l'athéologie (Traité, p. 265). Mais voilà que, depuis sa conversion quasiment mystique à l'antifreudisme radical, Onfray a entrepris de dénoncer le complotisme freudien qui consiste, selon lui, à promouvoir la haine des pères et l'adoration des mères pour mieux les séduire sexuellement: telle est à ses yeux l'essence de la psychanalyse, pur et simple récit autobiographique de ce fondateur dépravé dont il «n'avait pas prémédité l'assassinat »

Et du coup il tente, contre Freud, héritier du judéo-christianisme, de réhabiliter la figure maltraitée du père: un père solaire, flamboyant et phallique. Mais il n'aime les pères qu'à condition... qu'ils ne soient jamais pères.

Fervent adepte du célibat, Onfray ne cesse ainsi d'affirmer son refus de la paternité: «Les stériles volontaires aiment autant les enfants, voire plus, que les reproducteurs prolifiques [...]. Qui trouve le réel assez désirable pour initier son fils ou sa fille à l'inéluctabilité de la mort, à la fausseté des relations entre les hommes, à l'intérêt qui mène le monde, à l'obligation du travail salarié? [...] Il faudrait appeler amour cet art de transmettre pareilles vilenies à la chair de sa chair ? »

Élisabeth Roudinesco, Mais pourquoi tant de haine ?



Mais pourquoi tant de haine ?



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