vendredi, mars 16, 2012

L'idolâtrie du « salut »





Une des erreurs qui entravent le plus sûrement la réalisation intemporelle de l'homme consiste à voir à cette réalisation un caractère contraignant. Dans bien des systèmes « spirituels », religieux ou autres, l'homme a le « devoir » de faire son « salut » ; on dénie toute valeur à tout ce qui est « temporel » et on concentre toute la réalité imaginable sur le « salut ». Qu'il y ait là encore une idolâtrie est pourtant évident puisque la réalisation, vue ainsi comme une chose qui en exclut d'autres, n'est donc qu'une chose parmi les autres, limitée et formelle, et qu'elle est vue en même temps comme seule « sacrée » et incommensurablement supérieure à tout le reste. Toute la réalité déterminante, asservissante, dont l'homme dotait telles ou telles entreprises « temporelles » se cristallise maintenant sur l'entreprise du « salut », et cette entreprise devient la plus déterminante, la plus asservissante qui se puisse concevoir. Réalisation signifiant libération, on arrive à ce paradoxe absurde que l'homme est soumis au devoir contraignant d'être libre. L'angoisse de l'homme se concentre donc sur cette question de son salut ; il tremble à la pensée qu'il puisse mourir avant d'avoir atteint sa délivrance. Une si grave erreur de compréhension entraîne nécessairement inquiétude, agitation intérieure, sentiment d'indignité, crispation égotiste sur soi-même-en-tant-que-distinct, c'est-à-dire qu'elle interdit la pacification intérieure, la réconciliation avec soi-même, le désintérêt envers soi-en-tant-que-distinct, la diminution des émotions, en somme tout le climat intérieur de détente qui conditionne le déclenchement du satori (éveil).

L'homme qui se trompe ainsi pourrait cependant réfléchir un peu mieux. Il n'y a de devoir que par rapport à une autorité qui l'impose. Le fidèle de telle ou telle religion dira que « Dieu » est cette autorité qui lui impose le devoir de son salut. Mais qu'est donc ce « Dieu » qui en m'imposant quelque chose, est distinct de moi et a besoin de mon action ? Tout n'est donc pas inclus en sa parfaite harmonie ?

La même erreur se retrouve chez certains hommes assez évolués intellectuellement pour ne plus croire en un « Dieu » personnel. Ils semblent du moins ne plus y croire. Si l'on regarde de plus près, on voit qu'ils y croient encore. Ils imaginent leur satori, et eux-mêmes après le satori, et c'est là leur « Dieu » personnel, idole contraignante, inquiétante, implacable. Il faut qu'ils se réalisent, qu'ils se libèrent, ils s'effraient à la pensée de n'y pas parvenir, ils s'exaltent devant tel phénomène intérieur qui leur donne espoir. Il y a là « ambition spirituelle » qui s'accompagne nécessaire-ment de l'idée absurde du « Surhomme » qu'il s'agit de devenir, avec revendication de ce devenir, et angoisse.

Cette erreur entraîne, d'une façon fatalement logique, le besoin d'enseigner autrui. Notre attitude envers autrui est calquée sur notre attitude envers nous-mêmes. Si je crois qu'il me faut faire mon « salut », je ne puis éviter de croire qu'il me faut amener autrui à faire le sien. Si la relative vérité que je possède est associée en moi à un « devoir » de vivre cette vérité — devoir dépendant d'une idolâtrie consciente ou non — la pensée me vient nécessairement qu'il est de mon « devoir » de communiquer ma vérité à autrui. Au maximum, ceci donne l'Inquisition et les Dragonnades ; au minimum, ces innombrables églises, grandes et petites, qui, tout au long de l'Histoire, ont travaillé activement à influencer le mental d'hommes qui ne leur posaient aucune question, d'hommes qui, comme on dit familière-ment, ne leur demandaient rien. La réfutation de cette erreur que nous étudions en ce moment est parfaitement exposée dans le Zen (Ch'an), et, à notre connaissance, elle ne l'est parfaitement que là. Le Zen (Ch'an) dit à l'homme qu'il est libre dès maintenant, qu'il n'existe aucune chaîne dont il ait à s'affranchir ; il a seulement des illusions de chaînes. L'homme jouira de sa liberté dès qu'il cessera de croire qu'il a à se libérer, dès qu'il aura rejeté de ses épaules le terrible « devoir » du « salut ». Le Zen (Ch'an) montre le néant de toute croyance en un « Dieu » personnel, et la contrainte déplorable qui découle nécessairement de cette croyance. Il dit : « Ne mettez pas de tête au-dessus de la vôtre » ; il dit aussi : « Ne cherchez pas la vérité : cessez seulement de chérir des opinions. »

Pourquoi donc alors, diront certains, l'homme travaillerait-il à obtenir le satori ? Poser une telle question suppose absurdement que l'homme ne puisse s'efforcer vers le satori que sous la contrainte d'un devoir. Le satori représente la fin de cette angoisse qui est actuellement au centre de toute ma vie psychique et dont mes joies ne sont que des trêves ; est-il intelligent de me demander pourquoi je travaille à obtenir ce soulagement complet et définitif ? Si on persiste à me le demander, je répondrai : « Parce que ma vie sera tellement plus agréable ensuite. » Et, si ma compréhension est juste, je ne crains pas que la mort vienne, aujourd'hui ou demain, interrompre mes efforts avant leur aboutissement ; le problème de ma souffrance cessant avec moi, pourquoi m'inquiéterais-je de ne plus pouvoir le résoudre ?

Une juste compréhension, d'autre part, n'interdit pas plus d'enseigner autrui qu'elle n'oblige à le faire ; une telle interdiction représenterait une obligation aussi erronée que la première. Mais l'homme qui a compris que sa propre réalisation ne lui est en aucune façon un devoir se borne à répondre si on l'interroge ; s'il prend l'initiative de parler, ce sera seulement pour proposer avec discrétion telles idées, sans éprouver aucun besoin d'être compris. Il est semblable à un homme qui, possédant chez lui quelques nourritures saines en excédent, ouvrirait sa porte ; si tel passant reconnaît ces nourritures et entre pour en user, c'est bien ; si tel autre n'entre pas, c'est tout aussi bien. Nos émotions, nos convoitises et nos peurs, n'ont aucune place dans une juste compréhension.

Hubert Benoit



Le Ch'an

Le véritable Ch'an a totalement disparu des organisations contemporaines. En Chine, le Ch'an, plus particulièrement sous la dynastie des Tang, était la synthèse du bouddhisme et du taoïsme libertaire. Pour comprendre le Ch'an, il faut lire le philosophe taoïste Tchouang-tseu.

Hubert Benoit était l'ami du japonais Daisetsu Teitaro Suzuki (1870-1966), célèbre érudit du bouddhisme Zen qui était imbu du sentiment de supériorité des Nippons à l'égard de la Chine. Hubert Benoit n'aurait pas dû utiliser le mot Zen pour désigner le Ch'an chinois.

Le Zen et le mythe de la « bonne guerre »

Éliminer « l'axe du mal » disent les uns, éliminer « les ennemis du Dharma, d'Allah ou de l’Église », disent les autres. En réalité, ils disent la même chose c'est un appel à la guerre « sainte », une guerre qui, utilisant l'idéologie religieuse dominante de l'époque, défend les privilèges du pouvoir. Le Zen, école bouddhiste du Japon, connaît également ce langage depuis des siècles : « pendant six cents ans, s'est vanté un maître Zen, l'école Rinzaï a été occupée à l'amélioration de la force militaire. Pendant des siècles, le Zen a été intimement lié au meurtre ». C'est l'analyse qui ressort d'un livre richement documenté, « Le Zen en guerre » écrit par Brian Victoria, un moine Zen Sôtô de Nouvelle-Zélande et « senior lecturer » au Centre d'études asiatiques de l'université d'Adelaïde en Australie. Devenu moine Sôtô, il connut une violente fracture intellectuelle lorsqu'il fut confronté au versant sombre du Bouddhisme Zen. Nous saluons avec respect ce moine bouddhiste occidental qui a eu le courage de son engagement, intérieur et extérieur. Grâce à un travail personnel, il apprit l'implication des institutions zen dans les guerres qui ont secoué l'Asie et le monde entier au cours du siècle dernier. Ces guerres furent déclarées « justes » ou « saintes » par les plus grands patriarches des deux écoles principales du Zen nippon : Sôtô et Rinzaï. Toutes deux y ont apporté leur soutien en hommes, en armes et, surtout, en propagande idéologique. « Le bouddhisme, religion de compassion, est devenu dans le Japon moderne une religion dont les meneurs ont tous, pratiquement sans exception, accordé leur soutien au militarisme », écrit Brian Victoria. Sawaki Kodo (1880-1965), un des grand patriarches Zen du 20ème siècle, à l'instar de bien d'autres maîtres, arguait que si l'on tue sans penser, dans un état de non-pensée ou de non-ego, cet acte est alors une expression de l’Éveil de l'esprit. Servant comme soldat dans les troupes impériales, il rapportait, exalté, comment lui et ses camarades s'étaient « régalés à tuer des gens ». C'est aussi cet état de transe spirituelle que les lamas tibétains devaient atteindre lors de certains rituels tantriques qui se soldaient par des sacrifices humains et par des viols collectifs « sacrés ». Le colonel Aizama Saburo résuma cet état d'esprit par cette phrase : « J'étais dans la sphère de l'Absolu, il n'y avait plus ni affirmation, ni négation, ni bien, ni mal ». Si le Tibet a offert à l'Allemagne nazie un modèle de l'initiation guerrière, le Japon a insufflé aux jeunes nazillons l'esprit du sacrifice et du « vent divin » (ou « kamikaze »).

Shaku Sôen (1859-1919) fut un des premiers maîtres à avoir fait, avec enthousiasme, de la guerre une pratique zen. Il fut aussi le premier maître zen à se rendre aux États-Unis. En 1893, il fut invité au Parlement mondial des religions qui se tint à Chicago. Selon lui, comme tout relève d'une essence unique, la guerre et la paix sont foncièrement identiques. Il écrivait : « tout reflète la gloire du Bouddha, y compris la guerre. Comme le dessein principal du Bouddha était de soumettre le mal, et comme les ennemis du Japon étaient intrinsèquement mauvais, la guerre contre le mal était donc l'essence du Bouddhisme ». Au milieu du 20ème siècle, les ennemis du Japon étaient principalement le Parti Communiste Chinois ; et Seki Seisetsu (1877-1945), d'appeler à « l'extermination des démons rouges communistes au Japon et en Chine ». Soutenu par l'idéal du Zen, le Japon avait déjà fait des millions de morts en Chine. A ce décompte macabre devraient encore s'ajouter les centaines de milliers de morts de « l'Holocauste oublié de Nankin », comme le nomme Iris Chang. Cela faisait des décennies que les dirigeants japonais diabolisaient les Chinois, qui, selon l'expression de Soên et de son célèbre disciple, D.T. Suzuki, étaient des « païens insoumis ». « Vous ne devez pas considérer les Chinois comme des êtres humains, ils ne sont rien, moins que des chiens ou des chats », devaient entendre les soldats japonais de la part de leurs généraux. Dès lors, à la fin de l'année 1937, pendant sept semaines, les troupes nipponnes commirent « une orgie d'une cruauté rarement, voire jamais égalée dans l'histoire du monde. Ils assassinèrent, violèrent et torturèrent près de 350.000 civils chinois. Dans ce bain de sang, plus de gens moururent qu'à Hiroshima et Nagasaki réunis. Pendant des mois, la ville fut remplie d'amas de cadavres en décomposition ». Est-ce parce qu'il a touché une Chine rebelle qu'on ne parle jamais de cet holocauste ?

Élisabeth Martens  



"Tandis que l'Europe est en proie à la montée en puissance d'Hitler, à l'autre bout du monde, les Japonais ont entrepris d'envahir la Chine. Depuis 30 ans John RABE vit à Nankin où il dirige l'usine Siemens qui y construit un générateur gigantesque et un barrage, quand il apprend, qu'il est rappelé à Berlin et que l'usine de Nankin va être confiée à FLIESS, un Nazi convaincu pour lequel il n'éprouve que du mépris. Mais lors du bal donné pour son départ, Nankin est bombardé par des avions japonais. Les habitants sont terrorisés et RABE leur ouvre les grilles de Siemens pour leur offrir un refuge, sauvant ainsi la vie de plusieurs centaines de personnes.

Le lendemain, les diplomates étrangers discutent de la conduite à adopter dans ce contexte critique et décident de mettre en place une zone de sécurité pour civils à Nankin afin de protéger la population chinoise. JOHN RABE est choisi pour diriger cette zone.

Tandis que l'armée impériale japonaise se déchaîne et se livre à des brutalités, décapitations, meurtres et viols sur la population civile, 250.000 chinois affluent dans la zone de sécurité. Les Japonais projettent alors d'utiliser un prétexte pour l'attaquer. C'est le début pour RABE et ses camarades d'une lutte incessante..."

Dessins :

Reiser.

jeudi, mars 15, 2012

Chaos, apocalypse : notre fin est-elle écrite ?





Parce que de nombreuses personnes s'inquiètent de l'augmentation du nombre de catastrophes qui frappent l'humanité depuis le début de l'an 2000, 20 % de plus par rapport à la décade 1990-1999, la chaîne mercantile Direct 8 espérait attirer les téléspectateurs en diffusant un documentaire qui tente de remettre au goût du jour l'Apocalypse biblique. Mais l'interprétation du texte de Jean de Patmos n'est certainement pas le point fort de ceux qui ont réalisé « Chaos, apocalypse : notre fin est-elle écrite ? ».

Des sectes religieuses affirment que la pollution généralisée, les catastrophes nucléaires, les séismes, le dérèglement climatique, les injustices sociales, la crise économique sont les signes avant-coureurs de la grande fureur de Dieu du 21 décembre 2012.

Pour d'autres sectes, comme les Témoins de Jéhovah, l'apocalypse n'aura pas lieu en 2012 : « N'en déplaise aux chefs religieux annonçant le malheur, aux pseudoscientifiques et à tous les autres pronostiqueurs du XXIe siècle, la terre existera encore longtemps. En effet, la planète Terre ne sera pas frappée par un cataclysme en 2012, ni plus tard ». Espérons que les Témoins de Jéhovah, détenteurs du record des prédictions ratées, ne se trompent pas une fois de plus.

De son côté, Nostradamus n'a jamais prédit que la fin du monde se produira en 2012. Au contraire, les quatrains IV, 39 , X, 74 et VII, 41 du célèbre prophète révèlent que l'humanité connaîtra la paix universelle et l'Âge d'or à partir de 2025 (selon Jean-Charles de Fontbrune, Nostradamus, biographie et prophéties jusqu'en 2025).

Plus étrange, dès les années 1950, l'initié Rose-croix J. Rijchenborgh dénonce les effets négatifs des rituels tibétains sur l'humanité. Mais là aussi un dénouement heureux est envisagé : « La crise qui secoue notre époque et le cours naturel des choses dans les royaumes terrestres vont engendrer une résistance contre la magie des lamas qui est en voie d'atteindre le point culminant de sa puissance.
Ceci (le texte de dénonciation du lamaïsme de Rijchenborgh) annonce le commencement de son déclin et de son processus de désintégration. » Rijchenborgh, Lumière sur le Tibet.


Chaos, apocalypse : notre fin est-elle écrite ?



Direct 8 replay

mercredi, mars 14, 2012

Faut-il être végétarien ?





En Suisse, l'Office fédéral de la santé publique recommande l'alimentation végétarienne.

La Commission fédérale de l’alimentation a publié un rapport scientifique, qui compare les avantages des alimentations mixte, végétarienne et végétalienne. Ce rapport est sur internet. Il s’intitule : « Avantages et désavantages d’une alimentation végétarienne pour la santé. »

Résumé du rapport :

Il existe différentes formes d’alimentation végétarienne. Par végétarien, on entend généralement une personne qui se nourrit essentiellement d’aliments à base de végétaux et qui ne mange ni viande ni poisson. Pour ce qui est de la consommation de produits d’origine animale, on établit une distinction au niveau de la consommation d’œufs et/ou de lait : ainsi, les ovo-lacto-végétariens ne consomment ni viande, ni poisson mais s’autorisent le lait, les œufs et leurs dérivés, les lacto-végétariens n’absorbent que du lait et des produits laitiers, les ovo-végétariens que des œufs et leurs produits dérivés. Quant aux végétaliens, ils n’ingèrent aucun produit d’origine animale, miel compris. [...]

Les végétariens sont en meilleure santé

De nombreuses études épidémiologiques ont abouti aux conclusions suivantes concernant les personnes ayant une alimentation végétarienne :

Elles meurent moins souvent de maladies cardiovasculaires et leur profil lipidique sanguin est meilleur ;

elles meurent moins souvent d’un cancer et ont également un risque moindre d’en développer un ;

leur tension artérielle est moins élevée ;

leur indice de masse corporelle (IMC) est moins élevé et elles ont un risque plus faible de souffrir d’adiposité ou d’une pathologie associée.

Pourquoi ?

Indépendamment de toute alimentation végétarienne, il a été prouvé scientifiquement au cours des vingt dernières années qu’une alimentation largement basée sur les fruits, les légumes, les fruits à coque ou les produits à base de farine complète contribuait à rester en bonne santé et à améliorer son état de santé. Les aliments précités étant largement présents dans le régime végétarien, ils expliquent probablement ses nombreux avantages sanitaires.

Renoncer à la consommation de viande permet de réduire l’apport de graisses saturées, donc de limiter le risque de cholestérolémie, ce qui constitue un avantage supplémentaire en matière de prévention des maladies cardiovasculaires. Cependant, il est plutôt improbable que l’absence de consommation de viande puisse expliquer les conclusions exposées précédemment.

Indépendamment du régime alimentaire, le mode de vie des végétariens joue également un rôle : de nombreuses études montrent qu’ils pratiquent une activité sportive adaptée, qu’ils consomment peu, voire pas d’alcool et qu’ils ne fument que rarement. Il n’existe toutefois aucune étude systématique indiquant la proportion de végétariens ayant cette hygiène de vie.

Les risques potentiels d’une alimentation végétarienne

Le principal risque concerne l’absorption insuffisante de certains nutriments comme les protéines, présentes dans la viande et le poisson et, en premier lieu la vitamine B12, qui n’est présente que dans les tissus animaux. On peut également citer la vitamine D, qui peut toutefois être partiellement synthétisée de manière endogène à partir d’un dérivé du cholestérol. L’alimentation végétarienne peut également entraîner des déficits en zinc, en fer, en sélénium, en calcium et en acides gras n-3 à longue chaîne.

Les risques évoqués sont moins élevés dans le cas des ovo-lacto-végétariens, pour autant qu’ils diversifient leur alimentation végétale. Cet équilibre est aussi important que chez les enfants et les adolescents non végétariens, chez les femmes enceintes et les personnes âgées non végétariennes.

Dans le cas des végétaliens, le risque de carence en nutriments est accru par la suppression de tous les aliments d’origine animale. Ces personnes doivent veiller tout particulièrement à ce que leur apport en vitamine B12 soit suffisant. Pour être en bonne santé, ils doivent disposer de vastes connaissances nutritionnelles et d’une expérience suffisante pour éviter d’éventuelles carences alimentaires, notamment pour les enfants, les jeunes, les femmes enceintes et les personnes âgées.

Recommandations et conclusions

Les risques de carence alimentaire liés à un régime végétalien (excluant tout produit d’origine animale) sont si élevés qu’il est quasiment impossible pour un néophyte de savoir comment s’alimenter pour les compenser. Les carences peuvent devenir majeures durant certaines périodes (croissance, grossesse, vieillesse) et entraîner des pathologies. C’est la raison pour laquelle l’alimentation végétalienne n’est généralement pas recommandée, en particulier pour les enfants et les autres catégories à risque comme les femmes enceintes et les personnes âgées.

Une alimentation équilibrée basée sur des produits végétaux, excluant viande et poisson mais incluant œufs et produits laitiers (alimentation ovo-lacto-végétarienne) peut quant à elle être considérée comme saine et ne présentant pas un risque de carence élevé. L’expérience montre en effet que cette alimentation offre un apport suffisant en nutriments essentiels ; cette catégorie de végétariens est d’ailleurs en meilleure santé que la moyenne de la population suisse. Il convient toutefois d’ajouter qu’il peut exister un risque de carence en vitamine B12 et D3 pour les personnes âgées, les femmes enceintes, les enfants et les nourrissons.

Il est actuellement impossible de dire dans quelle mesure les avantages liés à une alimentation végétarienne sont effectivement dus à l’absence totale de viande et de poisson dans ce régime alimentaire. Une consommation modérée de viande et surtout de poisson permet de compenser une grande partie des risques de carence liés à l’alimentation végétarienne. Elle est notamment importante lorsqu’une alimentation diversifiée et équilibrée en produits d’origine végétale n’est pas garantie.

Les études ont montré que les avantages liés à un régime végétarien sont dus en grande partie à la consommation de quantités importantes de légumes, de fruits mais aussi de fruits à coque et de produits à base de farine complète. Contrairement à une grande partie de la population, les ovo-lacto-végétariens ont donc une alimentation satisfaisant aux recommandations actuelles en la matière.

Télécharger gratuitement le rapport :


L'élevage pollue plus que les transports

« Selon le WWF Allemagne, une vache produit annuellement autant de gaz carbonique qu'une voiture parcourant 18 000 km à raison de 130 g/km. La même voiture devra parcourir 24 000 km/an afin de polluer autant qu'une vache si l'on ajoute au CO2 les oxydes d'azote (NO2) et le méthane. Si les Allemands consommaient 1 kg de viande de moins par an, cela représenterait une économie en CH4 et NO2 équivalente à la pollution de 700 000 voitures parcourant 10 000 km/an ou à 1500 fois le tour de la Terre par un avion contenant 100 passagers. Mais cela ne représenterait que 1,5% des émissions de l'agriculture de ce pays ! »

Denis Bloud, Tribune de Genève


L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) est catégorique : « l'élevage a plus d'impact sur le réchauffement de la planète que le trafic mondial dans son ensemble ».



Faut-il être végétarien ?

Effet de serre, déforestation, gaspillage d'eau et de terres, vache folle, risques accrus de cancer et de maladies cardiovasculaires : l'élevage et la viande sont sur le banc des accusés. Faut-il pour autant renoncer au steak juteux, à la blanquette de veau façon Grand'mère, au poulet rôti à point ? Ce livre répond à cette question à la lumière des dernières connaissances en la matière, tant sur l'impact de l'élevage sur l'environnement que de la consommation de viande sur notre santé. La réponse, sans appel, remet en question la place de la viande et des autres produits de l'élevage dans notre assiette. Elle invite à redécouvrir une alimentation dans laquelle les produits animaux constituent le complément d'une base végétale et non plus l'élément central. Avec, de manière très concrète, toutes les clés - recettes de cuisine comprises - pour réconcilier protection de l'environnement, santé et plaisirs de la table.


Claude Aubert, ingénieur agronome, pionnier de l'agriculture biologique est l'auteur de livres sur l'agriculture biologique, l'alimentation saine et les relations entre environnement et santé.

Nicolas le Berre, médecin homéopathe, acupuncteur, professeur de yoga, conférencier et auteur de livres sur l'alimentation saine.


mardi, mars 13, 2012

Sagesse & écologie





« Le plus grand accomplissement de l'humanité n'est pas ses records sportifs, ses œuvres d'art, sa science ou sa technologie, mais plutôt la reconnaissance de son propre dysfonctionnement, de sa propre folie. Il y a longtemps, certaines personnes isolées ont reconnu cette folie. Bouddha, Socrate, Lao-Tseu, Jésus, Théodore Monod,... Leurs enseignements simples mais puissants, furent déformés ou ignorés. Certains de ces maîtres furent bannis, ridiculisés, injuriés ou même tués. »

Jean-Marc Governatori

Entretien de Pierre Rabhi avec Marc de Smedt

Comment se positionner par rapport aux catastrophes écologiques graves à venir sur notre planète ?

Pierre Rabhi : Je dirai en préambule que les catastrophes sont déjà là : il faut en effet se garder d'une vision restrictive à l'occidentale. Je trouve qu'il y a une planétarisation des phénomènes et les conditions climatiques n'épargneront ni le Nord, ni le Sud, elles ne vont pas être sélectives. Il y a comme un ultimatum qui nous est posé, de changer pour ne pas disparaître. Est-il perçu ? J'ai des doutes quand je vois l'accent mis par les sociétés sur des futilités au détriment des urgences globales.

J'ai bien peur que les conséquences de nos inconséquences nous mènent à des crises majeures, à des apocalypses biologiques diverses. L'humain moderne est de moins en moins en contact avec les forces vives de la vie, et il est pour-tant complètement dépendant d'elles pour survivre. Que deviendrons-nous sans cette terre nourricière que nous saccageons ? Il faudrait en prendre conscience et véritablement ne plus considérer la nature comme une matière uniquement exploitable, mais comme une entité vivante à respecter : il faudrait même respiritualiser tous nos rapports avec la nature !

Comment faire ? Vous-même avez été élevé au Sahara dans la religion musulmane, jeune homme vous êtes devenu chrétien par choix, à vous écouter on vous dirait panthéiste...

Pierre Rabhi : Je n'ai plus d'appartenance religieuse, mais cela n'a pas aboli ma dimension spirituelle. Je dirais même que je n'ai jamais été aussi religieux depuis que je n'ai plus de religion. Une forme de mutation s'est faite en moi lors de mon retour à la terre ici, en Ardèche : durant des années cela a été très dur, totalement prenant. Et le questionnement de l'identité, du qui suis-je entre cet héritage ancestral du sud et l'adoption des valeurs du nord, est revenu me hanter avec puissance. J'ai donc décidé d'aborder une phase de libération de toutes ces pesanteurs et appartenances à une race, à une culture, à une religion.

C'est à la lecture de Krishnamurti que tout a basculé. Cet auteur a vécu d'ailleurs ce genre d'interrogation, tiraillé entre sa culture indienne et son éducation occidentale, et il s'en est libéré, débroussaillant le chemin pour d'autres. Il s'agit en fait de quoi ? D'émerger à soi-même en dehors de toute appartenance. Et c'est ce travail de libération que je me suis mis à faire grâce à la pensée raffinée que propose Krishnamurti pour comprendre les mécanismes de la personne et les conditionnements dont on a tellement de mal à sortir sans omettre cette difficulté que l'on a d'y voir clair et d'atteindre une forme de transparence mentale... Alors s'est amorcé le processus de mutation qui a fait que ma faiblesse, vécue comme une impasse, s'est dissipée jusqu'à un élargissement de la vision dans un champ spirituel dépassant les clivages traditionnels.

Même ma vie de paysan est devenue un chemin initiatique, car je me suis rendu compte que l'esprit est partout. Ce n'est pas ailleurs, c'est ici et partout, tout est immergé dans un océan spirituel qui fonde la vie. À partir de cela, tout acte peut être sujet d'enchantement : qu'est-ce qui fait qu'une graine germe ? On peut reproduire les molécules de la graine, mais cela ne germera pas... D'une spiritualité avec configuration, je suis passé à une spiritualité sans configuration. Il faut apprendre à vivre l'indicible.

Quel fut le livre de Krishnamurti déclencheur ?

Pierre Rabhi : L'Éveil de l'intelligence, puis j'ai lu tous les autres. J'avais beaucoup lu de philosophes, mais n'avais jamais rencontré cette qualité de rigueur conduisant au fait que je suis responsable de moi-même et de mon destin. Cette mutation de la quarantaine m'a donné une énergie fantastique, qui m'a conduit à agir non plus seulement pour moi, mais pour les autres. Et pour en revenir à la crise dont nous parlions, c'est ce chemin d'éveil qui m'a conduit à expérimenter des possibles, des solutions nouvelles avec l'agriculture biologique. Pourquoi ne pas développer davantage ces solutions alternatives ? Il faut demander cela aux politiques, qui ne sont pas en phase et demeurent aveuglés par les lobbies de l'industrie chimique. Il faudrait qu'ils s'éveillent, enfin, eux aussi ! Polluer, c'est profaner, toutes les religions devraient le dire. La vie est un mystère magnifique, il y a une intelligence évidente derrière tout cela. Il serait donc temps de se rendre compte que nous faisons nous aussi partie intégrante de la vie et de la nature. La survie passera par le respect de celle-ci et par un autre rapport au monde.





L'Éveil de l'intelligence

J. Krishnamurti n’a eu de cesse de réfléchir à la manière dont l’homme pouvait accéder à la vérité de la vie en se libérant de ses entraves que sont les idées préconçues, les traditions et les systèmes de pensée. Celui qui, toujours, refusa d’être perçu comme un penseur, un gourou ou un philosophe ne livre en aucun cas des solutions. Il ne prescrit pas de remèdes. La marche vers la liberté et la découverte de soi doit aboutir par chacun, et en chacun. Car, et c’est sans doute sa seule conviction énoncée comme telle : pour comprendre le réel, encore faut-il prendre connaissance de soi. Et pour se connaître soi-même, la première étape vers la libération consiste à s’échapper du carcan du conditionnement. Fuir le sempiternel rôle d’imitateur que s’est attribué l’homme et laisser jaillir l’état créatif. C’est cette libération de l’esprit statique, du connu, qui permettra à tout homme d’accéder au rang d’architecte d’une société nouvelle. Car le monde est fait par les hommes, et le mal qu’il exhibe n’est que le fruit pourri de leurs propres souffrances. 

L’éveil de l’intelligence s’impose sans conteste comme la somme des textes les plus lus de l’œuvre krishnamurtienne. On y pénètre comme à l’intérieur de ces tentes où avaient pour habitude de se dérouler les causeries du « maître », dont une part importante est retranscrite dans cet ouvrage. Fidèle à sa « méthode », le penseur exhorte son auditoire à tenter d’éveiller son esprit de manière autonome, le soupçonnant parfois sans détour de sombrer dans le prêt-à-penser, le cliché, et l’amenant, lentement, par le dialogue et à grand renfort d’images, à voir et à comprendre en se dégageant du filtre de la pensée. Qu’il faut distinguer de l’intelligence. Nous vivons dans des concepts, des idées, c’est là le propre de la pensée. L’intelligence, au contraire, recouvre un « état de non-savoir » ; d’inter et de legere, elle invite à « lire entre les lignes ». 


De la Suisse aux États-Unis, en passant par l’Inde et la Grande-Bretagne, ces brillantes retranscriptions des conversations publiques de J. Krishnamurti s’étalent entre la fin des années soixante et le début des années soixante-dix. Anonymes, scientifiques et musiciens animent l’échange de leurs expériences personnelles. La vie, la mort, la peur, la violence, la liberté et bien d’autres notions viennent appuyer la tentative d’immobilisation de l’esprit, de « mise en veille » pour appréhender notre intérêt dans le monde et dans la vie et approcher L’éveil de l’intelligence.




JJ. Krishnamurti (1895-1986) a été un penseur à contre-courant des idées reçues de son époque, un électron libre dans l’histoire des mouvements spirituels. Parmi ses ouvrages, on peut citer La première et dernière libertéSe libérer du connuLe sens du bonheur et Amour, sexe et chasteté, tous parus chez Stock.


lundi, mars 12, 2012

Les solutions à la crise





La France est-elle réellement un pays démocratique ? L'accès au suffrage universel n'est-il pas verrouillé par les grands partis qui dissuadent les maires de donner leur signature aux « petits » candidats ?

Jean-Marc Governatori, candidat de l'Alliance écologiste indépendante, est l'un de ces candidats écartés par le système. Il fait la grève de la faim depuis le 28 février pour protester contre le déni démocratique qui l'empêche de se présenter à l'élection présidentielle de 2012.

Déclaration de Jean-Marc Governatori :

« C’est une résolution à la fois grave et mûrement réfléchie que j’ai dû prendre. Je suis contraint de faire une grève de la faim jusqu'au vendredi 16 mars, date du dépôt des parrainages pour la présidentielle.

Je camperai au pied du siège du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel à partir de ce mardi à 16h30 (28 Février) et jusqu’à ce que l’équité en matière d’accès aux médias soit enfin respectée pour l’ensemble des candidats.

Aujourd’hui, l’élection présidentielle n’est qu’une parodie de démocratie. Verrouillée à deux niveaux.

Le premier concerne les parrainages. Les maires s’autocensurent de peur des conséquences de leur geste que ce soit vis-à-vis des subventions des conseils généraux et autres collectivités ou du regard de leurs électeurs. Tant que l’anonymat ne sera pas de mise, le pluralisme politique ne pourra pas être respecté.

D’une manière générale, PS et UMP se partagent le pouvoir et prennent soin (mode de scrutin…), d’un comme un accord, de conserver ce bipartisme hégémonique qui sert aux deux partis de gouvernement.

Le deuxième verrou est le "blacklistage" par les médias et les instituts de sondages. Journalistes et sondeurs cooptent un certain nombre de candidats sur des critères qui leur sont propres, faisant fi des recommandations du CSA. Un vrai cercle vicieux. Si vous n’êtes pas sondé, vous n’êtes pas dans les médias et vice-versa. Vous n’avez donc aucune chance de pouvoir présenter vos propositions au plus grand nombre. Malgré mes nombreuses réclamations auprès du CSA, et les retours positifs de leur part, rien ne bouge.

Les médias qualifient de "grands candidats" tous ceux qui ont pourtant échoué localement ou nationalement. On prépare allègrement une finale présidentielle des plus conventionnelles avec messieurs Sarkozy et Hollande.

Pourtant, l'histoire et le poids économique de notre pays requiert que nous montrions la voie à tellement de populations déboussolées. Ce n'est pas avec les mêmes politiques qui nous ressortent les mêmes programmes que nous préparerons des lendemains qui chantent. En l’absence de choix alternatifs, de nombreux français se tournent malheureusement vers les extrêmes, vers le populisme et le nationalisme.

L’écologie indépendante que je représente est le courant de pensée originelle de l’écologie politique avant que les Verts ne l’aient dévoyée en France. Nous avons toute notre place dans le débat démocratique comme l’atteste un récent sondage (72 % des français interrogés souhaitent que l’Alliance soit présente au premier tour).

Les 1000 bénévoles de l'Alliance écologiste indépendante ont sué sang et eau pour parvenir aujourd'hui à 315 parrainages, mais j’ai bien peur que nous n’arrivions pas à réunir les 500 signatures.

J'en appelle donc aux maires et aux médias afin qu’ils respectent le pluralisme politique, un des piliers garant de notre démocratie. Dans cette grève de la faim, je veux représenter ces millions de Français qui ne se reconnaissent pas dans cette classe politique conventionnelle qui sabote le bien être durable de tous. »
Meilleur gestionnaire de France, détenteur du Trophée de l'Emploi, Jean-Marc Governatori œuvre depuis 20 ans pour l'environnement, le respect des droits de l'homme et de la femme, pour l'enfance en danger...

Jean-Marc Governatori propose des solutions à la crise qui inquiètent sérieusement l'oligarchie politico-financière. En effet, il écrit :
« La spéculation financière est la cause de drames humains et écologiques, l'un allant tôt ou tard avec l'autre. Ce qui est écologiquement déraisonnable est économiquement irrationnel. Elle est très profitable pour quelques uns et permet de gros bénéfices rapides. On peut réglementer. L'Union européenne est une opportunité fabuleuse. On a fait une Europe commerciale, une Europe de la circulation des personnes, on peut faire une Europe financière qui sera profitable au plus grand nombre. L'Europe politique suivra quand les peuples et les élus nationaux seront européens. Cette Europe financière et des cours d'histoire-géographie européens pour nos enfants dans les pays à vocation européenne, affirmeront cette Europe politique.
 […]

Voici comment nous allons construire cette zone européenne réglementée et à laquelle la France pourrait donner l'exemple et l'impulsion :

- Retour de la banque à sa véritable vocation, à savoir celle d'intermédiaire capable de collecter de l'épargne dans le but d'octroyer du crédit.

- Faire coexister banques publiques (au moins 2) et banques privées, en tous cas en France.

- Changer le comportement des banques qui ne jouent plus leur rôle à l'égard de nos entreprises en limitant la concentration bancaire afin de permettre aux régulateurs d'exercer un contrôle effectif sur tous les établissements, sans possibilité d'être surpassés par la taille de ceux-ci.

- Exiger la transparence des comptes des banques.

- Agir pour supprimer les paradis réglementaires en interdisant à nos banques de travailler avec.

-Tenir compte des activités et de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et ce, afin de pondérer favorablement les risques pris au travers de crédits consentis à ces entreprises, et inciter les banques à les financer dans de meilleures conditions.

- Inciter l'investissement dans les activités à fort contenu de travail et faiblement délocalisable (Economie Sociale et Solidaire) Améliorer l'accès des entreprises aux financements européens dont les crédits ne sont aujourd'hui pas entièrement consommés.

- Permettre l'essaimage d'une monnaie complémentaire type « Sol» (fondante pour qu'elle soit ni spéculable, ni thésaurisable).

- Interdire les crédits à taux variable aux particuliers Supprimer la titrisation des créances et faire la séparation claire entre banques d'affaires et banques de détail, sans financement des unes par les autres. La titrisation permet aux banques de se défaire de leurs crédits aussitôt qu'accordés, et de les vendre sous la forme de créances négociables sur des marchés. L'instrument de la titrisation est dangereux car il soustrait le comportement bancaire d'émission de crédits, donc de risques, à toute régulation prudentielle. En effet, les banques sont normalement limitées dans leur politique de crédit par les règles prudentielles qui les contraignent à réserver du capital propre à près de 10 % du total de leurs encours risqués. Mais les crédits titrisés sortent du bilan des banques : donc, interdire purement et simplement le recours à la titrisation des crédits.

- Toutes les transactions sur les marchés organisés passent par l'intermédiaire d'une chambre de compensation qui est la contrepartie commune de tous les intervenants : elle est l'acheteuse de tous les vendeurs et la vendeuse de tous les acheteurs. La chambre de compensation impose à tous les intervenants des avances de fond appelées dépôts de marge. Les exigences de fonds propres sur les produits dérivés sont ridicules. Il faut donc imposer aux chambres de compensation d'exiger des dépôts de marge beaucoup plus importants (50 %) que les quelques pourcents d'aujourd'hui.

- Les banques ne sont pas les seuls acteurs de la finance. Les investisseurs, quelle que soit leur nature, doivent être soumis à ces ratios, surtout les Hedge Funds qui font de l'évasion réglementaire un élément constitutif de leur stratégie en se domiciliant dans des places financières offshore.

- Rendre la rémunération des traders pleinement algébrique, c'est-à-dire susceptible de valeurs négatives! Les traders auraient ainsi à rembourser sur leurs gains passés les pertes présentes et dans les mêmes proportions. Outre la taxation à 90% de la part des revenus qui excèdent 300 000 euros par an.

- Imposer des minima de sanctions pénales individuelles aux abus de marché (incitation, complicité, tentative de manipulation et manipulation de marché).

- Interdire toute transaction entre les opérateurs financiers de la zone réglementée et les entités des places offshore (les « paradis réglementaires » appelés par d'autres « paradis fiscaux »).

- Imposer des limites aux intervenants sur les principales matières agricoles, énergétiques et sur les métaux pour empêcher la spéculation. Pouvoir exiger d'un intervenant qu'il divulgue sa position et, en cas de tension sur le marché, qu'il la réduise.

- Si la spéculation se nourrit de flux de liquidités, dont le crédit représente une bonne part, il est clair qu'une politique monétaire laxiste contribue aux bulles financières. Mettons en place une politique monétaire dédoublée avec un taux d'intérêt bas pour refinancer les banques à hauteur de leurs concours - l'économie réelle, et un autre taux d'intérêt lourd pour les refinancer à hauteur de leurs concours à la sphère financière.

- Interdire les ventes à découvert (qui consistent à emprunter un titre en pariant sur sa baisse et à le vendre sur les marchés. La vente à découvert « à nu » consiste à vendre un titre sans même l'avoir emprunté auparavant).

- Dans la zone européenne réglementée, les transactions OTC seront purement et simplement interdites. Il n'est pas une transaction sur produits dérivés qui ne sera autorisée si elle ne passe par un marché organisé avec chambre de compensation, évidemment sous tutelle publique, et dans les conditions d'appel de marge conformes à la précédente proposition.

- Limiter l'impact informatique, en imposant un temps minimal de validité pour tout ordre entré dans le carnet d'ordres d'une Bourse avec aussi une obligation de liquidité aux utilisateurs d'algorithmes, histoire de les obliger à rester dans le marché même lorsque les conditions sont devenues adverses.

- Poser clairement le principe selon lequel tous les instruments financiers standardisés et suffisamment liquides ont vocation à être négociés sur des marchés réglementaires (les Bourses) ou des MTF (plate-formes alternatives).

- La liberté de circulation des capitaux entre la zone européenne réglementée et les zones non réglementées sera interdite. Les flux entrant en Europe ne seront admis que si les institutions d'où ils sont originaires sont elles-mêmes soumises de fait à ces normes européennes.

- La finance privée européenne doit oublier les profits mirobolants des bulles et apprendre à se satisfaire de moins. Comme tout le monde aura à la faire.

- Instaurer au niveau européen une taxe de 0.05 % sur les transactions financières

- Créer une agence de notation publique européenne.

- Mettre en place un appareil commun statistique en matière budgétaire.

- Mettre en place un nouvel indicateur de richesse dépassant le PIB, le BEV - (Bien Être du Vivant) reposant sur 12 critères : la part de l'agriculture bio, l'empreinte écologique et son impact sur l'animal, les résultats éducatifs, le délai des décisions de justice et le niveau de délinquance, celui des déficits et impôts, le taux d'emploi et d'activités, la part de l'économie sociale et solidaire, la qualité des logements pour tous, l'espérance de vie, la fréquence des maladies, la situation des enfants, des femmes, des personnes handicapées et des personnes âgées, la pluralité des croyances, des médecines, des médias et des partis politiques.

Le temps de mettre en place cette réglementation européenne, on peut réglementer nos banques, mais aussi travailler les autres solutions. Résoudre la crise financière requiert d'améliorer plusieurs facettes de la société. La seule réglementation est insuffisante, passons au réalisme. Le réalisme en matière de crise financière c'est regarder ce qui coûte et ce qui rapporte, puis en tirer les conséquences ! Pour cela, j'aborderai l'écologie fiscale, l'écologie sanitaire, l'écologie économique et sociale, l'écologie environnementale, l'écologie éducative et l'écologie relationnelle. Il est impossible d'évaluer précisément l'impact de telle ou telle mesure fiscale car les réactions du consommateur et du taxé sont imprévisibles. Le site «Pour une révolution fiscale» est très intéressant et il confirme que dans notre pays plus on est riche moins on paie en proportion ! Je rappelle que même la personne qui dépend du RSA paie beaucoup d'impôts et taxes à travers la TVA sur ses achats, en proportion de son revenu. Mettre de la morale dans l'impôt est indispensable. Les fraudes fiscales et sociales sont inquantifiables précisément, mais elles sont de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Les nuits d'hôtels à plus de 10 000 euros pour nos dirigeants politiques sont criminelles. Par ailleurs, accepter que la campagne de chaque présidentiable coûte 10 millions d'euros aux contribuables alors qu'un million suffirait largement, sous prétexte que 100 millions pour 10 candidats est une goutte d'eau par rapport au déficit, est une ignominie. De même, dire qu'il ne faut pas trop taxer les richissimes car cela les ferait fuir, dire que cela rapporte finalement peu, sont deux arguments insuffisants face à la nécessité d'un message fort de solidarité et de morale. Dans ce registre, des PV proportionnels à la cylindrée du véhicule seront bienvenus (c'était le cas en Italie avant Berlusconi).

Les mentalités étant ce qu'elles sont, l'urgence étant ce qu'elle est, la morale et le réalisme appellent une taxation à 90 % sur la part des revenus excédant 300 000 euros annuels. Ou alors une obligation d'investissement dans des micro-projets alternatifs et non polluants. Je comprends très bien des revenus individuels très différents, mais la décence demande certaines limites (en l'occurrence 300 000 euros). L'inégalité est acceptable lorsque le moins bien loti peut se loger dignement, avoir une nourriture saine, pouvoir se déplacer et avoir accès à la culture.

- Donner la capacité de sanction à la Cour des Comptes et aux Chambres des Comptes régionales avec un vrai contrôle de l'utilisation des fonds publics.

- Mettre en place un mécanisme permettant d'évaluer en permanence l'efficacité des dépenses publiques.

- Comparer la fiscalité et l'apport social par habitant des principaux pays, et les faire connaître aux électeurs.

- Il faut aussi agir pour que l'Union européenne instaure une taxe à ses frontières, proportionnelle aux transports des produits. Mieux que démondialiser, on peut mondialiser intelligemment.

- Selon l'économiste Robert Bell, taxer le combustible fossile qui produit l'émission de Co2, pourrait rapporter pour l'Europe des 27, plus de 100 milliards d'euros par an, sans même prendre en compte le nucléaire ! [...]



Lire en ligne « Les 4 solutions à la crise » :


Alliance écologiste indépendante :



dimanche, mars 11, 2012

Cankahneries politiciennes





Serge Dassault, héros de la résistance contemporaine qui a décidé de libérer la France de... l'impôt sur la fortune. Question intellect, Johnny Hallyday à côté est une réincarnation de Spinoza (mais, dans leur spécialité respective, la voix et l'avoir, ils sont imbattables). Héritier d'un grand constructeur d'avion qui, grâce aux aéroplanes qu'il n'a pas conçus, a pu acheter des grands journaux qu'il n'avait pas créés, contrairement aux Servan-Schreiber qui ont, eux, créé de grands journaux qu'ils ont dû vendre. Le premier est un capitaliste. Les seconds furent des entrepreneurs.


Alain Duhamel, version sociale-libérale et démocrate de il est partout. Est à la bien-pensance ce que la grenouille est à la météorologie. Peut collaborer à un journal de gauche et à un journal de droite, non pas parce qu'il change d'avis selon les titres (il a de solides convictions en même temps qu'une immense culture) mais parce que, en réalité, les journaux en question, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont le même avis : celui d'Alain Duhamel justement. Ce qui tombe bien. Se trompe presque toujours dans ses prévisions, mais toujours très intelligemment. A soutenu Giscard en 1981, Barre en 1988, Balladur en 1995 et Jospin en 2001, Sarkozy et Hollande frissonnent.

Les bobos : la droite NAP (Neuilly-Auteuil-Passy) avait ses « rentiers viagers », la gauche caviar a ses bobos. A chacun son peuple. Qu'est-ce qu'un bobo ? Un lili baba obsédé par sa bibitte qui lit « Libé ». Après les pavés, la plage. Passé du culte de Mao à celui du « Moâ ». Ce qui compte, pour le bobo, c'est bibi ! Naturellement hédoniste, il pratique la lutte des Glaces, au nom de la cause du « people ». Gâté du PIB, il fait fureur dans la pub. Ex-rouge, s'affiche vert, pense gris, n'y voit que du bleu, apprécie les Jaunes et paie Fatima au noir ! L'estomac à droite, le foie à gauche, le zizi à l'extrême gauche, le cœur au centre et la tête ailleurs. Actif avec Alain Madelin, festif avec Jack Lang. Libertaire le week-end (c'est-à-dire à partir du jeudi après-midi), libéral en semaine. Ici on Nike, là on nique. Roule en semaine en Scenic 4/4 et le week-end en velo-Sollers ! Identifiant le capitalisme à une partouze, le bobo voit poindre le spectre de « l'ordre moral » derrière toute critique du marché du sexe. Le porno est pour lui ce qu'au prolo fut le Pernod. S'attire tout ce qui « bourge ». Pousse la témérité jusqu'à dénoncer, en 2004, le régime du maréchal Pétain ; et le courage jusqu'à stigmatiser, sans faux-fuyants, le « populisme » de ces démagogues qui exigent la revalorisation du Smic. Soutient les sans-papiers qui acceptent, eux, de travailler pour moins cher que ceux qui en ont. Défend l'endroit de l'Homme, ignore l'envers. Aucun CAC 40 de conscience ! Dénonce les « dérives sécuritaires » à l'ombre de son double digiCode pénal. Pratique l'antiracisme d'entre Blancs, comme des Polonais l'antisémitisme sans Juifs. Tombé du haut de ses juvéniles utopies, le bobo a inventé, pour se rehausser, la semelle antifasciste de compensation. L'antilepénisme de posture lui sert volontiers de progressisme d'imposture.

Le bobo ne jure que par Godard, exalte les colonnes de Buren lit Voici caché dans Les Inrockuptibles et ne rate pas un épisode de « Loft Story ». Le bobo est cool, le bobo pense « bien » et en rond, le bobo en société est plaisant, quoique le bobo, comme le « Bororo », reste généralement entre soi. Utilise un discours précongelé disponible dans tous les rayons Picard du « politiquement correct ». Idéologiquement propre sur lui, le bobo se fait volontiers un uniforme de son impensé unique. Coupe au carré, un seul ton, tissu imperméable. Le bobo est « dans la ligne » du grand parti intello-médiatique-bobo. Et n'imagine d'ailleurs pas qu'on puisse s'en éloigner. Il traverse dans les clous sous l’œil attendri des poulagas de la bien-pensance. En fonction de quoi, très civilement, très poliment, très benoîtement totalitaire, il excommunie en douceur et ostracise mezzo voce.

Même quand il a bu, le bobo, à bout, boude l'abus, comme si la moindre tension réveillait en lui les anciens bobos du bébé bobo. Vocabulaire minimum, mais des batteries de références. Peu cultivé, mais forcément « d'avant-garde ». Ne citerait pas une seule pièce de Racine, ne connaît de Voltaire que le boulevard, croit qu'Anatole France est le fils de Mendès, mais n'ignore rien des expériences de Catherine Millet et des extases de Michel Houellebecq. Côté vacances : plus Marrakech que Palavas-les-Flots. En babouche, le bobo biche ! Son couvert d'argent est mis à la table de la droite économique, et son Lubéron de serviette à celle de la gauche culturelle !

Le bobo se place toujours du côté de la modernité. Son choix est net. Et même Internet ! C'est pourquoi il s'est précipité sur les actions Vivendi Universal et a même cru aux start-up qui proposaient des chaussures qu'on ne pouvait pas essayer !

Bobos de tous les pays, unissez-vous ?
C'est fait !
Et ça donne quoi ?
Le monde actuel...

Jean-François kahn
Dictionnaire incorrect

samedi, mars 10, 2012

Yoga & quête de soi





Le yoga a grande vogue de nos jours, même en Occident, où on en disserte peut-être plus que dans l'Inde elle-même. Il arrive malheureusement que cette vulgarisation fasse parfois perdre de vue le sens véritable du yoga. Le yoga est en effet avant tout une technique pour ramener et fixer l'esprit dans son centre. Le but du yoga est essentiellement de conduire le spirituel à la nue conscience de son existence, par-delà toutes les manifestations d'ordre phénoménal perceptibles à ses sens et à sa pensée. En ce centre ou cette cime de soi seulement, l'homme s'atteint et se réalise en la vérité de son être, plus exactement peut-être, de son acte d'exister. Il accède à ce que l'Inde appelle l'état de kevala, c'est-à-dire d'isolation où il se situe soi-même par rapport à tout ce qui n'est pas lui de façon essentielle et permanente, de tout ce qui en lui est simplement relatif et mouvant, les vritti ou tourbillons de sa pensée aussi bien que les transformations incessantes de son organisme. Il se découvre comme absolu et, par le fait même, réalise la parfaite liberté et la totale indépendance de sa personne. De ce point central de son être où il est lui, où il est soi-même, simplement, sans adjonction ou mélange d'aucune sorte, il est à même de dominer et de contrôler, sans que rien échappe, toutes les manifestations psychologiques, voire physiologiques, de sa vie.

Le moyen par excellence de parvenir à cet état est le contrôle progressif et de plus en plus serré de l'activité mentale, et, à la limite, son arrêt total. Dans cet arrêt précisément, la conscience qu'on a de soi brille enfin d'un éclat non mélangé et remplit à elle seule le champ total de la perception mentale. En vue de rendre possible ou du moins plus aisée cette maîtrise du flux mental, des exercices divers furent imaginés puis éprouvés par une longue expérience. Le plus important en est la méditation qui concentre l'esprit sur un point précis, physique, imaginatif ou mental. Il ne s'agit point ici de méditer au sens occidental du mot, d'imaginer par exemple une scène et d'en contempler successivement les différentes parts, ou bien de réfléchir sur une idée et d'en examiner les divers aspects. Au contraire la méditation yoguique vise à réduire à un point indivisible le champ de la conscience, à réaliser l'unité d'attention, à maîtriser la dispersion et à contraindre l'esprit au silence. Les exercices de postures (âsana) ou de respiration (prânâyâma) ont valeur purement préparatoire et sont tout ordonnés à cette fixation du psychisme. Leur but immédiat est de permettre au yogi de contrôler, de rythmer, voire d'immobiliser ou presque ses muscles, surtout ceux qui commandent les mouvements respiratoires. C'est qu'en effet il y a interconnexion entre le psychisme de l'homme et son organisme physiologique, et correspondance plus profonde encore, dit la tradition, entre le souffle vital (prâna) et le principe intérieur de la vie.

Le yoga étant une technique, il ne pouvait manquer de lui arriver ce qui arrive à toute technique, qu'elle soit d'ordre physique, psychique, social ou religieux. La technique en soi retient de plus en plus l'attention, et les moyens risquent d'être valorisés pour eux-mêmes aux dépens de la fin primitivement poursuivie. Les dangers alors du yoga ne sauraient être minimisés.

L'un des plus graves est de faire surgir au fond de la conscience du yogi une espèce de sur-moi, si puissant éventuellement qu'il est capable de contrôler et de dominer la conscience phénoménale, le flux mental et même les mouvements musculaires. Un tel sur-moi n'est en définitive qu'une exaltation du moi, de Pahamkâra, une prolifération cancéreuse de l'ego, un point de la conscience grandi démesurément par rapport au reste. Telle est la source de l'orgueil luciférien de certains yogis. Descendant au fond d'eux-mêmes, ils font effort pour passer soi-disant de soi au Soi. Mais ce vers quoi ils tendent et qu'ils appellent le Soi n'est finalement qu'une projection de leur pensée, le but qu'ils ont conceptualisé et qu'ils se forcent à atteindre. Ce n'est point alors à la perte de leur moi dans le Soi suprême qu'ils parviennent, comme ils se le figurent. Tout au contraire, conséquence même de l'attitude pélagienne qui a accompagné toute leur ascèse, c'est leur propre ego, avec toutes ses particularités et limitations, que, par leur concentration de pensée et leur force de volonté, ils ont enflé de façon monstrueuse et promu au rang de l'absolu.

En quête de soi.

La méthode spirituelle de Ramana Maharishi — si par analogie on peut employer ce terme – était tout autrement libre et dépouillée. Elle découlait tout entière de son expérience personnelle ; il cherchait simplement à aider ses disciples à réaliser par eux-mêmes ce que lui-même avait un jour ressenti.

A quiconque venait le trouver et lui demandait sincèrement que faire pour progresser dans la voie spirituelle, Sri Ramana conseillait régulièrement la pratique du ko'ham, c'est-à-dire de l'interrogation mentale : « Qui (suis-) je ? ». C'est ce qu'il appelait l'âtma-vicâranâ, « investigation de l'âtman », c'est-à-dire la quête, la recherche, la poursuite de soi au-dedans de soi, au-delà de toute manifestation périphérique du je. L'âtma-vicâranâ consiste en la pénétration incisive de l'esprit jusqu'au fond de la conscience, à rebours pour ainsi dire du mouvement centrifuge de la pensée, remontant de pensée en pensée, plus exactement d'une pensée donnée à la conscience qu'on a de penser cette pensée, puis à la conscience de cette conscience et ainsi de suite. Tout particulièrement cette enquête ou investigation doit porter sur la pensée du je et la conscience de soi, sous-jacentes à toute pensée et à tout mouvement du psychisme. Il s'agit d'atteindre là précisément où toute pensée et d'abord la première de toutes, le je, la pensée de soi, jaillit au fond et au centre de l'être. Dans son Upadesha saram, Sri Ramana appelle ce point le « lieu de la source » ; et c'est justement le paradoxe : le filet d'eau sort de la source, mais dès que l'eau coule, ce n'est déjà plus la source... le but indéfiniment se dérobe.

Certains interprétaient son enseignement comme une voie négative d'approche : je ne suis pas cette main, cette image, cette pensée, etc. Le Maharishi n'empêchait pas les débutants de commencer ainsi. Cependant il mettait soigneuse-ment en garde contre les inconvénients d'une telle méthode. En effet tout rappel à l'attention d'une pensée déterminée, serait-ce pour la nier, tout rappel à la mémoire d'un souvenir, serait-ce pour le repousser, risquent de leur conférer une vigueur nouvelle et de les fixer ainsi dans l'esprit, alors que précisément on voulait s'en débarrasser.

La voie conseillée par le Maharishi était, elle, essentiellement positive. C'était de chercher, en chaque instant, en chaque acte, qui en vérité est celui qui vit, qui pense, qui agit, d'être attentif à celui qui voit, dans l'acte de voir, à celui qui entend, dans l'acte d'entendre, etc... Il s'agissait de poursuivre sans relâche cette conscience de soi qui se dérobe derrière les phénomènes et événements de la vie psychique, de la découvrir, de la saisir en sa pureté originelle, nue encore en quelque sorte, avant que rien ne l'ait déjà recouverte, avant que rien ne se soit déjà mélangé avec elle. Ainsi saisie, il fallait la retenir de la plus fine pointe de l'esprit, pour l'empêcher de s'échapper à nouveau. C'était en fait s'efforcer d'atteindre à la personne, au soi, au-delà de toutes les manifestations de la nature. Sri Ramana tenait pour certain que cette investigation ne pouvait manquer de porter ses fruits, pourvu qu'elle se poursuivît sans relâche. Le soi phénoménal, le moi, poursuivi ainsi jusqu'en ses derniers retranchements disparaîtrait finalement comme par enchantement, à la façon d'un voleur pris sur le fait. Le JE essentiel seul brillerait alors dans la conscience stabilisée et la remplirait toute.

Le Maharishi ne refusait pas cependant les voies plus complexes du yoga pour qui s'y croyait appelé. Il ne s'imposait jamais à personne. Tant qu'un individu n'est pas encore prêt, pourquoi le forcer à prendre un chemin dont il n'est point capable ? Pourquoi chercher à devancer les temps ? La philosophie indienne du karma ou de l'évolution individuelle est ennemie des enseignements et des changements trop brutaux. Elle apprend à attendre l'heure avec patience et à ne pas se décourager devant la lenteur des résultats. Chacun n'est-il pas libre d'aller par la voie qui lui plaît, et le but ne sera-t-il pas atteint par chacun au moment fixé par la destinée? Cependant Sri Ramana allait, lui, directement à l'essentiel du yoga et y invitait nettement ceux qui lui faisaient confiance, laissant à leurs illusions ceux qui cherchaient simplement quelque approbation de sa part pour une décision qu'ils avaient déjà prise.

Il n'y avait qu'un seul exercice respiratoire qu'il recommandât vraiment, et cela encore pour ceux seulement qui avaient besoin d'accoiser leur corps et leur pensée. C'était de fixer l'attention sur le souffle successivement inhalé et exhalé. Par elle-même en effet cette concentration rythme et ralentit automatiquement le mouvement de la respiration. Par concomitance le flux mental bientôt prend lui-même un rythme plus régulier, se ralentit et permet la concentration intérieure.

Sri Ramana n'avait jamais pratiqué aucun yoga ni aucune ascèse. L'expérience transformante était comme tombée sur lui de façon foudroyante. [...]

Il n'y a pas à s'exercer en vue de la libération finale ou mukti, et pas davantage en vue de l'expérience du soi, qui lui est identique. En effet, qu'est-ce ce monde, qu'est-ce un autre monde ? qu'est-ce, réaliser ce que l'on est ? qu'est-ce, ne pas l'avoir encore réalisé ? S'efforcer consciemment et volontairement en vue de parvenir à cette « réalisation de soi » en est paradoxalement l'obstacle majeur. C'est en effet poser comme prémices que l'état naturel par excellence de l'homme sa condition innée, sahaja, comme aimait l'appeler le Maharishi — est quelque chose que l'homme ne possède pas encore — comme si l'homme pouvait ne pas être soi ! L'homme est-il moins homme dans l'inconscience du sommeil profond ?

La « quête du soi » que préconisait le Maharishi ne comporte aucun des dangers inhérents au yoga que nous signalions plus haut, du moins si le disciple lui demeure fidèle et ne s'en fabrique pas quelque succédané destiné à sauvegarder quand même quelque chose de son moi, au moins sous un nom d'emprunt. Cette méthode en effet ne laisse aucune place aux transferts du subliminal, aucune place pour l'inflation de l'ego. Elle est tout au long relaxation, dégagement, fuite vers l'intérieur et le réel. Elle ne permet aucun regard sur soi ; elle est à la fois libération et exigence suprême. Ascèse plus intransigeante que toutes, elle exclut même tout effort volontaire vers un but que l'homme se serait assigné. Elle n'admet aucun retour sur la pensée de soi, elle supprime, en s'attaquant à la racine même, toute complaisance de l'intelligence sur soi et en réalise ainsi la purification la plus radicale. Au plus intime de toute pensée, elle insère, à la façon d'un fer brûlant, le neti-neti des Upanishads, le « ce n'est pas encore cela ».


Dom Le Saux

Illustration :

Un rabbin affirme que les Juifs sont des extraterrestres venus pour « conquérir » la Terre.

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