lundi, janvier 14, 2013

Calibre 9, un film anti-oligarchie





Synopsis

« Dans une ville française gangrenée par la corruption, Yann Moreau est un jeune urbaniste frustré par son travail. Sa vie ne se résume qu’à peu de choses : magouiller, profiter du système et obéir à son patron, le Maire de la ville.

Mais, l’intrusion dans sa vie d’un étrange pistolet va entraîner Yann dans une terrible descente aux confins de la folie. Sarah, un Calibre 9 possédé par l’âme d’une ex-prostituée, dévoile au jeune urbaniste le revers de ses actes crapuleux. Manipulé par celle-ci, Yann se retrouve malgré lui dans la peau d’un justicier et abat froidement l’un des plus grands pontes et gangsters de la ville Frédéric Pontamousseau.

Recherché par Richard Wolfhound un vieux flic dérangé, aux méthodes peu recommandables, Yann Moreau n’aura plus aucune alternative pour sauver sa peau, il devra s’associer coûte que coûte avec Sarah, le Calibre 9. »

Site de Calibre 9




« Certaines vies valent la peine d'être supprimées. »

Vers la fin du film, quand les justiciers du peuple (l'urbaniste Yann Moreau et le policier cancéreux Richard Wolfhound) massacrent l'organisation oligarchique ainsi que le préfet corrompu qui contrôlent la cité, une voix off déclare :

« ...Personne ne t'a jamais dit quelque chose d'aussi important, d'aussi vrai, d'aussi vital :

J'ai laissé les clés du monde à ceux qui le gouvernent aujourd'hui parce qu'on a permis à cette bande de salopards de rester les maîtres du monde pour ça, pour l'argent, pour le pouvoir, pour le territoire. Il faut le reprendre ce territoire, il est à nous. Et aujourd'hui, on va le faire. On peut le faire avec ça (le pistolet animé par l'âme d'une femme)...

On remet les compteurs à zéro :
  • Les politiciens qui ne servent que leurs intérêts : peine de mort !
  • Les industriels qui pourrissent la planète : peine de mort !
  • Les chefs religieux, la grande distribution : peine de mort !
  • Les groupes pharmaceutiques : peine de mort ! »


Le taux d’hémoglobine du film dépasse largement la moyenne. Mais derrière la caricature, le réalisateur de « Calibre 9 », Jean-Christian Tassy, exprime la violence des sentiments d'une partie de la population à l'égard de l'oligarchie.




dimanche, janvier 13, 2013

Mariage gay & retour de l'Eglise





« De toutes les choses sérieuses, le mariage étant la plus bouffonne... »
Beaumarchais, « Le Mariage de Figaro ».



Le 13 janvier 2013, les opposants au mariage homosexuel (800 000 selon les organisateurs) manifestent dans trois cortèges, un quatrième est emmené par les intégristes de Civitas. Avec cette importante mobilisation, l'Eglise fait son grand retour dans le débat politique. Retour qui ne plaira pas à l'auteur de cette lettre : 

« Mon cher petit frère,

Tu ne peux savoir combien je regrette que tu aies ainsi embrassé la carrière ecclésiastique ! Combien je souffre de t'y voir persévérer, malgré mes conseils, exhortations, malgré mes insultes ! Combien je rougis de honte à la lecture de chacune de tes lettres : tu appelles sur moi la bénédiction de la Vierge, et j'enrage de te voir te vautrer dans la boue catholique, toi qui montrais tant de talents... Un jour peut-être te demandera-t-on des comptes, si j'en crois ces paraboles que tu ne comprends plus à force de les lire.

Voilà ce que je voudrais te montrer aujourd'hui : tu as des yeux et tu ne vois plus. Tu as épousé la cécité, l'impuissance et l'inutilité. Dieu se moque de toi, ne le comprends-tu donc pas ? Avec tes archevêques, tes processions, ton encens, tes paroles rituelles, tes étoles et tes burettes, ton saint-chrême et tes sermons, tu emboîtes le pas d'une cohorte de misérables, d'indécrottables imbéciles dont Dieu se rit.

Oui, j'ai bien échoué avec toi. Je te parle et tu ne m'entends plus. Quelle pitié ! Tu m'échappes et tu te perds.

Je vais te les montrer, toutes ces saintes que tu vénères, ces "bienheureuses" : la Madeleine du Caravage, l'épaule nue, la bouche entrouverte, les yeux révulsés ; celle de Simon Vouet, le sein lumineux, les lèvres en sourire ; la sainte Thérèse du Bernin, lovée dans ses plis de marbre qu'un amour ailé froisse d'une main spirituelle, les paupières mi-closes, la bouche semblant exhaler un souffle de plaisir ; la bienheureuse Ludovica Albertone, du Bernin également, étendue sur son sofa, une main sur le ventre, une autre se pétrissant le sein, et toujours cette tête rétroversée, cette bouche ouverte ; ces multiples extases de sainte Thérèse, celle de Francesco del Cairo, celle de Sébastien Ricci, qu'on dirait une apothéose... Mais tu ne les connais donc pas ? À quoi passes-tu ton temps, dans ton séminaire romain ?

Tu pourrais aussi lire. Tu ne savais pas, j'en suis sûr, que le Christ disait à sainte Marguerite : "Mon cœur est si passionné d'amour pour tous les hommes et pour toi en particulier que, ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu'il les répande en toi." Il lui disait aussi, mais tu l'as oublié : "Voilà le lit de mes chastes amours où je te ferai consommer les délices de mon amour." Comme disait Stendhal, pour qui certaine femme pieuse n'avait point de secret, "rien de plus beau qu'une femme qui prie". Mais cela fait belle lurette que tu ne regardes plus les femmes, en prières ou en extase. Tu ne vois plus leurs jambes arpenter la terre. Tu ne sais pas comme c'est beau. Et de l'orgasme, tu ne sais que les visages pâmés des mystiques. [...]

De même qu'il est absurde d'établir une différence entre l'acte sexuel à deux et l'acte sexuel solitaire, il est impossible d'établir une différence de nature entre la jouissance de la mystique et celle de la femme dans le lit de son amant. Ainsi écrit Angèle de Foligno : "En cette connaissance de la croix, il me fut donné un tel feu que, debout près de la croix, je me dépouillai de tous mes vêtements et m'offris toute à lui." Inutile de t'en dire plus...

L'extatique, comme son double noir, la possédée, est habitée par Dieu (la possédée, par le Démon). Là est le point que tu ne dois pas perdre de vue : quelqu'un est en elles. Elles ont été pénétrées. Le but est celui-ci : être prise, jamais prendre. C'est ainsi qu'il y a tant de mystiques femmes. Elles appellent la mort avec impatience, elles appellent Dieu avec le même désir furieux, comme d'autres appellent le membre de l'homme. Et tandis que lui désire pénétrer, percer, autrement dit tuer, elles veulent être pénétrées, percées, tuées. On retrouve ainsi ce mot que je te citais : perdre la tête. On perd la raison, à défaut de la vie. Les extatiques tendent les bras vers le néant, qu'elles appellent de toutes leurs forces. C'est ainsi que se réalise l'union d'amour. »

JACQUES DRILLON, Le Livre des regrets.


Des saints amoureux jusqu'à l'extase :
http://bouddhanar.blogspot.fr/2012/04/des-saints-amoureux-jusqua-lextase.html







vendredi, janvier 11, 2013

Satan parmi nous





Dans une vidéo-interview en trois parties, Gilbert Abas, ancien officier de police des Renseignements généraux, retrace toutes les affaires satano-pédocriminelles et « met en évidence l'existence d'un réseau bien organisé, protégé par un système mafieux particulièrement pourri ».

Les réseaux satano-pédocriminels par Gilbert Abas :

Gilbert Abas est l'auteur du livre « Qui veut encore tuer le Christ ? »

Satan parmi nous

De tous les personnages historiques, le Diable demeure le plus célèbre, mais il n'est personne au monde qui pourrait, à notre avis, le définir exactement. Son portrait idéal, mais combien difficile ! devrait rassembler le pied fourchu de Pan, la bouche grimaçante des gargouilles médiévales et l'œil de braise du prince des sabbats. Encore faudrait-il lui adjoindre la mandoline de Méphistophélès et les panonceaux des bandes publicitaires qui tendent à réduire sa terrible figure aux proportions d'un livreur d'anthracite ou de paquets d'ouate thermogène.

Après la Renaissance qui prétendit le connaître dans ses aspects les plus intimes, les doutes ont surgi et le Diable a disparu de la scène jusqu'au mouvement Romantique dont les aimables conteurs ont ravivé sa rougeoyante image, magnifiée par le tintamarre de Berlioz. Pourtant, ni Gounod, ni Boïto n'ont réussi à le revaloriser auprès des sceptiques et des matérialistes contemporains de Victoria et du Second Empire. Malgré Charles Baudelaire et Gustave Doré, le Malin semblait s'effacer dans l'indifférence et dans l'oubli...

Mais l'hallucination et le mystère romantiques avaient préparé — grâce à l'Allemagne surtout, chacun le sait — une rentrée assez effrayante du fantastique. Dès 1836 « Gaspard de la Nuit » était véritablement « en quête du Diable » et, après toutes les chevauchées de Franz Schubert, Richard Wagner et Hugo Wolf, il nous revint avec « La nuit sur le Mont Chauve » (1867). Le génie de Moussorgsky sut ressusciter le cortège claudicant de la sorcière Baba-Yaga ( Tableaux d'une exposition, 1874), dont le bâton diabolique dirigea l'orchestre de Paul Dukas dans l'« Apprenti sorcier », qui fut d'abord plus fêté à Berlin qu'à Paris. La présence étrange et subtile de l'Esprit inspire à Maurice Ravel ses « Sortilèges » et, justement, son « Gaspard de la Nuit ». Le Diable en chair et en os, que ce soit en littérature ou dans les arts plastiques, n'apparaissait plus, comme l'Ennemi de Dieu, le Tentateur incessant, le Séducteur...

Au reste, n'est-ce point une gageure que de vouloir discuter des rapports existant entre Satan et l'Art moderne ? Le Diable, direz-vous n'existe pas, et il n'a probablement jamais existé. Pur concept de l'imagination hallucinée de nos lointains ancêtres, son emprise a, aujourd'hui tout à fait disparu. Quel artiste oserait donc le représenter, sans risquer de tomber dans un anachronisme ridicule ? Et quelle forme conviendrait-il de lui donner, qui éviterait un recours au classique accoutrement des ailes de chiroptères. des griffes, de la longue queue poilue, voire des attributs sexuels fortement accusés ?

Pourtant, aucune époque n'a été aussi imprégnée par le Satanisme que celle où nous vivons. Rodin avait exprimé son angoisse devant la Porte de l'Enfer et prouvé que dans notre monde, l'infernal était plus en deçà, qu'au-delà. Après 1918, les éructations et les pétarades du Jazz le réaffirmèrent ironiquement, quand son exotisme vint narguer la civilisation. Puis ce furent les lugubres désolations de la guitare hawaïenne : « Le chant d'un peuple qui s'enterre lui-même ! » disait un jour Ernile Mâle, néanmoins rompu aux larmes et aux horreurs du Moyen Age finissant.

Enfin, Stravinsky, en faisant déchirer Orphée par les Ménades — sur des rythmes qui n'apportèrent, certes, aucune interprétation luciférienne nouvelle ! — présentait, sans l'avoir cherché — ce macabre organisé, caractéristique de notre « univers concentrationnaire ». Un frisson glacé pouvait parcourir les rangs des spectateurs. « Délectation froidement abstraite, obstinément anti-expressive... qui prend à mon goût le masque de la laideur... » écrivait le critique René Dumesnil : il n'était, précisément, qu'une victime mal consciente du véritable diabolisme contemporain, diffus, mais attaché à tout et à tous... Cette dénonciation des supplices de la condition humaine d'aujourd'hui, impassiblement, le russo-américain l'offrait à ses admirateurs, en retard, toutefois, de vingt ans sur le Maître et attachés à l'anecdote ! Il n'y avait évidemment là, aucune intention de musique à programme ! mais, en raison de ce que l'Univers est ce qu'il est et que Stravinsky en cristallise sans le vouloir, du fait de son génie, les contradictions irritantes et malfaisantes, son « Orphée » était infernal. (Cette « cristallisation » dont Stravinsky parle lui-même dans sa « Poétique musicale », la psychanalyse l'explique, on s'en doute... et il y faut voir une impérieuse nécessité de libération de ce qui l'obsède : on pourrait dire que Stravinsky s'essaye à chasser le Mal. le Désordre, le Diable... « Le besoin de briser conduit ce grand musicien » écrit, d'ailleurs, André Michel). Sur un plan plus banal, du reste, que d'auditeurs enthousiastes ont déclaré de lui, depuis un demi-siècle : « Il y a du diabolique dans cet homme ! » Faut-il s'étonner qu'il domine, par la musique, tout notre siècle ?

Jamais, devant la faillite d'une science plus que discutable et d'une médecine puérile, qui mènent inexorablement aux conflits armés et à la pratique d'expériences monstrueuses, les hommes n'ont eu autant recours aux guérisseurs, aux pythonisses, aux médiums et à tous les théurges qui ont succédé aux sorciers des âges révolus. Les annonces mirifiques qui remplissent nos journaux offrent une planche de salut — Satan n'est-il pas le grand Consolateur ? — à tous ceux qui luttent contre l'inexorable ennui d'une existence étriquée et banale. Les salons des cartomanciennes et des magnétiseurs ne désemplissent pas, car nous sommes revenus au temps de Nostradamus et de Ruggieri. Qui sait même si certaines officines ne sont pas la réplique des sinistres cabinets de La Voisin et de l'abbé Guibourg ? Assurément, ces grands marabouts, ces gitanes, ces prêtresses, ces professeurs, et ces devins qui prétendent lire l'avenir dans la main, les taches d'encre, les boules de cristal et les tarots, ont de quoi nous faire sourire, quand ils promettent le bonheur « à tous les Français de bonne volonté ». Leur fructueux commerce qui fait intervenir la psycho-synthèse, les mystères de la galaxie et des démonstrations spiritualistes parfaitement vides de sens n'en demeure pas moins le reflet d'une époque bien troublée.

Au sein des mystères épais qui nous entourent, l'adoration des faux dieux renaît sur les ruines d'un rationalisme mal compris et l'action du démon se manifeste sous les formes les plus décevantes. L'archange déchu a depuis longtemps compris tout le parti qu'il était susceptible de tirer de la clandestinité et de l'ignorance. Jamais il n'oublie qu'il est le Prince du Mensonge, quand il s'occupe de tests stupides, de psychanalyse et de statistiques qui ramènent l'Amour à des chiffres et le Sacré à une courbe. Il n'en continue pas moins de hanter les couvents et le maintien des exorcistes dans les diocèses prouve que l'Eglise croit encore à la possession, à l'envoûtement et au succubat. Il n'y a pas si longtemps que le Grappin se montrait au curé d'Ars et qu'il détruisait les meubles de Don Bosco, Bernadette Soubirous aussi l'a entendu et, tout comme Chamiso et Dostoïevski, Papini prétend même l'avoir rencontré. A l'en croire, le Diable est « un personnage qui sort de l'ordinaire. Il est grand et très pâle ; il est encore assez jeune, mais de cette jeunesse qui a trop vécu et qui est plus triste que la vieillesse. Son visage très blanc, étiré, n'a de remarquable que la bouche mince. fermée, serrée, et une ride unique et très profonde qui s'élève perpendiculairement entre les sourcils et va se perdre presque à la racine des cheveux. Je n'ai jamais bien su de quelle couleur peuvent être ses yeux. pour la raison que je n'ai jamais pu le regarder plus d'un instant, et je ne sais pas davantage la couleur de ses cheveux, parce qu'un grand béret de soie, qu'il n'enlève jamais, les cache complètement. Il est toujours vêtu décemment, de noir, et ses mains sont toujours impeccablement gantées » (Il Diavolo, traduction de René Patris).

Sous cet aspect glacial, irréprochable, digne des vieillards des « 120 journées », et des voluptueux de l'« Histoire d'O », le Diable cache un tortionnaire sadique et un déicide convaincu. Oubliant un peu vite les exploits de Valdès et de Torquemada, les catholiques ont vu en Hitler le « médium de Satan », qui ne pouvait se passer de l'odeur du sang et de l'encens des crématoires. Les gestes accomplis par ses agents maléfiques, les bourreaux des camps de la Mort, qui se plaisaient à mêler la musique aux cris des réprouvés, ne différaient d'ailleurs guère, de ceux des démons de Polignac et d'Angkor. Aujourd'hui, le Marxisme passe pour la synthèse de toutes les hérésies et certains le considèrent comme la nouvelle Bête de l'Apocalypse contemporaine. Mais cette interprétation nous paraît aussi simpliste que celle qui consiste à ne voir en Dulle Griet, par exemple, que la représentation de la sorcière ou de la méchanceté. En fait, le Diable qui appartient consubstantiellement au monde, demeure légion, pluralité et métamorphose. S'il a cessé d'apparaître physiquement, il continue de rôder autour de nous et les saints dont les sens sont des plus exercés ont, comme Thérèse de Jésus, des Visions « où. sans percevoir aucune forme on voit quelqu'un présent ». Il souffle sur l'univers le vent de la folie et pousse les hommes à se précipiter au pied des idoles modernes qui se font adorer au cinéma, sur les stades et dans les réunions politiques. Le monde est retombé dans un étrange polythéisme dont les dieux exigeants se nomment record, vitesse et machinisme. En imposant le culte de la vedette et de la personnalité. Satan l'orgueilleux en est à ce point arrivé à duper les hommes qu'ils ont admis de pouvoir se sacrifier pour un seul homme ! L'admiration béate des monstres Sacrés, savamment entretenue par les campagnes publicitaires, a conduit à l'abêtissement des masses et l'effort intellectuel a fini par sombrer dans la négation de tout, et dans une étonnante confusion des valeurs. Humiliées par les gestes automatiques, les masses opprimées et asservies qui, jadis se révoltaient, ne réagissent même plus. La machine sociale comme l'a dit si justement Simone Weil est devenue une « machine à briser les cœurs, à écraser les esprits, une machine à fabriquer de l'inconscience, de la sottise, de la corruption, de la veulerie et surtout du vertige ». Le grand mot est lâché : le Vertige ! car c'est bien lui qui vous prend devant les folles expériences nucléaires dont l'affreux réalisme surpasse et de loin, les bizarreries des chapiteaux de l'An Mille, et des innombrables Danses macabres. La terreur collective, l'angoisse cosmique, risquent bientôt de s'emparer des âmes et les réactions en chaîne de la fission de l'atome pourraient bien devenir les chapitres d'une fulgurante Apocalypse. Jamais la voûte céleste n'a été aussi près de tomber sur ceux qui rêvent de conquérir les espaces sidéraux. Lange des Ténèbres, nouveau théoricien de la relativité, aux bords des abîmes de notre aveuglement, continue de jouer avec la Mort, sa fidèle compagne.

Témoins de leur temps, les écrivains ne peuvent échapper à l'oppression étouffante du diabolisme. Bien mieux, ils s'y délectent ainsi que des possédés volontaires et font tomber leurs lecteurs dans un masochisme qui glorifie l'abjection, la décomposition et la pourriture. Omniprésent, Satan n'admet point les demi-mesures, et il n'hésite pas à frapper de paralysie ou de gâtisme tous ceux qui. dans le même temps, cherchent à boire dans sa coupe et dans celle des archanges. Comme autrefois, il exige que l'on soit tout pour ou tout contre lui, mais il n'en chérit pas moins les modes insidieux de la calomnie et de l'hérésie venimeuse, qui exaltent la haine, le vice et les passions infâmes. Agissant grâce à des personnes interposées, des « âmes qu'il ulcère et incite à d'inexplicables crimes », il a semble-t-il cessé désormais de demander au Tout-Puissant la permission d'agir sur ses créatures.

Toutes les formes de l'Art qui, jadis célébraient la victoire du Dieu bon paraissent périmées, et nous assistons à un véritable retournement de la philosophie manichéenne. C'est le Dieu bon — sans le savoir, ou sans le vouloir — qui doit à présent s'efforcer de prouver la réalité de son action et l'efficacité de son pouvoir. L'Art sacré, ravalé aux broderies des kermesses de Lourdes et de Beauraing, figé dans le saindoux ou la matière plastique de Saint-Sulpice. a bien de la peine à défendre la splendeur divine en un temps où l'image du Christ sert de baromètre, et où le portrait de la Vierge orne les coquetiers et les verres à dents. En revanche, l'Art diabolique qui avait perdu du terrain après Goya et le mouvement romantique, n'a cessé de progresser depuis le début du vingtième siècle. Il a rencontré de fervents adeptes parmi les surréalistes et tous ceux dont les improvisations jaillissent de l'inconscient ou d'un choc psychologique indépendant de la volonté. Utilisant les forces, les chants et les passions occultes qui dorment en lui, l'artiste, comme l'écrivait Giorgio de Chirico ressent, avec la rapidité d'un éclair, un moment, une pensée, une combinaison qu'il jette sur la toile. « Comme le tremblement de terre secoue la colonne sur sa plinthe, nous tressaillons jusqu'au fond de nos entrailles. Nous jetons alors sur les choses des regards étonnés, c'est le moment. Le Protée qui dormait en nous a ouvert les yeux. Et nous disons ce qu'il fallait dire. Ces secousses sont pour nous ce qu'étaient pour le prophète glauque les lacs et la torture ». A l'heure actuelle, le Diable a, non seulement retrouvé les figurations sous lesquelles il apparaissait au Moyen Age, mais son mythe s'est encore développé grâce à la carte postale. à la bande dessinée et à la pellicule cinématographique. Michelet, ce grand intuitif, s'est lourdement trompé, en 1862, quand il a déclaré que, devenu un bon vieux, le Diable s'était résigné à gagner sa vie dans les petits métiers du spiritisme et des tables tournantes. Il ne pouvait présager la floraison de la littérature et de la dialectique infernale de nos contemporains qui, prenant Sade et Ducasse pour modèles encensent le Mal et le crime gratuit.

Roland Villeneuve


jeudi, janvier 10, 2013

Demain, le monde ressemblera à Rio Grande City





Plantée sur la Highway 83, Rio Grande City est l'une des dernières villes du Texas avant d'arriver au Mexique. Il déplaira sûrement à l'office de tourisme de le lire, mais il n'y a aucune raison de s'arrêter ici. Rio Grande est le chef-lieu du comté de Starr, l'un des plus pauvres des États-Unis. La route principale ressemble à un long fil de béton rongé par la décrépitude depuis fort longtemps. La poussière est omniprésente. Elle semble même incrustée dans le paysage depuis et pour toujours.

Il existe deux styles de maisons à Rio Grande City. Celles à l'abandon et les autres où, réfugiés derrières les barreaux qui protègent toutes les fenêtres, les 11 923 habitants vivent dans la crainte. La peur du soleil qui écrase tout neuf mois par an. La peur des voisins, des inconnus, des autres et plus particulièrement des gangs de la mafia mexicaine qui ont transformé l'endroit en lieu de passage. Et puis, la peur des troupes du Homeland Security aussi, en charge de vérifier les visas et de déporter les immigrés clandestins. À Rio Grande City, 95,89 % de la population est d'origine mexicaine. Les sans-papiers en représentent la majorité. Certains ont même peur de leurs enfants. Nés sur le sol américain, ils sont pourvus de la nationalité qui est refusée à leurs parents. Et ainsi, d'après les services sociaux de la ville, dès l'adolescence, nombre d'entre eux terrorisent la partie « illégale » de la famille. Un chantage au coup de téléphone de dénonciation pour une seule chose : manger.

McDonald's, Dairy Queen, Burger King, Whataburger, Wendy's, Pizza Hut, Little Ceasars Pizza, Subways, Taco Bell, Taco Bueno, Taco Palenque, Mexican Buffet, Chinese Buffet... aucune enseigne ne manque à l'appel. Et toutes proposent, en lettres géantes, des promotions difficiles à ignorer quand on vit sous le seuil de la pauvreté. Ici, le Coke géant est offert pour l'achat d'un menu. Là, contre moins de 5 dollars, le client est invité à manger autant qu'il le souhaite. Ailleurs, tous les matins, le petit déjeuner est doublé gratuitement.

À Rio Grande City, paradis du HFCS et du trans fat, tout est commercialement envisageable, envisagé et mis en pratique pour ponctionner les quelques dollars versés par l'aide locale.

Cette orgie alimentaire s'accompagne d'une terrifiante réalité. À Rio Grande City, la moitié de la population adulte souffre de diabètes de type 2.

Mais le pire, c'est pour demain.

À l'école maternelle, 24 % des enfants sont déjà en surcharge pondérale ou obèses. S'ils ne sont pas dès maintenant pris en charge, rien ni personne ne parviendra à les sortir du cercle infernal. Celui qui, à l'âge adulte, devenus diabétiques et amputés, leur fera attendre la crise cardiaque... comme une libération.

Or, dans l'Amérique d'aujourd'hui, personne ou presque ne s'intéresse à Rio Grande City. Ou à La Casita, Roma, Laredo, El Cobares, ces villes du sud du Texas qui subissent le même cauchemar.

Or, à Rio Grande City, 50 % des garçons âgés de dix ans sont trop gros. Beaucoup trop gros.

Peggy Visio, une nutritionniste du Texas Health Science Center de San Antonio, tente depuis des années de faire bouger les choses. Adepte de la téléconférence, elle a réussi à trouver un don privé destiné à financer un service reliant son bureau de San Antonio à l'infirmerie de l'école de la ville. Et là, par écran interposé, elle donne des conseils de nutrition aux familles. Sachant pertinemment qu'elle ne pourra empêcher le pèlerinage quotidien au fast-food, elle tente d'orienter les ados vers les produits qui feront le moins de dégâts.

Lors d'un séjour récent à Rio Grande City, Visio et son équipe ont examiné les 2 931 enfants de la ville afin de quantifier ceux qui présentaient des risques élevés de diabète de type 2. Sur le papier, le pire de leurs scénarios prévoyait environ 600 cas. Mais à Rio Grande City, où deux cheeseburgers géants, une frite maxi et un Coca-Cola gargantuesque sont vendus à moins de 2 dollars, ils ont découvert 1 172 enfants en perdition. 1 172 futurs diabétiques.

Alors, Peggy a convaincu l'école de l'urgence. Après tout, chaque jour, les enfants y prennent leur petit déjeuner et leur déjeuner. Des collations largement arrosées des sodas en vente soit à la cafétéria, soit via les distributeurs, dans les couloirs de l'établissement.

Grâce à Visio et aux responsables de l'école, ces appareils de tentation ont été déplacés... dans la rue. Le personnel des cuisines a été formé pour offrir une nourriture moins grasse et moins sucrée. Les fruits frais ont commencé à apparaître sur les tables de la cantine et l'eau à repris une place qu'elle n'aurait jamais dû abandonner.

Mais voilà, nous étions à Rio Grande City. Et les étudiants ont expérimenté la démocratie directe. Ces citoyens en herbe, obèses ou en passe de le devenir, se sont mis en grève devant de telles décisions salutaires à leur santé. Soutenus par certains parents et professeurs, ils ont affiché leur colère à l'entrée de la cafétéria avec un mot d'ordre clair « Non au régime ! Nous voulons manger des trucs cool ! »

Rio Grande City est un laboratoire. Un douloureux voyage vers le futur aussi. Ce qui s'y passe n'est ni une exception ni une aberration, mais un amer avant-goût de l'avenir. L'obésité, le diabète, l'attitude de ces étudiants sont ni plus ni moins le résultat des trente dernières années de dérive et de matraquage alimentaire. Trois décennies où l'industrie agroalimentaire a pris le contrôle de nos assiettes, brouillant les repères, changeant la nature même de la nourriture.

Pendant des siècles, manger a été une nécessité et un moment privilégié. Une excuse pour l'échange et la communication. Et, bien souvent, un moment de plaisir. Désormais, un plat, pour s'imposer, doit être pratique, s'engloutir seul et rapidement. Et, surtout, être soutenu par une campagne publicitaire.

Demain, le monde ressemblera à Rio Grande City et à ces élèves prêts à se battre pour continuer à se goinfrer. Déjà, dans certaines écoles primaires, les enfants apprennent à compter en additionnant les M&M's. Dans d'autres, ils refusent de manger les fruits frais sous prétexte qu'il est beaucoup plus tendance d'avaler un dessert coloré.

L'industrie agroalimentaire n'est pas seulement coupable d'avoir travesti la nature de notre nourriture. D'y avoir introduit le sirop de fructose-glucose, les additifs, les conservateurs, les résidus chimiques et les acides gras trans. Non, dans cette course au profit, certaines sociétés ont tout simplement tenté de s'emparer de l'âme d'une génération.

Ces mots sont à la hauteur de ma colère. Pas uniquement celle de l'auteur, celle d'un père aussi. Qui, chaque jour, tente de contrebalancer un pouvoir qui nous dépasse. La responsabilité individuelle et celle des parents sont deux mensonges inventés par des spécialistes de la manipulation. Ou du marketing, c'est la même chose.

Les preuves ? Elles sont multiples. Petit voyage dans le temps. Dans les années 1930, Coca-Cola comparait ses atouts nutritionnels aux vertus vitaminées des fruits. Dans les années 1950, 7 Up expliquait comment, mélangé au lait du nourrisson, il favorisait la prise du biberon. À l'époque, à en croire les réclames, certains vins équivalaient même à un repas complet. Et puis, Camel était « la cigarette préférée des médecins ». Aujourd'hui les mêmes tentent de nous convaincre de l'importance de leurs contributions à notre bien-être, de leur sincérité dans la lutte contre le poids, de leur conscience humaniste ou de la non-dangerosité des OGM.

Demain, le monde ressemblera à Rio Grande City et à ses promotions permanentes sur la paire de hamburgers. Déjà, la crise d'obésité est devenue pandémie. Déjà les lagons des porcheries, le HFCS et le trans fat sont partis à la conquête de l'Europe.

L'Europe... Ou comment une idée juste, sensible, enthousiasmante et pacifiste, a perdu elle aussi son âme. L'Europe est devenue la nouvelle cour où manœuvrent les spécialistes du lobbying industriel. Où se pratique un sport dont les règles ont été inventées à Washington.

Et c'est ainsi que, le 9 novembre 2006, Markos Kyprianou, commissaire européen et membre de la Commission européenne chargé de la santé et de la protection des consommateurs, a publiquement félicité Coca-Cola et McDonald's pour leur engagement dans la lutte contre l'obésité.

Coke, McDo et les autres sont pourtant les fabricants de cigarettes d'aujourd'hui. Leur stratégie de communication est identique. La crainte majeure de ces géants de l'agroalimentaire, c'est que les gouvernements, sous la pression populaire, légifèrent. Car la contrainte leur fait peur. Aussi, pour éviter cela, ils jouent la diversion, la carte du volontarisme.

Dans le même esprit, Marlboro et Philip Morris financent aux États-Unis des campagnes publicitaires incitant les gens à ne plus fumer. Or, le budget de ces « ravalements de façade » n'atteint même pas 1 % des bénéfices engendrés par la vente de leurs produits.

McDo, Coke et les autres savent qu'ils sont les premiers responsables de la pandémie d'obésité. Alors, ils donnent le change, martèlent le message de la responsabilité individuelle et l'idée que toute nourriture a sa place dans un régime équilibré.

Lorsque je vois la campagne internationale de Coca-Cola annonçant sa décision de lutter contre l'obésité, je ne peux m'empêcher d'être cynique et de penser : c'est l'hôpital qui se moque de la charité.

L'engagement à ne pas faire de publicité à destination des moins de douze ans ? Du vent. Rien de neuf. Cela a toujours été le cas. Non pas parce que la Compagnie est « morale » mais parce qu'elle est très intelligente. Elle préfère sponsoriser l'équipe de France de football, lancer un site Internet avec NRJ, imaginer un casting inspiré de « Star Academy » dans tout le pays, pour capter l'attention de ces classes d'âges. Coca-Cola étant, en France, la marque préférée des jeunes, elle n'a pas besoin de s'adresser directement à eux puisqu'elle a réussi à devenir une figure incontournable de leur univers.

Les boissons sans sucre, les salades de McDo ? Tout cela est marginal. Le cœur d'affaire de McDonald's, ce sont les heavy users, les gros consommateurs de Big Mac et de frites. Le produit vedette de la Compagnie ? Coca-Cola Classic et son sucre.

Demain, le monde ressemblera à Rio Grande City et à son odeur permanente de friture. [...]

Avant d'être consommateur, nous sommes citoyens. Nos trois repas quotidiens sont autant d'occasions de voter. Voter pour ou contre un monde toxique. Voter en faveur d'un modèle viable pour l'environnement, notre santé, et moralement acceptable. Notre pouvoir est avant tout celui de l'achat. Plus qu'un bulletin dans une urne, la consommation d'un produit est devenue un geste politique. Le seul moment où le terme de «démocratie directe » a un sens concret.

Mais voilà, si mon pouvoir d'achat m'offre le privilège d'assurer aux miens une assiette sans danger, ce choix est réservé à une minorité. Car manger bien est désormais une source d'inégalité. Les pauvres sont aujourd'hui massivement représentés dans les rangs de plus en plus peuplés des obèses. Comme à Rio Grande City, leur pouvoir d'achat les cantonne quasi exclusivement à la nourriture industrielle. En confiant notre alimentation aux géants de l'agroalimentaire, nous leur avons laissé le droit d'installer des régimes d'apartheid nouveaux.

Et c'est pour cela que, même s'il est capital, un engagement individuel ne sera jamais suffisant. Pour éviter que demain, notre monde ressemble à Rio Grande City, il faut que la classe politique se souvienne que, parmi ses devoirs, se trouve l'obligation de protéger la société des risques pathogènes. La malbouffe tue. Il faut donc une intervention gouvernementale pour contraindre certaines compagnies à cesser de nous empoisonner.

William Reymond


mardi, janvier 08, 2013

Autiste, savant, homosexuel et chrétien


Daniel Tammet est un autiste savant aux capacités hors du commun, un génie des nombres. Il a ainsi mémorisé les 22 514 premières décimales de π, parle 10 langues et a appris l'islandais en quatre jours. Pour lui, les nombres sont des formes et des couleurs.

Beaucoup de gens sont surpris quand je leur dis que je suis chrétien. Ils imaginent que croire en Dieu ou explorer des chemins spirituels est incompatible ou très difficilement compatible avec le fait d'être autiste. Il est absolument vrai que mon Asperger rend l'empathie ou la pensée abstraite plus difficiles pour moi. Mais cela ne m'empêche pas de penser à des sujets profonds, qui concernent la vie et la mort, l'amour et les relations, par exemple. En fait, beaucoup d'autistes tirent de réels bénéfices de leurs croyances religieuses ou de la spiritualité. L'emphase religieuse du rituel, par exemple, est une aide pour les personnes atteintes de troubles du spectre autistique car la stabilité et la solidité qu'elle apporte leur sont précieuses. Dans un chapitre de son autobiographie intitulée Stairway to Heaven : Religion and Belief, Temple Grandin, une femme autiste, écrivain et professeur de zoologie, décrit sa vision de Dieu comme une force qui organise l'Univers. Ses convictions religieuses viennent de son expérience lorsqu'elle travaillait dans les abattoirs et de son sentiment qu'il doit y avoir quelque chose de sacré dans la mort.

Comme beaucoup d'autistes, mon activité religieuse est avant tout intellectuelle plutôt que sociale ou émotionnelle. Quand j'étais au collège, je n'avais aucun intérêt pour l'éducation religieuse et je ne croyais pas que la possibilité d'un Dieu ou d'une religion puisse être d'un quelconque soutien dans la vie quotidienne des gens. Parce que Dieu n'était pas quelque chose que je pouvais voir, entendre ou sentir, et parce que les arguments religieux que je lisais et que j'entendais n'avaient aucun sens pour moi. Mon revirement date de ma découverte des œuvres de G.K. Chesterton, un journaliste anglais qui écrivit beaucoup sur sa foi chrétienne au début du XXe siècle.

Chesterton était une personne remarquable. À l'école, ses professeurs disaient de lui que c'était un « rêveur » qui n'avait pas pris « le même avion que les autres ». Adolescent, il avait fondé un club de débats avec des amis où il discourait parfois pendant des heures. Avec son frère Cecil, il débattit un jour pendant dix-huit heures et trente minutes. Il pouvait citer de mémoire des chapitres entiers de Dickens, et d'autres auteurs, et se souvenait de l'intrigue de dix mille romans pour lesquels il avait fait des fiches de lecture dans une maison d'édition. Ses secrétaires rapportent qu'il leur dictait un essai pendant que, lui, était en train d'en écrire un autre sur un autre sujet. Oui, il était souvent perdu, tellement absorbé dans ses pensées qu'il devait parfois téléphoner à sa femme pour se rappeler comment rentrer chez lui. Il avait également une fascination pour les choses du quotidien, ainsi qu'il l'écrit dans une lettre à sa femme : « Je ne crois pas qu'il y ait personne qui prenne autant que moi un plaisir sincère aux choses telles qu'elles sont. L'humidité de l'eau m'excite et m'enivre. L'ardeur du feu, l'inflexibilité du fer, la saleté indicible de la boue. » Il n'est pas impossible que Chesterton ait été à la frontière du spectre autistique, à la frontière de son haut niveau. En tout cas, je me suis souvent senti proche de lui en le lisant.

Lire Chesterton adolescent m'aida à comprendre intellectuellement Dieu et le christianisme. Le concept de la Trinité, d'un Dieu qui est une relation vivante et aimante, était quelque chose que je pouvais me représenter mentalement et qui signifiait quelque chose pour moi. J'étais également fasciné par l'idée de l'Incarnation, de Dieu se révélant Lui-même dans le monde, tangible, humain, en Jésus-Christ. Pourtant ce n'est qu'a vingt-trois ans que je décidai de participer à des cours de catéchisme à l'église locale. Ces cours collectifs hebdomadaires avaient pour but de transmettre les bases du christianisme. Je n'étais pas intéressé par la prière pour me guider dans la vie, ni par les expériences des autres, je voulais des réponses à mes questions. Heureusement, par ses livres, Chesterton répondit à toutes mes questions. À Noël 2002, je devins chrétien.

Mon autisme ne me permet pas toujours de comprendre ce que les autres pensent ou ce qu'ils sentent dans certaines situations. Pour cette raison, mes valeurs morales sont plus fondées sur des idées logiques, qui font sens pour moi et auxquelles j'ai beaucoup réfléchi, que sur l'exemple des autres. Je sais qu'il me faut traiter chaque personne que je rencontre avec gentillesse et respect parce que je crois que chacun est unique et à l'image de Dieu.

Je ne me rends pas souvent dans les églises parce que je suis rapidement mal à l'aise s'il y a trop de monde. Pourtant, à l'occasion, lorsque j'y suis allé, j'ai toujours trouvé cette expérience intéressante et troublante. L'architecture est souvent complexe et belle, et j'aime vraiment ce sentiment d'espace au-dessus de moi, quand je lève les yeux au plafond. Enfant, j'adorais écouter les psaumes et les chants. La musique m'aidait de fait à faire l'expérience de sentiments décrits généralement comme religieux, telles la transcendance ou l'unité. Mon chant préféré était l'Ave Maria. Dès que je l'entendais, je me sentais complètement enveloppé par la musique.

Certaines de mes histoires préférées viennent de la Bible, comme l'histoire de David contre Goliath. Beaucoup d'entre elles utilisent un langage imagé et symbolique qui me permet de visualiser les scènes, et cela m'aide à comprendre le récit. Il y a beaucoup de très beaux passages dans la Bible, mais j'aime particulièrement l'épître aux Corinthiens : « La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle n'est pas envieuse ; la charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ; elle ne fait rien d'inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s'irrite pas, ne tient pas compte du mal ; elle ne se réjouit pas de l'injustice mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout. [...] Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d'entre elles, c'est la charité. »

On dit que chacun connaît un moment parfait, de temps en temps, une expérience de paix complète et de lien avec le monde, comme quand on regarde la vue depuis la tour Eiffel ou qu'on contemple une étoile en train de mourir. Je n'ai pas vécu beaucoup de moments de cet ordre, mais comme dit Neil (le compagnon de Daniel), ce n'est pas grave car ce qui est rare est encore plus particulier. Le plus récent est survenu l'été dernier à la maison - ces moments surviennent souvent quand je suis à la maison - après un repas que j'avais fait et partagé avec Neil. Nous étions assis tous les deux dans le salon, rassasiés et heureux. Soudain, je fis l'expérience de m'oublier moi-même et, pendant ce moment bref et brillant, j'eus l'impression que toute mon anxiété et mon mal-être disparaissaient. Je me tournai vers Neil pour lui demander s'il avait ressenti la même chose. Cela avait été le cas.

J'imagine ces moments comme des fragments ou des éclats éparpillés sur une vie entière. Si quelqu'un pouvait les coller bout à bout, il obtiendrait une heure parfaite, voire une journée parfaite. Et je pense que cette heure ou cette journée le rapprocherait de ce qui fait le mystère d'être un humain. Ce serait comme un aperçu du paradis.

Daniel Tammet, Je suis né un jour bleu.



Cerveau & lecture

Sleon une édtue de l'Uvinertisé de Cmabrigde, l'odrre des ltteers dnas un mot n'a pas d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire soient à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlblème. C'est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmée, mias le mot cmome un tuot.   


lundi, janvier 07, 2013

Le secret de Superman




Le secret de Superman ou comment léviter grâce à la supraconductivité.

Qu'est-ce que la supraconductivité ?

« Est-ce un oiseau ? Est-ce un avion ? Non, c'est Superman ! » L'identité cachée de Clark Kent, révélée dans les années 1920, doit beaucoup au concept d'Obermensch de Nietzche, mettant en jeu un surhomme protecteur qui dominerait des êtres inférieurs. Cependant, le super-héros n'a pas toujours été le défenseur de la veuve et de l'orphelin qu'on connaît, avec des débuts moralement moins irréprochables qu'il n'y paraît. Quoi qu'il en soit, Superman a été créé à une époque où le préfixe « super » était utilisé pour renforcer toutes sortes de concepts. Auparavant, « super » apparaissait surtout dans des termes techniques : superposition, superviser, ou encore superintendant... La période qui a donné naissance à notre héros à la cape rouge a apporté de nouveaux mots, banalisant l'utilisation de ce préfixe supermarché, supertanker ou encore superstar Puis sont venus superordinateur, superglue, superpuissance. Plus récemment encore, le staphylocoque doré est devenu la première superbactérie.

En 1911, dans son laboratoire de Leiden, aux Pays-Bas, Kamerlingh Onnes découvrit un phénomène surprenant, qui transformait radicalement les propriétés du mercure à. basse température. Il devenait un superconducteur, caractéristique qui lui valut le nom de suprageleider, « supraconducteur » en français. Cette découverte a été faite plus d'une décennie avant la naissance de Superman, mais le rapprochement peut facilement être effectué : tout comme le héros de BD pouvait défier la gravité comme aucun autre homme, un supraconducteur défiait les lois usuelles de l'électricité comme aucun autre matériau connu avant lui. Un supraconducteur n'est pas juste un SUPER conducteur, mais est d'une tout autre nature, aussi étrange que peut l'être un visiteur de la planète Krypton qui porte ses sous-vêtements au-dessus de son pantalon.

Un matériau peut être classé en fonction de sa capacité à conduire l'électricité. Les métaux, or et cuivre en tête, sont des matériaux conducteurs. Les électrons peuvent y circuler librement, et ainsi conduire l'électricité. On s'en sert notamment pour fabriquer des fils électriques. De nombreux plastiques et caoutchoucs sont des isolants : ils ne conduisent pas l'électricité. Les électrons y sont liés aux atomes les constituant et ne peuvent donc pas circuler librement. Les isolants servent notamment à envelopper les fils électriques, afin de permettre leur manipulation sans risque d'électrocution. Entre ces deux extrêmes, on trouve les matériaux semi-conducteurs (expression inventée au XIXe siècle, décrivant la nature « ni tout à fait l'un, ni tout à fait l'autre » de ces matériaux), comme le silicium ou le germanium. Matériaux de base des transistors et des puces électroniques, les semi-conducteurs ont un comportement très proche des isolants. Mais il est possible de leur imposer de devenir conducteur en y ajoutant des impuretés. Toutefois, les propriétés découvertes par Onnes ne correspondaient à aucune de ces trois catégories.

Pour bien se rendre compte de l'étrangeté du phénomène de supraconductivité, il suffit d'imaginer une bobine fermée constituée de fils supraconducteurs qu'on soumettrait à un courant électrique. Nous reviendrons plus tard sur la mise en place d'un tel dispositif, mais le résultat est spectaculaire. Un courant électrique commence alors à circuler dans la bobine, sans qu'aucune alimentation ne soit plus nécessaire. Quelle vision extraordinaire se présente alors à nous : un circuit fermé dans lequel circule un courant qui ne s'atténue pas, sans aucune source d'énergie présente. Tout cela fait fortement penser au mouvement perpétuel, concept considéré depuis toujours comme une utopie, ou, lorsqu'on présentait un dispositif semblant fonctionner, comme une supercherie. Mais là, aucun trucage en vue. Des scientifiques sont effectivement parvenus à créer, au sein d'un matériau supraconducteur, un courant électrique qui circulait encore des décennies plus tard. Même en l'absence de source d'alimentation en énergie, le courant circule tant que personne ne décide d'interrompre l'expérience.

La supraconductivité était un phénomène qui n'existait tout simplement pas avant le XXe siècle. Aucun indice ne laissait supposer son existence, et rien ne permettait même de l'envisager. Et pourtant, comme nous le verrons plus loin, les premiers pas y menant avaient déjà été effectués au XIXe siècle. Une fois la supraconductivité découverte, il aura fallu 50 ans pour développer une première théorie satisfaisante expliquant le phénomène, et le demi-siècle qui suivit aura apporté des résultats expérimentaux étonnants, montrant à quel point notre compréhension de ses effets est encore loin d'être entière. Malgré cela, les bobines supraconductrices sont utilisées tous les jours dans les hôpitaux, lors d'une IRM (Imagerie à Résonance Magnétique), ainsi que dans le MAGLEV, train à haute vitesse japonais. La supraconductivité, ça fonctionne, et on en a la preuve jour après jour.

Pour voir à quel point la supraconductivité est fondamentalement différente du comportement classique d'un matériau, considérons la situation suivante : lorsqu'un fil est traversé par un courant électrique, il chauffe. Ce phénomène est connu sous le nom d'effet Joule, en l'honneur du scientifique et brasseur James Prescott Joule, qui le caractérisa au XIXe siècle. Cet échauffement est généralement faible, même si l'existence de courants trop importants dans un fusible le fait fondre, ce qui coupe le circuit. La rupture d'un fusible est un élément de sécurité d'un circuit électrique, mais tout fil électrique trop fin est également susceptible de fondre de la même façon. Il doit donc être suffisamment épais pour supporter l'échauffement dû au courant qui le traverse. D'où vient cet échauffement ? Pour le comprendre, on peut comparer l'ensemble d'électrons libres, porteurs de charges électriques au sein du métal constituant le fil, à un essaim d'abeilles. Le mouvement de chaque individu pris séparément y semble désordonné. Faire passer un courant électrique à travers un fil est comme essayer de canaliser le mouvement de l'essaim dans une direction particulière, le tout à l'aide d'une légère brise. L'essaim dans son ensemble se déplace dans la direction voulue, mais chacune des abeilles continue de se déplacer dans tous les sens, rebondissant sur les obstacles se trouvant sur son chemin. Chacun de ces chocs entraîne une dissipation d'énergie, même légère, provoquant un échauffement de l'objet avec lequel l'abeille est entrée en collision. Il suffit alors de remplacer les abeilles par des électrons pour comprendre l'effet Joule. Ces collisions sont à l'origine d'applications utiles. Elles permettent à une bouilloire de chauffer de l'eau ou à un toaster de griller nos tartines. Mais ce transfert de chaleur du nuage d'électrons vers les atomes des fils électriques représente aussi la perte d'une part non négligeable de la précieuse énergie produite dans les centrales et qui voyage à travers nos réseaux électriques. Dans un fil électrique, l'effet Joule est synonyme d'énergie gaspillée.

Dans un supraconducteur, en revanche, l'effet Joule est inexistant. C'est comme si tous les frottements avaient été supprimés, et que les abeilles se contentaient de gentiment suivre le mouvement de l'essaim, sans entrer en collision avec quoi que ce soit. Une bobine supraconductrice peut donc conduire le courant en ne présentant aucune résistance électrique. Le courant circulera alors encore et encore, malgré l'absence d'apport d'énergie nécessaire pour compenser d'éventuelles pertes. Si on parvenait à rendre un matériau supraconducteur à température ambiante, cela révolutionnerait le mode de transport de l'énergie électrique, et les conséquences sur notre technologie seraient nombreuses. Kamerlingh Onnes a rapidement mesuré l'impact de sa découverte, et a imaginé la fabrication de bobines supraconductrices. Celles-ci pourraient agir comme de puissants électroaimants, et produire des champs magnétiques intenses sans aucune source d'énergie pour les alimenter. Ses rêves sont aujourd'hui devenus réalité. Ainsi, lors d'une IRM, les champs magnétiques nécessaires à l'obtention d'une image sont produits par des bobines supraconductrices.

Malheureusement, il reste un inconvénient pour l'instant rédhibitoire. Pour qu'un matériau puisse avoir des propriétés supraconductrices, il doit être placé à très basse température. C'est pourquoi, la découverte de la supraconductivité n'a pu avoir lieu que suite au développement de techniques de refroidissement à très basse température. Et si nous avons l'intime conviction qu'il sera un jour possible d'obtenir de la supraconductivité à température ambiante, nous n'avons encore aucune idée sur le moyen d'y parvenir.

Stephen Blundell, « La supraconductivité ».


La supraconductivité 
100 ans après

La supraconductivité est l'un des domaines de recherche les plus fascinants de la physique : à très basse température, certains matériaux se mettent à conduire le courant électrique sans pertes, et font léviter les aimants ! Découverte il y a exactement 100 ans, elle a défrayé la chronique à la fin des années 1980 quand de nouvelles classes de matériaux « à haute température critique » ont vu le jour. Ces températures relatives « chaudes » ( 130 °C tout de même) laissaient entrevoir des applications inédites, tout en fragilisant l'explication théorique admise jusque-là. La recherche a rebondi encore tout récemment, quand d'étranges composés à base de fer se sont révélés supraconducteurs.

Cet ouvrage propose la première introduction à cette énigme de la physique moderne. Il détaille la découverte de la supraconductivité, et l'incroyable frénésie créatrice qui s'est emparée des chercheurs pour en percer théoriquement les mécanismes, sans oublier les multiples applications, de l'IRM aux trains à sustentation magnétique.



dimanche, janvier 06, 2013

Contes



Illustration du conte "La princesa Li", publié par la maison d'édition Nube Ocho - DR 


Il était une fois une princesse... amoureuse d’une jeune fille.


En Espagne, de petites maisons d'édition rompent avec la tradition en publiant des histoires pour enfants avec des personnages homosexuels. De nouvelles références pour les nouvelles générations.

Une petite fille qui a mis la main sur un crayon magique grâce auquel tout ce qu'elle dessine devient réalité, et une princesse que son père veut marier à quelqu'un qui n'est pas son grand amour : telles sont les héroïnes des premiers contes publiés par Nube Ocho, une nouvelle maison d'édition.
Qu'ont-elles de particulier ? Eh bien, la petite fille a deux papas et la princesse n'est pas amoureuse d'un fringant jeune homme, mais d'une courageuse étrangère.

"Ce sont les livres que notre génération n'a pas pu lire", explique Luis Amavisca, le fondateur de cette petite maison qui vient de faire paraître "El lapicero mágico" et "La princesa Li", en collaboration avec Egales, un éditeur qui depuis vingt ans publie des ouvrages en rapport avec l'homosexualité. Nube Ocho rejoint ainsi d'autres petites maisons d'édition comme A Fortiori et Topka, qui, depuis une dizaine d'années, s'efforcent de pallier l'absence de références littéraires pour des familles de plus en plus nombreuses à sortir du schéma traditionnel, que ce soit par l'orientation sexuelle des parents ou parce qu'elles vivent le divorce, l'adoption, le handicap ou l'immigration.

Des ouvrages pour tous les publics

Luis Amavisca, un artiste plasticien qui s'est lancé dans l'édition et l'écriture, tient à préciser que ses ouvrages ne s'adressent pas seulement à la communauté LGBT (lesbienne, gay, bisexuelle et transsexuelle) "mais aussi, et peut-être plus encore, aux hétérosexuels". "Bien des adultes auraient intérêt à les lire pour remettre en question leur propre éducation et mieux se préparer à aborder le sujet avec les nouvelles générations", estime-t-il.

"Il y a une volonté marquée de faire entrer dans la littérature jeunesse des sujets qui sont déjà une réalité dans la rue et à l'école", souligne Victoria Fernández, directrice de la revue spécialisée Clij, qui rappelle les deux premiers titres du genre publiés en Espagne, "Oliver Button es una nena" (1979, sorte d'ancêtre de Billy Elliot [paru en français sous le titre "Olivier Bouton est une poule mouillée"]) et "El príncipe Ceniciento" (1998 [Cendrillon au masculin, paru en français sous le titre "Le Prince Gringalet"]).

Productions originales

A la différence des poids lourds de l'édition, qui le plus souvent font traduire en espagnol des livres qui ont fait un tabac aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, les petites maisons cherchent à se faire une place en publiant des productions originales, contenant parfois des textes des éditeurs eux-mêmes, et agrémentées d'illustrations soignées.

Les tirages sont faibles, et ces éditeurs ont trouvé en Internet leur meilleur allié. S'ils sont bien distribués dans les supermarchés de la culture et dans les petites librairies, ils peinent à obtenir de bons emplacements. Pour ce faire, il leur faut absolument nouer une relation privilégiée avec les libraires spécialisés afin de leur expliquer la philosophie qui sous-tend ces contes et de les convaincre de leur intérêt.

"Il y a un marché, il y a des auteurs, mais les éditeurs regardent ailleurs et ne prennent de risque que quand le livre a déjà eu du succès dans un autre pays", affirme Lucía Moreno, la créatrice de Topka, qui a publié depuis 2006 seize contes, tous bilingues anglais-espagnol, comme d'ailleurs les deux premiers de Nube Ocho. Le plus vendu, "El amor de todos los colores" ["L'amour de toutes les couleurs"], tiré à 2 500 exemplaires, est en passe d'être épuisé.

"Les contes traditionnels sont une horreur"

A Fortiori, née deux ans plus tôt, a déjà fait paraître quatorze contes et trois volumes de poésie, "pour toutes les familles, y compris celles qui ne sont pas défendues par les évêques", explique sa fondatrice, Natividad de la Puerta. Docteur en histoire économique et "agitatrice culturelle", l'éditrice raconte que ses livres sont nés de la volonté d'offrir à ses petits-enfants des contes d'un autre genre, qui promeuvent le respect de la diversité. "Les contes traditionnels sont une horreur. Franchement, quelles sont les valeurs prônées par Hansel et Gretel ? Les deux héros sont des imbéciles, excusez-moi, et en plus à la fin ils tuent la sorcière et la volent", plaisante-t-elle.

Tout comme cette petite maison d'édition "kamikaze", comme la qualifie Natividad de la Puerta, Nube Ocho et Topka sont nées des préoccupations personnelles de ses fondateurs, qui ne trouvaient pas ce qu'ils cherchaient en Espagne : Lucía Moreno, en tant que maman lesbienne d'enfants adoptés et handicapés, et Luis Amavisca, qui a vu les neveux de son mari libanais l'accepter sans a priori, malgré les tabous qui pèsent sur l'homosexualité dans ce pays du Moyen-Orient.

Les trois éditeurs s'accordent tous à dire que dans leurs livres la diversité, qu'elle soit sexuelle, raciale ou autre, est certes une caractéristique des personnages, mais ne constitue pas le moteur du récit ni le motif du conflit. "Nous voulons faire des livres amusants, qui plaisent aux enfants et qui transmettent les valeurs que nous défendons", insiste Lucía Moreno. Comme dit Natividad de la Puerta, "les mentalités changent, il faut donner aux enfants la possibilité de lire autre chose".

Source :
http://www.courrierinternational.com/article/2013/01/02/il-etait-une-fois-une-princesse-amoureuse-d-une-jeune-fille 


"El lapicero mágico" et "La princesa Li"
http://www.chueca.com/tendencias/el-lapiz-magico-la-princesa-li-.html



Club du livre

Adhérez dès maintenant ! Et vous recevrez en cadeau de bienvenue les ouvrages suivants :
    Garder la forme et mourir quand même,
    Comment s'habiller quand on va aux toilettes,
    124 exercices pour tonifier vos dents,
    Trouver un appartement quand on est sataniste,
    Bronzer avec une lampe de poche,
    Comment transformer en partouze une Tupperware-party,
    64 bonnes raisons pour sombrer dans le désespoir.
George Carlin

Dictionnaire espiègle et loufoque, Editions Chiflet.





samedi, janvier 05, 2013

La croisade des Chevaliers de la Croix-Blanche




Un soir, place de l'Odéon, je fus attiré par un attroupement qui me sembla prometteur de joies profondes. Au pied de la statue de Danton, un homme d'une cinquantaine d'années, vêtu avec l'élégance d'un ancien élève de Sciences Po, agitait des pancartes sur lesquelles on lisait :

REFUSEZ L'ABRUTISSEMENT !
PAUVRES IMBÉCILES QUI ADMIREZ VOLTAIRE, SOUVENEZ-VOUS QUE CE PHILOSOPHE A ÉCRIT :
« LES FRANÇAIS SONT LES RÉSIDUS, LES EXCRÉMENTS DU GENRE HUMAIN. »
(Discours aux Welches.)

Et
« JE MOURRAI BIENTÔT ET CE SERA EN DÉTESTANT LA FRANCE, PAYS DE SINGES ET DE TIGRES OU LA FOLIE DE MA MÈRE ME FIT NAÎTRE. »
(Lettre du 7 août 1766 à D'Alembert.)

Et encore :
« L'UNIFORME PRUSSIEN NE DOIT SERVIR QU'A FAIRE METTRE A GENOUX LES FRANÇAIS. »
(Lettre de mai 1775 à Frédéric II de Prusse.)

VOILA L'ÉCRIVAIN QUI EST VOTRE DIEU ! 
ON VOUS ABÊTIT !
REFUSEZ LES RITES DE LA VIE MODERNE !
ON FLATTE VOS VICES !
L'ARGENT et LE SEXE MÈNENT LE MONDE !
NE SOYEZ PLUS ESCLAVES !
VIVE LA LIBERTÉ !
ANTARÈS

Au moment où je me mêlais aux badauds, l'orateur s'en prenait à un personnage qui, au premier rang, tenait à la main un journal du soir.
Vous n'avez pas de haut-le-cœur, monsieur ?

L'autre parut effaré derrière ses lunettes.
— Non. Pourquoi ?
A votre place, j'aurais un goût amer dans la bouche. Vous vous nourrissez de sang et de sexe...

Et, désignant le journal du brave homme dont les gros yeux de myope s'agitaient avec angoisse, il ajouta :
Un bel assassinat vous fait plaisir, une éruption volcanique — pour peu qu'elle ait fait trois mille victimes — vous met en train pour la journée, et les détails d'un accident de chemin de fer vous font passer une soirée agréable... Quant à un bel adultère...

L'autre se révolta :
— En voilà assez !
Mais non. Vous êtes un sadique qui s'ignore...

Antarès dépassait les bornes et la foule prit la défense du myope. Les insultes, les quolibets et les lazzi plurent sur la tête du vitupérateur du monde moderne qui se contentait de sourire.

— Alors vous ne lisez jamais aucun journal ? lui demanda finalement un jeune homme.

Non, monsieur ! Il y a vingt ans que je n'ai pas sali mon regard contre ces ordures.

Il y eut un silence que l'individu rompit :
Je ne possède pas non plus un de ces appareils destinés à l'abrutissement des masses. Je veux parler de la radio et de la télévision.

Comme ces dernières paroles avaient été accueillies avec indifférence, il résolut probablement de frapper un grand coup et, mettant le feu à un billet de mille francs, il alluma une cigarette. La foule eut le souffle coupé. Puis il y eut une rumeur scandalisée et les badauds s'éparpillèrent.
— C'est un fou ! criait une femme. On devrait l'enfermer !
— A Charenton ! disait une autre.
— Ah ! Il y a des coups de pied qui se perdent ! dit un home en s'éloignant. Et il indiqua en peu de mots l'endroit où, d'après lui, ces coups de pied eussent été plus à leur place...

Quand tous les badauds eurent disparu, je m'approchai du curieux personnage avec un air complice :
— Vous les avez ébahis !

Il se rengorgea :
J'espère les avoir scandalisés... J'aime montrer, de temps en temps, à ces petits bonshommes minables en quel mépris il faut tenir l'argent.

Il me parut opportun et diplomate d'acquiescer.

Je vois que vous n'êtes pas un médiocre, me dit-il.
(Ce monsieur tenait d'étranges propos, mais son jugement était sain.)

Mis en confiance, il m'expliqua qu'il appartenait à un groupe, « Les Chevaliers de la Croix-Blanche », dont le but était de rendre un peu de sa dignité à l'homme.
Nous combattons la presse, la radio, la télévision, l'armée et les dessins animés. Toutefois, l'argent est notre ennemi n° 1. Il est à l'origine du désordre moral qui règne chez nos contemporains et nous devons le détruire. Notre tâche est belle et, si nous devions donner un sous-titre à notre groupe, je crois que nous reprendrions le nom qu'avait choisi Léon Bloy: « Entrepreneur de démolitions » Nous démolissons les fausses idoles.

— Êtes-vous anarchiste ?

Sa réponse fut catégorique :
Oui et non !

Et il ajouta en clignant de l'œil :
Vous me comprenez ?
— Bien sûr, dis-je d'un ton ferme.
Aussi, notre but n'est-il pas de faire sauter la Banque de France ou de tuer les gens riches. Il est plus philosophique. Nous procédons, chaque mois, dans mon appartement, à une destruction symbolique du Veau d'Or. Si Cela peut vous intéresser, je vous invite. Voici ma carte. Notre prochaine réunion a lieu samedi.

Avant de le quitter, je lui posai une dernière question :
— Les textes que vous citez sur vos banderoles sont bien de Voltaire ?
Exactement, monsieur. Cet écrivain détestait la France. Il n'eut pas de mots assez durs pour parler des Français. Or, voyez à quel point d'abrutissement nos compatriotes sont arrivés : ils le considèrent comme l'esprit le plus éclairé de tous les temps...

D'autres badauds commençaient à s'arrêter devant les écriteaux. Le Chevalier Antarès allait reprendre ses diatribes contre les méfaits du modernisme. Je m'éloignai...


Un rabbin affirme que les Juifs sont des extraterrestres venus pour « conquérir » la Terre.

Le rabbin Michael Laitman est l'auteur de "Kabbalah, Science and the Meaning of Life". Le livre retrace les étapes de l'év...