mardi, février 20, 2018

Qu'ont-ils fait du bouddhisme ?



Qu'ont-ils fait du bouddhisme ? 


Une analyse sans concession 
du bouddhisme à l'occidentale

de Marion Dapsance


« "Analyse sans concession." Le sous-titre de ce petit essai pouvait laisser craindre un énièrne exercice de dénonciation de l'impureté de notre rapport au bouddhisme. Or, si l'auteure ne se prive pas d'une certaine ironie envers les phénomènes de mode (l'art de faire des affaires - ou l'amour, ou du sport... - « en pleine conscience »), elle prend vite un chemin moins fréquenté : celui qui mène aux sources de cette invention, par l'Occident, d'un bouddhisme à sa main. « Le Bouddha est devenu philosophe quand nous avons cessé d'être chrétiens », écrit cette anthropologue, auteure des « Dévots du bouddhisme » (Max Milo, 2016), qui avait créé quelques vagues en opposant à notre version éthérée de cette supposée « sagesse » la réalité orientale de ce qui demeure une religion.

Quelle fonction remplit le double que nous en avons fabriqué ?

Marion Dapsance débouche sur la figure d'un contre-modèle du christianisme qui, ayant partie liée aux processus européens de sécularisation commencés au XIXe siècle, n'avait en somme que faire d'une fidélité à sa source. Un bouddhisme non pas réformé mais réformateur – instrument d'un rapport de l'Occident avec lui-même. »


FI. GO. 

Qu'ont-ils fait du bouddhisme ?


EXTRAIT

Sauf pour une minorité de pratiquants assidus et d'érudits avisés, le bouddhisme est aujourd’hui associé au matérialisme, à l’individualisme et au capitalisme. Il suffit d’accoler « méditation »,« pleine conscience » ou « sagesse bouddhiste » à toutes les activités quotidiennes pour que celles-ci deviennent du même coup « spirituelles ». Manger « en pleine conscience », avoir des relations sexuelles avec qui l’on veut « en pleine conscience » ou faire des affaires « en pleine conscience », tout cela va à l’encontre du bouddhisme traditionnel, mais plaît aux Occidentaux, qui entretiennent ainsi l’illusion de ne pas être de simples consommateurs. 

Cependant, peut-on encore parler de « spiritualité », c’est-à-dire de prééminence de l’esprit sur le corps, quand aucune restriction ni aucun sacrifice ne sont exigés , quand il ne s’agit plus que de « vivre dans le moment présent » et de « s’aimer soi-même », quand les questions de la mort et du sens de la vie sont presque totalement évacuées ? 

Suffit-il de s’absorber entièrement dans une activité pour qu’elle devienne par là même « spirituelle » ? 

Et si le bouddhisme et la méditation à l’occidentale se sont éloignés de leurs modèles asiatiques, sur quelles nouvelles bases culturelles et sociales se sont -ils fondés en Occident ? 

Rappelons en effet que, traditionnellement, les pratiques bouddhiques n’ont jamais eu pour but la relaxation du corps ou de l’esprit. Si les ascètes bouddhistes pratiquaient l’attention aux mouvements incessants du corps et de l’esprit, ce n’était pas pour s’y sentir mieux mais, au contraire, pour réaliser qu’ils étaient transitoires, impermanents, illusoires. 

Par exemple, le méditant devait considérer son corps comme un cadavre en devenir, une source de souffrances sans fin, un ensemble d’éléments composites sur lequel aucun bonheur durable ne saurait être fondé. L’idée d’être une personne à part entière, dotée d’une identité propre, avec ses goûts, ses préférences et ses désirs constitue pour les bouddhistes la grande illusion à éradiquer, celle qui, précisément, conduit à la souffrance éternelle. Chercher à assouvir ses envies, mettre en œuvre des stratégies pour atteindre ses objectifs, tâcher d’améliorer ses conditions de vie sont, pour le bouddhisme, des désirs issus de la croyance erronée en la réalité d’un « soi » indépendant. Ces désirs entraînent celui qui les entretient dans la ronde sans fin de l’illusion et de la souffrance (samsâra). Il s’agit alors de les anéantir ou, selon les traditions tantriques, de les transmuter. 

Le désir est ainsi souvent symbolisé par la femme : dans le bouddhisme ancien, l’un des exercices de visualisation les plus courants consistait à visualiser toute femme, vivante ou imaginée, sous la forme d’un sac de pus et d’excréments, ou encore d’un futur cadavre en putréfaction. La tendance du tantrisme visait au contraire à attiser le désir, mais à le dévier de sa route habituelle en dirigeant le plaisir vers des centres psychosomatiques plus élevés — les chakras, ou « roues » supérieures, selon les conceptions physiologiques de l’Inde ancienne. 


Nous sommes là bien loin de nos pratiques contemporaines, destinées à affiner le plaisir procuré par les sens en y portant toute son attention, ou à calmer son esprit dans le but de le rendre plus performant dans la vie quotidienne. 

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