dimanche, juin 05, 2011

Asia Bibi au Pakistan, le chevalier de La Barre en France




En France, un jeune homme de vingt ans est atrocement torturé, puis on lui coupe le poing et la langue. Ensuite, il est décapité et brûlé. François-Jean Lefebvre de La Barre, accusé de blasphème, est mort victime de l'obscurantisme des chrétiens du XVIIIe siècle.

De nos jours, le fanatisme religieux exalte toujours la cruauté et les plus vils instincts de l'homme.

Le dictateur pakistanais, Muhammad Zia-ul-Haq (1924-1988), soutenu par les puissances occidentales, instaura un État islamique et fit promulguer une loi interdisant le blasphème.

Asia Bibi est condamnée à mort pour un verre d'eau.

"Il fait 45 °C ce jour-là, dans ce champ du Pendjab. Asia cueille des baies depuis plusieurs heures. Une récolte éprouvante, mais Asia et son mari ont cinq enfants à nourrir. Vers midi, en nage, Asia va jusqu'au puits le plus proche, prend un gobelet et boit de l'eau fraîche. Un verre, puis un autre.

C'est alors que sa voisine par jalousie, par bêtise, crie que cette eau est celle des femmes musulmanes et qu'Asia, chrétienne, la souille en s'en servant. Le ton monte... Et soudain, un mot fuse : « Blasphème ! ». Au Pakistan, c'est la mort assurée. Le sort d'Asia est scellé.

C'était le 14 juin 2009. Asia Bibi est jetée en prison. Un an après, elle est condamnée à être pendue. Depuis elle croupit dans une cellule sans fenêtre. Sa famille a dû fuir son village, menacée par les extrémistes.

Deux hommes lui sont venus en aide : le gouverneur du Pendjab et le ministre des Minorités, un musulman et un chrétien. Tous deux ont été assassinés sauvagement. 


Asia Bibi nous écrit du fond de sa prison. Elle est devenue une icône pour tous ceux qui luttent, au Pakistan et dans le monde, contre toutes les violences faites au nom des religions."

« Asia Bibi est un symbole de tout ce qui nous fait depuis toujours nous indigner et nous mobiliser. » Michèle Fitoussi, ELLE. 

Blasphème
Asia Bibi 
&
Anne-Isabelle Tollet




Anne-Isabelle Tollet est journaliste du bureau de France 24 à Islamabad. 

"Le dossier brûlant du blasphème" :
http://www.france24.com/fr/20110110-focus-le-dossier-br%C3%BBlant%20du%20blasph%C3%A8me



Autre reportage "Pakistan, l'arme du blasphème" :
http://bouddhanar-9.blogspot.com/2011/06/pakistan-larme-du-blaspheme.html

Accompagné d'un texte de Jean Robin. Selon cet auteur, des populations fanatisées sont sous l'emprise d'influences mentales générées par une organisation diabolique.


Photo :
Asia Bibi

samedi, juin 04, 2011

Le rêve dans le surréalisme




Durant la période Dada, André Breton et ses amis ne se livrèrent à aucune recherche sur les rêves; ils donnèrent la priorité aux techniques projectives de la personnalité, à l'expression pure des possibilités du hasard, au retournement absolu des valeurs, à la dislocation des habitudes acquises du comportement et du langage. Ils entendaient mener une offensive forcenée contre le goût, la logique, la morale, en pratiquant à toute occasion le déraisonnement vécu. La « spontanéité dadaïste » opposait avec exubérance à l'art, à la littérature, à la science, à la politique, des propos incohérents et des actes absurdes, des œuvres qui ne signifiaient rien. Tristan Tzara, premier maître de cette agitation, la justifiait ainsi dans son Manifeste de 1918 : « Que chaque homme crie : il y a un grand travail destructif, négatif, à accomplir. Balayer, nettoyer. La propreté de l'individu s'affirme après l'état de folie, de folie agressive, complète, d'un monde laissé entre les mains des bandits qui déchirent les siècles. » À côté de Tzara, qui parlait de «désordonner le sens », et formulait des impératifs tels que « démoralisation, désorganisation, destruction, carambolage », Breton encouragea dans un même esprit de refus explosif les expériences d'écriture automatique ; il en attendait des coulées de lave brûlante ravageant les fausses raisons de vivre. L'écriture automatique, exigeant « la gymnastique mentale la plus complexe », éprouva à ce point les exécutants qu'elle leur suscita des hallucinations visuelles et auditives, et que Breton crut bon d'en interrompre quelque temps l'emploi ; mais estimant que « tout l'effort de l'homme doit être appliqué à provoquer sans cesse la précieuse confidence », il envisagea d'autres façons d'interroger l'inconscient. En dépit de Tzara, qui détestait Freud et la psychanalyse, il persistait à croire que la clé de la poésie était enfouie dans les abîmes de l'être.

Au sortir de la crise qui secoua le mouvement Dada, et préluda à sa dissolution, le principe d'incohérence fut abandonné par le groupe comme moyen d'action. Dans le premier numéro de Littérature, nouvelle série, en mars 1922, Breton publia trois « sténographies de rêves », donnant ainsi à ses amis l'exemple dune activité qui allait leur devenir coutumière. C'est à cette date, trois ans après la découverte de l'écriture automatique, et deux ans avant la naissance du surréalisme, que se situe le début de la « vague de rêves » qui souleva tous ces poètes ; son déferlement coïncida avec la période des « Sommeils », commençant en septembre 1922, où certains membres du groupe tels Crevel et Desnos, trouvèrent à s'extérioriser d une manière spectaculaire. Les autres numéros de Littérature présentèrent encore des récits de rêves : trois rêves de Robert Desnos (n° 5, octobre 1922), un rêve très significatif d'André Breton sur « le nouveau temps du verbe être » (n° 7, décembre 1922), un rêve de Francis Picabia intitulé Electrargol (n° 9, février-mars 1923). En les comparant, on remarque une différence essentielle : alors que les rêves de Desnos et de Picabia ont un caractère humoristique, et sont exposés en raison de leur effet pittoresque, ceux de Breton sont racontés avec une précision scientifique, sans omettre aucune nuance affective qui pourrait servir à l'analyse.

Entre la mort de Dada et la création du surréalisme, il y eut un interrègne favorisant, selon Aragon, « un état d'esprit absolument nouveau que nous nous plaisions a nommer le mouvement flou ». Aucune monographie spéciale n'a encore été consacrée au « mouvement flou », ce qui est regrettable, car on y verrait comment, dans un abandon collectif au merveilleux quotidien, la notion de surréalité a été vécue par le groupe, avant de recevoir son fondement théorique. Dans l'interview qu'André Breton accorde au Journal du Peuple, le 7 avril 1923, il dit pourquoi il préfère le document humain, tel le récit de rêve à tout texte fabriqué : « Je n'ai jamais cherché autre chose, je le répète, qu'à ruiner la littérature. » Il annonce que Desnos, Eluard et lui-même, considérant la situation des choses qu'ils défendent comme désespérée, ont décidé de ne plus écrire, et qu'ils se donnent un délai pour expliquer leurs intentions dans un dernier manifeste. Il ajoute cette profession de foi : « La poésie ? Elle n'est pas où on la croit. Elle existe en dehors des mots, du style, etc., c'est pourquoi je suis ravi de lire des livres très mal écrits. Seul tout le système des émotions est inaliénable. Je ne puis donc reconnaître aucune valeur à aucun mode d'expression. L'histoire littéraire, c'est le fruit d'une transposition des plus vulgaires. »

Ce fut à la fois pour sortir de l'imprécision du « mouvement flou », qui risquait de nuire à l'entreprise commune, et pour perpétuer le souci d'abolir toute littérature, que Breton écrivit le Manifeste du surréalisme. Le but de ce livre était de définir les nouveaux principes de l'inspiration poétique dans la vie, et d'amener la révision totale de la notion de responsabilité. Il n'y a que deux types de production authentique de l'homme : le texte automatique et le rêve ; ne vaut dans son comportement que ce qui leur est comparable. Il faut faire entendre au monde la voix qui parle sous la conscience, et que la raison dénature en la filtrant. Les décrets sur le rêve du Manifeste sont d'autant plus intéressants que, tout en rendant hommage à Freud, Breton y développe ses observations personnelles. Il montre ce qui, à partir de la psychanalyse, relève plus spécialement de l'interrogation et de la décision du poète. La mémoire est l'ennemie du rêve ; il faut apprendre, soit en l'éduquant, soit en la transgressant, à isoler « le rêve pur ». Tandis que « selon toute apparence le rêve est continu et porte trace d'organisation », l'esprit se persuade après coup de sa discontinuité : « Seule la mémoire s'arroge le droit d'y faire des coupures de ne pas tenir compte des transitions et de nous représenter plutôt une série de rêves que le rêve » Diverses hypothèses en découlent :« Mon rêve de cette dernière nuit, peut-être poursuit-il celui de la nuit précédente, et sera-t-il poursuivi la nuit prochaine avec une rigueur méritoire. C'est bien possible, comme on dit ». L'état de veille étant un « phénomène d'interférence », ce n'est que dans les couches superficielles du rêve qu'on trouve le reflet des événements et des soucis du jour ; il faut évaluer « l'épaisseur du rêve », comprenant « tout ce qui sombre à l'éveil ». Après avoir dit sa conception de ce problème, Breton raconte la fameuse hallucination verbo-auditive qui a donné naissance à la découverte de l'écriture automatique. Le texte automatique et le rêve ont en commun « un très haut degré d'absurdité immédiate, le propre de cette absurdité, à un examen plus approfondi, étant de céder la place à tout ce qu'il y a d'admissible, de légitime au monde : la divulgation d'un certain nombre de propriétés et de faits non moins objectifs, en somme, que les autres. »

Au Manifeste du surréalisme doivent être associés deux manifestes de la même veine qui le complètent, Une vague de rêves d'Aragon et L'esprit contre la raison de René Crevel. L'écrit d'Aragon, d'un lyrisme impétueux, montre quel espoir et quelle griserie suscita chez tous ces poètes l'idée d'insérer le rêve dans le contexte de la vie diurne, de l'interroger sur le fonctionnement de l'appareil psychique, au lieu de le proscrire comme une simple bizarrerie du sommeil. Il commente le prédicat qu'ils adoptèrent au départ : « L'identité des troubles provoqués par le surréalisme, par la fatigue physique, par les stupéfiants, leur ressemblance avec le rêve, les visions mystiques, la séméiologie des maladies mentales, nous entraînèrent à une hypothèse qui, seule, pouvait répondre de cet ensemble de faits et les relier : l'existence d'une matière mentale, que la similitude des hallucinations et des sensations nous forçait à envisager différente de la pensée, dont la pensée ne pouvait être, et aussi bien dans ses modalités sensibles, qu'un cas particulier. Cette matière mentale, nous l'éprouvions par son pouvoir concret, par son pouvoir de concrétion. » Après avoir célébré «les Présidents de la République du Rêve », Aragon conclut : « Je rêve d'un long rêve où chacun rêverait. Je ne sais ce que va devenir cette nouvelle entreprise de songes. Je rêve sur le bord» du monde et de la nuit. » Quant à Crevel, il dit du poète surréaliste : « Le livre de ses songes, il le lit comme ces leçons de choses où son enfance essaya d'apprendre l'économie du monde, la marche du temps, les caprices des éléments et les mystères des trois règnes. C'est, en plein ciel, un récit aux couleurs plus persuasives, plus périlleuses, que le chant des sirènes. »

Sarane Alexandrian, « L'espace du rêve ».

Sarane Alexandrian :
« La pensée de Sarane Alexandrian n’a pas d’œillères et se nourrit aussi bien de la pensée d’André Breton, le poète insoumis du surréel, que de celles de Charles Fourier, le maître d’Harmonie, de (Aleister Crowley), le maître de la Haute magie sexuelle (lire d’Alexandrian sur le sujet : Le Doctrinal des jouissances amoureuses, Filipacchi, 1997 ; La Magie sexuelle, La Musardine, 2000, ou encore La Sexualité de Narcisse, Le Jardin des livres, 2003), ou de celle de Cornelius Agrippa, modèle de l’humanisme de tous les temps. Chez Alexandrian, le mot Gnose est à prendre dans son vrai sens, celui de « connaissance pure », et non dans un contexte religieux, (in Christophe Dauphin, Hommage au Grand Cri-chant: Sarane Alexandrian, in Les Hommes sans Épaules n°28, 2009). La Gnose moderne d’Alexandrian préconise le salut par le rêve, la révolution, la connaissance et l’amour. »

La sexualité de Narcisse

Sarane Alexandrian

L’auto-érotisme et la masturbation furent célébrés de tout temps, tant par les sumériens que les grecs, les chinois ou les hindous... Cet ouvrage traite de manière très complète du sujet en nous faisant découvrir la relation forte existant entre l’auto-érotisme et la créativité, comme en témoignent de nombreux écrivains et artistes. Un ouvrage richissime qui montre que la solitude offre parfois bien plus d’intensité que les tièdes étreintes du couple...


Peinture :
Salvador Dali - "Leda Atomica" (1949)

vendredi, juin 03, 2011

Les rêves




Après que R. Bastide eut, en 1932, formulé les principes auxquels, selon lui, toute recherche sur le rêve devait se conformer, puis qu'il eut présenté ses travaux dans l'article « Sociologie du rêve », daté de 1967, relativement peu nombreuses demeurent à ce jour les enquêtes de terrain menées en domaine européen, si l'on place à part l’œuvre de De Martino. En dépit de leur petit nombre, elles n'en permettent pas moins de situer la place qu'occupe le rêve dans les sociétés anciennes et traditionnelles de l'Europe, ainsi que son interprétation.

M. Xanthacou examine des songes ainsi recueillis dans le sud du Péloponnèse, où des femmes voient revenir de proches parents défunts. Elle montre en quoi ces rêves témoignent de transgressions (surtout celle de l'interdit de l'inceste) dans une région, le Magne, où la proximité du frère et de la sœur est réputée surpasser l'intimité du lien conjugal, comme le lien d'une mère à ses fils. Ces anamnèses, ou retours dans le songe d'une femme de l'image de ses morts, renvoient tous à un Au-delà, au monde des Ombres, au monde d'après la mort. Ce sont également des rêves qui prévoient ou préviennent le malheur et la mort. Les ethnotextes recueillis en 1959 par C. Joisten en France, dans un village proche du Queyras et du Briançonnais, auprès de Marie Vasserot, âgée de 76 ans en 1959, permettent de cerner le contours d'un onirisme populaire. Même si Marie Vasserot était animée d'une profonde foi, son témoignage déborde largement les cadres d'une tradition inféodée au catholicisme rural de la fin du XIXe s., catholicisme pragmatique et formaliste tout à la fois. Les récits qualifiés de «rêves » relatent les rencontres de la narratrice avec diverses catégories d'êtres surnaturels lors d'expériences de type onirique à propos desquelles les termes d'«autosuggestion » et d'« hallucination » sont malencontreusement convoqués par l'ethnologue. L'enquête, heureusement reprise en 1976, dégage alors plus nettement les contours de la pratique onirique en cause : le rêve accompagne et commente des moments remarquables de la biographie de la rêveuse. Le rêve souligne ainsi tout particulièrement les transformations qu'accomplissent sur la personne en cause les rites de passage qui, dans la société traditionnelle, scandent tout déroulement biographique. Possédée au sein d'une même famille et transmise de mère en fils, la capacité à voir en rêve témoigne d'un compagnonnage avec Dieu, d'autres personnages du panthéon chrétien comme la Vierge et quelques saints, l'ange gardien et ce personnage maléfique qu'est le Diable. Les rêves avec les défunts attestent également un contact constant avec les revenants. De tels rêves ont valeur prémonitoire. Par ailleurs, la capacité à voir en rêve se donne pour une expérience vécue, le témoignage en direct d'apparitions, même si l'angle de l'enquête et les précautions des informateurs accroissent la prise de distance par rapport au contenu onirique, au point que l'on passe du récit d'une « apparition » réelle à celui d'une «vision vécue ». Les résultats de l'enquête briançonnaise se retrouvent dans les travaux menés ailleurs en France (Aquitaine), en Italie et en Espagne : à chaque fois ressort l'importance du lien avec les défunts que porte l'activité onirique, la valeur prémonitoire qui lui est reconnue, comme l'existence d'agents spécialisés dans la construction d'une interprétation du rêve, quand bien même cette pratique est populaire.

Les recherches ainsi issues de cette ethnographie récente du domaine européen croisent au moins partiellement les ouvrages publiés par les historiens (Fabre, Schmitt). C'est J. Le Goff qui, le premier, présenta les conceptions médiévales du rêve. Dans ses articles « Les rêves dans la culture et la psychologie collective de l'Occident médiéval » (1977), « L’Occident médiéval et l'océan Indien : un horizon onirique » (1977), «Le christianisme et les rêves (IIe-VIIe s.) » (1985), Le Goff montre le passage d'une Antiquité passionnée par l'oniromancie à une mise à l'écart et une répression du rêve par l’Église, avant que se produise, à partir du XIIe s., un retour en force du rêve qu'amorce alors la promotion de ces rêveurs distingués que furent les saints. L'historien étudie comment le christianisme, devenu religion et idéologie dominantes en Occident à partir du IXe s., dut traiter du rêve et de son interprétation tels que l'héritage gréco-romain les avait laissés. Après une période de méfiance face au rêve toujours vu comme une création diabolique, le catholicisme en vint progressivement à le réhabiliter. Selon Le Goff, le lent développement du rêve et son retour dans la culture ont accompagné, avec la vogue du voyage dans l'au-delà, l'invention du Purgatoire et l'importance grandissante du jugement individuel juste après la mort.

Quand, en 1899, Freud publie L’Interprétation des rêves, il fait oublier l'échec de ses investigations précédentes touchant aux effets de la cocaïne et se fait l'inventeur de la psychanalyse. Comme le souligne avec justesse J.-B. Pontalis, L’Interprétation des rêves « n'est pas pour nous le livre de l'analyse des rêves , encore moins le livre du rêve, mais le livre qui, par la médiation des lois du logos du rêve, découvre celles de tout discours et fonde la psychanalyse ». Freud affirma avoir fait œuvre scientifique. C'est, comme il le revendique fièrement, un «morceau de terre inconnue gagné sur les croyances populaires et le mysticisme ». Avec cet ouvrage, Freud modifie la nature de l'interprétation du rêve, qu'il considère comme l'accomplissement d'un désir inconscient.

Tout d'abord, Freud établit que c'est le rêveur lui-même qui, si énigmatique et fuyant que lui apparaisse son rêve, peut seul en dégager la signification. C'est le rêveur qui opère à partir des associations mentales qu'il enchaîne les unes aux autres comme incidemment et qu'il juxtapose à la suite du récit de son rêve. Dans le cadre de la séance de psychanalyse, la technique freudienne d'interprétation des rêves permet au rêveur de déchiffrer le scénario onirique. Le récit de rêve n'est pas, dans ce contexte, envisagé comme un tout insécable. Bien au contraire, il se trouve scindé en éléments à partir desquels se développent les associations. De la sorte, le rêve se retrouve au centre d'un réseau d'idées toutes reliées au rêve et également toutes reliées entre elles. L'activité de mise en association des images du rêve et des idées qui, à leur propos, surgissent manifeste l'accomplissement d'un véritable travail que gouvernent deux opérations centrales : le déplacement et la condensation, chaque élément étant surdéterminé. Processus psychique inconscient, le déplacement est tout entier lié à la censure. Il transforme un élément primordial en détail secondaire. Ou bien encore il substitue un élément à un autre, un personnage à un autre. Il inverse le début et la fin ou exprime par une expression littérale un sens figuré. Quant à la condensation, elle opère la fusion de plusieurs idées inconscientes pour aboutir à une seule image dans le contenu manifeste du rêve. Interprétant plusieurs rêves personnels dont celui de la monographie botanique, Freud indique que la condensation « ramasse et concentre des pensées éparses du rêve ».

C'est que l'essentiel du rêve tient à la réalisation inconsciente et méconnue d'un désir ancien, inassouvi, refoulé dans l'inconscient. Sur ce point, Freud est catégorique: « Le désir représenté dans le rêve est nécessairement infantile. » Les idées inconscientes à la source du rêve, Freud les nomme des « pensées latentes ». Il leur oppose son contenu manifeste. Les pensées latentes sont actualisées à l'occasion du rêve, alors qu'elles ne peuvent ni se réaliser ni même s'exprimer franchement, directement, à cause du mécanisme de la censure. Au fond, leur visée est d'arriver, sinon à se réaliser, du moins à s'exprimer en proposant à la conscience une mise en forme qui les rende méconnaissables et leur substitue une apparence inoffensive sous leur déguisement.

Le rêve, maniant ainsi le déplacement et la condensation, se soucie peu de relations logiques. Il ignore la négation, il réunit les contraires ou transpose les relations temporelles en rapports spatiaux. Son langage apparaît simplifié, et sa grammaire grossière. Comme l'inconscient, le rêve ignore « tous les modes du langage propres à traduire les formes les plus subtiles de la pensée : conjonctions, prépositions, changements de déclinaisons et de conjugaisons, tout cela est abandonné faute de moyens d'expression ; seuls les matériaux bruts de la pensée peuvent encore s'exprimer comme dans une langue primitive, sans grammaire. L'abstrait est ramené à sa base concrète ».

Le rêve en général pourrait alors être considéré, ce que fait M. Perrin pour le rêve guajiro, comme un langage. Considérons, pour commencer, la langue que parle le rêve. Le traitement intellectuel du rêve fait, dans l'exemple guajiro, ressortir que les images sont essentiellement des images corporelles et des images des relations sexuelles (licites et illicites). Mais ce qui importe d'avantage, s'il se peut, c'est que ces contenus imagés sont combinés entre eux selon quatre règles de relation (qui réagissent les clés des songes dont près de deux cents ont été collationnées par Perrin) : ce sont l'analogie, le renversement en son contraire, la conversion terme à terme de deux séries mises en position de permutabilité, enfin la combinaison de plusieurs rapports d'homologies.

Ainsi le rêve peut-il être considéré comme une machinerie qui fait jouer les éléments d'une sorte de de lexique constitué d'images en prêt-à-porter et recourt à ces règles de relation. À partir de là, on peut s'interroger sur la valence différentielle rêve/mythe, puisque le mythe combine également des éléments selon les lois d'un langage, comme l'a montré C. Lévi-Strauss. Effectivement, le mythe et l'oniromancie semblent obéir aux mêmes règles élémentaires de combinaison. Le rêve ne serait-il alors qu'un mythe à usage privé ? Or, l'assimilation du rêve au mythe ne semble pas si simple à poser, ne serait-ce que parce que le mythe met en œuvre des structures complexes, quand songes et clés des songes en restent à des formules isolées. Mais, loin de faire du rêve une activité humaine moins déterminante que le mythe, avec M. Perrin, on pourra insister sur la souplesse et les possibilités théoriquement infinies du rêve. Moins ligoté dans un carcan rigide que le mythe, le rêve est une activité créative, puisant dans les images qui abondent dans la mythologie pour les manier, les arranger, les recomposer. En bref, le rêve serait une sorte de vivier alimentant en versions mouvantes la pensée plus figée et close sur elle-même du mythe.

Marie-Claire Latry, IUFM de Bordeaux.


Le rêve de la nourrice d'après L'Interprétation des rêves de Freud

Source :


Dictionnaire historique de la magie et des sciences occultes

La magie ? les magies ?, l'alchimie, les arts divinatoires, les astrologies, la démonologie, l'envoûtement, les fétichismes, les kabbales, les sorcelleries, les superstitions et tant d'autres sciences dites occultes étudiées dans l'épaisseur de leur histoire, de leurs pratiques, de leurs principaux instigateurs, de leurs victimes, aussi : tel est le défi qu'une trentaine d'universitaires et de chercheurs ont accepté de relever : ils font, pour la première fois, un point historique et ethnologique, à la lumière des études les plus récentes. Les limites qu'ils se sont fixées sont celles de l'Europe occidentale, mais ils ne se sont pas interdit les éclairages venus d'ailleurs, les influences et les résonances qui diffusent subtilement à toutes les civilisations, à toutes les époques, leurs sujets d'étude. Tour à tour apparaissent, au fil des pages, les grands acteurs des sujets évoqués : Apollonius de Tyane, Cagliostro, Nostradamus, Ptolémée, Gilles de Rais, Raspoutine, et tant d'autres. Les auteurs de ce dictionnaire ne se sont pas limités aux concepts, aux pratiques, aux portraits. Que vous vous intéressiez à la mandragore, à l'alambic, aux fées ou à Hallowe'en, à Dracula, à Nosferatu ou au Black Metal... Que vous redoutiez les chats noirs ou les fantômes... Que vous lisiez l'horoscope de votre journal favori... Des réponses sérieuses et informées vous sont proposées pour éclairer toutes ces interrogations.



L'art de rêver

Les rêves et l'au-delà

L'art de rêver




Au cours des vingt dernières années, j’ai écrit une série de livres relatant mon apprentissage avec un sorcier indien yaqui du Mexique, don Juan Matus. Dans ces ouvrages, j’ai expliqué qu’il m’avait enseigné la sorcellerie, non pas la sorcellerie telle que nous la comprenons dans le contexte de notre monde de tous les jours, c’est-à-dire la mise en ouvre de pouvoirs surnaturels à l’encontre d’autrui, ou bien l’invocation des esprits avec des amulettes, des sorts, ou des rituels destinés à produire des effets surnaturels. Pour don Juan, la sorcellerie était l’acte qui rend substantielles quelques prémisses particulières d’ordres pratique et théorique concernant la nature et le rôle de la perception dans notre saisie et notre modélisation de l’univers qui nous entoure.

Pour définir sa connaissance j’ai évité, à la suggestion de don Juan, l’usage d’une classification anthropologique, le chamanisme. Je l’ai toujours désignée par le terme qu'il utilisait pour la nommer : sorcellerie. Toutefois, après mûre réflexion, je me suis aperçu que ce nom assombrissait encore plus le phénomène déjà obscur qu’il me présentait au cours de ses enseignements.

Dans les œuvres anthropologiques, le chamanisme est décrit comme un système de croyance propre à certains peuples originaires d’Asie du Nord, mais aussi présent dans quelques tribus indiennes d’Amérique du Nord, qui soutient qu’un monde invisible de forces spirituelles ancestrales, bonnes ou mauvaises, prédomine autour de nous, et que ces forces spirituelles peuvent être invoquées ou contrôlées par les actes de praticiens qui sont des intermédiaires entre les royaumes du naturel et du surnaturel.

Sans aucun doute, don Juan était un intermédiaire entre le monde naturel de la vie de tous les jours et un monde invisible qu’il ne nommait pas le surnaturel, mais la « seconde attention ». Son rôle de maître consistait à me permettre l’accès à ce monde. Dans mes ouvrages antérieurs, j’ai décrit ses méthodes d’enseignement permettant d’atteindre ce but, ainsi que les arts de la sorcellerie qu’il me faisait pratiquer, dont le plus important se nommait « l’art de rêver ».

Don Juan soutenait que notre monde, que nous croyons être unique et absolu, n’est qu’un parmi un groupe de mondes conjoints, disposés telles les couches d’un oignon. Bien que nous ayons été énergétiquement conditionnés à percevoir exclusivement notre monde, il affirmait que nous avons encore la possibilité d’entrer dans ces autres royaumes qui sont aussi réels, uniques, complets et accaparants que l’est notre monde.

Don Juan m’expliqua que pour que nous puissions percevoir ces autres royaumes, non seulement il s’agit de les convoiter, mais il faut aussi avoir une énergie suffisante pour les saisir. Leur existence est constante et indépendante de notre conscience, disait-il, mais leur inaccessibilité résulte entièrement de notre conditionnement énergétique. En d’autres termes, simplement et uniquement suite à notre conditionnement, nous sommes contraints de présumer que le monde de notre vie de tous les jours est l’unique et seul monde possible.

Parce qu’ils croyaient notre conditionnement énergétique rectifiable, déclara don Juan, les sorciers des temps anciens développèrent un ensemble de pratiques conçues afin de reconditionner nos possibilités énergétiques de percevoir. C’est cet ensemble de pratiques qu’ils nommèrent l’art de rêver.

Avec la perspective acquise au cours du temps, je me rends compte maintenant que l’expression la plus adéquate de don Juan à propos de « rêver » consista à le nommer : le « passage à l’infinité ». La première fois qu’il utilisa cette métaphore, je lui fis remarquer que pour moi elle n’avait aucun sens. « Alors, oublions les métaphores, concéda-t-il, disons que “rêver” est pour les sorciers leur manière pratique de se servir des rêves ordinaires.
Mais comment peut-on se servir des rêves ordinaires ?
Nous nous faisons toujours piéger par les mots, répondit-il. En ce qui me concerne, mon maître tenta de me décrire “rêver” en déclarant que c’est la façon dont les sorciers disent bonne nuit au monde. Ce faisant, il ajustait évidemment sa description pour l’accorder avec ma mentalité. Avec toi, je fais de même. »

À une autre occasion, don Juan me dit :
« Rêver ne peut être qu’une expérience. Rêver ne signifie pas simplement avoir des rêves; pas plus que rêvasser ou souhaiter ou imaginer. Par l’acte de rêver, nous pouvons percevoir d’autres mondes, que nous pouvons assurément décrire. Mais nous ne pouvons pas décrire ce qui nous les rend perceptibles. Néanmoins, nous pouvons sentir comment rêver ouvre ces autres royaumes. Rêver semble être une sensation – un processus dans nos corps, une conscience dans nos pensées. »

Au cours de ses enseignements, don Juan m’expliqua minutieusement les principes, les raisons et les pratiques de l’art de rêver. Son instruction comprenait deux parties. L’une concernait les procédures pour rêver, l’autre comprenait des explications purement abstraites de ces procédures. Sa pédagogie consistait à jouer entre le fait de séduire ma curiosité intellectuelle par les principes abstraits de l’art de rêver et l’acte de me guider dans sa pratique afin que j’y découvre un exutoire.

J’ai déjà décrit tout cela de la manière la plus détaillée dont je fus alors capable. J’ai aussi dépeint le milieu des sorciers dans lequel don Juan me plaça afin de m’enseigner ses arts. Mon interaction avec ce milieu m’intéressa particulièrement, car elle se produisit exclusivement dans la seconde attention. J’entrais ici en relation avec les dix femmes et les cinq hommes qui étaient les compagnons de don Juan et avec les quatre jeunes gens et les quatre jeunes filles qui étaient ses apprentis.

Don Juan réunit ces derniers dès que j’accédai à son monde. Il m’expliqua clairement qu’ils formaient un groupe traditionnel de sorciers – une réplique de son propre groupe – et que mon rôle était de les guider. Toutefois, en travaillant avec moi, il se rendit compte que j’étais différent de ce qu’il avait prévu. Il expliqua cette différence en termes d’une constitution énergétique perceptible uniquement par des sorciers : au lieu d’avoir tout comme lui quatre compartiments d’énergie, je n’en avais que trois. Une telle constitution, qu’il avait par erreur jugée être un défaut rectifiable, me rendait tellement inapte à une interaction ou à une conduite de ces huit apprentis, qu’il devint impératif pour don Juan de réunir un autre groupe de personnes plus apparentées à ma structure énergétique.

J’ai longuement rapporté ces événements. Toutefois, je n’ai jamais fait état du second groupe d’apprentis ; don Juan me l’avait interdit. Il soutenait qu’ils appartenaient exclusivement à mon domaine, et que l’accord que nous avions passé était que je pouvais décrire uniquement ce qui concernait le sien, non le mien.

Ce second groupe d’apprentis s’avéra extrêmement compact. Il se composa de trois membres seulement ; une rêveuse : Florinda Donner, une traqueuse : Taisha Abelar, et une femme nagual : Carol Tiggs.

Nos interactions n’eurent lieu que dans la seconde attention. Dans le monde de la vie quotidienne, nous n’eûmes pas la moindre notion l’un de l’autre. Cependant, en ce qui concerne notre relation avec don Juan, tout était parfaitement clair ; il fit des efforts considérables pour nous entraîner d’égale manière. Malgré tout, vers la fin, alors que le temps de don Juan touchait à son terme, la pression psychologique exercée par son proche départ effrita les solides frontières de la seconde attention. Il en résulta un débordement de nos interactions dans le monde des affaires de tous les jours, et nous nous rencontrâmes, apparemment pour la première fois.

Pas un de nous ne connaissait, consciemment, notre profonde et laborieuse interaction dans la seconde attention. Et comme nous étions tous des chercheurs universitaires, rien ne nous choqua plus que de découvrir que nous nous étions déjà rencontrés. Bien entendu, cette situation fut pour nous intellectuellement inadmissible, et elle le demeure encore même si nous savons pertinemment qu’elle fut une partie intrinsèque de notre expérience. Par conséquent, il nous est resté l’inquiétante connaissance de savoir que le psychisme humain est infiniment plus complexe que notre raisonnement courant ou universitaire ne nous conduit à le croire.

Une fois, tous ensemble, nous demandâmes à don Juan d’éclaircir notre fâcheuse situation. Il répondit que pour l’expliquer, il disposait de deux choix. L’un consistait a satisfaire notre rationalité blessée et à la rapiécer, en disant que la seconde attention était un état de conscience aussi illusoire qu’une escadrille d’éléphants traversant le ciel et que tout ce que nous pensions avoir vécu dans cet état résultait simplement de suggestions hypnotiques. L’autre était de l’expliquer à la façon dont les sorciers rêveurs la comprennent ; comme une configuration énergétique de la conscience.

Quoi qu’il en soit, au cours de l’accomplissement de mes tâches de rêveur, la frontière de la seconde attention demeura inchangée. Chaque fois que j’accédai à rêver, j’entrais aussi dans la seconde attention, et le fait de me réveiller de rêver ne signifiait pas nécessairement que j’avais quitté la seconde attention. Des années durant, je ne pus me souvenir que de quelques miettes de mes expériences de rêver. L’ensemble de mon vécu me demeurait énergétiquement inaccessible. Il me fallut quinze années de travail ininterrompu, de 1973 à 1988, pour accumuler assez d’énergie pour réorganiser le tout de manière linéaire dans ma pensée. Je me souvins alors d’événements rêvés, séquence après séquence, et je fus enfin à même de combler certains trous de mémoire apparents. De cette manière, j’ai saisi la continuité inhérente aux leçons de don Juan dans l’art de rêver, une continuité qui m’avait échappé parce qu’il me faisait zigzaguer entre la conscience de notre vie de tous les jours et la conscience de la seconde attention. De cette réorganisation résulte cet ouvrage.

Voilà qui me conduit à la dernière partie de ma note : la raison d’écrire ce livre. Détenteur de la plupart des pièces des leçons de don Juan sur l’art de rêver, je voudrais, dans un prochain ouvrage, expliquer la position et l’action actuelles de ses quatre derniers étudiants : Florinda Donner, Taisha Abelar, Carol Tiggs et moi-même. Mais avant de décrire et d’expliquer les résultats de sa conduite et de son influence sur nous, il me faut récapituler, à la lumière de ce que je sais maintenant, les parties des leçons de don Juan sur l’art de rêver qui me demeuraient auparavant inaccessibles.

Finalement, la raison d’être de cet ouvrage fut donnée par Carol Tiggs. Elle est persuadée que dans le fait d’expliquer le monde dont il nous a fait hériter, réside l’ultime expression de notre gratitude et de notre engagement dans la quête de don Juan.

Carlos Castaneda


L'art de rêver
Les quatre portes de la perception de l'univers


Rêver ne signifie pas avoir des rêves. Rêver permet de percevoir d'autres mondes et de les décrire.
Telle est la quintessence de l'enseignement que don Juan, sorcier Yaqui du Mexique, prodigua à Carlos Castaneda. "L'art de rêver" nous entraîne au cœur du chamanisme. Nous y découvrons que par les rêves nous pouvons atteindre un état de conscience modifié qui rend possible l'accès à d'autres espaces, aussi réels et complets que celui qui nous est familier. D'où ce "passage à l'infinité" qui selon Castaneda permet à l'individu de répondre aux questions fondamentales.
Voyage dans les méandres de l'inconscient, chemin vers une réalité différente, cet ouvrage est aussi une mise en lumière des ressources incroyables et insoupçonnées de l'être humain.


Lire gratuitement « L'art de rêver ».

Les Rêves et l'Au-Delà




De nos jours, et au sein de notre civilisation, s'il est justifié de considérer le rêve comme un outil pour la connaissance de soi, il n'en a pas toujours été ainsi dans l'histoire. Certes, le rêve constitue l'une des expériences fondamentales communes à l'espèce humaine puisque, de tous les états modifiés de conscience, l'état onirique est le plus universel. Mais de nombreuses études anthropologiques ont montré que la place et la fonction du rêve dans les diverses cultures pouvaient se présenter de manière différente.

D'une façon générale, dans les sociétés dites « traditionnelles », le rêve est rattaché au domaine surnaturel et religieux. Dans de nombreuses tribus, par exemple chez les Mélanésiens, on croit que l'âme quitte le corps pendant le sommeil, voyage dans le monde des esprits et y fait des expériences qui constituent la matière première du contenu des rêves. On considère également que le rêve permet d'entrer en contact avec les esprits des parents décédés et de recevoir de leur part une information importante. Ces contacts et ces informations ne sont pas recherchés pour eux-mêmes, pour vérifier une croyance ou pour « voir » si la vie après la mort existe, mais ils aident à résoudre les problèmes quotidiens et à prendre les décisions qui s'imposent. En Haïti, par exemple, le rêve est considéré comme un véhicule privilégié par lequel les défunts adressent des messages aux vivants. Les rêveurs transmettent des consignes concernant des obligations rituelles. Il en est de même, selon l'ouvrage de Roger Caillois, pour les Indiens Hopi (pour qui le rêve est un langage sacré) et les Indiens Ojibwai d'Amérique du Nord. Ces derniers, tout particulièrement, profitent du rêve pour entrer en relation avec les Êtres de leur répertoire mythologique (le Soleil, les Vents, les entités vivantes animales et végétales, etc.). Le rêve est alors une technique de contact avec l'ordre surnaturel et invisible de l'univers.

On pourrait, dans cette optique, développer longuement la conception des aborigènes australiens. Selon l'écrivain James Cowan qui a milité pour révéler la vie spirituelle méconnue de ces tribus, le fait de rêver, avec les techniques rituelles qui accompagnent le rêve, replace le rêveur dans «le Temps du rêve ». Pour l'aborigène australien, le « voyage en rêve » est une expression métaphysique de vérités primordiales qui retracent la naissance du monde et la place que l'homme y tient. Pour eux, l'état de rêve se superpose avec le paysage primitif de leur pays. Ils n'ont donc éprouvé aucun besoin de construire des enceintes sacrées ou des temples, puisque l'environnement naturel tout entier leur était un paysage métaphysique capable d'exprimer leurs désirs spirituels les plus profonds. La terre, les rochers, les arbres, les montagnes, les plantes et les animaux, et finalement l'homme lui-même, sont des espaces sacrés. « L'événement primordial » est confondu avec le cycle du rêve. Quand les aborigènes « voyagent en rêve », ils revivent l'origine du monde et de l'homme. Ils ne se contentent pas de considérer ce voyage comme un moyen de forcer la nature à se renouveler ; ils sont hautement conscients que le fait d'accomplir ce voyage implique un renouvellement personnel pour expérimenter la compréhension plus profonde de leur propre nature sacrée, et régénérer la symbiose profonde entre l'homme et la nature. Le paysage extérieur et le paysage intérieur sont en osmose parfaite. Le voyage en rêve se répartit sur la durée de l'année et suit le cycle des saisons. Dans le continent australien, à certains endroits, il n'y a pas quatre mais six saisons qui ne commencent pas de façon formelle, mais sont changeantes selon que les événements naturels sont arrivés ou non (par exemple l'arrivée des pluies, l'apparition du soleil...).

Quand l'aborigène se déplace, il n'effectue pas un voyage de transhumance, mais un voyage d'harmonie métaphysique et de recréation du monde. Le paysage où il vit quand il effectue son « voyage » est saturé de significations puisqu'il raconte l'origine du peuple. Ce « voyage », il faut le préciser, ne s'effectue pas au cours d'un rêve en sommeil endormi, mais dans un état modifié de conscience tout particulier qui fait penser aux états de transe créatifs, poétiques, etc. Au cours de celui-ci, le « rêveur » n'est plus sensible aux stimuli extérieurs.

L'écrivain James Cowan explique que les aborigènes, s'ils ne peuvent accéder à cet état de conscience, sont voués à la mort (ou à l'alcoolisme ou à l'aliénation, ce qui revient au même) puisqu'ils ne peuvent plus vivre en harmonie ni avec le pays ni avec eux-mêmes.

Dans certaines autres tribus, le rêve est un moyen thérapeutique : il soigne, il guérit. Chez les Iroquois, les jésuites avaient déjà noté que le rêve servait à exprimer les désirs naturels cachés (vision proche de celle de la psychanalyse). Les Iroquois interprétaient individuellement les rêves en faisant appel à des medecine-men pour en dégager la signification.

L'étude de K. Stewart sur les Senoi de Malaisie montre une croyance et des pratiques semblables : l'interprétation des rêves fait partie de l'éducation des enfants qui doivent raconter leurs rêves afin que les pères et frères les analysent, les discutent et choisissent les décisions à adopter. Les techniques des Senoi se fonderaient sur l'idée que le rêve permet de faire face aux dangers, qu'il augmente la sensation de plaisir et qu'il aide à devenir créatif dans la vie.

Dans toute l'Antiquité, de l'Égypte à la Grèce, des problèmes de santé étaient traités par le moyen du rêve. Le rêveur, après rituels de purification et mise en condition par diverses techniques dites « d'incubation », dans des temples réservés à cet effet, obtenait des songes qui lui indiquaient les remèdes nécessaires à sa guérison.

De nos jours, et dans cette même ligne de pensée, la psychologue Patricia Garfield, au lieu d'envisager la fonction onirique uniquement comme un moyen de réduire l'anxiété, la considère au contraire comme un mécanisme permettant de développer l'autonomie et l'indépendance, en amenant les rêveurs, et notamment les enfants, à résoudre par les rêves les problèmes auxquels ils sont confrontés.

Le développement de telles techniques rejoint les « rêves lucides » dans lesquels le rêveur a parfaitement conscience d'être dans l'état de rêve et se sent capable, par un contrôle volontaire du contenu de ses rêves, de les orienter et de s'en servir pour son bien. Des techniques yogiques hindouistes, bouddhistes et tibétaines favorisent le développement d'une telle faculté.

Le rêve possède parfois une autre utilité, une autre fonction importante : transmettre des instructions considérées comme divines. C'est la position des juifs, par exemple, héritière en ce point d'autres traditions antiques méditerranéennes (Hittites, Babyloniens, Égyptiens, etc.) : le songe est porteur de messages divins, et celui qui le reçoit peut être chargé de modifier le cours de l'histoire.

C'est ainsi que de nombreux fondateurs de religions et plusieurs saints auront des songes célèbres.

Ce bref aperçu historique, s'il montre que le rêve n'a pas toujours été considéré, dans sa fonction et son utilité, de manière identique, prouve cependant qu'il a toujours été relié à une haute dimension spirituelle.

Et s'il est une image qui oblige le rêveur à chercher plus haut, plus loin, plus grand que lui, c'est bien celle de la mort, interrogation fondamentale de l'être humain et de sa destinée.


Hélène Renard



Les Rêves et l'Au-Delà
Étude et interprétations des rêves de mort


Dès l'Antiquité, les hommes ont vu dans les rêves un moyen de connaissance qui n'était pas réduit à une simple expression de l'inconscient. Les rêves pouvaient révéler, non seulement la part secrète de nous-mêmes, mais des informations sur la vie présente ou future, sur l'invisible, sur l'au-delà.

Ainsi la communication avec une autre réalité, les messages venus du divin ou des défunts, étaient-ils parfaitement concevables. Et cette croyance a été renforcée, au cours de l'histoire et de nos jours, par des faits, des récits, des témoignages impressionnants.

Journaliste, auteur de plusieurs ouvrages dont L'Après-Vie, devenu best-seller, Hélène Renard est spécialiste des rêves. Depuis vingt ans, elle les étudie, accumulant des milliers de récits adressés au « Bureau des Rêves », à RTL ou à France 2 où elle anime une rubrique sur le sujet. Elle est également l'auteur d'un Dictionnaire des rêves qui fait référence.

Confrontant l'expérience ainsi acquise aux interprétations traditionnelles, Hélène Renard nous livre, dans cette nouvelle édition revue et augmentée, une étude passionnante et utile pour comprendre la symbolique des rêves qui délivrent souvent un message positif au rêveur pour le guider dans son évolution personnelle.




Illustration :

jeudi, juin 02, 2011

La femme indienne



Dans l'antique société indienne, il semble que la femme était libre et avait les mêmes droits que l'homme.

Nombre de sociétés pré-aryennes observaient le matriarcat, comme le font encore de nos jours certaines tribus d'aborigènes (les Nâyar du Malabar). Avec l'avènement de la société « aryenne », la position de la femme devint progressivement subordonnée à l'autorité de l'homme, mari ou fils aîné. Les Lois de Manu (Mânavadharmashâstra) stipulent déjà que la femme doit nécessairement, toute sa vie durant, dépendre d'un homme, et c'est une des raisons pour lesquelles les mariages d'enfants devinrent pratiquement la règle générale. Selon la coutume (le plus souvent d'origine religieuse), la femme indienne doit considérer son mari comme la divinité sur terre et, en conséquence, lui être entièrement soumise. Dans les milieux musulmans de l'Inde, la femme avait également un statut inférieur (bien que tempéré par la loi musulmane), mais était astreinte au port du voile (pardâ, chadrî). Les femmes hindoues tout au moins celles appartenant aux hautes castes, devaient également se cacher le visage avec un pan de leur sari lorsqu'elles se trouvaient en public. Les exigences de la vie moderne et les progrès de l'éducation font que la dépendance de la femme envers l'homme tend actuellement à diminuer et, de plus, les femmes, toujours très respectées en tant que « mères », parviennent à s'abstraire du contexte familial traditionnel pour mener une vie plus libre, arrivant parfois même à acquérir un statut égal à celui des hommes.

Cependant, la femme a toujours été considérée en Inde et dans le sous-continent comme « celle qui transmet », non seulement les us et les coutumes, mais les arts et les secrets de la beauté. Les Indiens ont toujours admiré leurs femmes, pour leur aspect physique, d'une part, et pour leurs qualités de « mères » et de gardiennes du foyer, de l'autre. Ce qui fait que, tout en étant considérées comme dépendantes des hommes, elles n'étaient jamais traitées en « inférieures ». Symboles de l'amour (conjugal ou non), elles devaient représenter la beauté, le charme, l'élégance et la modestie. Dans les castes supérieures, les femmes s'adonnaient à la poésie, à la musique, à la peinture et aux arts de la danse. Elles étaient richement vêtues et couvertes de bijoux. Malgré leur rôle subordonné à celui des hommes, les femmes indiennes ont tenu tout au long des âges une place extrêmement importante dans la société indienne.

Louis Frédéric

Illustration :
"Bonjour les Indes"


Des apparitions et d'autres phénomènes surnaturels

Hologramme de dragon projeté dans le ciel lors d'un match de baseball en Corée du Sud. Fox News : "Le Vatican s'apprête à publi...