lundi, mars 21, 2011

Longévité



En 1923 (ou 1924), étant au collège, un étudiant chinois qui faisait son tour, d'Europe pour se perfectionner en langues fut quelque temps parmi nous. Il s'était pris de sympathie pour nous et, un jour, il me conta une histoire qui me sembla étrange, lointaine, irréelle... :

« Je vois que tu affectionnes particulièrement les fruits et la salade. J'ai tout lieu de croire que cela est très bien du moins si j'en juge par mon parent de Kaï Hsien. Comme toi, il aime les fruits, les salades, les légumes crus, le soleil, l'air pur. Il mange très peu, fait un seul repas par jour vers midi, et ce repas il le mastique et l'insalive longuement, parfois pendant une bonne heure. Ce repas se compose, par exemple, de 2 pêches, le lendemain d'une petite salade bien tendre, fraîchement cueillie, et d'un petit bol de riz complet peu cuit ; le 3e jour de 2 pommes ; le 4e jour de quelques feuilles de choux et de 5 amandes : le 5e jour de 3 pommes de terre peu cuites et d'une petite laitue, etc. ; à noter que le jour où il NE SENT PAS SA FAIM, il ne mange pas. Cet homme connait des tas de choses : il sait utiliser l'eau, le soleil, le magnétisme de la terre et des arbres. Son jardin est une merveille. Il y passe des heures immobiles au pied d'un chêne de la vitalité duquel il s'imprègne, alternant l'ombre et le soleil. Sais-tu pourquoi mon parent mange si peu ? C'est parce qu'il se dépense physiquement très peu : il passe de son lit à son jardin. Et pourquoi se dépense-t-il physiquement très peu ? Parce qu'il a... 243 ans. »

Je me souviens très bien de ces paroles qui me parvenaient à travers la brume d'un pesant scepticisme. Puis cette histoire tomba dans l'oubli, quand en 1934, je lus chez Kerneiz la relation de la mort a 253 ans de Li Chang Yun, né en 1680 a Kaï Hsien et mort dans cette ville sans souffrances en mars 1934.

Par la suite, j'eus l'occasion de lire, à ce sujet, plusieurs articles dans une revue japonaise en anglais.

A la lueur des connaissances hygiénistes, on peut résumer ces articles en mentionnant que cet homme, né de parents morts très âgés. possédait déjà à la naissance un capital vital élevé, capital qu'il sut garder, économiser. Sa profession d'apothicaire l'incita de bonne heure à mesurer quantitativement ses aliments, à les limiter aux besoins de son organisme. S'il fabriquait pour ses compatriotes des élixirs très prisés, il déclarait n'avoir jamais utilisé pour son propre compte aucun médicament, bien que la renommée lui attribuât la création pour son usage personnel d'un élixir de longue vie. En réalité, comme, entre autres, il le déclara au reporter de la revue nippone en 1930 : « Je suis sage. Mon secret est de vivre conformément aux lois de la nature. Je mange très peu, une nourriture NATURELLE, provenant de mon jardin... » En 1880 lui fut décernée par le gouvernement chinois une médaille attestant son 200e anniversaire. Jusqu'à l'âge de 150 ans environ, il exerça son métier d'apothicaire avec une activité tout à fait normale. Puis il se retira dans la solitude de son grand jardin, à l'air pur, vivant au rythme de la nature. réduisant progressivement sa nourriture de qualité impeccable a ses besoins réels qui, à la fin de sa vie, étant très réduits, justifiaient la prise d'un seul repas quotidien. Il mourut après une courte maladie, en toute lucidité, sans souffrances, comme une lampe s'éteint NATURELLEMENT après épuisement de son combustible.

Les jardiniers chinois sont renommés pour leur savoir, leur connaissance biologique de la culture. Le peu que mangeait Li Chang Yun était impeccable en qualité et fraichement cueilli, d'où conditions idéales de vitalisation et minéralisation.

Au fur et à mesure qu'il avançait dans sa longue vie, ce Chinois dans sa sagesse a dû faire 3 puis 2 puis 1 seul repas quotidien. Ceci correspondant à ses besoins vitaux réels.

J'ai eu l'occasion de contacter plusieurs vieillards très âgés qui DURAIENT alertes et sans infirmités et j'ai pu constater la constante d'une alimentation qui, si elle n'était pas toujours correcte hygiénistement, était toujours très réduite, avec cependant un apport suffisant d'éléments crus.

Li Chang Yun, OU BIEN limitait son repas à un seul élément (monodiète – en ce cas la question des compatibilités ne joue évidemment pas), OU BIEN respectait PRATIQUEMENT les lois des combinaisons alimentaires (peu importe qu'il les ait connues scientifiquement ou que ce soit le fruit de son sûr instinct, l'important c'est qu'il les ait appliquées).

Ce Chinois avait incontestablement une grande vitalité native et ceci est extrêmement important (à ce sujet lire dans Sélection du Reader's Digest de septembre 1961 la relation de la mort de Raspoutine, extrait des mémoires de son meurtrier, le prince Félix Youssoupoff. La force vitale de Raspoutine était invraisemblable et son assassinat exigea un cumul de moyens extraordinaire.

Ce Chinois, par sa naissance, sa situation, son habitat, a bénéficié de circonstances heureuses qu'il SUT utiliser avec un sens génial de l'économie vitale. Cette limitation quantitative d'aliments forme une des bases de la méthode Thomson appliquée à la Kingston Clinic, 291, Gilmerton Road, Edinburgh 9, Ecosse.

A la lumière de cet enseignement, nous pouvons affirmer que, TOUTES CONDITIONS ETANT EGALES, un individu aura le maximum de chances de vivre longtemps. EN RAPPORT AVEC SES FORCES VITALES, s'il parvient à utiliser habilement ses connaissances de la vie saine, avec la VOLONTE de suivre indéfectiblement cette règle : limiter QUANTITATIVEMENT une nourriture CORRECTE c'est-à-dire composée d'aliments conformes aux lois de la physiologie humaine et dans des COMBINAISONS CORRECTES) aux besoins REELS de son organisme.

Cela exige d'une part une POSSESSION REELLE des lois de l'hygiénisme, d'autre part une VOLONTE SUIVIE.

Il appartient maintenant au lecteur de méditer l'enseignement de cet exemple et, s'il s'en sent le courage, de l'intégrer dans son mode de vie.

Texte de Georges Wyckaert, publié dans Nouvelle Hygiène (n° 50, Janvier 1962).


La santé par la nourriture
Albert Mosséri

L'auteur a réuni dans cet ouvrage le fruit de plus de vingt années de recherches et d'observations personnelles dans le domaine de l'alimentation humaine. Il s'agit là d'un sujet complexe où les habitudes, les croyances ou les théories s'avèrent aussi variées que contradictoires. Des fonctions comme la digestion, l'assimilation, la nutrition, etc., sont le plus souvent mal comprises, sinon incomprises par nombre de deux qui n'établissent que peu ou pas de lien entre l'alimentation et la santé. C'est pourquoi l'auteur s'est attaché à résumer les règles générales d'une nutrition équilibrée, en fonction notamment d'une alimentation saine, mais sans oublier que d'autres facteurs y prennent une part importante. Beaucoup de ces règles vont, sans doute, à l'encontre des idées reçues ; elles paraîtront à certains impraticables ou excessives, mais ici sont absents toute concession aux goûts les plus répandus et tout compromis avec les habitudes les plus ancrées. Dans cet important travail de synthèse hygiéniste, Albert Mosséri apporte des réponses pratiques aux problèmes que pose l'alimentation comme facteur de santé. Suivant en ceci la voie ouverte par les travaux du Dr H.M. Shelton, le propos de l'auteur n'est pas de susciter quelque croyance aveugle dans une pratique miraculeuse mais plutôt une étude réfléchie et une pratique éclairée des principes de vie saine.


Illustration :

samedi, mars 19, 2011

Les triades chinoises


Héritières lointaines des sociétés secrètes des siècles passés, les triades forment une mafia puissante dont le destin semble aujourd'hui lié à la croissance spectaculaire de la Chine.

En un lieu clos qui fait office de temple, des hommes en costume reçoivent un jeune homme. Dans des fumées d”encens et à la lumière des bougies, on décapite un coq dont le sang est mélangé à un breuvage alcoolisé. L'impétrant jure alors de rester fidèle a la « société Houng » qui l'accueille. Il prononce solennellement un long serment comportant trente-six articles qui l'engagent à considérer les membres de cette société comme ses frères, à les aider en toutes circonstances et à ne dévoiler aucun des secrets de l'organisation. Plusieurs fois, il ponctue sa longue récitation par des mises en garde funestes : « Que je meure transpercé de myriades de poignards si je trahis ce serment. » Puis il s'entaille un doigt et verse quelques gouttes de son propre sang dans la décoction qui a été précédemment préparée. Tous les hommes présents trempent alors leurs lèvres dans la coupe afin de sceller sa promesse : le nouvel initié est désormais membre à part entière de la Triade. Cette scène aurait pu se dérouler en Chine au XVIIIe siècle. Elle a pourtant lieu à Hong Kong de nos jours. Car si les sociétés que l'on appelle aujourd'hui « triades » (San-he-hui) n'ont plus grand chose à voir avec la Triade des origines, elles en ont gardé le rituel d'initiation, demeuré presque intact à travers les siècles. Seule modification notable, mais très récente : par souci de prophylaxie, on demande aux impétrants de ne plus verser leur sang dans la coupe du serment.

Une société antique dévoyée

La Triade originelle est une société secrète ancienne née en opposition à la dynastie mandchoue des Qing, à la fin du XVIIe siècle. Ses fondateurs auraient été des moines du monastère de Shaolin, où le kung-fu a été inventé et enseigné. Société patriote, elle entendait restaurer l'ancienne dynastie des Ming. Pour ce faire, elle a soutenu, des siècles durant, toutes sortes de révoltes contre les usurpateurs mandchous. Un langage codé, des signes de reconnaissance, la pratique du secret et la maîtrise des disciplines de combat rendaient ses membres insaisissables. Cependant, une organisation décentralisée à l'échelle d'un pays immense a conduit fatalement à l'émiettement de la société. Ainsi, au milieu du XIXe siècle déjà, on note des débordements : certains de ses membres, rompant avec l”idéal des origines, exercent une violence gratuite au service de leurs seuls intérêts et au détriment des populations paysannes. Des loges de la Triade sont ainsi devenues des gangs de voleurs et d'assassins. Ce que l'on appelle de plus en plus les triades prête une dernière fois main forte à une révolte en 1911, qui débouche sur la défaite des Qing et la proclamation de la République. Leur rôle historique de société secrète politique décline tandis que leur structure perdure. En 1949 toutefois, les communistes les déclarent hors-la-loi. Elles fuient alors la Chine populaire pour s'installer sur des territoires chinois proches Hong Kong, Macao et Taïwan. Bien souvent d'ailleurs, les pouvoirs de ces Etats s'appuient sur les triades pour gouverner ; c'est le cas à Taïwan, au temps de Tchang Kaï-chek, lui-même initié. Dès cette époque en tout cas, ces sociétés ne sont plus qu'un pâle reflet de leur passé glorieux : leurs pratiques et leurs symboles sont mis exclusivement au service du crime organisé.

Le poids des héritages

Il n'en demeure pas moins que les structures anciennes continuent d'organiser la majorité des triades. Elles ont la force de la tradition dont l'efficacité n'est plus à démontrer. Ainsi, les groupements mafieux se divisent-ils en trois étages tout comme c'était le cas dans les anciennes loges. Au sommet trône un chef la « tête de dragon ». Il donne les grandes orientations à son groupe sans jamais participer directement aux opérations. Peu connaissent sa véritable identité. Sous ses ordres, plusieurs responsables qui ont conservé les noms traditionnels des officiers de loge : « l'Éventail de papier blanc » s'occupe des finances, le « Bâton rouge », spécialiste en arts martiaux, est en charge du respect de la loi interne, tandis que la « Sandale de paille » est en quelque sorte le délégué aux affaires extérieures du groupe. Il revient au « Maître des encens » la tâche délicate du recrutement et de la préservation de la tradition. Enfin, les membres les plus nombreux sont les « soldats », constituant le bras armé de l'organisation. A chaque fonction correspond un code chiffré que l'initié exprime par un simple geste : 489 pour une « tête de dragon », 432 pour une « sandale de paille », ou 49 pour les soldats.

Hommes et opium

Mélange d”antique et de moderne, les triades sont aujourd'l1ui des acteurs incontournables de l'économie informelle, en Asie bien sûr mais aussi sur tous les grands continents. Ces sociétés initiatiques criminelles sont assez comparables aux mafias italiennes dans leur esprit comme dans leur fonctionnement : elles pratiquent à grande échelle le racket, le proxénétisme, le commerce de contrefaçons. Elles sont de plus devenues expertes dans certaines activités l'une des plus rémunératrices aujourd'hui étant notamment le trafic d'êtres humains, lié à la Forte émigration de Chinois en quête de meilleures conditions de vie. Démunis, ceux-ci doivent s'en remettre à des réseaux de passeurs contrôlés par les triades ; ils versent des sommes faramineuses à ces passeurs et les paient bien souvent en travaillant des années durant dans des ateliers clandestins situés dans leur pays d”arrivée. Les triades sont également au cœur du trafic des stupéfiants en provenance du Triangle d'or. Cette région, située à cheval sur le Laos, la Thaïlande et la Birmanie, produit chaque année la moitié du volume mondial d'opium et de ses dérivés, l'héroïne principalement. Non contentes de contrôler ce commerce de la mort, les triades s'intéressent aujourd'hui à celui de la cocaïne et des amphétamines, produits très consommés sur le marché nippon, tout proche.

Une diaspora mondialisée

Toutes ces activités sont menées aujourd'hui à l'échelle planétaire car les triades profitent de la diaspora chinoise qui, avec soixante millions d'individus, est la plus importante du monde. Sur ce nombre, un quart de million de personnes seraient membres des triades. Implantées surtout en Asie, elles y organisent la base de tous les commerces frauduleux. Leurs collègues nord-américains et européens, installés dans des « chinatowns ››, se font les relais locaux de ces activités dans le cadre des tongs. Ces organisations publiques sont des sortes de communautés d'entraide destinées à accueillir les nouveaux arrivants et à faciliter leur installation ; elles sont amenées par là même à brasser des sommes de monnaie parfois importantes. Quelques-unes servent de couverture à des centres de blanchiment d'argent. Leurs bureaux ont ainsi pignon sur rue dans de grandes agglomérations européennes. Les idéogrammes Chinois sont la meilleure protection contre les investigations des forces de police, qui doivent désormais recruter des spécialistes bilingues afin de remonter les Filières mafieuses chinoises.

Des sociétés utiles ?

Toutefois, il ne faut pas se leurrer sur l'expression « mafia chinoise ». Les triades sont indépendantes les unes des autres et aucun organisme ne les chapeaute comme c'est le cas pour la Cosa nostra américaine. Au début du XXIe siècle, on dénombre six grandes triades chinoises: Sun Yee On, la Fédération Wo, 14 K, la Bande des quatre mers, le Bambou uni et le Grand Cercle. A l'exception de cette dernière, toutes sont installées aux marges de la République populaire de Chine, principalement à Hong Kong. Le rattachement de la cité-État à la Chine populaire en 1997 a soulevé chez les dirigeants mafieux quelques craintes, vite apaisées par le pouvoir communiste. En effet, le gouvernement chinois témoigne d'une étonnante mansuétude à l'égard des triades car il a vite compris le parti qu'il pouvait tirer de ces groupes riches réinvestissant une large part de leur argent sale sous forme d'investissements en Chine. Ainsi, le ministre de la Sécurité publique chinois, Tao Siju, pouvait-il déclarer dès 1995 que « les membres des triades ne sont pas tous des gangsters. S'ils sont de bons patriotes, s'ils assurent la prospérité de Hong Kong, nous devons les respecter. » Il devait même affirmer que « le gouvernement chinois est heureux de s'unir à [eux]. » Dans ces conditions, on comprend que la République populaire ne cherche pas réellement à lutter contre le danger que représentent ces sociétés secrètes extrêmement puissantes.


Les sociétés secrètes



Les sociétés secrètes



Sun Yee On, le gang le plus important du monde

Sun Yee On (« Vertu nouvelle et paix ») est non seulement la plus importante des triades, mais elle constitue aussi, avec ses 50 000 membres, le groupe mafieux le plus nombreux et le plus étendu de la planète. À partir de sa base de Hong Kong, elle rayonne dans toute l'Asie, aux États-Unis - elle est présente dans toutes les grandes villes américaines - et au Canada. Depuis l'ouverture économique de la Chine, elle investit des millions de dollars dans les zones franches littorales afin de blanchir une partie de ses bénéfices, pour le plus grand profit de Pékin. Des contacts auraient d'ailleurs eu lieu entre des membres du gouvernement communiste et des leaders de Sun Yee On. Cette triade est particulièrement active dans l'industrie cinématographique, la pornographie en particulier, qui représente en Chine un secteur en plein boom économique. Par ailleurs, elle a conservé les rites traditionnels de la Triade primitive tout en lui adjoignant un exécutif limité à quelques membres afin de gagner en efficacité.


Illustration :
Le dragon, symbole impérial chinois et étendard d'un grand nombre de sociétés criminelles orientales, comme la Triade du dragon rouge, ou encore du Dragon vert.

vendredi, mars 18, 2011

L'immigration massive




«les Français, à force d'immigration incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux». Cette phrase de Guéant a provoqué un tollé. Pourtant, la doctrine politique de Claude Guéant et de l'UMP n'est pas vraiment raciste.

Le capitalisme a besoin d'exploiter les travailleurs immigrés, mais de nos jours ils doivent être qualifiés. L'économiste Karine Berger (héraut du capitalisme de gauche), annonce le retour des Trente glorieuses grâce à l'immigration massive,  300 000 par an, 10 millions d'ici 2040 pour la France.

Les aspirations démocratiques des peuples nord-africains s'accompagneront-elles d'une importante immigration vers l'Europe et l'Amérique du nord ? Si c'est le cas, les populations occidentales vieillissantes et biologiquement affaiblies (pollution, nourriture et médicaments empoisonnés...) seront-elles supplantées comme le furent les Amérindiens ?

En outre, si les nouvelles vagues migratoires sont homogénéisées par l'Islam, les Occidentaux seront confrontés à un problème dénoncé par les musulmans eux-mêmes. Il s'agit du pouvoir des oulémas, docteurs de la loi ou savants. Selon des sources traditionnelles musulmanes : « Viendra un temps où les savants seront plus puants que des charognes d'ânes ». Selon un autre hadith, « […] les gens prendront pour guides des ignorants qui leur donneront des fatwas sans aucune autorité ; ils les égareront en s'égarant eux-mêmes ». Des oulémas fanatiques guideront-ils des millions d'immigrés ?

Karine Berger ne partage pas de telles inquiétudes. Elle est convaincue qu’il faut ouvrir massivement nos frontières : « La France est un pays qui vieillit. En vieillissant, on perd sa capacité d’innovation. Et notre modèle de protection sociale ne pourra pas tenir. Pour rester jeune, il faut favoriser l’immigration. Et puis c’est très important de redonner à la France une image attractive. Il faut que le monde nous voie comme une terre où l’on peut réussir, où les jeunes Indiens ou les jeunes Brésiliens peuvent avoir leur chance. Nous avons toujours été une terre d’accueil, de promesse. Et nous restons une terre d’excellence scientifique! Nous sommes la deuxième meilleure école de mathématiques du monde, derrière les Etats-Unis mais devant les Chinois, les Russes, les Allemands… »

Les Trente glorieuses sont devant nous

Comment créer un euro de richesse en France Après quinze années de sinistrose, la question ne se pose même plus. Le pessimisme généralisé tient lieu d'unique réponse : "Le pays est bas been, victime de la mondialisation et des marchés financiers, son modèle complètement dépassé..." Un refrain bien connu. Karine Berger et Valérie Rabault rouvrent le débat. Et prouvent que tout n'est pas joué pour la France. Pour ces deux économistes, le pays peut renouer avec la réussite économique et sociale à condition de faire des choix audacieux. C'est l'histoire de ce livre : le récit, chiffres à l'appui, d'une réussite encore possible.


Karine Berger, ancienne du Ministère de l'économie, est actuellement directrice des études pour un groupe international. Trentenaire, macro économiste et spécialisée dans la connaissance fine des PME, elle intervient régulièrement dans le débat de politique économique, notamment dans le "Club de l'économie" de LCI.

Valérie Rabault, également trentenaire, est ingénieuse des Ponts. Elle exerce au sein d'une banque d'investissement pour laquelle elle gère les grands risques de marché et où elle a vécu en direct la crise.

jeudi, mars 17, 2011

Alexandra David-Néel & la Commune



Bénarès le 19 mars 1913, Alexandra David-Néel écrit à son mari :
[…] Hier, en écrivant une date, j'ai subitement songé que c'était le 18 mars, l'anniversaire de la Commune, le jour du pèlerinage des fédérés. T'ai-je jamais dit que j'y avais été, au mur des Fédérés après la fusillade, alors que hâtivement on entassait les cadavres dans les tranchés creusées à cette intention... Une sorte de vague vision me reste de cela. J'avais deux ans à cette époque ! Si c'est la première fois que tu entends ce détail, tu te demanderas qui m'avait menée là. C'était mon père qui voulait que, si possible, je gardasse un souvenir impressionnant de la férocité humaine. Ah ! Dieux ! Que je l'ai vue à l’œuvre, depuis, la férocité humaine, sous des aspects moins théâtralement tragiques.[...]

Karl Marx fit le récit (« La guerre civile en France », 1871) et la critique de cette première révolution prolétarienne de l'histoire, qui adopta le drapeau rouge ; dans sa prison, E. Pottier écrivit l'Internationale.


Chansons
Le 18 mars 1871, une insurrection éclate sur la butte Montmartre, c'est le début de la Commune de Paris.
La complainte de la butte


Un poète, un idéaliste, s'éprend d'une belle inconnue (la liberté). Ils s'aimèrent l'espace d'un instant (la commune n'a duré que 72 jours)...



En haut de la rue St-Vincent
Un poète et une inconnue
S'aimèrent l'espace d'un instant
Mais il ne l'a jamais revue

Cette chanson il composa
Espérant que son inconnue
Un matin d'printemps l'entendra
Quelque part au coin d'une rue

La lune trop blême
Pose un diadème
Sur tes cheveux roux
La lune trop rousse
De gloire éclabousse
Ton jupon plein d'trous

La lune trop pâle
Caresse l'opale
De tes yeux blasés
Princesse de la rue
Soit la bienvenue
Dans mon cœur blessé

Les escaliers de la butte sont durs aux miséreux
Les ailes des moulins protègent les amoureux

Petite mendigote
Je sens ta menotte
Qui cherche ma main
Je sens ta poitrine
Et ta taille fine
J'oublie mon chagrin

Je sens sur tes lèvres
Une odeur de fièvre
De gosse mal nourri
Et sous ta caresse
Je sens une ivresse
Qui m'anéantit



Les escaliers de la butte sont durs aux miséreux
Les ailes des moulins protègent les amoureux

Mais voilà qu'il flotte
La lune se trotte
La princesse aussi
Sous le ciel sans lune
Je pleure à la brune
Mon rêve évanoui


Texte de Jean Renoir, cinéaste solidaire de la cause du peuple, et musique de Georges Van Parys.



Chansons communardes



Les Versaillais, conduits par Mac Mahon, pénètrent dans Paris le 21 mai 1871. Du 21 au 28 mai (la Semaine sanglante), la répression fut atroce, entre 20 000 et 30 000 communards furent massacrés, 7500 furent déportés en Nouvelle-Calédonie.


Longtemps après sa rédaction, cette chanson fut dédiée par Jean-Baptiste Clément à une infirmière morte lors de la Semaine sanglante. 

Autres Chansons


Dessin de Tardi, « Le cri du peuple ».

mercredi, mars 16, 2011

La reconstruction conviviale




La centrale nucléaire de Fukushima au Japon appartient à une société privée dont les intérêts économiques se sont opposés à la sécurité publique. En 2011, 442 réacteurs nucléaires dans 31 pays convertis au capitalisme produisent environ 17 % de l'électricité mondiale. 65 réacteurs nucléaires sont en construction actuellement dans le monde.

Est-il encore possible de rejeter le culte de la croissance indéfinie, la recherche effrénée du profit et la menace d'une apocalypse nucléaire ?

La reconstruction conviviale

L'outil et la crise

Les symptômes d'une crise planétaire qui va s'accélérant sont manifestes. On en a de tous côtés cherché le pourquoi. J'avance pour ma part l'explication suivante : la crise s'enracine dans l'échec de l'entreprise moderne, à savoir la substitution de la machine à l'homme. Le grand projet s'est métamorphose en un implacable procès d'asservissement du producteur et d'intoxication du consommateur.

La relation de l'homme à I'outil est devenue une relation de l'outil à l'homme. Ici il faut savoir reconnaître l'échec. Cela fait une centaine d'années que nous essayons de faire travailler la machine pour l 'homme et d'éduquer l'homme à servir la machine. On s'aperçoit maintenant que la machine ne «marche » pas, que l'homme ne saurait se conformer à ses exigences, se faire à vie son serviteur. Durant un siècle, l'humanité s'est livrée à une expérience fondée sur l'hypothèse suivante : l'outil peut remplacer l'esclave. Or il est manifeste qu'employé à de tels desseins, c'est l'outil qui de l'homme fait son esclave. La dictature du prolétariat et la civilisation des loisirs sont deux variantes politiques de la même domination par un outillage industriel en constante expansion. L'échec de cette grande aventure fait conclure à la fausseté de l'hypothèse.

La solution de la crise exige une radicale volte-face : ce n'est qu'en renversant la structure profonde qui règle le rapport de l'homme à l'outil que nous pourrons nous donner des outils justes. L'outil juste répond à trois exigences : il est générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle, il ne suscite ni esclaves ni maîtres, il élargit le rayon d'action personnel. L'homme a besoin d'un outil avec lequel travailler, non d'un outillage qui travaille à sa place. Il a besoin d'une technologie qui tire le meilleur parti de l'énergie et de l'imagination personnelles, non d'une technologie qui l'asservisse et le programme.

Je crois qu'il faut inverser radicalement les institutions industrielles, reconstruire la société de fond en comble. Pour être efficient et rencontrer les besoins humains qu'il détermine aussi, un nouveau système de production doit retrouver la dimension personnelle et communautaire. La personne, la cellule de base conjuguent de façon optimale l'efficacité et l'autonomie : c'est seulement à leur échelle que se déterminera le besoin humain dont la production sociale est réalisable.

Qu'il se déplace ou qu'il demeure, l'homme a besoin d'outils. Il en a besoin pour communiquer avec autrui comme pour se soigner. L'homme qui chemine et prend des simples n'est pas l'homme qui fait du cent sur l'autoroute et prend des antibiotiques. Mais chacun ne peut tout faire par soi et dépend de ce que lui fournit son milieu naturel et culturel. L'outil et donc la fourniture d'objets et de services varient d'une civilisation à l'autre.

L'homme ne se nourrit pas seulement de biens et de services, mais de la liberté de façonner les objets qui l'entourent, de leur donner forme à son goût, de s'en servir avec et pour les autres. Dans les pays riches, les prisonniers disposent souvent de plus de biens et de services que leur propre famille, mais ils n ont pas voix au chapitre sur la façon dont les choses sont faites, ni droit de regard sur ce qu'on en fait. Dégradés au rang de consommateurs-usagers à l'état pur, ils sont privés de convivialité.

J'entends par convivialité l'inverse de la productivité industrielle. Chacun de nous se définit par relation à autrui et au milieu et par la structure profonde des outils qu'il utilise. Ces outils peuvent se ranger en une série continue avec, aux deux extrêmes, l'outil dominant et l'outil convivial. Le passage de la productivité à la convivialité est le passage de la répétition du manque à la spontanéité du don. La relation industrielle est réflexe conditionné, réponse stéréotypée de l'individu aux messages émis par un autre usager, qu'il ne connaîtra jamais, ou par un milieu artificiel, qu'il ne comprendra jamais. La relation conviviale, toujours neuve, est le fait de personnes qui participent à la création de la vie sociale. Passer de la productivité à la convivialité, c'est substituer à une valeur technique une valeur éthique, à une valeur matérialisée une valeur réalisée. La convivialité est la liberté individuelle réalisée dans la relation de production au sein d'une société dotée d'outils efficaces. Lorsqu'une société, n'importe laquelle, refoule la convivialité en deçà d'un certain niveau, elle devient la proie du manque; car aucune hypertrophie de la productivité ne parviendra jamais à satisfaire les besoins créés et multipliés à l'envi.

L'alternative

L'institution industrielle a ses fins qui justifient les moyens. Le dogme de la croissance accélérée justifie la sacralisation de la productivité industrielle, aux dépens de la convivialité. La société déracinée d'aujourd'hui nous apparaît dès lors comme un théâtre de la peste, un spectacle d'ombres productrices de demandes et génératrices de manques. C'est seulement si l'on inverse la logique de l'institution qu'il devient possible de renverser le mouvement. Par cette inversion radicale, la science et la technologie modernes ne seront pas annihilées, mais doteront l'activité humaine d'une efficacité sans précédent. Par cette inversion, toute industrie et toute bureaucratie ne seront pas détruites, mais éliminées comme entraves à d'autres modes de production. Et la convivialité sera restaurée au cœur de systèmes politiques qui protègent, garantissent et renforcent l'exercice optimal de la ressource la mieux distribuée sur terre : l'énergie personnelle que contrôle la personne. J'entends établir qu'à partir de maintenant, il nous faut assurer collectivement la défense de notre vie et de notre travail contre les outils et les institutions qui menacent ou méconnaissent le droit des personnes à utiliser leur énergie de façon créative. J'entends démontrer qu'à cet effet il nous faut expliciter la structure formelle commune au procès de décision éthique, légale et politique : c'est elle qui garantit que la limitation et le contrôle des outils sociaux soient le fait d°un processus de participation et non d'un oracle d'experts.

L'idéal proposé par la tradition socialiste ne se traduira dans la réalité que si l'on inverse les institutions régnantes et que si l'on substitue à l'outillage industriel des outils conviviaux. En retour, le réoutillage de la société a toutes les chances de rester un vœu pieux si les idéaux socialistes de justice ne l'emportent pas. C'est pourquoi il faut saluer la crise ouverte des institutions dominantes comme l'aube d'une libération révolutionnaire à l'égard de celles qui mutilent la liberté élémentaire de l'être humain, dans le seul but de gaver toujours plus d'usagers. Cette crise planétaire des institutions peut nous faire accéder à un nouvel état de conscience touchant la nature de l'outil et l'action à mener pour que la majorité des gens en prennent le contrôle. Si les outils ne sont pas dès maintenant soumis à un contrôle politique, la coopération des bureaucrates du bien-être et des bureaucrates de l'idéologie nous fera crever de « bonheur ». La liberté et la dignité de l'être humain continueront à se dégrader, ainsi s'établira un asservissement sans précédent de l'homme à son outil.

A la menace d'une apocalypse technocratique, j'oppose la vision d'une société conviviale. La société conviviale reposera sur des contrats sociaux qui garantissent à chacun l'accès le plus large et le plus libre aux outils de la communauté, à la seule condition de ne pas léser l'égale liberté d'autrui.

Ivan Illich, « La convivialité ».

La convivialité

« L'analyse critique de la société industrielle doit beaucoup à Ivan Illich. Il est l'un des premiers à avoir dénoncé le productivisme, le culte de la croissance, l'apologie de la consommation et toutes les formes d'aliénation nées du mode de production capitaliste. La Convivialité montre comment l'organisation de la société tend à produire des consommateurs passifs, qui ont délégué aux institutions le pouvoir de décider et renoncé à assumer la responsabilité des orientations de leur société. Cette analyse critique se transforme en un manifeste. Il s'agit de réveiller politiquement les citoyens endormis, afin qu'ils se réapproprient leur destin.
Toutefois, cette reconquête suppose que les individus se détournent des seules possessions matérielles au profit de la redécouverte d'autrui et de la pratique du dialogue social. Seul l'apprentissage de la convivialité permettra, par la rencontre et l'échange, de renouer les fils de la communauté et de lui redonner la maîtrise de son avenir et de ses choix. » Paul Klein.



Illustration :


mardi, mars 15, 2011

L'addiction à la croissance





«Toute l'activité des marchands et des publicitaires consiste à créer des besoins dans un monde qui croule sous les productions. Cela exige un taux de rotation et de consommation des produits de plus en plus rapide, donc une fabrication de déchets de plus en plus forte et une activité de traitement des déchets de plus en plus importante. »
Bernard Marise


Notre société a lié son destin à une organisation fondée sur l'accumulation illimitée. Ce système est condamné à la croissance. Dès que la croissance se ralentit ou s'arrête, c'est la crise, voire la panique. On retrouve le «Accumulez ! Accumulez ! C'est la loi et les prophètes ! » du vieux Marx. Cette nécessité fait de la croissance un «corset de fer. L'emploi, le paiement des retraites, le renouvellement des dépenses publiques (éducation, sécurité, justice, culture, transports, santé, etc.) supposent l'augmentation constante du produit intérieur brut (PIB). « Le seul antidote au chômage permanent, c'est la croissance », martèle Nicolas Baverez, «déclinologue» proche de Sarkozy, rejoint en cela par beaucoup d'altermondialistes. A la fin, le cercle vertueux devient un cycle infernal... La vie du travailleur se réduit le plus souvent à celle d'un «biogisteur qui métabolise le salaire avec les marchandises et les marchandises avec le salaire, transitant de la fabrique à l'hypermarché et de l'hypermarché à la fabrique ».

Trois ingrédients sont nécessaires pour que la société de consommation puisse poursuivre sa ronde diabolique : la publicité, qui crée le désir de consommer, le crédit, qui en donne les moyens, et l'obsolescence accélérée et programmée des produits, qui en renouvelle la nécessité. Ces trois ressorts de la société de croissance sont de véritables «pousse-au-crime ».

La publicité nous fait désirer ce que nous n'avons pas et mépriser ce dont nous jouissons déjà. Elle crée et recrée l'insatisfaction et la tension du désir frustré. D'après un sondage effectué auprès des présidents des plus grandes firmes américaines, 90% d'entre eux reconnaissent qu'il serait impossible de vendre un nouveau produit sans campagne publicitaire ; 85 % déclarent que la publicité persuade « fréquemment » les gens d'acheter des choses dont ils n'ont pas besoin; et 51% disent que la publicité persuade les gens d'acheter des choses qu'ils ne désirent pas vraiment. Oubliés les biens de première nécessité. De plus en plus, la demande ne porte plus sur des biens de grande utilité, mais sur des biens de haute futilité. Élément essentiel du cercle vicieux et suicidaire de la croissance sans limite, la publicité, qui constitue le deuxième budget mondial après l'armement, est incroyablement vorace : 103 milliards d'euros aux États-Unis en 2003, I5 en France. En 2004, les entreprises françaises ont investi 31,2 milliards d'euros pour leur communication (soit 2% du PIB et 3 fois le déficit de la Sécurité sociale française l). Au total, pour l'ensemble du globe, plus de 500 milliards de dépenses annuelles. Montant colossal de pollution matérielle, visuelle, auditive, mentale et spirituelle! Le système publicitaire « s'empare de la rue, envahit l'espace collectif - en le défigurant -, s'approprie tout ce qui a vocation publique, les routes, les villes, les moyens de transport, les gares, les stades, les plages, les fêtes ». Ce sont des émissions «saucissonnées », des enfants manipulés et perturbés (car les plus faibles sont les premiers visés), des forêts détruites (40 kg annuels de papier dans nos boîtes aux lettres). Et, au final, les consommateurs paient l'addition, soit 500 euros par an et par personne.

De son côté, l'usage de la monnaie et du crédit, nécessaire pour faire consommer ceux dont les revenus ne sont pas suffisants et pour permettre aux entrepreneurs d'investir sans disposer du capital nécessaire, est un puissant «dictateur» de croissance au Nord, mais aussi de façon plus destructrice et plus tragique au Sud. Cette logique «diabolique» de l'argent qui réclame toujours plus d'argent n'est autre que celle du capital. On est face à ce que Giorgio Ruffolo appelle joliment le « terrorisme de l'intérêt composé ». Quel que soit le nom dont on l'affuble pour le légitimer, retour sur investissement (return on equity), valeur pour l'actionnaire, quel que soit le moyen de l'obtenir, en comprimant impitoyablement les coûts (cost killing, down sizing), en extorquant une législation abusive sur la propriété (brevets sur le vivant) ou en construisant un monopole (Microsoft), il s'agit toujours du profit, moteur de l'économie de marché et du capitalisme à travers ses diverses mutations. Cette recherche du profit à tout prix se fait grâce à l'expansion de la production-consommation et à la compression des coûts. Les nouveaux héros de notre temps sont les cost killers, ces managers que les firmes transnationales s'arrachent à prix d'or, leur offrant des matelas de stock-options et des parachutes dorés. Formés le plus souvent dans les business schools, que l'on devrait plus justement appeler «écoles de la guerre économique », ces stratèges ont à cœur d'externaliser au maximum les charges pour en faire porter le poids à leurs employés, aux sous-traitants, aux pays du Sud, à leurs clients, aux États et aux services publics, aux générations futures, mais, par-dessus tout, à la nature, devenue à la fois pourvoyeuse de ressources et poubelle. Tout capitaliste, tout financier, mais aussi tout homo œconomicus (et nous le sommes tous), tend à devenir un «criminel» ordinaire plus ou moins complice de la banalité économique du mal.

Dès 1950, Victor Lebow, un analyste du marché américain, avait compris la logique consumériste. «Notre économie, immensément productive, écrivait-il, exige que nous fassions de la consommation notre style de vie [...]. Nous avons besoin que nos objets se consomment, se brûlent et soient remplacés et jetés à un taux en augmentation continue» Avec l'obsolescence programmée, la société de croissance possède l'arme absolue du consumérisme. Au terme de délais toujours plus brefs, les appareils et équipements, des lampes électriques aux paires de lunettes, tombent en panne par suite de la défaillance voulue d'un élément. Impossible de trouver une pièce de rechange ou un réparateur. Réussirait-on à mettre la main sur l'oiseau rare, qu'il coûterait plus cher de réparer que de racheter du neuf (celui-ci étant aujourd'hui fabriqué à prix cassé dans les bagues du Sud-Est asiatique). C'est ainsi que des montagnes d'ordinateurs se retrouvent en compagnie de téléviseurs, de réfrigérateurs, de lave-vaisselle, de lecteurs de DVD et de téléphones portables à encombrer poubelles et décharges avec des risques de pollution divers : 150 millions d'ordinateurs sont transportés chaque armée dans des déchetteries du Tiers-monde (500 bateaux par mois vers le Nigeria !), alors qu'ils contiennent des métaux lourds et toxiques (mercure, nickel, cadmium, arsenic, plomb).

Ainsi sommes-nous devenus des « toxicodépendants » de la croissance. La toxicodépendance à la croissance n'est d'ailleurs pas qu'une métaphore. Elle est polymorphe. A la boulimie consommatrice des accrocs de supermarchés et de grands magasins répond le workaholism, l'addiction au travail des cadres, alimenté, le cas échéant, par une surconsommation d'antidépresseurs et même, selon des enquêtes anglaises, par la consommation de cocaïne pour les cadres supérieurs qui veulent « être à la hauteur ». L'hyperconsommation de l'individu contemporain «turbo-consommateur» débouche sur un bonheur blessé ou paradoxal. Jamais les hommes n'ont atteint un tel degré de déréliction. L'industrie des «biens de consolation» tente en vain d'y remédier. Nous, Français, possédons, dans ce domaine, un triste record : nous avons acheté, en 2005, 41 millions de boîtes d'antidépresseurs. Sans entrer dans le détail de ces «maladies engendrées par l'homme», on ne peut que souscrire au diagnostic du professeur Belpomme : «La croissance est devenue le cancer de l'humanité. »

Serge Latouche, « Petit traité de la décroissance sereine ».



Obsolescence programmée

"Prêt à jeter", documentaire d'Arte.

Dans les pays occidentaux, on peste contre des produits bas de gamme qu'il faut remplacer sans arrêt. Tandis qu'au Ghana, on s'exaspère de ces déchets informatiques qui arrivent par conteneurs. Ce modèle de croissance aberrant qui pousse à produire et à jeter toujours plus ne date pas d'hier. Dès les années 1920, un concept redoutable a été mis au point : l'obsolescence programmée. "Un produit qui ne s'use pas est une tragédie pour les affaires", lisait-on en 1928 dans une revue spécialisée. Peu à peu, on contraint les ingénieurs à créer des produits qui s'usent plus vite pour accroître la demande des consommateurs.





Petit traité de la décroissance sereine

La décroissance n'est pas la croissance négative. Il conviendrait de parler d " a-croissance ", comme on parle d'athéisme. C'est d'ailleurs très précisément de l'abandon d'une foi ou d'une religion (celle de l'économie, du progrès et du développement) qu'il s'agit. S'il est admis que la poursuite indéfinie de la croissance est incompatible avec une planète finie, les conséquences (produire moins et consommer moins) sont encore loin d'être acceptées. Mais si nous ne changeons pas de trajectoire, la catastrophe écologique et humaine nous guette. Il est encore temps d'imaginer, sereinement, un système reposant sur une autre logique : une « société de décroissance ».


Source de l'illustration :
http://www.courrierdelaplanete.org/cdpinfo/2007/juin.php


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Rapacité parlementaire



Un Email de Damien, lecteur du blog, nous alerte :
"L’austérité, c’est bon pour le petit peuple, pas pour le personnel politique du Parlement Européen !"

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