vendredi, août 19, 2011

Hyperboréens & gouvernement mondial




Comme à l'époque de l'Ordre des Germains et de sa branche bavaroise la société Thulé, les Hyperboréens (grands blonds aux yeux bleus), nommés par Hésiode les « dieux vêtus d'air », sont toujours d'actualité dans des sociétés secrètes politiques. Selon une rumeur répandue parmi les ésotéristes, les Hyperboréens « vêtus d'espace », c'est-à-dire qui vivent dans un autre état de la matière, moins dense, seront à la tête du gouvernement mondial que Jacques Attali (entre autres) appelle de ses vœux.

C'est de cet autre état de la matière que proviendraient les OVNI et les trois principaux types d'« aliens » : Reptiliens, Gris et Nordiques (les Hyperboréens ancêtres des Aryens). Les grands blonds aux yeux bleus seraient beaucoup plus fréquentables que les repoussants gris et les affreux reptiliens. Les Cassiopéens, les mystérieuses entités qui guident les recherches de Laura Knigth-Jadczyk (L'Histoire secrète du Monde), affirment que les aliens de type nordique sont positifs. De sont côté, David Icke pense que les Aryens sont issus de l'hybridation entre des êtres grands, blonds, yeux bleus  et des Reptiliens. Quoi qu'il en soit, un alien de type nordique et un alien reptilien, c'est probablement bonnet blanc, blanc bonnet.

Selon Jean-Louis Bernard, l'île de Thulé était peut-être un énorme « vaisseau » issu de l'espace ou de l'hyperespace : « les OVNI se matérialiseraient à travers quelque quatrième dimension. L'ancienne alchimie aurait placé ces engins et leurs habitants dans la quinte essence (essence de la matière dite aussi éther ou cinquième élément, Ākāsha en sanskrit) avec la possibilité d'une densification provisoire ».

Les aliens sont omniprésents sur Internet. Et des internautes bien informés connaissent même le nom du valeureux commandant de la flotte inter-galactique des mondes unifiés qui nous « protège » contre les méchants reptiliens-gris. Ce prétendu héros, un grand blond aux yeux bleus, se nomme Asthar Shéran (portrait ci-dessus). Les noms Asthar Shéran et Sananda (Christ) se retrouvent dans une nouvelle parodie spirituelle : l'ascension (illustration ci-dessous).





Les OVNI et les esprits planétaires :

***


Le passé reptilien de l'humanité

Les reptiliens de la série V, du film de John Carpenter Invasion Los Angeles, et de Conan le Barbare sont au centre d'une nouvelle croyance. Or « Plus le niveau d'instruction de la personne est élevé, moins elle a de chances d'être croyante » (Q.I. & religiosité http://bouddhanar.blogspot.com/2011/10/q-i-et-religiosite.html ).

Les tests ne sont pas nécessaires pour constater que le quotient intellectuel de la personne qui a écrit la quatrième de couverture du livre Le passé reptilien de l'humanité n'atteint pas des sommets.

Quatrième de couverture du livre « Le passé reptilien de l'humanité » :

« Voici un travail très original, qui remet en question toutes nos idées préconçues au sujet des origines de l'humanité. Les légendes du monde entier se référent à des lézards géants et à des dragons volants, qui sont venu sur cette planète pour fonder les anciennes civilisations de la Mésopotamie, d'Egypte, d'Inde, de Chine et d'Amérique du Sud. Qui sont ces créatures reptiliennes ? Ce livre apporte des réponses à bon nombre d'énigmes telles que : Quel était le véritable motif de la création de l'homme ? Pourquoi Adam perd-il sa chance à l'immortalité ? Qui étaient les Nefilim qui sont descendu du ciel pour s'accouplés avec des femmes de la terre ? Pourquoi le serpent a-t-il pris une telle importance dans l'histoire ? Pourquoi Adam et Eve ont-ils été chassés du Jardin d'Eden ? Pourquoi les Sumériens appel-ils leurs principaux dieux « serpents volants ». Quel est le rôle de la gigantesque plate-forme de pierre à Baalbek ? Quels ont été les «bateaux du ciel» dans l'Egypte ancienne et le «char du ciel» de la Bible ? Nous n'avont aucune idée de l'identité des sumériens, de leur origine et du pourquoi de l'éclosion de cette civilisation. Celle-ci apparut comme surgie de nulle part vers 3800 ans avant J.C. Des éminents archéologues sont frappés d'admiration face à cette soudaine explosion, extraordinaire, époustouflante , pendant laquelle une civilisation, surgi de nul part, donnera naissance à toutes celles du monde entier. L'homme fut conditionné depuis des millénaires à nier la vérité de sa descendance et eut comme palliatif des Mythes et des Légendes religieuses, développant ainsi une forme d'amnésie, qui entrava son évolution spirtuelle. Nous avons accepté l'interprétation de l'histoire propagée par une prêtrise et par le monde académique qui veillait qu'à ses propres intérêts. Néanmoins, la vérité ne peut être dissimulée pour toujours. L'espèce humaine aura à apprendre la vérité sur ses origines et à affronter le fait que ses dieux et ancêtres furent des reptiles, vraiment des monstres... Il y aura un grand choc culturel comme jamais vu auparavant ! »

La présentation du livre de R.A. Boulay, édité par Aquarius, est surréaliste. Son auteur, un soi-disant éditeur professionnel, n'est pas un cancre facétieux en culottes courtes. Selon le site Société.com, le gérant de la société Aquarius se nomme Victor Chapuis, il est âgé de 64 ans et le français, qu'il écrit si mal, est sa langue maternelle. http://www.societe.com/societe/editions-aquarius-434751228.html

Victor Chapuis a aussi irrité les lecteurs qui s'intéressent aux thèses reptiliennes de R.A. Boulay. L'un d'eux écrit :

"Je viens de découvrir l'édition française tellement attendue du livre de R.A. Boulay « Flying Serpents and Dragons » éditée en octobre 2010 aux éditions françaises Aquarius. Le titre du livre a été changé en « Le Passé Reptilien de l'Humanité ». 

Grosse déception pour les raisons que voici : 

- La traduction est mauvaise, elle date de 2003, réalisée par un québécois. Il s'agit de la traduction que l'on trouve sur Internet. L'éditeur ne s'est vraiment pas foulé. 

- Cette traduction est basée sur l'édition américaine de 1997 et non sur l'excellente édition réactualisée par Boulay de 1999 ! Cette dernière version date pourtant de plus de 10 ans, mais non, l'éditeur français semble avoir été pris au dépourvu. On voit le sérieux ! 

- Voici le pire du pire : R. A. Boulay a eu l'extrême intelligence de ne pas se fourvoyer dans cette histoire de Nibiru dans sa version anglophone. Il n'en parle pas une seule fois ! On se demande alors pourquoi des notes ont été ajoutées dans l'édition française, rédigées par un scientifique-linguiste (?) inconnu dénommé Roberto Solàrion et qui est carrément un fan de Sitchin. C'est pourtant simple, Boulay cite Sitchin deux fois dans son livre : une fois dans la préface de son édition réactualisée de 1999, avec d'autres noms de chercheurs, et une seconde fois en page 53 où il donne le nom de la série de Sitchin. A part ça rien, ni même de Nibiru, alors que l'éditeur Aquarius se permet l'affront d'ajouter des notes un peu partout dans l'édition française avec ajout Sichin + Nibiru toutes les 3 pages... Roberto Solàrion se permet même de donner son avis en signalant lorsqu'il est d'accord ou pas d'accord avec Boulay (imaginez dans son propre livre !)... Par contre, il est toujours d'accord avec Sitchin, comme par hasard... Je ne sais pas si R. A. Boulay est au courant de cette édition, mais c'est carrément à vomir. Cette édition francophone est une escroquerie monstrueuse, un détournement d'informations au profit de la thèse de Zecharia Sitchin dont Boulay n'a que faire d'ailleurs ! 

- Ce n'est pas fini : aucune image et aucune carte dans cette édition française ! Assurément l'éditeur Aquarius est un bricoleur. 

- Aucune bibliographie non plus chez Aquarius, de mieux en mieux. A croire que Boulay a pondu son livre de recherche en priant la vierge ! Pourtant sa bibliographie est excellente et se situe en page 267 de l'édition US de 1999. 

- Et pour finir, un autre oubli d'Aquarius : Aucun index à la fin du livre français, pourtant essentiel et pratique avec ce type de livre de recherche. Elle se trouve en page 271 de l'édition anglophone. 

Conclusion : Si vous parlez anglais, autant vous procurer l'édition originale et anglophone de Boulay qui date de 1999. Oubliez cette édition qui se trouve sur le Net et qui vient d'être éditée chez Aquarius pour le marché français. La désinformation et la spoliation intellectuelle est présente partout. Méfiance ! 

Watcher 

jeudi, août 18, 2011

Le retour du Christ





Alice Bailey, une disciple de Mme Blavatsky, crée en 1923 l’École Arcane fondée sur la méditation occulte et le développement des pouvoirs spirituels, et en 1932 l'Association Bonne Volonté mondiale, une activité de Lucis Trust (1922). Elle se donne pour mission de « mobiliser l'énergie de bonne volonté dans le monde pour préparer le retour de l'Instructeur mondial, du Christ ».

Alice Bailey a écrit vingt-quatre livres. Mais dix-huit d'entre-eux lui auraient été dictés en communication télépathique directe par un Maître tibétain, Djwahl Khul. Un de ses ouvrages (1948) est précisément intitulé Le retour du Christ.

« De nos jours, le retour de l'Instructeur mondial, le Christ, est attendu par des millions de personnes, non seulement par ceux de foi chrétienne, mais aussi par ceux de toutes croyances qui attendent l'avatar sous d'autres noms : le Seigneur Maitreya, Krishna, le Messie, l'Imam Madhî, le Boddhisatva. L'important, c'est le fait de la transition dans un New Age. » (Bonne Volonté mondiale.)

Un tel changement serait guidé d'En-Haut. Car il existe « un gouvernement spirituel à l'intérieur de la planète, connu sous différents noms tels que la Hiérarchie spirituelle, la Société des Esprits Illuminés, ou le Christ et son Église selon les diverses traditions religieuses ». Aussi, suivant le Plan cosmique, « l'Instructeur mondial, le Christ, réapparaîtra à la tête de la Hiérarchie spirituelle pour faire entendre la note clé de l’Ère nouvelle ». Alors naîtra la future religion mondiale.

Un prélat catholique, le cardinal Paul Poupard, remarque : « La référence au Christ demeure très vague. Il serait une force nouvelle, une autre énergie qui reviendra un jour sous une autre forme. De fait, pour eux, l'ère des Poissons aurait été inaugurée par la venue du Christ et celle du Verseau devrait voir la venue du nouveau Christ, supérieur au premier. Entre-temps il faudrait éveiller la capacité spirituelle qui réside en chaque homme. La conception du Christ du New Age est là. Il n’y a rien sur la vie de Jésus ; aucune référence à l'Évangile, à la Révélation, à l'Incarnation. Selon certains théologiens, le Christ du New Age est semblable à l'antéchrist. Il ressemble au Christ, il apparaît comme le Christ, mais il est opposé à l'essentiel de la foi chrétienne : le Christ Rédempteur de l'homme ».

Le retour du Christ

Alice Bailey et le maître tibétain Djwahl Khul



Extrait :

Cependant, avant que le retour du Christ et de Ses disciples puisse être envisagé, notre civilisation actuelle doit disparaître. Au cours du prochain siècle nous commencerons à entrevoir le sens du mot "Résurrection", et l'ère nouvelle commencera à nous révéler son sens caché et ses buts profonds. En premier lieu, l'humanité émergera de cette civilisation morte, de ses vieux préjugés et de ses conceptions périmées ; ayant renoncé à la poursuite de ses buts matérialistes et à son égoïsme destructif, elle avancera, rayonnante, dans la claire lumière de la résurrection. Ce ne sont point là des paroles symboliques ou mystiques, mais elles caractérisent l'ambiance générale qui marquera cette période du retour du Christ. C'est un cycle aussi réel que le cycle de conférences qui s'organise si activement aujourd'hui. Autrefois, le Christ nous enseigna le sens véritable du Renoncement ou de la Crucifixion ; cette fois, Son message essentiel sera : la vie de résurrection. Partout, le cycle actuel de conférences prépare les hommes à entrer en rapport les uns avec les autres bien que ces rapports puissent apparaître encore pleins de contrastes. Ce qui importe, c'est l'intérêt général que manifestent les hommes pour préciser quels sont les besoins de l'humanité, les objectifs à atteindre et les moyens à employer. La période de résurrection que le Christ inaugurera et qui constituera Son œuvre suprême (dans laquelle toutes Ses autres activités trouveront leur place), sera le résultat de la fermentation et de la germination auxquelles les hommes de ce temps sont en proie, et dont les nombreuses conférences sont la preuve visible.

Télécharger gratuitement « Le retour du Christ » :



Peinture :

mercredi, août 17, 2011

Mots de la Fin


"Philosopher, c'est apprendre à mourir."
Montaigne



Au moment où il sent s'approcher l'ultime seconde, au moment où il entrevoit l'envers du miroir, il est permis de penser qu'un personnage célèbre a peut-être envie de délivrer aux vivants un message qui soit le résumé de toute son existence ? Les phrases qui suivent risquant fort de décevoir les lecteurs. A ceux-ci, il reste la ressource de se dire que la plupart d'entre elles sont sûrement apocryphes.

Afin de ne pas aborder de façon trop mélancolique ce douloureux chapitre, disons-nous avec Commerson que : A son lit de mort, l'homme songe plutôt à élever son âme vers Dieu que des lapins.

L'empereur Néron - selon Suétone - aurait dit au moment de mourir des mains de son esclave affranchi : Qualis artifex pereo ! C'est-à-dire : Quel artiste périt avec moi ! (68 après J.-C.).

Rabelais : Tirez le rideau, la farce est terminée ! (1553).


Le grand Montaigne n'avait pas peur d'avouer : Ce n'est pas la mort que je crains, mais, de mourir (1593).

Le poète Philippe Desportes : J'ai 30 000 livres de rente, et je meurs (1606).

Lope de Vega, écrivain espagnol : Je peux vous le confier : Dante m'a toujours ennuyé ! (1635).

Le père Dominique Bouhoure, Jésuite et grammairien : Je m'en vais ou je m'en vas, l'un ou l'autre se dit ou l'un et l'autre se disent (1702) - il est à signaler que ce mot est également attribué au poète Piron.

Le peintre Antoine Watteau : Otez-moi ce crucifix ! Comment un artiste a-t-il pu rendre aussi mal les traits de Dieu (1721).

Et le musicien Rameau n'était guère content lui non plus : Que diable me chantez-vous là, Monsieur le Curé, vous avez la voix fausse ! (1764).

Piron - le revoici ! - à qui son ami La Place demandait : Alors ? Cela va-t-il ? répondit : Non, cela s'en va ! (1773).

Voltaire : Je m'arrêterais de mourir s'il me venait un bon mot ou une bonne idée (1778).

Chamfort : Ah! mon ami, je m’en vais de ce monde où il faut que le cœur se brise ou se bronze - Et, un moment plus tard, refusant l'extrême-Onction : Je vais faire semblant de ne pas mourir (1794).

André Chenier, montant à l'échafaud et se touchant la tête : Pourtant, j'avais quelque chose là ! (1794).

Edward Thurlow, homme d’État anglais s'écria juste avant de trépasser : Que je sois pendu si je ne suis pas en train de mourir ! (1806).

Le Duc d'Enghien, avant de mourir fusillé dans les fossés du Fort de Vincennes: Qu'il est affreux de mourir ainsi de la main des français (1804).

Et le général Ney, commandant lui-même son peloton d'exécution : Soldats, droit au cœur ! (1815).

L'abbé Bossut, mathématicien célèbre se trouvait depuis plusieurs heures dans le coma lorsque l'un de ses amis lui dit à l'oreille : Le carré de 12 ? - 144 ! dit Bossut en rendant l'âme (1814).

Napoléon : Mon fils... Tête... Armée... (1821).

L'écrivain et gastronome Brillat-Savarin mourant la veille du réveillon de Noël : Je vais avoir un Dies iræ aux truffes ! (1826).

Goethe : Ouvrez donc les volets – de la lumière... plus de lumière ! (1832).

Chopin : Maintenant, je suis à la source du bonheur ! (1849).

Balzac : Huit jours avec de la fièvre ! J'aurais encore eu le temps d'écrire un livre - et, dans son agonie : Bianchon, appelez Bianchon ! Lui seul me sauvera ! (Horace Bianchon était un des personnages de la Comédie humaine) (1850).

Alfred de Musset : Dormir, enfin ! Je vais dormir ! (1857).

Hector Berlioz, avec une infinie tristesse : Ah ! Quel talent je vais avoir demain ! - et puis : Enfin, on va maintenant jouer ma musique ! (1869).

Henri Monnier, le créateur du personnage de Monsieur PRUD'HOMME : Il va falloir être sérieux là-haut ! (1877).

Victor Hugo s'exprimant une dernière fois en alexandrin : C'est ici le combat du jour ou de la nuit ! et puis : Allons ! Il est bien temps que je désemplisse le monde ! (1885).

Villiers de L'Isle Adam, mourant à l'hôpital dans la plus grande misère : Et bien ! Je m’en souviendrai de cette planète ! (1889).

Oscar Wilde, recevant la note de son médecin : Je meurs vraiment au-dessus de mes moyens ! (1900).

Henri de Toulouse-Lautrec : Maman... Rien que toi ! (1901).

Jules Renard : Marinette, pour la première foie, je vais te faire une grosse, une très grosse peine ! (1910).

L'acteur Mounet-Sully : Mourir, c'est difficile quand il n'y a pas de public (1916).

Clemenceau, voyant arriver un prêtre : Enlevez-moi ça ! (l929).

L'écrivain Francis de Croisset : Je m'ennuie déjà ! (1937).

Georges Bernanos : A nous deux ! (1948).

Pour la fin - c'est le cas de le dire ! - nous avons gardé deux phrases particulièrement touchantes dans leur naïveté spontanée : La vicomtesse d'Houdetot, morte jeune de tuberculose : Je me regrette ! et le grand industriel Rizzoli : Mais je ne peux pas mourir ! Je suis l'homme le plus riche d'Europe.
Il n'y a rien à ajouter... sauf un mot peut-être :

F I N

Claude Gagnière

Dessin :

Paracelse médecin et philosophe de l'invisible





« Paracelse, rappelle Jean-Louis Bernard, vécut dans la première moitié du XVIe siècle. Né à Einsiedeln (Suisse), il enseigna à Bâle à l'âge de trente-trois ans, mais choqua ses confrères parce qu'il s'exprimait en allemand, non en latin. Il mena dès lors une vie nomade à travers l'Europe, enseignant, exerçant son art et rédigeant des livres. […] Un voyage en Orient le ramena dans la tradition même de la médecine égyptienne. Celle-ci considérait les maladies comme psychosomatiques et, de plus, ne séparait jamais l’homme de l'environnement, y compris l'environnement cosmique (soleil, lune, Zodiaque). »

Une philosophie de l'invisible

L'invisible ne désigne pas une réalité cachée, dans le sens où, derrière le visible, elle pourrait être repérée. L’invisible c’est bien aussi le réel, et un réel tout aussi vrai, tout aussi efficient que la réalité visible. Il n'est pas derrière le visible, mais de plein pied avec lui. Il est en lui. Nous allons pouvoir progressivement déterminer - en parlant de la lumière naturelle, de la recherche du fondement, de l'Astre - ce règne de l’invisible auquel nous participons sans que pour autant il se donne à nos yeux de chair.

C'est ainsi, par exemple, que la recherche dans le vaste champ que Paracelse appelle Astrum ou Ciel n'est jamais approche d'un objet donné ; car il s'agit, lorsqu’il est question de Firmament, moins des étoiles que nous pourrions y observer, que d’une dimension plus secrète, plus mystérieuse aussi, invisible (mais nullement cachée), qui traverse les choses, la nature et l'homme lui-même. Nous verrons que cette réalité invisible est aussi bien ce qui nous rend habiles ou maladroits, ce qui nous permet de croître et de mûrir, ce qui est sagesse en nous que ce qui est instinct en l'animal et vertu dans la plante.

C'est à cet invisible que le philosophe doit donner forme en le portant au langage. Le philosophe n'est pas, pour Paracelse, l'homme habile à manier les concepts, ni le spécialiste en textes anciens, ni l'expert en catégories logiques - qu’il ne manque pas d'appeler sophiste ou spéculateur ou bavard. Ce type de philosophe ressemble au médecin qui apprend la médecine dans les livres. L'un et l'autre manquent l'essentiel.

Mais dire l'invisible, quelle tâche ! Il ne s'agit pas de se référer à du déjà donné, ou du déjà formulé ; mais de diriger l'attention vers ce que le commun des hommes ne voit pas, y correspondre pleinement, sans réserve, et alors, comme nous l'avons vu, laisser paraître dans le langage les formes et les mots qui y renvoient. Si le commun des hommes ne voit pas ce qui est le propre du philosophe, il lui arrive pourtant d'en avoir le soupçon, sans être à même de dépasser le stade du soupçon. C'est à lui que pense Paracelse ; et le philosophe accomplit sa mission s'il parvient, avec les mots de la tribu, à faire entendre à ceux qui l’écoutent ce que précisément un chacun pressent sans pouvoir le dire.

Que cette tâche soit difficile est évident. Surtout parce que, comme nous le verrons plus précisément à propos de l'astrologie, il est toujours tentant, dès que l'attention se relâche, de penser l'invisible comme une substance, comme un être. Alors tout est manqué.

Rappelons que le médecin, qui représente pour Paracelse le type même de l'homme accompli ou s'accomplissant, doit être philosophe. Plus que quiconque il doit savoir voir comment procède la nature invisible, dans le malade comme dans le remède, et comment elle agit dans le visible. « Qu’est la philosophie sinon la découverte de l'invisible nature» (VII, 71). Toute philosophie qui s'écarte de cette fin est pseudo-philosophie (Schaumphilosophie) et ressemble à un champignon qui pousserait sur un arbre en lui restant extérieur. Une verrue.

La philosophie de l’invisible devient de la sorte, mais c’est encore difficile à entendre, une philosophie du concret : il s'agit d'une philosophie qui n’admet l'élément spéculatif ou le développement conceptuel qu’à partir du moment où l'invisible est devenu pour un homme (qui alors sera appelé philosophe) le terme de l'attention et l'objet spécifique de sa vision.

Ce qu’il y a à voir, répétons-le, n'est pas chose parmi les choses, et pourtant habite toute chose. Le vrai philosophe ne voit pas plus de choses que l'ignorant (tout comme le paysan ne voit pas mieux que le moine la lettre du psautier), mais il voit autrement; et voyant autrement il saisit autre chose : il voit dans ce qu'il a sous les yeux l'invisible nature qui y est active (XII, 203).

La philosophie n'est donc ni savoir livresque, ni le produit d’une raison abstraite, ni la connaissance d'un monde intelligible, ni la réflexion sur la nature; elle est vision de la nature même, dans son acte et dans son actualité. Elle est vraie science.

Si le médecin doit être philosophe, c'est que sans philosophie, il ne peut comprendre la maladie, ni administrer le remède, ni préparer celui-ci en tirant de la plante la quintessence. On ne connaît une maladie que si l'on voit comment aussi, en elle, se manifeste la nature. On ne connaît le remède que lorsqu'on voit comment, par sa vertu, il s'inscrit dans le cours de la maladie. C’est pourquoi le médecin doit apprendre son art de la nature. Car il se pourrait qu'il soit mis un jour en face d’une maladie non encore rencontrée. Comment la connaîtrait-il s'il n'a appris les maladies que dans les livres ?

Le médecin est philosophe s'il sait que les simples n'agissent pas de la même façon dans telle maladie ou dans telle autre ; au début de la maladie ou à la fin ; récoltés en telle saison ou en telle autre ; en telle contrée ou en telle autre ; cueillis jeunes ou matures. Tout cela c'est la nature invisible qui le lui apprend, s'il s'est mis à son école.

C’est dire aussi que la philosophie ne peut naître que d'une proximité authentique avec le devenir naturel. Paracelse y a été intimement lié, comme médecin, comme alchimiste, comme voyageur. Sans romantisme aucun il observe. Et c’est ce regard qui, alors, est nouveau. Il se fait ouverture sur l'invisible qui nous pénètre de partout, qui est actif tout autour de nous, qui tous les jours suscite un spectacle nouveau.

Lucien Braun, « Paracelse ».


Photo :

mardi, août 16, 2011

JMJ & profiteurs





Les Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) se tiennent du 16 au 21 août à Madrid. En Espagne, pays économiquement sinistré, le coût de ce rassemblement (estimé à cent millions d'euros pour les contribuables) indigne beaucoup de personnes.

Michel Onfray dénonce les profiteurs embusqués de la religion :


"Je n'en veux pas aux hommes qui consomment des expédients métaphysiques pour survivre ; en revanche, ceux qui en organisent le trafic - et se soignent au passage - campent radicalement et définitivement en face de moi, de l’autre côté de la barricade existentielle - versant idéal ascétique. Le commerce d'arrière-mondes sécurise celui qui les promeut, car il trouve pour lui-même matière à renforcer son besoin de secours mental. Comme bien souvent le psychanalyste soigne autrui pour mieux éviter d’avoir à s'interroger trop longuement sur ses propres fragilités, le vicaire des Dieux monothéistes impose son monde pour se convertir plus sûrement jour après jour. Méthode Coué...

Cacher sa propre misère spirituelle en exacerbant celle d’autrui, éviter le spectacle de la sienne en théâtralisant celle du monde - Bossuet, prédicateur emblématique ! -, voilà autant de subterfuges à dénoncer. Le croyant, passe encore ; celui qui s’en prétend le berger, voilà trop. Tant que la religion reste une affaire entre soi et soi, après tout, il s’agit seulement de névroses, psychoses et autres affaires privées. On a les perversions qu’on peut, tant qu’elles ne mettent pas en danger ou en péril la vie d’autrui...

Mon athéisme s’active quand la croyance privée devient une affaire publique et qu’au nom d’une pathologie mentale personnelle on organise aussi pour autrui le monde en conséquence. Car de l’angoisse existentielle personnelle à la gestion du corps et de l'âme, d’autrui, il existe un monde dans lequel s’activent, embusqués, les profiteurs de cette misère spirituelle et mentale. Détourner la pulsion de mort qui les travaille sur la totalité du monde ne sauve pas le tourmenté et ne change rien à sac misère, mais contamine l’univers. En voulant éviter la négativité, il l'étend autour de lui, puis génère une épidémie mentale.

Moïse, Paul de Tarse, Constantin, Mahomet, au nom de Yahvé, Dieu, Jésus et Allah, leurs fictions utiles, s’activent à gérer des forces sombres qui les envahissent, les travaillent et les tourmentent. En projetant leurs noirceurs sur le monde, ils l'obscurcissent plus encore et ne se déchargent d’aucune peine. L'empire pathologique de la pulsion de mort ne se soigne pas avec un épandage chaotique et magique, mais par un travail philosophique sur soi. Une introspection bien menée obtient le recul des songes et des délires dont se nourrissent les dieux." 

Michel Onfray, « Traité d'athéologie ».


Traité d'athéologie


« Les trois monothéismes, animés par une même pulsion de mort généalogique, partagent une série de mépris identiques : haine de la raison et de l'intelligence ; haine de la liberté ; haine de tous les livres au nom d'un seul ; haine de la vie ; haine de la sexualité, des femmes et du plaisir ; haine du féminin ; haine des corps, des désirs, des pulsions. En lieu et place et de tout cela, judaïsme, christianisme et islam défendent : la foi et la croyance, l'obéissance et la soumission, le goût de la mort et la passion de l'au-delà, l'ange asexué et la chasteté, la virginité et la fidélité monogamique, l'épouse et la mère, l'âme et l'esprit. Autant dire la vie crucifiée et le néant célébré ? »
Michel Onfray.

En philosophie, il y eut jadis une époque « Mort de Dieu ». La nôtre, ajoute Michel Onfray, serait plutôt celle de son retour. D'où l'urgence, selon lui, d'un athéisme argumenté, construit, solide et militant.







Le libéralisme économique et la doctrine sociale de l’Église :
http://bouddhanar.blogspot.com/2011/05/le-liberalisme-economique-la-religion.html





Photo :
Pèlerins catholiques à Madrid (Espagne) à la veille de l'ouverture des Journées Mondiales de la Jeunesse. (AFP)


lundi, août 15, 2011

Une société secrète gouverne la Syrie




Les dirigeants syriens combattent la contestation populaire avec cette férocité qui caractérise les sectateurs parvenus au pouvoir.

Cachés pendant de longs siècles, parfois tolérés, souvent persécutés, les Alaouites dirigent la Syrie depuis 1970, date de la prise de pouvoir d'Hafez el-Assad, un général Alaouite. Les Alaouites constituent l'exemple rarissime d'une société secrète religieuse parvenue au sommet de l'Etat.

Les montagnes syriennes sont depuis près de mille ans le refuge de communautés rebelles en quête de discrétion ou de refuge. Il en a été ainsi au XXIIe siècle de la confrérie des Assassins qui, derrière les murailles de leurs forteresses perchées, organisent des meurtres contre leurs ennemis d'alors. Deux autres sectes ont également trouvé asile dans les hauts massifs syriens : les Druzes et les Nusayrites qu'on appelle également « Alaouites ». L'origine de cette communauté mystérieuse est controversée. Certains pensent qu'ils sont les représentants d'un ancien culte idolâtre qui aurait intégré des éléments des monothéismes présents au Proche-Orient. Une autre thèse, plus vraisemblable, les lie à Muhammad ben Nusayr, un chiite irakien du IXe siècle, proche du onzième imam, qui proclama la nature divine d'Ali et des imams qui lui ont succédé à la tête du mouvement chiite depuis ses origines. Les partisans de ben Nusayr formèrent les premières communautés nusayrites qui, sous la conduite de personnages illustres adoptèrent lentement les rites et les pratiques ésotériques qui allaient les caractériser mais aussi les couper de l'islam. D’ailleurs, ils durent rapidement migrer en Syrie du nord afin d'échapper aux premières persécutions religieuses dont ils étaient victimes. Là, durant des siècles, les Nusayrites, à l'instar des Druzes, pratiquèrent la taqiya ou « dissimulation » ; ils professaient officiellement la religion sunnite dominante mais pratiquaient en réalité leur culte en secret.

À la santé de Ams

La religion des Alaouites se présente comme un culte ésotérique réservé à une infime minorité d'initiés. Il faut avoir au moins 18 ans pour se présenter à la cérémonie d'affiliation. Ce jour-là, le jeune homme est reçu par une assemblée de sages qui lui ordonne de reconnaître l'un d'entre eux comme maître-parrain, ce qu'il fait en se posant sur la tête la chaussure de celui qu'il a choisi. Après quoi il lui est demandé de boire un verre de vin à la santé de « Ams », une formule qu'il ne peut comprendre sur le moment. Il doit également jurer de garder le secret sur ce qu’il va apprendre ; on le prévient qu'il ne pourra être enterré dignement s'il vient à rompre ce serment. Enfin, chaque membre de l'assemblée se lève et porte un toast en honneur du nouvel arrivant. Désormais initié, il est guidé par son parrain qui lui apprend les premiers rudiments, les prières en particulier. Toutefois, il dépend avant tout du cheikh, qui est le chef spirituel de la communauté locale, à qui revient la tâche d’éduquer les initiés.

Une religion composite

La doctrine alaouite est un syncrétisme d'éléments musulmans, chrétiens, juifs mais aussi iraniens. Elle repose sur la foi en une trinité qui se compose de Ali, le premier imam, de Mahomet le Prophète et de Salman al-Farisi, un proche compagnon de ce dernier. Les trois initiales de leurs noms forme le mot « Ams » que les initiés invoquent sans cesse dans leurs rites. On leur apprend en outre que le nusayrisme existait avant même la création du monde. Les Nusayrites vivaient alors dans la proximité de Dieu sous forme de lumières. Mais parce qu'ils se crurent parfaits, ils furent déchus et envoyés dans le monde de la matière où ils sont destinés à se réincarner de vie en vie. Toutefois, leur espoir est de parvenir, grâce à l'initiation et à une vie pieuse, à sortir de ce cycle qui les emprisonne. Les Alaouites pratiquent un grand nombre de fêtes empruntées tant à l'islam qu'au christianisme (Noël et Épiphanie) ou encore à la religion perse (son Nouvel An). À ces occasions, ils se réunissent dans la demeure de l'un d'entre eux et, sous la conduite du cheikh, lisent ensemble des textes tirés de leur liturgie. Puis ils sacrifient des animaux qu'ils mangent lors d'un banquet en invoquant Dieu. En dehors de ces festivités, les Alaouites célèbrent régulièrement une messe durant laquelle ils sanctifient le vin qu’ils boivent en l’honneur des doyens de leur communauté.

Les sociétés secrètes.






Photo :
Hommage à Hafez el-Assad dans son mausolée à Kardaha.

dimanche, août 14, 2011

La religion du « nouveau peuple d'Israël »





Le dollar, image pieuse

Le billet de banque américain d'un dollar, à l'effigie de George Washington, est un symbole religieux.

Cette affirmation surprendra peut-être les lecteurs. Elle pourra sembler à certains extravagante, paradoxale, si ce n'est purement blasphématoire car elle associe la plus haute expression du monde sacré - la religion - à l'objet le plus commun du monde profane – l’argent ; d'autres penseront que l'auteur a voulu faire allusion, de manière métaphorique, au dollar comme symbole de l'argent-roi. C’est en réalité au sens littéral qu'il faut entendre le caractère religieux attribué au billet d'un dollar. Pour preuve, observons le verso du billet.

Au centre, cette inscription: «In God We Trust » (« Nous avons foi en Dieu »). C'est la devise nationale des États-Unis, adoptée officiellement le 30 juillet 1956 sous la présidence de Dwight D. Einsenhower, mais dont la première apparition remonte à l'année 1862 sur une monnaie de deux centimes, tandis qu'une version légèrement différente, « In God Is Our Trust », figurait dans le chant patriotique The Star-Spangled Banner (La Bannière étoilée), en vogue depuis 1814 et qui deviendra en 1931 l'hymne national des États-Unis.

Autour de la devise sont représentées les deux faces du Grand Sceau des États-Unis, choisi en 1776 par Benjamin Franklin, Thomas Jefferson, John Adams, et approuvé par le Congrès après une laborieuse délibération, le 20 juin 1782. À droite, l'aigle américaine aux ailes déployées tenant entre ses serres les flèches de la guerre et un rameau d'olivier, tandis qu’elle a dans son bec un ruban sur lequel s'inscrit une autre devise nationale : « E Pluribus Unum » (« De plusieurs un seul »). La phrase est composée de treize lettres équivalant au nombre de colonies à l'origine de la nouvelle République. L'aigle, en outre, est dominée par une constellation de treize étoiles entourée d’une auréole scintillante. À gauche, une pyramide tronquée, constituée de treize rangées de blocs de pierre carrés qui symbolisent l'auto-gouvernement tandis que l'inachèvement de la construction invite de nouveaux États à se joindre à la République américaine. Sur la première rangée de blocs, gravée en chiffres romains, la date de la Déclaration d'indépendance : MDCCLXXVI. La base de la pyramide est ornée d'un ruban qui porte une inscription extraite d'un vers de Virgile : «Novus Ordo Seculorum » (« Un nouvel ordre des siècles »). Le sommet est dominé par le triangle sacré et l'œil divin que surplombe encore une phrase de treize lettres, extraite elle aussi de Virgile, plantée dans le ciel, comme si elle était prononcée par une voix céleste : « Annuit Coeptis » (« Il a favorisé notre entreprise »).

Le billet d'un dollar est donc effectivement le symbole d'une religion : il exprime une profession de foi qui conifère un halo de sacralité au peuple de la République étoilée, à son origine, à son histoire à ses institutions, à son destin dans le monde. Mais si ses devises et ses images ont incontestablement une signification religieuse, il n'est pas évident d’identifier la religion dont ils témoignent.

Les États-Unis sont peut-être le plus religieux des pays modernes industrialisés, tant ils abritent de confessions religieuses. Cependant, la République étoilée n’est pas un État confessionnel et n'accorde à aucune religion, ni à aucune Église, une place privilégiée dans ses institutions. La Constitution des États-Unis, adoptée en 1787, ne fait aucunement référence à Dieu ou à la divine providence. En outre, le premier amendement, en 1791, garantit la liberté à toutes les confessions religieuses mais refuse explicitement de faire de l'une d'entre elles une religion d'État.

Cela n'empêche pas les États-Unis, nous l'avons vu,de professer officiellement leur foi en Dieu. Depuis l'époque de la Révolution, la nation américaine est convaincue d'entretenir avec l’Éternel un lien particulier et mystique, scellé par un pacte sacré : le peuple américain aurait été élu pour accomplir une mission historique au profit de l'humanité tout entière. La Déclaration d'indépendance, approuvée par le Congrès le 4 juillet 1776, affirme en premier lieu que le peuple américain prétend assumer, « parmi les autres puissances de la Terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit », et se conclut par un appel « au Juge suprême de l'univers de la droiture de nos intentions », manifestant une « ferme confiance dans la protection de la divine Providence ».

La formule du gage de fidélité au drapeau des États-Unis (The Pledge of Allegiance), institué à la fin du XIXe siècle dans les écoles comme une prière à réciter avant le début des leçons, rappelle ce lien d'élection qui unit la nation américaine à Dieu. Le14 juin 1954, le Congrès a décidé d’y ajouter que les États-Unis constituent «one nation under God », « une nation soumise à Dieu ». Cette référence imprègne aussi les déclarations plus solennelles des présidents des États-Unis. Depuis George Washington, tous les présidents de la République étoilée ont, lors de leur intronisation, conclu leur serment de fidélité à la Constitution par « So help me, God » (« Que Dieu me vienne en aide »), après avoir invoqué la bienveillance de Dieu ou du Tout-Puissant. Lors de son discours d'intronisation, John Fitzgerald Kennedy, premier président catholique, invoqua devant le peuple américain et devant Dieu Tout-Puissant la bénédiction divine sur la nation américaine, consciente d'« avoir fait sienne l'œuvre de Dieu sur cette terre ».

Y a-t-il, dès lors, contradiction entre le principe de séparation de l'État et de l’Église établi par la Constitution, et la profession de foi religieuse que révèlent les devises, symboles et rites politiques des États-Unis ?

Non, car la foi en Dieu ou dans le Tout-Puissant qu’ils expriment est la manifestation d'une forme particulière de religion, qui ne coïncide avec aucune des confessions religieuses professées par les citoyens des États-Unis : c'est une religion civile, c'est-à-dire un système de croyances, de valeurs, de mythes, de rites et de symboles qui confèrent à l'entité politique États-Unis, à ses institutions, son histoire, son destin dans le monde, un caractères sacré.

La religion civile américaine a ses « écritures sacrées » : la Déclarations d'indépendance et la Constitution, protégées et vénérées comme les Tables de la Loi ; elle a ses prophètes, comme les Pères Pèlerins ; elle célèbre ses héros sanctifiés, comme George Washington, le « Moïse américain », qui a libéré de l'esclavage anglais le « nouveau peuple d'Israël », c’est-à-dire les Américains des colonies, et l'a guidé vers la Terre promise de la liberté, de l'indépendance et de la démocratie ; elle vénère ses martyrs, tel Abraham Lincoln, victime sacrificielle assassinée le Vendredi saint de 1865, tandis que la nation américaine était en proie au feu régénérateur d’une cruelle guerre civile pour expier ses fautes et consacrer à nouveau son unité et sa mission. À la figure de Lincoln se sont ensuite ajoutées, dans le martyrologe de la religion civile, celles de John Kennedy et Martin Luther King. À l'instar des autres religions, la religion civile a également ses temples, comme le monument à Washington, le Lincoln Mémorial, le cimetière d'Arlington où est vénérée la tombe du Soldat inconnu, symbole des citoyens morts pour la nation. Enfin, elle a ses sermons et sa liturgie, dont les discours présidentiels d'inauguration, le 4 juillet, fête de l'Indépendance, le Thanksgiving Day, le jour de remerciement, le Memorial Day, en mémoire des hommes tombés au combat, et d'autres cérémonies collectives qui célèbrent figures et événements de l'histoire américaine, mythologiquement transfigurée en l'« histoire sacrée » d’une nation élue par Dieu pour accomplir une mission dans le monde.

Même si la religion civile des États-Unis dérive du protestantisme et en a subi, pendant plus d’un siècle, la forte influence dans son rapport au puritanisme et à la tradition biblique, elle s'est détachée, avec le temps, de cette référence explicite et concrète pour devenir un credo purement civique coexistant avec les confessions chrétiennes ou non chrétiennes. Dans la liberté que reconnait l'État à toutes les religions, elle respecte les religions traditionnelles, chrétiennes ou non, tandis que celles-ci, pour leur part, rendent hommage à la sacralité de la nation, à ses institutions et à ses symboles : le drapeau des États-Unis est exhibé dans nombre d'églises, au-dessus de l'autel ou de la chaire.
Emilio Gentile, « Les religions de la politique ».


Les religions de la politique

La sacralisation de la politique est un phénomène quasi universel à l'époque moderne. Elle survient chaque fois qu'une entité politique - la nation, la démocratie, l'État, le parti, la classe... - se transforme en entité sacrée et devient objet de dévotion et de culte, véritable moteur d'un système de croyances, de mythes, de rites et de symboles, qui subordonne le destin de l'individu et de la collectivité à une instance suprême. C'est alors que naissent de véritables religions de la politique qui ne sont pas l'apanage exclusif de certaines idéologies ou de certains régimes : on peut aussi bien sacraliser la démocratie que l'autocratie, l'égalité que l'inégalité, la nation que l'humanité. Ce sont ces diverses formes de religions politiques que ce livre explore, avec pour perspective de démarquer les religions civiles propres aux démocraties des religions politiques autoritaires, intolérantes ou intégristes. Une analyse, particulièrement d'actualité, qui renouvelle la réflexion sur le fanatisme de masse, les idéologies et le lien politique.


Emilio Gentile enseigne l'histoire contemporaine à l'université de Rome La Sapienza. Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont, traduits en français : La Religion fasciste, Perrin, 2002 ; Qu'est-ce que le fascisme ? folio-histoire, 2004 ; La Voie italienne au totalitarisme, Éditions du Rocher, 2004.

Le dalaï-lama à Toulouse


There is nothing left to lose



Au Zénith de Toulouse (capacité 9 000 places), le dalaï-lama ne fait pas salle comble, 2 000 sièges sont vides

Malgré la terrible crise qui secoue la société française, l'art du bonheur enseigné par le dalaï-lama à Toulouse n'attire pas massivement les bouddhistes de France. La communauté bouddhique comprend plus de 700 000 personnes, asiatiques et "Français de souche" confondus, et compte plus de cinq millions de sympathisants.

Seulement 7 000 personnes se sont déplacées pour aller à la rencontre du gourou tibétain qui bénéficie pourtant du soutien des médias. Les bouddhistes d'origine asiatique sont loin de manifester le même enthousiasme que les néo-bouddhistes occidentaux à l'égard du dalaï-lama.

Les néo-bouddhistes, qui amalgament souvent les recettes du lamaïsme et les techniques du Nouvel Age, sont animés par des sentiments affectifs qu'ils projettent sur ce « père » venu du mystérieux Tibet pour enseigner l'art d'être heureux et distribuer de nombreuses bénédictions tantriques. Le papa-gâteau des néo-bouddhistes est vêtu de rouge comme le Père Noël que les petits enfants invoquent afin d'obtenir des cadeaux et des confiseries.

Le néo-bouddhisme est un phénomène occidental qui baigne dans l'infantilisme chrétien : "Si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux." (Évangile selon Saint Matthieu). Or le véritable bouddhisme ne préconise pas ce genre de régression.




Prix Nobel de la paix, le dalaï-lama, abrité sous sa toge safran, incarne le martyre d'un Tibet soumis au joug chinois. Symbole de sagesse, il rassemble les foules partout dans le monde. Sacralisé, adulé: qui remettrait en cause ce dieu vivant qui prétend porter avec lui l'espoir de liberté de tout un peuple?

Maxime Vivas ose s attaquer au mythe: et si le dalaï-lama était un théocrate qui remplit d'or les coffres de ses palais tandis que les Tibétains n'étaient que des serfs auxquels on refuse toute éducation? Et si, en bon opportuniste, il tenait un discours changeant à l'égard des Chinois, tantôt amis, tantôt ennemis? Et s'il faisait le jeu des Américains et de la CIA davantage que celui des Tibétains qu'il prétend défendre ?

S'appuyant sur les propos mêmes du dalaï-lama, sur les témoignages de prosélytes ainsi que sur son propre voyage au Tibet, l'auteur dresse un portrait au vitriol de «Sa Sainteté» et nous démontre que tout n'est pas si zen au royaume de Bouddha.



Maxime Vivas, journaliste, est coadministrateur du site d'information alternative legrandsoir.info. Il anime également une émission culturelle sur Radio Mon Païs et a été référent littéraire d'ATTAC-France. Il a publié La face cachée de Reporters sans frontières. De la CIA aux faucons du Pentagone (Aden, 2007).

samedi, août 13, 2011

Le nouvel ordre mondial autoritaire





Les idées politiques du Nouvel Age

Au premier abord, le Nouvel Age semble se situer en dehors de la politique. Il n'a pas de visibilité institutionnelle. Il ne se réclame d’aucun parti. On a l'impression qu’il s’adresse à des individus désincarnés, délivrés de toute attache sociale, professionnelle, civile, syndicale, familiale, et qui sont occupés exclusivement de leur vie intérieure. Mais derrière l'arbre de l'apolitisme se cache la forêt des ambiguïtés et des non-dits. Ainsi, on ne tarde pas à deviner la silhouette d’un ordre mondial autoritaire.

A la base des idées politiques du Nouvel Age, il y a derechef le holisme. Le holisme est la pierre de touche qui permet de juger, en premier lieu, la valeur de la politique actuelle, et le diagnostic est accablant. Quel est le défaut de cette politique ? Le manque de vision globale. La politique menée par les gouvernements actuels n’est holistique ni dans ses finalités, ni dans ses moyens. Or, les vraies questions d’aujourd’hui, souligne le Nouvel Age, sont d’échelle planétaire. C’est le monde dans sa globalité qui est en péril, en raison des problèmes écologiques, de l'épuisement des ressources, de la surpopulation, du fossé économique entre les deux hémisphères, du gigantesque arsenal nucléaire et de l'instabilité politique. Le sort des générations futures est incertain et l'extinction complète du genre humain fait désormais partie du possible. Face à ces enjeux, il faudrait une prise de conscience globale, une politique de sauvegarde de la planète, une volonté ferme de prendre les commandes du «vaisseau spatial Terre». Mais la politique actuelle, enfermée dans l'horizon de ses petites questions, n'est pas à la hauteur de ces exigences. Les gouvernants ont des conceptions périmées, ils n'ont pas atteint un degré de conscience suffisant, ils ne sont pas assez «illuminés ». Il est donc suicidaire, estime le Nouvel Age, de continuer à leur confier les intérêts de la planète.

De plus, nos institutions politiques sont archaïques. Tributaires du vieux paradigme, elles en sont encore au stade du morcellement et de la séparation, et c’est la raison de leur inefficacité. En mettant en avant le holisme, en disant non à la politique fragmentée et «séparatiste», le Nouvel Age dit non à la démocratie. Après tout, le dogme holistique contredit sur un point capital le principe même qui est à la base des régimes démocratiques : je veux parler de la «séparation des pouvoirs » législatif, exécutif et judiciaire qui est la clé de voûte de notre démocratie représentative. Elle n’a évidemment aucune valeur pour une idéologie qui préconise le dépassement de l'état de séparation... Le non à la démocratie se double d’ailleurs d'un non tout aussi catégorique à l'État-nation et au principe de la souveraineté nationale. Le puzzle de cent quatre-vingt-dix nations composant le tissu international ne donne-t-il pas une pitoyable impression de morcellement ? Prisonniers de leurs frontières, les États s'avèrent incapables de faire face aux grands enjeux planétaires.

Il faut donc mettre en place un nouvel ordre politique, et le Nouvel Age indique les deux piliers sur lesquels il devra reposer : ce sont d’une part le moi, tel qu’il résulte de la transformation personnelle, et d'autre part Gaïa, dont l'unification est scellée par l'apparition du Cerveau global.

La fin du citoyen

Le moi, d’abord. L'un des axiomes les plus constants du Nouvel Age énonce que toute vraie politique découle en dernière instance de la source de l'intériorité. La politique n’est pas une pièce qui se joue sur la scène publique, sur une agora, dans des Assemblées, dans des cabinets gouvernementaux. Le seul facteur de changement global, c'est le changement individuel. « Si la conscience individuelle change, le monde lui-même changera. » Tel est l’un des principes directeurs de la politique du Nouvel Age. Les individus engagés dans leur transformation personnelle n'ont pas à formuler de projet de société ; ils n'ont pas à élaborer de doctrine politique, économique, sociale. Ils n’ont pas à se préoccuper d'agir en citoyens ordinaires, à militer dans la société civile, car le véritable changement de société s'opérera d'une manière indirecte : c'est en transformant leur propre conscience qu'ils transformeront ipso facto la civilisation. Loin d'exclure les problèmes de la cité, le travail sur la conscience est le seul moyen efficace de leur apporter une solution. Un adepte qui «entre en méditation» n’éprouve donc pas le sentiment qu’il fuit la réalité, et les maîtres spirituels du Nouvel Age l'encouragent dans la voie de l'intériorité, à l'instar de Graf von Dürckheim qui introduisait les séances de méditation par ces mots : « Nous pratiquons la méditation pour que, là où nous sommes assis, le monde soit un peu plus en ordre. »

N’importe quel problème politique peut être résolu ainsi, par la mise en œuvre de la transformation personnelle et de la méditation. Soit par exemple le problème de la guerre. D'où viennent les conflits entre les hommes ? La réponse est simple : de l'illusion de l'état de séparation, qui fait croire aux hommes qu’ils sont des êtres distincts les uns des autres. Pour peu qu’ils arrivent à dissiper cette illusion et à percevoir le monde d’une manière holistique, la violence disparaîtra comme un mauvais nuage. Il n'y a que grâce à la descente en ondes alpha qu’on surmonte les divisions et qu’on désamorce les conflits, car le moi se confond alors avec autrui dans une unité essentielle, de sorte qu'il n'y a plus d'agressivité ni d'antipathie. Notons que le Nouvel Age se garde de condamner la guerre au nom de l'éthique. Son approche n’est pas moralisatrice.

Il ne s'agit pas de mettre en œuvre une politique volontariste en faveur de la paix. On ne dit pas «tu dois », «vous devez», «faites ceci», car des injonctions de ce type impliqueraient un dualisme de l'être et du devoir-être, et un tel dualisme contredirait le principe de la non-séparation. La solution est beaucoup plus simple : grâce à la transformation personnelle, c’est la réalité même de la guerre qui s'évanouit : « Avec le nouveau paradigme, affirme Marylin Ferguson, la guerre devient impossible.» Partant de ce principe, la secte Méditation transcendantale proposa au président Bush, en 1991, une méditation collective afin de mettre fin à la guerre du Golfe. A la même époque, Jacques Castermane, animateur d’un centre de développement personnel très connu, déclarait à propos du plan américain de Nouvel Ordre mondial : « Seule la transformation de la personne individuelle représente la matière première du Nouvel Ordre tant espéré. »

Comment expliquer une telle action du changement intérieur ? D'où ce dernier tient-il le pouvoir de catalyser le changement extérieur ? L’explication réside dans la correspondance entre la partie et le tout, entre l’homme et l'Univers, qui est postulée par le holisme. Le corps politique que constitue la planète des humains est comparable à un hologramme où chaque partie contient l'ensemble des informations relatives à l'image complète. Les individus qui le composent sont autant de fragments de ce grand hologramme planétaire de sorte que chacun d'eux récapitule toute la planète. Chaque homme est donc en droit de dire : « Je suis un résumé de tout l’Univers », et il n'a plus qu'à se recueillir en lui-même pour découvrir non seulement la clé de la connaissance universelle mais aussi le pouvoir d'agir sur le tout. En vertu de la théorie de l'homme-microcosme, avoir le souci de soi, c'est avoir le souci du monde.

Les conséquences d'un tel point de vue sont faciles à prévoir. La politique du Nouvel Age est aspirée avec une force irrésistible vers la sphère étroite du moi. Plus rien ne peut freiner la dérive vers le solipsisme. Le holisme encourage les comportements de repli, et prononce ainsi l'acte de décès de toute vie politique et sociale digne de ce nom. Dès lors que le principe du changement réside dans l'intériorité, pourquoi participer au débat public, pourquoi agir, lutter ? Il est clair que l'engagement de l'individu dans la méditation va de pair avec le désengagement vis-à-vis de la politique et de la société civile. A mesure que la « conscience s'élargit », le champ politique et social se réduit comme une peau de chagrin. Que reste-t-il même de la notion de citoyen ? Car un citoyen est un individu qui ne perd pas de vue le fait qu’il est distinct de ses semblables, et la conscience de cette altérité lui permet d’accomplir les actes politiques essentiels que sont la discussion, la négociation, la lutte, le compromis. A l'évidence, cette conception de la polis, définie il y a près de deux mille cinq cents ans en Grèce, disparaît avec le Nouvel Age. Dans la perspective holistique, cela n'a aucun sens, non plus, d'analyser les rapports sociaux en termes de contrat entre citoyens. Le Nouvel Age nous montre donc une fois de plus qu’il remplit dans notre société une fonction éminemment idéologique : de même qu’il légitime les excès de la culture du moi, il couvre d’un voile flatteur certaines évolutions qui minent la démocratie moderne, en donnant sa caution à la déresponsabilisation politique.

Un gouvernement mondial

Gaïa constitue le second principe de la politique du Nouvel Age. Ainsi tient-on les deux extrémités de la chaîne. D’un côté, on a des individus libérés de leurs liens politiques, déchargés des obligations du contrat social. De l'autre se déploie l'immense champ de conscience planétaire formé par la coagulation des consciences individuelles. Étonnante synthèse de l’individualisme intégral et du collectivisme intégral ! Tout se passe comme si, aussitôt après avoir arraché les individus à la politique fragmentée, le Nouvel Age se hâtait de les jeter dans le grand chaudron du Cerveau global. Et, entre les deux, il n’y a plus rien ! Il n’y a plus d'étage intermédiaire, plus de «corps intermédiaire» entre le territoire du moi et la fusion planétaire. L'espace public qui s'étend entre la sphère privée et le Cerveau global se trouve pour ainsi dire évidé. La sphère du politique se referme sur du néant. Le citoyen disparaît, avec ses traditions, sa culture, sa patrie, ses fidélités, ses devoirs, pour faire place au nouvel Homo politicus, l’homme planétaire, voué corps et âme au service de Gaïa.

En faisant de la fusion dans Gaïa le principe directeur du nouvel ordre humain, le Nouvel Age planétarise définitivement la politique. Et cela conduit tout naturellement à préconiser la création d'institutions à l'échelle planétaire. Il faut donner au Cerveau global des organes de décision, de gestion, d'administration, autrement dit un gouvernement mondial. Seul un gouvernement mondial sera à même de piloter ce que la littérature du Nouvel Age se plaît à appeler le «vaisseau spatial Terre» (une belle métaphore techniciste, au demeurant...). Ces idées sont partagées, notons-le, par un grand nombre de leaders de sectes. Leur projet est un directoire mondial des affaires planétaires, qui serait assuré par les personnalités et les sectes parvenues au degré de conscience le plus élevé. On retrouve quelque chose d'identique chez World Goodwill (Bonne Volonté mondiale), qui formule un programme combinant l'idée d’un gouvernement mondial avec l'annonce d'un proche retour du Christ sur la Terre. L'unification politique du globe sous la houlette du messianisme religieux...

Pour faire face aux problèmes de notre temps, le Nouvel Age rêve d'une aristocratie spirituelle dans le style de la République de Platon, d'un magistère de sociétés secrètes, d'une synarchie planétaire. Le mondialisme autoritaire, la coagulation des individus dans le Cerveau global, l'enrôlement dans la conscience mystico-planétaire, n'ont-ils pas quelques points communs avec les grandes cérémonies fascistes où le cœur d'un peuple entier vibrait a l'unisson ? Si les « new-agers » sont souvent des individualistes cultivant leur moi, il n'en reste pas moins vrai que la mystique de Gaïa s'apparente aux mythes collectifs de l'époque totalitaire. L'échelle est différente, car ce n’est pas une race qui est exaltée, ni un peuple, ni un État, mais la masse humaine tout entière, réunie dans le culte de Gaïa. Cependant, c'est la même ferveur collective, le même besoin de fusion, le même vertige de la dissolution individuelle.

Si, demain, un gouvernement mondial voyait le jour, il aurait besoin de s'appuyer sur une idéologie pour assurer sa légitimité, et il y a toutes les chances pour que le Nouvel Age constitue cette idéologie... On peut sourire et se rassurer en se disant qu'on n'en est pas encore là. Mais prenons garde : ces fantasmes planétaires ne sont pas d'innocentes rêveries, car, comme nous l'avons rappelé [...] le Nouvel Age est une réserve d'idées pour les sectes. En attendant la révolution mondiale tant espérée, ces fantasmes autour de Gaïa servent d'alibi pour maintenir, à une plus petite échelle, la cohésion de ces sectes. Celles-ci utilisent le Nouvel Age pour construire méthodiquement leur microfascisme. Au nom des intérêts supérieurs de la planète, au nom du futur ordre mondial, les adeptes qui ont eu l'imprudence de se laisser enrôler sont pressés de se soumettre à la loi inflexible que leur dicte un maître, qui connaît le Vrai et le Bien. La vision holistique et les plans de salut planétaire servent cyniquement à légitimer l'embrigadement et l'exploitation.

Une nouvelle forme de totalitarisme

L’hypothèse que nous formulons est que le Nouvel Age est en train d'inventer une nouvelle forme de totalitarisme. Essayons d'en préciser la nature. Ce totalitarisme résulte de la conjugaison de deux idées majeures que le Nouvel Age place au centre de sa doctrine : la formation d'un champ de conscience planétaire d'une part, la crise écologique d'autre part. En joignant ces deux idées l'une à l'autre, on aboutit à l'affirmation suivante : le champ de conscience global est l'instrument qui va permettre de sauver la Terre.

Quel sort est réservé à la pensée dans cette doctrine qui met au premier plan le salut de Gaïa ? Il n'y a plus, pour la pensée humaine, d'autre impératif, d’autre horizon, que cette exigence de survie. Les valeurs vitales se trouvent désormais au sommet de l’échelle des valeurs. «Tout faire pour préserver la vie de Gaïa ! » Certes, en recevant un tel ordre de mission, les « new-agers » éprouvent la satisfaction de savoir qu'ils ne sont pas « jetés-dans-le-monde » sans raison. Leur vie a de nouveau du sens, mais ils ne tarderont pas à sentir combien la plénitude de sens peut être étouffante. Car l'impératif de survie met en place un implacable asservissement de l'esprit. La mission de sauver la Terre constitue une lettre de cadrage qui s'impose rigoureusement à toute réflexion humaine. Dans le monde que dessine l'idéologie du Nouvel Age, la pensée ne reconnaît plus qu’un seul maître : l'instinct vital. La loi suprême de l'esprit, c’est maintenant le primum vivere. La notion même d'humanité ne se trouve-t-elle pas, de ce fait, gravement atteinte ? La loi du primum vivere nous dépouille de notre qualité d’hommes : dans le nouvel ordre biologique, il n’y a plus d'hommes à proprement parler, il n’y a que des humains (le concept d’homme implique l'idée de l'universel, tandis que l'humain est un genre du vivant), c’est-à-dire une espèce luttant, au même titre que les autres, pour survivre. Le totalitarisme du Nouvel Age est un mélange de biologisme et d'antihumanisme.

Dans les années 20, Julien Benda dénonça dans La Trahison des clercs l'attrait des intellectuels pour les valeurs d’action, qu'incarnait alors le fascisme. Les clercs trahissaient l'universel au profit du pragmatisme. Le Nouvel Age ne répète-t-il pas, à sa manière, cette trahison ? Ce n’est plus comme autrefois à la force qu’il soumet la pensée, mais à l'impératif de survie. Toute activité mentale qui n'apporte pas de contribution au salut de Gaïa perd sa raison d’être. Dans ce cortex planétaire, dans ce grand organisme neuroélectronique, il n’y a donc pas de place pour la liberté de l’esprit. Immergé dans le transpersonnel, l'individu n’a pas plus d'indépendance que la cellule nerveuse parmi les dix milliards de neurones de la boîte crânienne. Gaïa indique à ses neurones le contenu de toute pensée possible, et l'injonction s’adresse particulièrement aux hommes de pensée... Aucun philosophe, écrivain, poète, artiste, expert, journaliste, homme de science, intellectuel, ne saurait se dérober à sa responsabilité planétaire. Nul autre objet n'est digne de retenir l'attention. Il est interdit de laisser divaguer sa pensée et son imagination, alors que l’état d’urgence est proclamé dans le village planétaire, interpellant chacun de ses habitants. Dans le champ de conscience global, il n’y a pas de place pour le libre examen, pour l’esprit critique. Aucune petite voix n'a le droit de faire entendre un son discordant dans le grand unisson planétaire. La loi du primum vivere sonne le glas de la pensée solitaire et de l'intelligence contestatrice. Une pensée qui a reçu la mission de gérer le réel peut-elle revendiquer le droit de dire non à ce réel ? Dans le nouvel ordre biologique, il n'est plus permis de s'évader vers l’idéal, de se rebeller au nom d’une utopie quelconque, bref de porter témoignage d'un autre monde, car il n'y a plus que ce monde-ci. Le monde devient unidimensionnel. La pensée est détournée des choses célestes et ramenée inexorablement aux choses terrestres. Il faut qu'elle renonce à ses penchants idéalistes. Elle n’est plus que la servante du réalisme.

Il y a deux mille cinq cents ans, les Grecs inventèrent la skholê, c'est-à-dire le loisir, pour ouvrir à l'esprit l'espace de la morale, du débat politique, de la philosophie, de l'esthétique, de la science désintéressée. Ainsi la pensée occidentale prit-elle son essor. Or le Nouvel Age s’oppose à cette notion de loisir. Il interrompt la tradition de la vita contemplativa. Il ne connaît que la pensée opérationnelle, la pensée gestionnaire, fonctionnarisée, soumise à la loi de l'efficacité. N'est-ce pas d'ailleurs cette suprématie de l'utile qu'exprime le slogan familier du Nouvel Age : « Penser de façon positive» ? La pensée positive est présentée par le Nouvel Age sous un jour flatteur, mais il se pourrait bien que cette positivité soit la négation même de la pensée. Car que reste-t-il de l'essence de la pensée si on lui ôte le loisir, la gratuité, et si on lui demande de rendre compte de ses résultats ? Cette «obligation de résultats» constitue, pensons-nous, un véritable désastre philosophique. Le règne de la liberté de l'esprit, commencé sous le ciel de la Grèce antique, risque de prendre fin dans le cockpit du «vaisseau spatial Terre», avec la conscience humaine asservie aux instruments de bord, branchée sur les mécanismes régulateurs de la Terre et servant de timonier spatial...

Telle est la forme inédite de totalitarisme qu'invente le Nouvel Age.

Michel Lacroix, « L'idéologie du New Age ».


 L'idéologie du New Age

L'entrée prochaine dans une ère de paix et de spiritualité, la vision globalisante du monde, ainsi que la nécessité d'une transformation personnelle, sont les thèmes majeurs du New Age qui, loin d'être un " fourre-tout " ésotérique, forme une idéologie cohérente.

Selon le philosophe Michel Lacroix, cette pensée fait peser de graves dangers sur l'individu et sur la société. Une idéologie de la totalité ne risque-t-elle pas de devenir une idéologie totalitaire ?



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Un rabbin affirme que les Juifs sont des extraterrestres venus pour « conquérir » la Terre.

Le rabbin Michael Laitman est l'auteur de "Kabbalah, Science and the Meaning of Life". Le livre retrace les étapes de l'év...