lundi, octobre 10, 2016

Le bouddhisme à l’occidentale : une sagesse de notre temps ?




Bouddhisme tibétain, le Centre d'Albuquerque (New Mexico, USA).




Le bouddhisme à l’occidentale :
une sagesse de notre temps ?



par Marion Dapsance



L
e grand appartement monégasque donne sur la mer. Il y règne une intrigante atmosphère de voyage. La propriétaire, qui dirige l’association, est constamment entre deux avions, suivant autant que possible son maître dans ses tournées internationales. Elle porte des jupes longues et des chemises en soie colorée rapportées d’Inde et du Népal, se nourrit essentiellement de riz aux lentilles, fait brûler des bâtonnets d’encens dans toutes les pièces. Une volubile servante indonésienne vient faire le ménage chaque jour. Aux murs de l’entrée, des photographies en noir et blanc représentent un vieillard tibétain en robe de lama. Ses longues moustaches blanches et son crâne chauve lui donnent un air stéréotypé de « sage asiatique ». Le salon, transformé en « salle de pratique », est pourvu d’un autel chargé d’offrandes et de photos de maîtres, de statuettes de bouddhas, d’images peintes et d’objets rituels que je ne connais pas encore. On se déchausse en entrant, avant de venir s’asseoir sur un petit coussin rond. En pénétrant dans cette pièce, certains se prosternent devant la grande photographie du maître, qui fait face à l’entrée. Une petite chambre adjacente sert de bibliothèque : il est possible d’y emprunter des livres et des revues traitant du bouddhisme tibétain et d’ésotérisme, de yoga et de végétarisme. J’y découvre les ouvrages de Kalou Rinpoché et de Mme Blavastky, de Dilgo Rinpoché et d’Annie Besant, des livres sur les extraterrestres, les « grands maîtres » hindous et Arnaud Desjardins. On me parle de « pratiques », on m’offre un livre relatant l’histoire de la lignée, on me fait regarder des vidéos sur la vie du maître et les couvents qu’il a fondés dans les régions himalayennes, on m’invite à participer à des liturgies en tibétain, dont le sens ne m’est enseigné que progressivement, au fil de discussions avec d’autres étudiants, échangeant ouvrages théologiques et conseils pratiques sur la manière d’effectuer les rituels. On me parle bien sûr de la « méditation », qui consiste à se tenir assis sur un coussin, les yeux fermés, et à « observer ses pensées ». Cependant, je constate que peu la pratiquent.

Les membres de cette association appartiennent à toutes les catégories sociales et à tous les âges, la proportion des hommes étant aussi élevée que celle des femmes. Tous sont liés par une même « connexion » avec le maître, qu’ils disent devoir entretenir quotidiennement et qu’ils appellent également « dévotion ». Tous, un jour, ont été « touchés » par sa personne, son image, sa simple évocation. À certains, il apparaît en rêve, s’impose à la pensée ou même se matérialise sous forme d’animal pour leur communiquer un message important au moment le plus opportun.

La plupart sont assidus à la « pratique », qu’il s’agisse de liturgies liées au culte de divinités comme Tara ou Tchenrézig, organisées quotidiennement, ou de rituels tantriques plus complexes, comme le rituel de Tcheu, organisé certains soirs, en fonction du calendrier lunaire. Quelque fois, un lama subalterne vient séjourner sur la Côte. Il s’enquiert de la « pratique » des membres du groupe, répond aux questions, règle les peines de cœur, prodigue des conseils sur l’orientation professionnelle des uns et des autres, établit l’horoscope des nouveau-nés, bénit les enfants.

Quelques semaines après mon entrée dans l’association, on me propose une « retraite ». Celle-ci a lieu dans le centre européen de la lignée, situé en Bretagne. Le bâtiment, un ancien corps de ferme perdu en pleine campagne, est un lieu paisible et agréable. L’arrivée du lama y est célébrée en grande pompe : long tapis rouge, haie de disciples baissant la tête et joignant les mains sur leur poitrine, sonorités stridentes des cors et des hautbois tibétains, fumigations, aspersions d’eau bénite. Parmi la foule, je vois des Occidentaux en robe de moine rouge, l’épaule découverte et les pieds nus dans leurs sandales, malgré le froid. Des hommes en costume sombre se courbent à l’approche du maître, qui sort d’une élégante berline, pour lui remettre une écharpe blanche. Le lama, marchant les pieds en canard, sourit à tous d’un air heureux. Accompagné jusqu’à la ferme par une suite de religieux tibétains, d’Européens ordonnés et de disciples chanceux, le grand maître disparaît loin des regards.

C’est ma première rencontre avec lui. À chaque enseignement, donné tous les jours sous une grande tente, le lama est accueilli avec le même faste et la même révérence, tenu à l’écart des centaines de disciples venus du monde entier pour l’écouter. Il explique en anglais des doctrines morales et théologiques, se référant à des textes, des maîtres et des divinités qui me semblent très exotiques. La retraite est consacrée aux pratiques rituelles de Tcheu et de Vajrayogini. La première, m’explique-t-on, était à l’origine pratiquée la nuit dans des charniers. Elle consiste à se visualiser soi-même sous forme d’une divinité féminine se découpant en morceaux, de manière à rendre sensibles le démembrement de l’ego et la vacuité des phénomènes. La seconde consiste à se visualiser sous la forme d’une jeune fille de seize ans, nue et rouge de peau, entrant en relation sexuelle avec son maître. Dans les deux cas, les rituels sont longs et compliqués. Ils incluent de nombreuses prières, invocations, confessions de fautes et réitérations de vœux, récitations de litanies de maîtres et de bouddhas, le tout en tibétain. Des gestes, des mouvements, des visualisations et des attitudes mentales codifiés s’ajoutent à la récitation.

Centres bouddhistes vus de l’intérieur

Lors de cette retraite, je suis frappée par le décalage que je constate entre ce que j’avais appris dans les ouvrages de vulgarisation consacrés à cette « spiritualité laïque » et ce qui m’était effectivement proposé dans les centres bouddhistes tibétains – aujourd’hui l’obédience la plus représentée et la plus populaire en France (1). Alors que les discours diffusés auprès du grand public mettent systématiquement en avant la dimension supposément areligieuse de ces traditions, les « centres du dharma » regorgent d’Occidentaux ravis de s’adonner à la pratique de ce que l’on appelait encore il y a peu, avec mépris, « le lamaïsme (2) ».

Comment interpréter cet écart entre les discours et les pratiques observables ? Les apologètes et les médias (3) expliquent régulièrement que les Occidentaux sont séduits par le bouddhisme en raison de son athéisme, de son absence de dogme, du fait qu’il constituerait une philosophie adaptée à la vie moderne, à laquelle il apporterait un regain de bien-être psychique. Dans un article publié dans Psychologies magazine et intitulé « Pourquoi le bouddhisme nous attire (4) », Frédéric Lenoir informe ainsi ses lecteurs que le bouddhisme nous paraît plus « moderne » que le catholicisme en raison du « caractère non dogmatique des enseignements du Bouddha, lequel affirmait que chacun de ses disciples ne doit suivre ses préceptes qu’après les avoir lui-même éprouvés ». Ainsi, « l’expérience individuelle [serait] au coeur du bouddhisme ». Il ajoute que le catholicisme au contraire « apparaît comme un discours dogmatique sur ce qu’il faut croire et ne pas croire, faire et ne pas faire ». Lenoir va plus loin encore en affirmant que ces « techniques » intéressent aujourd’hui les plus grands chercheurs et constitueraient même une « véritable science du sujet qui n’existe pas en Occident ». Outre qu’il balaie d’un revers de la main plusieurs siècles de philosophie occidentale, Frédéric Lenoir n’explique pas en quoi les rituels tantriques pratiqués par les religieux tibétains constitueraient des « techniques scientifiques ». Pour cet auteur, l’affaire est entendue : le bouddhisme attire les Occidentaux parce qu’il serait athée, rejetterait les croyances non fondées sur la raison, ferait la promotion de valeurs généreuses comme la compassion, la liberté, le respect de la vie, la nonviolence, la tolérance et favoriserait le développement personnel et la sérénité. Les entretiens réalisés auprès d’un millier de pratiquants des bouddhismes zen et tibétain viennent, dans ses travaux, à l’appui de cette hypothèse (5).

Cependant, l’observation même rapide des pratiques adoptées dans les centres invite à revoir ces analyses, qui s’en tiennent essentiellement, aussi bien pour le sociologue que pour ses informateurs, à la répétition d’un certain nombre d’idées reçues. Face aux scènes décrites plus haut, on peut en effet se demander ce qui attire vraiment les Occidentaux dans le bouddhisme tibétain – et ce qui les conduit à y rester.


Une religion sans Dieu
qui fait la part belle aux divinités


Selon les observateurs, le premier critère justifiant l’attirance des Occidentaux pour le bouddhisme serait l’athéisme, qui rangerait ce dernier dans le camp des « spiritualités modernes », opposées aux « religions dogmatiques ». Cette affirmation appelle au moins deux éclaircissements. Tout d’abord, qu’en est-il exactement de l’« athéisme » du bouddhisme ? Il est vrai que les bouddhistes ne conçoivent pas l’univers comme étant la création d’un être supérieur, éternel, parfait et omniscient. Pour autant, cela ne les empêche pas de reprendre à leur compte la cosmologie hindoue, selon laquelle l’univers est peuplé d’une multitude de dieux, de demi-dieux, d’hommes, d’animaux, de démons et d’esprits avides (6). Ces êtres séjournent successivement sur plusieurs terres, dans plusieurs enfers et plusieurs paradis, où ils subissent supplices et délices, pour des durées plus ou moins longues, en fonction de la moralité de leurs actions passées – cette moralité étant par ailleurs strictement définie par des textes et non suivant leur conscience personnelle, comme le croient aujourd’hui la plupart des Occidentaux (7). Les dieux et les demi-dieux sont soumis comme les hommes à l’empire des passions, et donc au samsara, le cycle sans fin des morts et des renaissances. La différence entre les hommes et les dieux tient au fait que ces derniers connaissent des états de bonheur plus intenses et plus durables, et qu’il est possible de se concilier leurs bonnes grâces pour en obtenir des avantages, souvent matériels. Ils se rapprochent en cela davantage des dieux de l’Antiquité grécoromaine que des divinités monothéistes. Contrairement à ces dernières, les déités bouddhiques appartiennent au monde de l’impermanence et de l’imperfection, qui se distingue radicalement des « terres pures » peuplées par les bouddhas, ces êtres éveillés qui ont transcendé l’ignorance, la mort et la renaissance. Ces êtres exceptionnels, dont le Bouddha Shakyamuni ne serait que le spécimen le plus récent, interviennent à intervalles réguliers dans le monde pour le sauver de son errance mortifère. Pour cela, ils disposent certes des enseignements – le dharma – mais également de pouvoirs surnaturels. Les bouddhas sont donc comparables aux êtres extraordinaires jouant les intermédiaires entre l’ici-bas et l’au-delà, dont les exemples les plus connus en Europe sont le Christ, la Vierge et les saints. Ce qu’il importe de retenir, c’est que la hiérarchie des êtres instaurée par le bouddhisme ne différencie pas les hommes de Dieu (ou des dieux), comme notre culture grécochrétienne nous y a habitués, mais bien les « éveillés » du reste du vivant. Il est par conséquent absurde de parler d’« athéisme » au sujet du bouddhisme. C’est d’abord faux si l’on s’en tient au sens strict du mot : le bouddhisme n’est pas une « religion sans Dieu », c’est même une religion qui en comporte plusieurs. C’est ensuite une forme de projection ethnocentrique, dans la mesure où l’importance que l’on accorde ou non à l’existence d’un Dieu est une question sensible pour les juifs, les chrétiens et les musulmans modernes, mais non pour les bouddhistes, pour qui les dieux, nous l’avons vu, n’ont pas grande importance.

On pourrait rétorquer que la question de l’existence ou de l’inexistence d’un Dieu créateur revêt une importance réelle pour les sujets qui nous occupent, à savoir les Occidentaux déçus du christianisme qui adhèrent au bouddhisme pour sa conception du monde apparemment plus « rationnelle ». Les adeptes et les sympathisants que j’ai rencontrés ou dont j’ai lu les témoignages considèrent généralement – la nouvelle n’est pas neuve – que les récits bibliques sur l’origine du monde ne sauraient s’accorder avec les dernières découvertes de la science. Le bouddhisme, en revanche, proposerait une vision « scientifique » de la vie, pour la simple raison que toute cause première aurait été évacuée. Pour les bouddhistes, l’univers n’a ni commencement ni fin. Il résulte des actions individuelles et collectives des êtres qui le peuplent. Les actes produisent des effets, c’est la « loi du karma », que chacun, nous dit-on, peut vérifier tous les jours. Or l’absence d’un dieu créateur, le caractère éternel ou atemporel de l’univers et le fait que les actions posées emportent leurs conséquences n’impliquent pas de facto le caractère scientifique de l’explication bouddhique du monde. Le bouddhisme a bel et bien son mythe des origines. Ses admirateurs occidentaux pour la plupart le méconnaissent, ou le rejettent comme une vieillerie superstitieuse – mais dans ce cas, pourquoi ne pas faire de même avec le récit génétique judéo-chrétien ?

Seconde remarque, il semble peu probable que l’athéisme attire particulièrement les Occidentaux au bouddhisme – en tout cas, si elle les séduit au premier abord, cette fausse réputation dont on l’accrédite ne saurait les convaincre très longtemps – étant donné leur bonne volonté à pratiquer les rituels tantriques consacrés aux divinités indo-tibétaines dans les « centres du dharma ». En effet, les lamas présents sur notre territoire proposent, en réponse à la demande occidentale de « méditation », les pratiques religieuses auxquelles ils ont été formés. Or, dans le bouddhisme tantrique indotibétain, les divinités sont au centre des liturgies (8). La pratique du tantrisme se caractérise par le « yoga des déités », dans lequel le pratiquant se visualise lui-même sous la forme d’un bouddha. Le méditant considère tout d’abord que la bouddhéité comporte deux aspects : le corps de vérité, qui est l’esprit omniscient d’un bouddha, et le corps d’apparition, qui est la forme physique adoptée par ce bouddha pour se rendre manifeste. Il commence par méditer sur la vacuité des phénomènes et du soi, avant de faire apparaître en son esprit, suivant des descriptions strictement codifiées dans des textes, le bouddha qui lui aura été attribué comme divinité tutélaire, en raison de ses qualités et de ses pouvoirs particuliers. Après avoir loué et prié ce bouddha, s’être confessé à lui et lui avoir présenté toutes sortes d’offrandes matérielles et mentales, le pratiquant récite des dizaines, voire des centaines de fois sa formule sacrée (mantra) en effectuant les gestes (mudra) appropriés. Puis, il imaginera que ce bouddha n’est autre que son maître (lama) et s’unira à lui en esprit, avant de dissoudre la visualisation en une explosion de lumière débouchant finalement sur le vide.

L’objectif est d’intérioriser les qualités de la divinité (qui n’est autre que l’esprit omniscient des bouddhas sous une forme sensible) et de réaliser son irréalité, sa vacuité profonde. La conclusion du rituel est en effet la constatation que la divinité est « vide », c’est-à-dire qu’elle n’existe que sur un plan relatif, mais non absolu. À un niveau supérieur, elle se confond avec le corps ultime des bouddhas (dharmakaya). Ces rituels se fondent sur la doctrine des « deux vérités » ou des « deux réalités », selon laquelle les phénomènes que nous constatons et l’individu que nous croyons être ne sont vrais qu’à un « niveau relatif », celui auquel évoluent les êtres aux « capacités limitées », c’est-à-dire la grande majorité des humains, les animaux, les dieux, les demi-dieux et les esprits avides. Seuls de très rares pratiquants, de même bien sûr que les bouddhas et les boddhisattvas, sont capables d’avoir accès à la « réalité absolue », au-delà de toutes les apparences et de toutes les conventions. Le yoga de la déité est ainsi un entraînement permettant de dépasser la « réalité relative » et d’acquérir les pouvoirs requis pour accéder à la « réalité absolue ». Ces pratiques et ces doctrines complexes, aujourd’hui proposées à un vaste public d’Occidentaux, sont traditionnellement réservées à une élite religieuse, les laïcs tibétains se contentant habituellement de la récitation de prières, de la bénédiction des moines et des lamas, des pèlerinages et de la vénération de reliques. Or, si les lamas les ont enseignées aux Occidentaux dès leur arrivée dans les années 1960, c’est parce que ces derniers se sont révélés demandeurs (9).

Le bouddhisme n’est donc pas « athée », et ce pour deux raisons : au plan cosmologique, les divinités abondent ; au niveau de la pratique religieuse, elles sont au centre des rituels. Or les Occidentaux n’hésitent pas à adopter ces rituels, certains considérant même que les divinités existent, et qu’il convient de les prier de la même manière que leurs grands-parents invoquaient la Vierge et les saints. Il est donc douteux que le bouddhisme attire en raison de son athéisme.


La découverte et l’invention de nouveaux dogmes


Venons-en maintenant à la deuxième explication invoquée par les observateurs : le bouddhisme attirerait en raison de son « absence de dogmes ». Considérer que le bouddhisme ne comporte aucun dogme est lui-même un dogme, hérité du XIXe siècle (10). Même dans les « centres du dharma » qui proposent un « bouddhisme adapté à l’Occident », c’est-à-dire axé sur la pratique de la « méditation » au sens de concentration mentale, de nombreuses contraintes stéréotypées sont imposées aux disciples.


Tout d’abord, une manière de pratiquer ladite « méditation (11) ». Il convient d’abord de s’asseoir dans la « posture en sept points » : jambes croisées, mains posées sur les genoux, dos droit, épaules dégagées, tête et menton légèrement baissés, bout de la langue touchant le palais, regard posé sur le bout de son nez ou dans l’espace devant soi. Il faut adapter son regard à son état d’esprit : légèrement vers le bas quand il est agité, légèrement vers le haut quand il est plutôt léthargique. L’étudiant doit rester conscient de son souffle, de ses pensées, de ses émotions, de ses sensations et de l’environnement dans lequel il se trouve, sans se laisser pour autant emporter par eux.

Ensuite, une manière de parler. Dans les groupes bouddhistes occidentaux, j’ai observé une même manière stéréotypée de s’exprimer, qui mêle langage psychothérapeutique ordinaire et concepts bouddhiques traditionnels. Les nouveaux venus acquièrent ce sabir au contact des plus anciens, tandis que le lama, la plupart du temps, s’adresse à eux en anglais traduit. L’objet principal des (nombreuses) discussions entre disciples est d’une part soi-même, en tant qu’individu s’acheminant vers la découverte libératrice de l’irréalité du soi, d’autre part le lama, décrit comme un être parfait capable de les mener à la libération. Aussi le vocabulaire employé est-il binaire : les disciples se caractérisent par la « confusion », les « concepts », les « fabrications », etc. ; le lama par « la Vue », « la spontanéité », « la plénitude », « la perfection », « la nature de Bouddha », etc. Les verbes utilisés sont essentiellement des verbes d’état. Ce langage implique une vision du monde dichotomique, figée, définitive : les disciples sont dans l’ignorance, le lama est la perfection. Leur ignorance n’est pas accidentelle : elle est au fondement même de leur être. Nous ne sommes pas donc très loin, même si les mots employés diffèrent et que la chose n’est pas théorisée, de la doctrine du péché originel. En outre, il découle de la catégorisation – a priori et constamment ressassée – du lama comme être parfait un dogme nouveau pour les Occidentaux, que l’on pourrait appeler « dogme de l’infaillibilité lamaïque » : quoi qu’il fasse, ou plutôt quoi qu’il ait l’air de faire du point de vue de la « réalité relative », le lama a raison. Si son disciple doute de la bonté de ses intentions, c’est bien la preuve qu’il est empêtré dans « l’ignorance samsarique (12) ».


Ce dogme de l’infaillibilité du lama se rencontre dans la plupart des « centres du dharma » d’Europe et des États-Unis. Je l’ai en tout cas constaté dans tous ceux que j’ai fréquentés. Correspondant aux formes tibétaines de la confiance et de la dévotion dues aux lamas, il a pu être traduit en contexte occidental grâce aux écrits des théosophes, qui ont, depuis la fin du XIXe siècle, propagé l’idée que les « maîtres tibétains » étaient des êtres surévolués ayant pour mission de délivrer l’Occident du matérialisme (13). Cette croyance peut cependant aller beaucoup plus loin. Certains enseignants bouddhistes – qu’ils soient tibétains, japonais ou occidentaux – développent en effet une véritable théologie du maître parfait, conjuguant dévotion traditionnelle et doctrine des « moyens habiles » (upaya en sanscrit). Selon cette dernière, un bouddha peut employer toutes les méthodes qu’il juge nécessaires à la conversion de ses disciples. Il peut ainsi user de ruse, de mensonge, de violence ou de magie (14). Ainsi certains enseignants, dont les plus connus sont les tibétains Chögyam Trungpa et Sogyal Rinpoché, ont systématisé cette conception du maître éveillé capable de tout. Dans leurs centres, le maître démontre sa bouddhéité par le fait d’être absolument imprévisible et imparfait : il arrive systématiquement en retard à ses enseignements, humilie publiquement ses disciples, se fait servir comme un roi, dispose de harems (15). Ce comportement est appelé « folle sagesse » (yeshe cholba en tibétain), apanage des « saints fous » de la mythologie (les « grands adeptes », mahasiddha en sanscrit). Quiconque refuse la « folle sagesse » et tout ce qu’elle comporte de vexations, de privations et de sacrifices est indigne de faire partie du groupe et en est généralement expulsé. Quiconque use de son esprit critique – pourtant présenté comme central dans le bouddhisme – et remet en question l’intérêt spirituel d’un tel comportement est considéré comme inférieur. Quiconque, en somme, refuse ce dogme est assimilé à un « démon (16) ».

Contrairement à ce qu’affirment les commentateurs – rappelonsnous Frédéric Lenoir, qui considère que le bouddhisme n’est pas, comme le catholicisme « un discours dogmatique sur ce qu’il faut croire et ne pas croire, faire et ne pas faire » –, ce n’est pas parce qu’elle serait dépourvue de « dogmes » que les Occidentaux apprécient cette « spiritualité ». Elle en comporte beaucoup, de nouveaux comme de traditionnels, et les Occidentaux semblent éprouver un certain plaisir à s’y soumettre. Comment l’interpréter ? Plusieurs explications sont possibles. D’abord, les vérités non questionnables et les contraintes qui en découlent (ce que Lenoir et d’autres appellent les « dogmes ») passent inaperçues parce qu’elles sont rarement formulées de manière aussi abrupte. Cette situation s’explique essentiellement par le fait que la plupart des discours sur le bouddhisme sont le fait de pratiquants ou de sympathisants. Rares sont les observateurs qui osent prendre du recul par rapport à l’exégèse associée à ces croyances et se contentent de relever ce qui est fait et dit, sans se référer au discours justificateur des adeptes. Rares sont ceux qui quittent leurs livres pour se rendre dans un centre et vérifier par eux-mêmes le bien-fondé des assertions qu’on leur assène. Les critiques qui s’élèvent actuellement contre ce qui est pratiqué dans les centres émanent d’anciens disciples, dont il est facile de considérer après coup qu’ils sont « aigris », « déçus » ou « avides de vengeance ». D’une part, la déception n’exclut pas la clairvoyance – l’inverse est plutôt vrai. D’autre part, il faut bien avoir intégré ces centres et les avoir quittés pour se faire une idée précise de ce qui y est enseigné. Deuxième explication possible : ces vérités non questionnables et les contraintes qui leur sont assorties sont acceptées avec enthousiasme parce qu’elles sont exotiques. Leur découverte progressive procure au nouveau disciple l’impression grisante de s’aventurer dans un univers mystérieux qu’il déchiffre peu à peu, à la manière d’un roman d’aventures dont il serait le héros. L’éclaircissement progressif de ces mystères, l’impression que l’on apprend à les dominer – alors que l’on ne fait qu’intégrer un ensemble de normes édictées par une autorité nouvelle – confère au novice une nouvelle perception de lui-même. Il se démarque du commun des mortels pour accéder à une sphère supérieure dans laquelle les mots et les actes revêtent un sens différent, profond, imperceptible à première vue. La cohérence et l’originalité de cette série de normes insolites font ainsi l’effet d’une révélation mystique individuelle, qui est précisément ce que recherchent les adeptes. Troisième explication possible : l’apprentissage de nouvelles vérités et de nouvelles normes apporte aux disciples les repères existentiels qui leur manquent aujourd’hui. Ces repères leur fournissent un nouveau modèle d’interprétation du monde et les moyens d’y trouver une place privilégiée, valorisante.

Paix intérieure, sybaritisme et dévotion


La troisième explication donnée par les observateurs au succès du bouddhisme en France a trait au bien-être psychologique que permettrait l’adoption de cette tradition. Ses commentateurs et ses adeptes précisent ainsi que le bouddhisme serait à la fois une « philosophie » et un « travail sur soi », enseignés dans le cadre d’une relation d’ordre « thérapeutique » avec un « maître spirituel ». En cela, il s’opposerait évidemment aux religions monothéistes, qui n’offriraient pas de « philosophie » mais imposeraient une série de « dogmes », n’inviteraient pas au « travail sur soi » mais à l’« obéissance », seraient enfin dispensées aux fidèles dans une relation de « domination (17) ». Qu’en est-il effectivement de ces trois aspects supposés du bouddhisme – philosophie, travail sur soi et relation thérapeutique ? Nous avons vu quelle était la vision du monde promue par le bouddhisme : un univers hiérarchisé selon les capacités spirituelles de chaque individu, une réalité à multiples facettes, dont l’interprétation définitive revient en dernier ressort à celui qui détient le pouvoir (le maître), l’idée que l’existence ne serait qu’une illusion, un rêve dont il convient de s’éveiller grâce au secours d’êtres supérieurement évolués. En quoi l’adhésion à ces doctrines apporte-t-elle un « mieux-être » aux Occidentaux – qui sont nombreux à l’affirmer ? Tout d’abord, l’idée que le monde serait dénué de réalité intrinsèque permet de relativiser les aléas de la vie. Imaginer que sa souffrance psychologique ou sa douleur physique n’est qu’une illusion peut procurer un certain soulagement, de la même manière que l’espérance du Royaume de Dieu permettait de parcourir le cœur un peu moins lourd cette triste vallée de larmes. L’idée, certes, a quelque chose de reposant pour soi-même. Mais elle implique également un rapport spécifique à autrui, qui est loin d’être anodin. En effet, considérer le monde comme un mirage et soi-même comme un composé inconsistant et transitoire conduit à concevoir les relations humaines comme factices, illusoires et trompeuses. Elles deviennent dès lors, comme la vie même, source de malheurs. À quoi cela sert-il de s’investir dans une relation amicale, amoureuse ou filiale quand on croit que l’autre et soi-même ne sont que des fabrications mentales, que leur existence même n’est que « relative », produit médiocre d’une ignorance fondamentale ? De lourds malentendus sont susceptibles d’en résulter. Il ne reste donc plus qu’à s’asseoir sur son coussin et à « méditer » jusqu’à ce qu’à ce que l’« illusion » se dissipe. C’est d’ailleurs ce à quoi invite traditionnellement le bouddhisme, qui a vu son fondateur quitter femme, enfant, père et royaume pour se livrer à l’ascétisme d’une vie forestière. Le désengagement affectif est une conséquence logique et manifeste de l’adoption du bouddhisme par les Occidentaux. Il est quelquefois renforcé par les maîtres eux-mêmes, qui exigent que tel couple se sépare et que tel autre se forme – quand ce n’est pas pour s’engager eux-mêmes dans des relations sexuelles ambiguës avec plusieurs de leurs disciples (18). Autre effet pratique de l’adhésion à ce système de valeurs : supposée aussi scientifique que celle de la gravitation (et donc moralement souhaitable, selon la logique actuelle), la « loi du karma » peut entraîner une absence de charité à l’égard du prochain. La souffrance ou les revers que ce dernier subit résultent de ses manquements passés, et l’on ne peut rien y faire. Bien sûr, la compassion et l’altruisme sont très souvent invoqués par les bouddhistes occidentaux (19), mais, dans les faits, il est rare que soient organisées des collectes de fonds ou de nourriture en faveur des indigents, par exemple. L’argent des disciples doit aller en priorité « au dharma », c’est-à-dire au maître, censé mieux que quiconque savoir en disposer. Le soutien psychologique, que l’on affuble de différents vocables tels que « thérapie dharmique », « psychothérapie bouddhiste » ou « science de l’esprit », s’adresse d’abord aux membres du groupe et aux visiteurs extérieurs payant leur entrée. Il n’est pas offert gratuitement à autrui, pour la simple raison que « l’on ne peut aider les autres tant que l’on est soi-même dans l’illusion (20) ». L’adhésion à la « philosophie » bouddhique peut donc également conduire – ce qui s’observe dans de nombreux cas – au désengagement éthique et social. Ce désengagement moral concerne également les rapports que l’on entretient avec soi-même. Les adeptes ne pratiquent pas l’examen de conscience, ne mesurent pas leurs actes et leurs sentiments à l’aune de grandes valeurs : cela ne fait pas partie de leur ethos. L’objectif est de réaliser la « vacuité du soi », non de bâtir une personnalité selon les règles du Bien. Le « travail sur soi » adopté par les bouddhistes occidentaux consiste par conséquent à « accumuler les pratiques » (effectuer un nombre maximal de rituels) et à traquer, grâce aux remarques du maître, les « manifestations » blâmables de leur inconsistant « ego ». C’est sur ce modèle que se mettent en place, dans de nombreux centres, des communautés de dévots au service du maître. L’exercice de la dévotion, extrêmement concret puisqu’il consiste à faciliter la vie quotidienne de l’être éveillé dans ses moindres détails, devient une « formation spirituelle », par laquelle les disciples apprennent à s’effacer – c’est-à-dire à rendre tangible l’abolition de soi (21). Or il est vrai qu’une certaine quiétude peut découler de l’obéissance : celle-ci dispense de trop se poser de questions. Servir un être supérieur donne en outre du sens à l’existence, une organisation et un emploi du temps nouveaux que l’on n’a pas à choisir, le sentiment d’être un élu. Tel est peut-être le « mieux-être » ressenti par les convertis à travers la pratique du « travail sur soi » proposé par le bouddhisme. Cependant, on l’aura compris, cette « relation thérapeutique » avec le maître n’est pas exempte de rapports de force. Quant à la « méditation », également appelée « pleine conscience », shiné (en tibétain) ou zazen (en japonais), il est possible qu’elle détende certaines personnes. Toutefois, parce qu’elle se focalise sur « l’instant présent », l’attention aux sensations et aux émotions plutôt qu’aux idées, elle est souvent moins une « sagesse » qu’une forme de sybaritisme. Ses pratiquants n’ont pas à réfléchir : ils recherchent et éprouvent un « bien-être (22) », c’est-à-dire un plaisir charnel qu’ils espèrent contrôler par l’esprit, évitant ainsi de se livrer à des délices purement physiques, qui ne feraient pas d’eux des êtres « spirituels » mais « matérialistes ». La définition et la redéfinition de soi sont ici très importantes, l’individu moderne ayant pour injonction de se construire lui-même.

N’aurions-nous pas là affaire à un hédonisme soft, pour ne pas dire inassumé ? Désengagement moral, social et affectif, anti-intellectualisme, culte de l’instant présent, souci quasi exclusif de soi, recherche de la sensation pure, habillage des relations de pouvoir en « relations thérapeutiques », distance cynique à l’égard d’un monde qui ne serait qu’illusion : le bouddhisme des Occidentaux paraît en tout point correspondre à ce que l’historien américain Christopher Lasch appelait « la culture du narcissisme (23) ». Ne serait-ce pas parce qu’il leur donne l’occasion d’être confortés dans cette culture que ce bouddhisme les fait « se sentir bien » et leur paraît « moderne et rationnel » ? Ainsi est-il possible que la « modernité » de ce bouddhisme ne soit pas liée aux idéaux des Lumières revendiqués par ses apologètes, ses commentateurs et ses sympathisants, mais plutôt aux valeurs de l’Occident d’après-guerre, voué de plus en plus au culte de l’individu solitaire, dont on attend qu’il se démarque et qu’il « se réalise » par la seule force de sa volonté. Le bouddhisme attire ainsi, non pas parce qu’il serait dépourvu de « croyances », mais parce qu’il en propose de nouvelles, conformes, sinon à l’image que l’on se fait de soi, du moins à ce que l’on est en réalité : une société qui cultive l’ego, cet objet ambigu au centre des préoccupations bouddhiques.


Marion Dapsance est docteur en anthropologie de l’EPHE (Paris) ; boursière de la Robert H. N. Ho Family Foundation, études bouddhiques (Hong Kong) ; en résidence postdoctorale à l’université de Columbia, département des religions (NewYork mdapsance@gmail.com).


Notes


1. D’après la sociologue et anthropologue Cécile Campergue, auteur du "Maître dans la diffusion du bouddhisme en France", Paris, L’Harmattan, 2012, il y avait 270 « centres du dharma » en France en 2011 (associations culturelles de loi 1901) et 5 associations cultuelles de loi 1905 en 2012. 60% des associations bouddhiques françaises sont d’obédience tibétaine.

2. Le terme de « lamaïsme » apparaît pour la première fois sous la plume du naturaliste allemand Peter Simon Pallas à la fin du XVIIIe siècle. Il fut repris par la suite par de nombreux voyageurs. Ce qui frappait les esprits était la place centrale accordée au lama, considéré comme un être surnaturel et supérieur, et la complexité des rituels qu’il préside.

3. En France, les porte-parole attitrés du bouddhisme sont principalement Matthieu Ricard, Frédéric Lenoir, Fabrice Midal et Philippe Cornu, tous de fervents adeptes ou admirateurs du bouddhisme tibétain.

4. Article publié sur le site de Psychologies magazine (http://www.psychologies.com/Culture/Spiritualites/Pratiques-spirituelles/Articles-et-Dossiers/La-spiritualite-un-nouveaubesoin/Frederic-Lenoir-Pourquoi-le-bouddhisme-nous-attire).

5. Le compte rendu complet de l’enquête de Frédéric Lenoir, issu d’une thèse de doctorat en sociologie des religions, a été publié sous le titre "le Bouddhisme en France", Paris, Fayard, 1999.

6. Voir notamment Donald Lopez, "The Story of Buddhism: A Concise Guide to Its History and Teachings", San Francisco, HarperOne, 2001.

7. Ainsi, pour ne retenir que deux exemples considérés comme des critères de « modernité », l’avortement et l’homosexualité sont condamnés.

8. Voir notamment Rolph A. Stein, "la Civilisation tibétaine" [1962], Paris, L’Asiathèque, 1996.

9. La plupart des lamas l’affirment et en ont été agréablement surpris. Voir notamment, pour la France, "Dagpo Rinpoché, le Lama venu du Tibet", Paris, Grasset, 1998, pour les États-Unis, David Urubshurow, “From Russia With Love: The Untold Story of How Tibetan Buddhism Came to America”, Tricycle, hiver 2013.

10. Voir mon article "Sur le déni de la religiosité du bouddhisme. Un instrument dans la polémique antichrétienne", Le Débat, no 184, mars-avril 2015.

11. Je m’appuie ici sur l’enquête ethnographique réalisée dans Marion Dapsance, "les Dévots du bouddhisme", Paris, Max Milo, 2016.

12. Cette croyance a quelquefois des conséquences tragiques ou imprévues, notamment lorsqu’il s’agit de jeunes femmes ou de personnes vulnérables. En anglais, lire "Martha Sherrill, The Buddha from Brooklyn", New York, Random House, 2000, Stephen Butterfield, "The Double Mirror: A Skeptical Journey into Buddhist Tantra", Berkeley, North Atlantic Book, 1994 et Tom Clark, "The Great Naropa Poetry Wars", Tiburon-Belvedere, Cadmus Editions, 1980.

13. Voir Donald Lopez, "Fascination tibétaine. Du bouddhisme, de l’Occident et de quelques mythes", Paris, Autrement, 2003.

14. Sur l’usage de la violence dans le bouddhisme, voir Bernard Faure, Bouddhisme et violence, Paris, Le Cavalier Bleu, 2008.

15. Sur Chögyam Trungpa, voir T. Clark, "The Great Naropa Poetry Wars", op. cit., S. Butterfield, "The Double Mirror", op. cit. et Diana Mukpo, "Dragon Thunder: My Life with Chögyam Trungpa", Boston, Shambhala, 2006.

16. Le terme de « démon » est bel et bien employé de nos jours dans le bouddhisme occidentalisé pour désigner les « ennemis du dharma », c’est-à-dire toute personne qui remettrait en question les vérités enseignées par les maîtres.

17. Pour se convaincre de l’anti-monothéisme de ces observateurs, lire Bruno Étienne et Raphaël Liogier, "Être bouddhiste en France aujourd’hui", Paris, Hachette, 1997.

18. Cas notamment de Chögyam Trungpa, Sogyal Rinpoché et Jetsunma Ahkon Lhamo, voir les ouvrages précédemment cités. Des affaires du même genre émaillent également le bouddhisme zen, voir par exemple Michael Downing, "Shoes Outside the Door: Desire, Devotion, and Excess at San Francisco Zen Center", Berkeley, Counterpoint, 2001.

19. Qui l’évoquent dans toutes leurs prières. En effet, chaque rituel doit s’effectuer « pour le bien des êtres », c’est-à-dire en dédiant mentalement les bénéfices spirituels obtenus par la pratique aux êtres errant dans le samsara, et non pour soi-même (et c’est ainsi que l’on atteint l’éveil).

20. Sogyal Rinpoché, par exemple, en a fait un leitmotiv de ses enseignements, en forme de sagesse populaire (« Charité bien ordonnée commence par soi-même »).

21. Je décris en détail ce parcours dans M. Dapsance, "les Dévots du bouddhisme", op. cit.

22. Ce bouddhisme à l’occidentale s’inscrit ainsi dans la mouvance actuelle des psychothérapies et des méthodes de développement personnel. Celle-ci a profondément transformé l’expérience religieuse chrétienne, et plus largement la culture et les moeurs occidentales. Voir notamment le récent ouvrage de Pierre Pradès, "De la sainteté à la santé. Puritanisme, psychothérapies, développement personnel", Lormont, Éditions Le Bord de l’eau, 2014.

23. Christopher Lasch, "The Culture of Narcissism: American Life in an Age of Diminishing Expectations", New York, W. W.Norton, 1979. Traduction française : "la Culture du narcissisme. La vie américaine à un âge de déclin des espérances", Paris, Flammarion, 2006 (rééd.).



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