jeudi, janvier 03, 2013

Révélations d'un chef lakota





« Il est temps que les Indiens fassent connaître au monde ce qu'ils savent... sur la nature et sur Dieu. Je vais donc vous dire ce que je sais et qui je suis. Vous feriez bien de m'écouter. Vous avez tellement à apprendre ! »

QUI JE SUIS

« Je suis un Indien. Je suis un des enfants de Dieu. Mon nom indien est Noble-Red-Man. C'était le nom de mon grand-père. Je suis un chef. Je dis ce que j'ai à dire. C'est mon devoir. Si je ne le dis pas, qui le fera entendre à ma place ?

Je suis un prophète indien. Je peux voir l'avenir. J'émets des prophéties sur ce qui va arriver. Je peux regarder dans vos yeux, ou dans votre cœur, et savoir si vous mentez ou si vous essayez de tricher, si vous avez l'intention de nuire aux Indiens. Considérez-moi comme un chef lakota. Je suis le porte-parole des chefs. Je chemine avec le Grand Esprit, avec Dieu. Je Lui parle. Le Grand Esprit est mon guide dans l'existence. Parfois II vient et m'indique ce que je dois dire. D'autres fois, je ne m'exprime qu'en mon nom, au nom de Mathew King. »

LE POUVOIR DE LA PIPE

« J'ai en ma possession la pipe de paix de Red Cloud. On me l'a donnée quand on a fait de moi un chef. Au début, je ne voulais pas l'accepter. Red Cloud était un grand homme. Il a conclu tous ces traités. Il s'est battu quand il devait le faire, et il a vaincu les soldats de l'Homme Blanc. Il possédait de nombreux pouvoirs. Mais moi, je préfère résoudre mes problèmes par la paix. Je possède aussi les pipes de Black Bear et de mon grand-père Noble-Red-Man. La pipe de paix est notre seule arme. Elle est notre pouvoir sacré, le pouvoir de Dieu. La Pipe est un médiateur entre l'homme et Dieu. Pour recevoir la Pipe, le don de Dieu, il faut être pur dans son cœur, dans son esprit, dans son corps et dans son âme. Et ne pas oublier qu'après les prières, nous avons cette vie à vivre, en compagnie de Dieu. C'est la partie la plus difficile. »

DIEU A FAIT TOUTES LES CHOSES SI SIMPLES

« Dieu a tout créé d'une manière si simple. Nos vies sont très simples. Nous faisons ce que nous voulons. La seule loi à laquelle nous devons obéir est la loi naturelle, la loi de Dieu. Nous n'en reconnaissons aucune autre. Nous n'avons pas besoin de votre Église. Les Black Hills sont notre Église. Nous n'avons pas non plus besoin de votre Bible. Notre Bible, ce sont le vent, la pluie et les étoiles. Le monde est une bible ouverte, et nous autres, Indiens, l'étudions depuis des millions et des millions d'années.

Nous avons appris que Dieu dirige l'Univers, et que tout ce qu'Il a créé a reçu la vie. Même les pierres sont vivantes. Lorsque nous les utilisons dans nos huttes à sudation, nous leur parlons, et elles nous répondent. »

COMMENT ON PARLE À DIEU

« Quand nous sommes en quête de sagesse, nous grimpons sur une montagne et parlons à Dieu. Quatre jours et quatre nuits, sans nourriture et sans eau. Vous aussi, vous pouvez parler à Dieu de cette manière. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez. Il n'y a personne pour vous entendre. Ça reste entre Dieu et vous. C'est très impressionnant de Lui parler. je le sais. Je l'ai fait, là-haut dans la montagne. je me suis tenu debout, dans le vent froid et la nuit, et j'ai parlé à Dieu. »

LES REMÈDES DE DIEU

« Un jour, clans la montagne, j'ai prié Dieu qu'il nous accorde un remède pour guérir le diabète. Tandis que je priais, une voix m'a ordonné : "Tourne-toi !". Je me suis retourné, et me suis trouvé en face de la plus belle Indienne que j'aie jamais vue. Elle avait de longs cheveux noirs et un visage absolument merveilleux. J'ai vu qu'elle tenait quelque chose pour moi dans sa paume. C'étaient de petites baies bleu sombre, de celles qui poussent sur les cèdres. Elle me les tendait, mais elle disparut avant que j'aie pu les prendre. Je sais qui était cette femme. C'est elle qui a apporté la Pipe Sacrée à notre peuple. Nous l'appelons la Femme-Bison-Blanc. Dieu l'a envoyée, dans des temps très anciens, pour sauver les Indiens. À cette époque, nous avions faim et nos enfants pleuraient. Nos chasseurs avaient beau aller très loin et faire de grands cercles dans la prairie pour tuer des bisons et d'autres bêtes sauvages, ils ne rapportaient rien, pas même un lapin ou un oiseau. Nous étions punis pour nous être éloignés de Dieu et L'avoir ignoré. Nous subissions Sa colère, mais même ainsi, Il ne cessait pas de nous aimer. Il voulait faire don de la Pipe à Ses enfants indiens, afin qu'ils puissent prier et parler avec Lui quand ils le désireraient. Il nous a donc envoyé cette très belle Femme-Bison-Blanc. Elle a fixé sur son dos le paquet contenant la Pipe, puis elle s'est mise en route pour l'apporter aux Lakotas. Chemin faisant, elle a rencontré deux guerriers. Elle a posé son paquet sur le sol pour les observer. Ils ont été frappés par sa beauté. Vrai, on ne résiste pas à une femme comme ça ! Aucun homme n'est assez fort pour résister à une femme, d'ailleurs. C'est tout simplement impossible ! Quand il l'a vue, le premier guerrier a été si effrayé qu'il est tombé là terre, incapable de faire un mouvement. Mais le second, troublé par sa grâce, a eu des pensées mauvaises à son endroit. Celui-là, elle l'a fait venir près d'elle, et quand il l'a rejointe, un nuage les a enveloppés tous les deux. Lorsque le nuage s'est dissipé, il ne restait plus de lui qu'un squelette. Dieu ne tolère pas les pensées impures ! En découvrant cette femme splendide près de moi sur la montagne, j'ai su aussitôt qu'il s'agissait de la même. Mais elle a disparu avant que je puisse prendre les baies qu'elle tenait dans sa main. Plus tard, j'ai souffert du diabète, mais je n'ai plus repensé aux baies. On m'a envoyé voir les médecins de l'Homme Blanc. Ils m'ont donné des pilules. Chaque matin, je devais prendre de l'insuline. J'ai passé aussi beaucoup de temps à l'hôpital. Puis un jour, je me suis souvenu de la Femme-Bison-Blanc et de ses petites baies de cèdre. J'en ai cueilli quelques-unes, je les ai faites bouillir, j'ai extrait leur jus et je l'ai bu. Il était si amer qu'il a fait sortir tout le sucre de mon corps. Les médecins qui m'ont ausculté ensuite n'en revenaient pas. Ils m'ont dit que je n'avais plus de diabète, que je n'avais plus besoin de prendre de l'insuline. Ils m'ont demandé comment j'avais fait, mais je ne leur ai rien dit. Dieu nous donne des remèdes pour que nous les partagions avec les autres, mais si l'Homme Blanc met la main dessus, il vous les vendra au prix fort, en vous laissant mourir si vous n'avez pas de quoi payer. La médecine de Dieu est gratuite, Il ne demande pas d'honoraires. Nous ne Lui donnons pas d'argent. Nous lui offrons nos prières, nos remerciements, et quelquefois la seule chose qui est réellement à nous : notre chair, notre souffrance. C'est là le sens de la danse du Soleil : offrir à Dieu notre corps, notre douleur et — ce qu'il ne faut jamais oublier — une prière de remerciements. »

L'HOMME BLANC SE TROMPE SUR TOUT

« L'Homme Blanc prétend que nous sommes belliqueux, alors que nous sommes pacifiques. Il nous traite de sauvages, mais c'est lui qui est un sauvage. Regardez cette coiffure de plumes d'aigle, il appelle cela un bonnet de guerre. Bien sûr, nous l'utilisions autrefois pour la guerre, mais la plupart du temps, nous l'arborions pendant les cérémonies rituelles, et pas pour aller au combat. Chaque plume représente une bonne action, et ma coiffure en compte trente-six. Elles n'appellent pas à la guerre, elles montrent seulement qui nous sommes. De même, l'Homme Blanc appelle nos chants des chants de guerre, mais il s'agit en fait de prières que nous adressons à Dieu. Il dit aussi à tort que nos tambours sont des tambours de guerre, alors qu'ils nous servent uniquement à communiquer avec Dieu. Parler de "tambour de guerre" n'a aucun sens pour nous. Quand il observe comment nos guerriers se peignent le visage, il y voit encore des peintures de guerre. En réalité, ils ne se peignent pas pour se battre, mais pour permettre à Dieu de distinguer clairement leurs visages s'ils sont appelés à mourir. Comment, dans ces conditions, pouvons-nous parler de paix à l'Homme Blanc, quand il ne voit partout que la guerre ? »

LA RELIGION INDIENNE

« La religion indienne est aussi vieille que le Créateur. Dans notre mode de vie, ce sont les Anciens qui dispensent l'enseignement spirituel. Une sagesse vieille de plusieurs milliers d'années coule de leur bouche. Certains essayent d'apprendre ce que savent les Anciens. Ils dénichent un quelconque chef de pacotille, qui leur fait payer deux cent cinquante dollars pour une séance dans une hutte de sudation, et après cela ils croient tout connaître de la religion indienne. Mais vous ne pouvez pas acheter la religion de notre peuple. Nos cérémonies et nos cultes ne sont pas des marchandises. Et nous n'avons pas non plus l'intention de vendre les Black Hills. »

LES BLACK HILLS

« L'Homme Blanc nous propose cent millions de dollars pour nos Black Hills. Mais cent milliards de dollars ne suffiraient pas pour acquérir notre montagne sacrée. Pas plus que quatre cents milliards. Ils ne paieraient même pas les dégâts que vous avez faits. Vous ne pourrez jamais nous dédommager pour tout ce que vous avez volé et détruit. Vous ne pourrez jamais nous rembourser les milliers d'aigles que vous avez tué, ni les bisons et les autres bêtes sauvages. Et vous ne pourrez pas non plus effacer votre dette pour tous les Indiens que vous avez massacrés. Les Black Hills ne sont pas à vendre : nous sommes sortis de cette terre, nos ancêtres y sont enterrés, et nous y célébrons nos cérémonies sacrées. C'est le berceau et la terre sainte des Lakotas Que diriez-vous si nous vous offrions cent millions de dollars pour acquérir le Vatican ? Croyez-vous que c'est par hasard que vous nous avez ramenés de force dans les Black Hills et les Badlands, pour vous apercevoir ensuite que ces terres sont riches en or, en cuivre, en charbon et en uranium ? Aujourd'hui vous convoitez l'uranium. Mais vous ne l'aurez pas. Nous sommes les gardiens de l'uranium de Grand-Mère Terre. Si vous l'obteniez, vous ne vous en serviriez que pour détruire le monde créé par Dieu. »

VOUS NE NOUS AVEZ JAMAIS REMERCIÉS

« Vous nous avez tout pris et ne nous avez rien donné, mais le pire est que vous ne nous avez jamais remerciés. Vous devez changer vos manières. Je n'ai pas besoin de modifier les miennes, c'est vous qui devez vous corriger ! Moi, je vis selon la loi de Dieu, et je fais ce qu'Il désire. Nous, les Indiens, nous vivions heureux, jusqu'à ce que vous nous rendiez misérables. Qui vous a donné le droit d'agir ainsi ? Vous avez tué nos femmes et nos guerriers. Vous avez tué nos chefs. Vous nous avez volé notre terre, qui nous a été don-née par Dieu. Vous ne pouvez pas nous l'enlever ! » Mathew s'est levé. Ses yeux lancent des éclairs. Des échos de soufre et de feu résonnent dans ses paroles. Lorsqu'il crache ses vous, il n'accuse pas un quelconque Homme Blanc abstrait ; il s'adresse à nous, les deux Blancs assis en face de lui. Nous sommes les oppresseurs, les destructeurs, les meurtriers. Nous sommes l'ennemi !

UNE PROPHÉTIE : LA COLÈRE DE DIEU

« Je prédis de nombreuses choses qui finissent par se produire. Dieu va châtier le monde, Il est furieux. Je suis désolé de ce qui doit arriver. Il ne détruira pas le monde entier, mais toutes les créatures vivantes périront, et il faudra peut-être un million d'années avant que la vie réapparaisse. Grand-Mère Terre sera seule. Elle pourra se reposer. Tout cela à cause de la méchanceté de l'Homme Blanc. Vous tomberez, et votre chute sera très dure. Vous pleurerez, vous vous lamenterez. Vous comprendrez que votre punition, pour avoir détruit le monde de Dieu, est inéluctable. N'espérez pas lui échapper Dieu balayera le mal de toute la surface de la Terre. Vous pouvez déjà voir Ses signes : sur la côte Ouest, le volcan du mont Saint-Helens est un signe. Il y aura également des tremblements de terre ; la moitié de la Californie et peut-être celles de Washington et de l'Oregon disparaîtront sous les eaux. L'Est et le Sud subiront le même sort : on y verra des tremblements de terre, des éruptions volcaniques et des ouragans. [...]

C'est Dieu qui envoie Ses signes à l'Homme Blanc, qui le punit pour n'avoir pas réglé ses dettes avec l'Indien, pour avoir détruit la Terre par son avidité. Et cela ne fera qu'empirer, tant que vous n'aurez pas payé ce que vous nous devez, ce que vous nous avez promis... tant que vous ne nous aurez pas rendu ce qui nous appartient. Je vais maintenant vous apprendre la leçon la plus importante : rien ne peut être plus puissant que Dieu. Nous, les Indiens, nous n'avons pas peur de mourir. Nous irons dans un autre endroit, bien meilleur que ce monde, aussi ne craignons-nous pas la mort. Nous sommes prêts. Nous voulons seule-ment que vous le sachiez. Peut-être pourrez-vous changer, peut-être pourrez-vous arrêter ce qui est en marche. Il ne reste plus beaucoup de temps. C'est vraiment ce qui va arriver. Croyez-moi ! Et dites-leur à tous qu'ainsi parle Noble-Red-Man ! » […]

POST-SCRIPTUM

Depuis notre rencontre en 1983, Mathew King — le chef Noble-Red-Man — a rejoint son Créateur. Sa disparition nous rappelle une chose qu'il nous raconta lorsque nous nous entretînmes avec lui :

« La nuit dernière, nous confia-t-il, j'ai rêvé de ma femme pour la première fois depuis qu'elle m'a quitté, il y a maintenant quatre ans. Elle est apparue et m'a dit que tout est si tranquille là-haut. C'est un endroit bien meilleur, très différent de ce monde malade. "Nous avons une vie très agréable ici", m'a-t-elle expliqué. Elle voulait que je me dépêche de la rejoindre. Alors je lui ai répondu : "Ne sois pas impatiente. Il me reste beaucoup de choses à faire dans le monde. Attends-moi encore un peu, et je serai bientôt avec toi." »

Harvey Arden, Steve Wall, « Les Gardiens de la Sagesse ».




Les Gardiens de la Sagesse, ce sont les Indiens, aujourd'hui. Les auteurs les ont rencontrés juste avant la fin du millénaire. A travers leur quête, des représentants de nombreuses tribus s'adressent à nous, au monde, pour délivrer un message de sagesse, d'harmonie et de responsabilité. Parmi eux, deux grands hommes-médecine qui ont marqué le siècle, les Sioux oglalas Frank Fools Crow et Noble Red Man Mathew King. Par leurs paroles, ils nous rappellent leur identité propre mais aussi la nôtre, que nous avons occultée en oubliant nos traditions, mettant à mal notre milieu naturel et faussant nos relations avec lui. Fragiles dépositaires d'un savoir, d'une connaissance, remontant à plusieurs millénaires, le message des Indiens est précieux quant à notre avenir. Ils ne préservent pas leurs connaissances : ils les vivent !


mercredi, janvier 02, 2013

Les magouilles de la CIA en Asie centrale soviétique





Le livre de Steve Coll, « Ghost Wars », relate l'histoire des opérations secrètes menées par les services secrets américains en Asie centrale dans les années précédant le 11 septembre 2001. Parmi ses révélations, on découvre avec stupeur que les États-Unis mènent des incursions sur le territoire russe, risquant par-là de déclencher une guerre thermonucléaire au moment où les tensions de la guerre froide sont à leur comble.

Coll cite Robert Gates, à l'époque assistant du directeur de la CIA Williarn Casey, puis plus tard directeur lui-même, qui confirme que les moudjahidins soutenus par les États-Unis, « commencent des opérations de l'autre côté de la frontière de l'Union soviétique » au cours du printemps 1985. Ces attaques, dit-il, sont menées « avec l'assentiment de Casey. »

Mohammed Yousaf, alors officier du ISI, les services secrets pakistanais, se souvient qu'alors « Casey déclare qu'il y a une population musulmane importante de l'autre côté de l'Amu-Darya, que l'on peut amener à l'action, et qui est en mesure de faire de gros dégâts à l'Union soviétique. » Yousaf prétend que Casey a ajouté : « Nous devrions utiliser les traductions du Coran en langue ouzbèke réalisées par la CIA et tenter de soulever les populations locales contre eux. »

En avril 1987, les scandales de l'Irangate et des Contras font rage à Washington. Mais la CIA poursuit son ancien jeu préféré. « Au moment de la fonte des neiges, écrit Coll, trois unités équipées par l'ISI pénètrent secrètement en Asie centrale soviétique en traversant l'Amu-Darya. La première équipe tire une roquette contre un aéroport près de Termez en Ouzbékistan. La deuxième, un groupe d'une vingtaine de rebelles équipés de lance-roquettes et de mines antichars, a reçu comme instructions de l'ISI de monter des embuscades violentes le long d'une route longeant la frontière. Ils détruisent plusieurs véhicules soviétiques. Une troisième équipe frappe un site industriel situé à une quinzaine de kilomètres en territoire soviétique avec un tir de barrage de plus de trente roquettes explosives ou incendiaires de 107 mm. Les attaques ont lieu au moment où la CIA fait circuler les photos satellites d'émeutes à Alma-Ata (aujourd'hui Almaity), capitale d'une république soviétique d'Asie centrale. »

Finalement, « les Russes en ont assez des attaques sur leur sol. Alors qu'ils comptent leurs morts en Asie centrale en ce mois d'avril, ils envoient des émissaires à Istanbul et Washington avec un message très clair dans lequel ils menacent « la sécurité et l'intégrité du Pakistan », en clair, une invasion... les attaques cessent. »

Plusieurs des dirigeants d'Asie centrale actuels sont déjà en poste à l'époque, ils ont tous d'importantes responsabilités dans leurs républiques respectives. Leur souvenir de la campagne des États-Unis visant à mettre à bas l'Union soviétique, au final couronnée de succès, ne doit pas avoir disparu de leur mémoire.
Ted Rall


The Secret History of the CIA, Afghanistan and Bin Laden




mardi, janvier 01, 2013

Bonne année 2013, santé & reishisse !





Tout augmente : les prix, les taxes, les impôts, le chômage... Pour ne pas se retrouver sur le pavé, il faut se résoudre à gagner un peu plus d'argent. 

Dans un pays qui compte 5 millions de chômeurs, il est difficile d'avoir une seconde (ou même une première) activité salariée. Quand le salariat disparaît, il ne reste plus que la création d'une petite entreprise qui ne connaît pas la crise. Faire du business dans le domaine de la santé et du bien-être permettait d'avoir le beurre et l'argent du beurre, ou plus exactement le reishi et l'argent du reishi.

Le reishi ou lingzhi (ganoderma lucidum) est un champignon aux vertus médicinales intéressantes, « miraculeuses », disent les petits malins qui le commercialisent dans une structure comme Organo Gold.

Selon les principes de la commercialisation à paliers multiples, Organo Gold incite ses collaborateurs à profiter de leurs amis et de leur famille pour vendre du café, du thé ou du chocolat contenant un peu de poudre du champignon prétendument miraculeux. Imaginez la tête des acheteurs (amis et parents du vendeur) quand ils découvrent que le prix des boissons Organo Gold est dix fois plus élevé que le prix normal.

Pour espérer un effet bénéfique sur la santé, « il est recommandé de consommer au moins deux fois par jour une boisson Organo Gold contenant du reishi » (dixit un vendeur), cela représente une dépense de 50 euros par mois. Le prix minimum d'une cure Organo Gold de douze mois s'élève donc à 600 euros. En réalité, le véritable prix du reishi est de seulement 60 euros pour une cure annuelle de gélules contenant les extraits des principes les plus actifs du champignon (une société thaïlandaise vend des gélules de reishi à ce prix). Le coût du champignon est encore plus attractif quand il est commercialisé sous forme de poudre ou de lamelles séchées (sociétés chinoises ou vietnamiennes).

« En raison de son possible effet hypotenseur, le reishi pourrait être contre-indiqué chez les personnes souffrant d’hypotension artérielle. À cause de son possible effet anticoagulant, le reishi serait déconseillé en cas de thrombocytopénie, ainsi qu’avant et après une intervention chirurgicale ou un accouchement. »


La vente pyramidale se dissimule fréquemment derrière les termes de « Vente multi-niveau » ou « commercialisation à paliers multiples » (en anglais multi-level marketing ou « MLM »).



lundi, décembre 31, 2012

Le songe du paysan





Il y a dans le monde un désordre impensable, et l'extraordinaire est qu'à leur ordinaire les hommes aient recherché sous l'apparence du désordre, un ordre mystérieux, qui leur est si naturel, qui n'exprime qu'un désir qui est en eux, un ordre qu'ils n'ont pas plus tôt introduit dans les choses qu'on les voit s'émerveiller de cet ordre, et impliquer cet ordre à une idée, et expliquer cet ordre par une idée. C'est ainsi que tout leur est providence, et qu'ils rendent compte d'un phénomène qui n'est témoin que de leur réalité, qui est le rapport qu'ils établissent entre eux et par exemple la germination du peuplier, par une hypothèse qui les satisfasse, puis admirent un principe, divin qui donna la légèreté du coton à une semence qu'il fallait à d'innombrables fins propager par la voie de l'air en quantité suffisante.

L'esprit de l'homme ne supporte pas le désordre parce qu'il ne peut le penser, je veux dire qu'il ne peut le penser premièrement. Que chaque idée ne se lève que là où est conçu son contraire est une vérité qui souffre de l'absence d'examen. Le désordre n'est pensé que par rapport à l'ordre, et, dans la suite, l'ordre n'est pensé que par rapport au désordre. Mais dans la suite seulement. La forme du mot lui-même l'impose. Et ce que l'on entend, donnant à l'ordre un caractère divin, c'est le passage qui ne peut, en conséquence, exister pour le désordre, de sa conception abstraite à sa valeur concrète. La notion de l'ordre n'est point compensée par la notion inexpugnable du désordre. D'où l'explication divine.

L'homme y tient. Pourtant il n'y a point de différence entre une idée et une autre idée. Toute idée est susceptible de passer de l'abstrait au concret, d'atteindre son développement le plus particulier, et de ne plus être cette noix vide, dont les esprits vulgaires se contentent. Il m'est loisible de ne pas m'en tenir à ce que j'ai avancé, par la suite nécessaire, par la marche logique de ma pensée. Il m'apparaît que pour l'esprit qui n'obscurcit pas son apercevoir idéal par un incessant report, un contrôle continuel de chaque moment de sa pensée par la comparaison de ce moment avec tous les moments qui le précèdent (et quelle est cette préférence donnée au passé sur l'avenir, son fondement ?) que pour l'esprit qui conçoit la différence de ces mots comme un pur rapport syntaxique, qui conçoit par suite la coexistence dans un vase clos de plusieurs gaz distincts, occupant chacun tout le volume qui est offert à tous, le désordre est susceptible de passer à l'état concret.

Il est clair que ceci n'est pas un simple sentiment, et que tout aussi bien ordre et désordre n'ont été pris comme les termes de cette dialectique que dans. l'intention où je suis de montrer accessoirement, en même temps que je donne un exemple de cette dialectique, par quelle démarche vulgaire les hommes ont pu concevoir une explication divine de l'univers, qui répugne à toute philosophie véritable. Je songe avant tout au procès de l'esprit. Il n'y a vraiment d'impensable que l'idée de limite absolue. Il est de la définition de l'esprit de n'avoir pas d'autre limite. Et si le désordre est impensable, j'entends s'il était concrètement impensable, le concret du désordre serait la limite absolue de l'esprit. Singulière image de ce que plusieurs ont nommé Dieu. Je ne vois, pas comment elle serait conciliable avec aucun des systèmes d'opinions qui leur tiennent lieu de connaissance. Et si j'ai primitivement avancé dans une première figure de ma réflexion que le désordre était impensable, c'est que cette première figure était celle de la connaissance vulgaire par laquelle me viennent tout d'abord toutes mes intuitions.

L'idée de Dieu, au moins ce qui l'introduit dans la dialectique, n'est que le signe de la paresse de l'esprit. Comme elle se levait pour arrêter toute véritable dialectique au premier pas, au second elle réapparaît par un détour semblable, et l'on voit qu'il est facile de diviniser l'ordre après le désordre, ou dans le cours du développement de ces notions de les réunir en Dieu. C'est à ce stade que l'idéalisme transcendantal s'est arrêté, et certes donnait-il à l'idée de Dieu une place plus satisfaisante pour l'esprit que celles qu'on lui assigna précédemment. Mais, dans l'instant que je reconnais dans l'idée même du médiateur absolu la même lâcheté, la même fatigue de l'esprit qui m'était montrée dans les théologies par les idéalistes, je porte contre eux, l'esprit porte contre eux, la condamnation qu'ils ont prononcée contre celles-ci. C'est à examiner sous ses trois formes, à trois étapes de l'esprit, l'apparition de l'idée de Dieu, que je reconnais le mécanisme de cette apparition, que je peux prévoir que je suis susceptible de succomber à cette idée, que je peux par avarice me condamner dans la mesure où cette défaillance m'apparaît en moi-même, sa virtualité. Et que je généralise les propriétés de cette idée, par le mécanisme même, toujours même, que j'aperçois dans son apparaître. L'idée de Dieu [une note d'Aragon précise : Idée dégoûtante et vulgaire] est un mécanisme psychologique. Ce ne saurait en aucun cas être un principe métaphysique. Elle mesure une incapacité de l'esprit, elle ne saurait être le principe de son efficience.

De là à conclure à l'impossibilité de la métaphysique il n'y a qu'un pas pour un esprit vulgaire. Voilà ce qui fait qu'une intuition de ce point de la réflexion, qui vient parfois aux hommes sans la conscience des étapes intermédiaires qui m'y portent, les a souvent entraînés à ce jugement de l'impossibilité de la métaphysique. C'est que pour eux Dieu est l'objet de la métaphysique. Si l'on ne peut, soutiennent-ils avec une apparence de bonheur, atteindre par la métaphysique à l'idée dont elle fait son objet, c'est que l'esprit doit se l'interdire. Erreur dont l'ingénuité a connu une incroyable fortune. Outre qu'elle liait la métaphysique à un objet qui lui est étranger, elle se réclamait d'un pragmatisme inconscient qui ferait sourire. Il se trouve que les hommes ont pendant près d'un siècle accepté comme seule raisonnable cette idée qui constitue un véritable suicide de l'esprit. Tout raisonnement bâti sur le même modèle, mais qui n'aurait pas l'esprit seul pour matière paraîtrait monstrueux, indigne, et ferait traiter de fou celui qui reproduirait la démarche habituelle du positivisme. Celui-ci n'est point un sophisme nouveau. Les idéalistes l'avaient rencontré en leur temps, l'avaient vaincu pour eux-mêmes. Un simple détour, cette fausse modestie du roseau pensant qui semble toujours du meilleur aloi, suffisait à ramener dans toute sa force une difficulté déjà résolue. Toute la philosophie moderne, et celle-là même qui s'est opposée au positivisme, en a été atteinte et viciée. Un esprit philosophique n'a d'autre recours que de la ranger parmi les formes les plus grossières de l'erreur, les syllogismes condamnés par la philosophie aristotélicienne, et à ne plus s'en préoccuper.

Si le problème de la divinité n'est pas comme on l'a à tout hasard avancé l'objet de la métaphysique, si la métaphysique elle-même n'est pas une impossibilité logique, quel est donc l'objet de la métaphysique ? Les idéalistes avaient aperçu que la métaphysique n'est pas l'aboutissement de la philosophie, mais son fondement, et qu'elle n'était point distincte de la logique. Il y a, dans ce second point, une acceptation de synonymie, qui est inacceptable. Si la logique est la science des lois de la connaissance, et si ces lois sont incompréhensibles en dehors de la métaphysique, à quoi je souscris, il ne s'en suit pas que ces lois soient la métaphysique, mais évidemment que la métaphysique étant la science de l'objet de la connaissance ce n'est qu'en elle que la logique s'exerce et développe ses lois. Je me ferai mieux entendre en disant que la logique a pour objet la connaissance abstraite, et la métaphysique la connaissance concrète. Il s'en suit, pour parler le langage de l'idéalisme et démêler les voies de l'erreur dans ce système, qu'il ne saurait y avoir de logique de la notion ni de métaphysique de l'être. Que seules ces conceptions, filles des erreurs mêmes que les idéalistes combattaient, ont entraîné Hegel à cette construction qu'il nomme La Science de l'Essence, qui est un intermédiaire inutile, qui lui permet de passer de la logique à la métaphysique, alors qu'il les a primitivement mêlées. Il suffisait de maintenir leurs individualités.

La logique est la science de l'être, la métaphysique la science de la notion. Si nous pouvions accéder directement à la conception métaphysique, la logique ne serait aucunement nécessaire à notre esprit. La logique n'est qu'un moyen de nous élever à la métaphysique. Elle ne doit pas l'oublier. Dès qu'elle cesse d'avoir cette valeur, dès qu'elle s'exerce à vide, elle perd toute valeur. C'est par la voie logique que nous accédons à la métaphysique, mais la métaphysique enveloppe à la fois la logique, et reste distincte d'elle.

La notion, ou connaissance du concret, est donc l'objet de la métaphysique. C'est à l'apercevoir du concret que tend le mouvement de l'esprit. On ne peut imaginer un esprit dont la fin ne soit pas la métaphysique. Fût-il le plus vulgaire, et tout obscurci par le sentiment de l'opinion. C'est à quoi l'esprit tend, et peu importe qu'il atteigne ce qu'il ne sait pas qu'il cherche. Une philosophie ne saurait réussir. C'est à la grandeur de son objet qu'elle emprunte sa propre grandeur, elle la conserve dans l'échec. Aussi dans l'instant que je constate celui de l'idéalisme transcendantal, je salue cette entreprise, la plus haute que l'homme ait rêvée, comme une étape nécessaire de l'esprit. Dans sa marche vers le concret qu'il ne s'embarrasse pas pourtant de l'assentiment passager donné à un système. Il n'y a pas de repos pour Sisyphe, mais sa pierre ne retombe pas, elle monte, et ne doit cesser de monter.

Louis Aragon, « Le paysan de Paris ».

Lundi 31 décembre 2012, France Inter rediffuse l'émission du 21 novembre 2012 consacrée à Aragon :



Le paysan de Paris

Ce livre est né d'un sentiment inédit du paysage parisien. Comme un paysan ouvrant à tout de grands yeux, le poète nous apprend à voir d'un regard neuf les passages, les boutiques des coiffeurs à bustes de cire, les bains, les immeubles les plus ordinaires, les affiches, les extraits de journaux, semblables aux collages des peintres. Deux morceaux célèbres du livre, Le Passage de l'Opéra et Le Sentiment de la nature aux Buttes-Chaumont donnent l'éveil à «la lumière moderne de l'insolite».

Deux autres textes essentiels du Paysan de Paris : Préface à une mythologie moderne et Le Songe du paysan, en sont à la fois l'introduction et la conclusion, le point de départ et le point d'arrivée d'une pensée prise dans sa variation.


Né à Paris le 3 octobre 1897, Aragon rencontre Breton et Soupault avec qui il fonde la revue Littérature en 1919. Il adhère au parti communiste en 1930, préside avec Jean Paulhan et Elsa Triolet à la fondation du Comité National des Écrivains et avec Jacques Decour à celle des Lettres françaises. Il meurt à Paris le 24 décembre 1982.


vendredi, décembre 28, 2012

Coup de gueule d'une femme sioux





Notre religion n'est pas à vendre !
par Mary Brave Bird-Crow Dog

Partout aux États-Unis, et quelle que soit leur tribu, les Indiens sont en colère parce que les Blancs vendent nos cérémonies comme un passe-temps à la mode qui, peut-être, leur permettra de trouver un sens à leurs vaines existences. Notre religion est donc colportée et commercialisée par de faux hommes-médecine qui s'attribuent des noms indiens fantaisistes tels que Bison-qui-broute-sur-le-flanc-de-la-montagne, Aigle-d'or-s'élevant-dans-le-ciel ou encore Âme-libre-enveloppée-de-brume-matinale. Un gamin de dix ans vivant sur la réserve de Rosebud ne s'y laisserait pas prendre, mais il y a de quoi impressionner les crédules wasichus (blancs). À cause du New Age, le nombre de ces prétendus hommes (ou femmes)-médecine est en constante augmentation ; c'est un créneau qui peut rapporter gros, d'autant que les Indiens sont à la mode. Après la macrobiotique et le Zen, c'est au tour du « pauvre Indien en voie de disparition » d'alimenter les conversations de salon.

Ainsi, une Blanche prétend posséder des pouvoirs surnaturels que lui aurait transmis une femme-médecine et organise d'importantes conférences où, pour plus de trois cents dollars par personne, elle enseigne la sagesse et la spiritualité indiennes. Imaginez l'argent que se fait cette femme ! Des individus comme elle peuvent encaisser jusqu'à un million de dollars par an en vendant notre religion.

Cette exploitation ne date pas d'hier. Dans les années 1880 et 1890, de grosses compagnies patentées lançaient sur le marché de fausses potions indiennes censées guérir tous les maux. Je pense, entre autres, à la Great Oregon Indian Medicine Company, dont « les clients se comptaient par millions et les témoignages de reconnaissance par milliers ».

La Kickapoo Indian Medicine Company était la plus importante d'entre elles et prônait l'usage de l'« huile de serpent kickapoo », potion miraculeuse contre le ver solitaire, et de la fameuse sagwa, remède à toutes les maladies humaines connues à ce jour : « Existe-t-il quoi que ce soit qui puisse retarder, peut-être de plusieurs années, ce dernier moment avant qu'une main décharnée n'écrive votre nom sur le registre froid de la mort ? Eh bien, oui, Mesdames et Messieurs ! Prenez de la SAGWA DES INDIENS KICKAPOOS. C'est un remède infaillible. »

Cette compagnie avait installé des villages indiens publicitaires composés de douzaines de wigwams (tentes) où le public pouvait assister à la préparation du breuvage magique. Ses représentants de commerce étaient tous d'anciens éclaireurs renommés pour avoir combattu les Indiens et qui, « par leur courage en temps de guerre avaient acquis un tel ascendant sur l'Homme Rouge, qu'il leur avait bien volontiers cédé toute autorité ». La plupart des « acteurs indiens » participant au spectacle n'étaient pas kickapoos, certains étaient même d'origine péruvienne. La réserve des Kickapoos, en fait désertée et d'une extrême pauvreté, y était représentée comme un « véritable jardin d’Éden habité par une race primitive, bienveillante et noble, capable de sonder les secrets de la nature ». Pendant des années, la sagwa et l'huile de serpent kickapoo ont fait gagner des millions de dollars à cette compagnie. Aujourd'hui, la situation n'est pas très différente de ce qu'elle était alors.

La religion indienne est au centre de ma vie, elle représente le côté spirituel de mon être et fait partie intégrante de mon héritage. Elle m'a aidé à survivre. D'où ma colère lorsque je la vois profanée, exploitée, interprétée de façon erronée, vendue et achetée. Ces imposteurs trahissent nos croyances, falsifient nos traditions et donnent une représentation caricaturale et grotesque de nos rituels. Pour préserver notre foi de la souillure, on devrait interdire aux Blancs d'organiser des cérémonies indiennes. Afin de les mettre à l'abri des regards hébétés ou moqueurs, nous devrions également récupérer les sacs-médecine et autres objets sacrés qui nous ont été dérobés il y a des années et qui sont exposés aujourd'hui dans des musées ou dans des collections privées.

Avant les années trente, nous avions l'interdiction de prier dans notre langue et nos rites étaient proscrits. D'après la législation en vigueur, nous pouvions être emprisonnés pour avoir participé à l'inipi ; malgré cela, nos croyances survivaient dans la clandestinité et, dans des endroits cachés, loin du regard des missionnaires, notre peuple continuait à « danser face au soleil ».

Mais la situation actuelle est bien pire que toutes ces tentatives de destruction systématique. Les Blancs avaient essayé en vain de tuer notre foi en proclamant d'un ton triomphant la « Mort du Grand Esprit ». Mais, aujourd'hui, ils atteindront peut-être leur objectif en vendant notre religion, la pipe, la loge à sudation et en donnant au monde extérieur une fausse image de nos coutumes. Bientôt, ils vont s'imaginer pouvoir nous enseigner nos traditions et nous apprendre à utiliser le peyotl ; peut-être iront-ils jusqu'à affirmer qu'il est trop bon pour nous, stupides primitifs, et qu'ils se l'accapareront pour faire du profit en nous le revendant.

L'argent, encore l'argent, toujours l'argent ! Il n'y a pas si longtemps, on pouvait aller dans un parc national et se voir offrir gracieusement un crâne de bison pour nos cérémonies. Aujourd'hui, il faut payer car, avec le New Age, c'est devenu un objet de décoration recherché. Certains hommes-médecine bidons, dont des Indiens, vont jusqu'à demander sept cent cinquante dollars par personne pour un bain de vapeur, mille pour une quête de vision et deux mille cinq cents pour, en un week-end, transformer un Blanc crédule en homme-médecine lakota. D'autres vous déposeront en haut d'une colline, pourvu d'une pipe tape-à-l'œil et d'une plume d'aigle dans les cheveux et vous prendront jusqu'au dernier centime, alors qu'un véritable homme-médecine ne vous fera jamais rien payer. Nos cérémonies ne sont pas à vendre et, malheureusement, tous ces gens qui aiment l'argent facile portent atteinte à l'honneur de nos tribus.

Une fois, j'avais accepté de diriger une cérémonie de sudation à Santa Fe, mais j'ai aussitôt fait marche arrière lorsque l'on m'a demandé combien je prenais. Cette ignorance souille nos traditions : un bain de vapeur est bien plus qu'une simple expérience ; c'est un rite sacré qui nous relie au Créateur. Nombreuses sont les situations aberrantes auxquelles nous sommes confrontés si, à Los Angeles, vous pouvez prendre des cours collectifs de « sexualité indienne sacrée » en échange de plusieurs centaines de dollars, certains vont même jusqu'à utiliser notre médecine pour retenir un amant ou en guise d'aphrodisiaque. Ils veulent vivre de « véritables orgies indiennes ». Notre religion est alors réduite à peu de chose et devient simple objet d'échange.

Je me souviens également d'un film européen présentant la Danse du Soleil à travers le regard malade et enfiévré d'un Blanc : un seul danseur était suspendu à deux crochets de boucher avec, en guise de cache-sexe, une simple feuille de vigne. Je m'insurge contre ces profanations qui renvoient une image fausse et déformée de notre cérémonie la plus sacrée. Il n'y a là qu'exploitation par le biais du sexe et du sensationnel. Il est urgent d'y mettre un terme !

De telles situations abondent à travers le pays et chez nos voisins mexicains.

Ainsi, au Texas, une Blanche d'un certain âge est l'exemple même de la façon dont les wasichus s'immiscent dans notre médecine. Elle n'est que gentillesse et sincérité mais le fait d'avoir assisté à certaines de nos cérémonies lui est monté à la tête : elle s'imagine que Crow Dog est son grand-père et qu'« il lui a transmis un don » ; elle se croit donc habilitée à diriger des bains de vapeur, à emmener des gens en haut de la colline pour une quête de vision et à enseigner les coutumes lakotas. Avec cette éternelle rengaine : « Réservez dès maintenant. Pour cent cinquante dollars, vous pourrez, etc. Parking inclus. » Cette femme croit véritablement à ce qu'elle fait ; elle a bon cœur et fait preuve de générosité à notre égard. Mais il ne suffit pas d'avoir assisté à nos rituels pour devenir femme-médecine ou même Indienne. Des gens bien intentionnés peuvent nous faire autant de mal que nos adversaires les plus acharnés. Ce n'est pas le fait de passer quelques jours sur une réserve ou d'étudier nos traditions pendant quelques heures qui autorise qui que ce soit à organiser des simili-rites sioux.

J'ai même un ami qui, ayant assisté plusieurs fois à la Danse du Soleil, a soudain découvert son attachement à nos valeurs spirituelles et, du jour au lendemain, s'est mis à porter un nom indien. À croire que c'est une maladie contagieuse. Sans parler de ce danseur de ballet originaire de Grèce et du Proche-Orient qui se disait Indien et s'était doté d'un nom à l'avenant : pendant un temps, les Blancs l'ont considéré comme le grand porte-parole des tribus indiennes et il était devenu le chéri des médias. Lorsqu'il a fini par être dénoncé, il a simplement répondu aux journalistes qui l'interrogeaient : «Je suis indien parce que je vous le dis ! »

Tous ces gens appartiennent à la tribu des « Qui-Veulent-Être Indiens » et, souvent, ils font un mauvais usage de nos objets sacrés alors que ceux-ci doivent intervenir de façon très précise au cours de nos cérémonies.

L'hiver dernier, alors que je rendais visite à des amis californiens, j'ai fait la connaissance d'une femme blanche qui avait acheté une pipe lors d'un powwow (fête traditionnelle) et voulait s'en servir. Elle avait déjà accompli certains de nos rites mais souhaitait aller plus loin. J'ai eu l'impression qu'elle n'avait plus toute sa tête et j'ai tenté de lui expliquer combien il était important de connaître nos traditions à la perfection avant de faire usage de la pipe. Je ne voulais pas être agressive avec elle mais elle m'a fait une scène et je me suis aperçue qu'elle ignorait tout de la signification de cet objet sacré, le comparant à une espèce de cristal qui lui servirait d'intermédiaire pour communiquer avec les esprits. Je lui ai alors raconté l'origine de la pipe, ce qu'elle représentait à nos yeux et lui ai conseillé d'assister aux cérémonies en simple observatrice ; ainsi, en écoutant nos Anciens, elle apprendrait bien mieux. Je lui ai proposé de confier sa pipe à l'un d'entre eux, à qui elle pourrait parler lors de ses éventuelles visites et, finalement, elle a accepté.

Depuis des générations, nous versons sang, sueur et larmes pour défendre notre religion. Les Blancs veulent la découvrir à leur façon, sans écouter ce que nous pourrions avoir à leur dire.

Certains ont perdu leurs propres dieux et leurs âmes se sont égarées ; ils ont du mal à affronter la réalité et la mort et sont inquiets face à la dégradation de leurs villes remplis de sans-abri et à l'effondrement de leurs propres valeurs. Alors, devant toutes ces questions, ils attendent de nous une réponse que nous ne pouvons leur donner et désirent que nous remplissions le vide qui les habite.

J'aimerais dire à ces Blancs combien il est dangereux de jouer avec nos cérémonies : leur ignorance risque de leur faire du tort car les rites sacrés ont une force extraordinaire. L'attitude de ces wasichus prédit la fin prochaine de leur civilisation et je prie simplement pour que celle-ci ne nous entraîne pas avec elle.

Mary Brave Bird-Crow Dog, « Femme sioux envers et contre tout ».

Envers et contre tout

Un proverbe cheyenne l'affirme : « Une nation n'est pas conquise tant que le cœur de ses femmes n'est pas à terre ». Mary Brave Bird-Crow Dog nous en apporte une nouvelle fois la preuve. Après la parution de Lakota Woman qui fut saluée comme un événement d'importance aux Etats-Unis, en France et dans le monde entier, Femme sioux envers et contre tout nous donne, en effet, un bel exemple de résistance. Résistance spirituelle, mais aussi résistance active d'une Indienne et de son peuple face aux dangers qui menacent les réserves dans l'Amérique d'aujourd'hui.

Reprenant le récit de sa vie au moment des événements de Wounded Knee, Mary Brave Bird-Crovv Dog raconte son militantisme au sein de l'American Indian Movement, son action en faveur de la tradition et son combat en tant que femme, mère et indienne. Elle retrace également la période de sa vie partagée avec Leonard Crow Dog, homme-médecine et traditionaliste lakota. Avec franchise, elle conte les jours heureux et les périodes difficiles d'une existence mouvementée. Mais avant tout, c'est le destin d'un peuple à la conquête de ses droits qu'elle nous dépeint — et plus encore, les constantes difficultés des femmes indiennes à se faire reconnaître. Par l'hommage qu'elle rend au courage et à la volonté de celles-ci, par sa dignité et sa force de conviction inébranlable, Mary Brave Bird-Crow Dog confirme qu'elle est porteuse d'une voix unique et majeure dans la littérature indienne.


jeudi, décembre 27, 2012

Le péché originel selon une ex-star du porno





Le péché originel 


par Brigitte Lahaie 


Brigitte Lahaie, de son vrai nom Brigitte Lucille Jeanine Van Meerhaegue, est une ancienne actrice de films pornographiques. Depuis plus de dix ans, elle anime l'émission radio « Lahaie, l'Amour et Vous » sur RMC, de 14 heures à 16 heures, qui traite des relations amoureuses et sexuelles.


Vingt siècles de judéo-christianisme ont considérablement influencé notre sexualité. Onan, les habitants de Sodome et les femmes adultères sont considérés comme des pécheurs devant l'Éternel, et les choses de l'amour ont toujours été suspectes aux yeux de l'Église. Sans doute les théologiens nourrissaient-ils l'espoir fou d'identifier toute femme à la Vierge...

L'homme primitif pratiquait le coït de manière agressive et violente, se rapprochant en cela des animaux. La civilisation et la religion ont tenté de refréner les instincts plutôt que de les harmoniser. La notion de famille s'est construite autour d'un père tout-puissant (à l'image de Dieu), et la femme a été réduite au rôle de mère. La procréation devient alors essentielle, le plaisir luxure, et la luxure l'un des sept péchés capitaux. Mais pourquoi l'Église s'est-elle tant focalisée sur celui-ci ? Pourtant l'orgueil, l'envie, la colère ou l'avarice me paraissent des vices bien moins compatibles avec l'amour de son prochain !

Si l'on se réfère aux textes ésotériques, la luxure est jugée dangereuse simplement parce qu'à cause d'elle l'initié peut avoir envie de transmettre des secrets au sexe opposé en échange de ses faveurs. Nous sommes bien loin du décret religieux qui fait de la luxure la mère de tous les vices !

Pour détourner l'être humain de la jouissance, l'Église lui propose les saints comme modèles. Ces hommes et ces femmes symbolisant le Bien et la Vertu montrent le chemin qu'il faut suivre pour atteindre le paradis. Et s'il n'a jamais été question d'imposer le vœu de chasteté à toute la chrétienté, c'est qu'il fallait bien que cette dernière se perpétue. Le catéchisme s'est contenté de proclamer que la chair est faible et le mariage un remède, à condition toutefois que l'homme choisisse avec sa raison et non avec son cœur.

Saint Augustin fut l'un des plus ardents défenseurs de la vertu. À cet égard, il est intéressant de constater qu'avant d'être un saint il mena une vie de débauche. La sainteté, qui s'oppose à la perversion, peut donc succéder à celle-ci. Est-ce une raison pour ensuite condamner sans pitié ? Quand on considère l'acharnement avec lequel Augustin combattit le sexe, faisant même de la concupiscence (penchant pour le plaisir de la chair) le péché originel qui a condamné les hommes à venir au monde en état de péché et de souillure, puisqu'ils ont été conçus par un acte charnel, on se pose des questions.

Avec ce genre de théorie, l'amour du prochain prôné par Jésus semble vidé de toute substance ou presque. Le rapport Kinsey a démontré qu'une certaine pratique religieuse pouvait freiner les relations sexuelles. Il est vrai que toute fantaisie est proscrite, l'accouplement n'ayant d'autre but que le renouvellement des générations.

Il y a encore un siècle la religion était toute-puissante, elle formait un État dans l'État et son rôle principal consistait à canaliser les passions des hommes. De nombreux préceptes prétendument moraux n'étaient édictés qu'à des fins fort éloignées de toute préoccupation spirituelle.

Comment s'étonner, dans ces conditions, que des millions d'hommes aient été massacrés au nom de Dieu ? Guerres sacrées, Croisades, Saint-Barthélemy et conquêtes sous prétexte d'évangélisation ont fait les ravages que l'on sait. [...]

Et comment s'étonner de la position du pape sur le préservatif, même si le sida est en passe de décimer les populations d'Afrique ? Le condom fut condamné par l'Église dès le XIXe siècle car « il entravait les décrets de la providence qui a voulu punir les créatures par là où elles ont péché ». Résultat : toute publicité sur la capote a été interdite jusqu'en 1987, et de nos jours encore la seule méthode contraceptive trouvant grâce aux yeux du Vatican reste celle d'Ogino !

On sait ce que disait Karl Marx de la religion, qu'il taxait d'« opium du peuple » parce qu'elle rend l'homme docile et sans résistance : pourvu qu'il obéisse aveuglément et sans chercher à comprendre ce qui est meilleur pour lui, sa bonne conduite sur Terre lui vaudra la vie éternelle...

Quant au principe de la confession, il prend sa source dans le complexe de culpabilité intrinsèque à la nature humaine en nous offrant le moyen de vivre en paix avec notre conscience. La pénitence efface les remords ou les doutes qui peuvent subsister après avoir « péché », et par l'absolution le croyant se sent « lavé » de ses « fautes ». Tant pis s'il en commet d'autres, pourvu qu'il se soit confessé avant de communier. Car n'oublions pas que pour le catholicisme la punition suprême reste l'excommunication : tant que le pénitent fait encore partie de la grande famille de l'Église, il est protégé.

Si la religion ne sait pas évoluer, la société humaine, elle, est en mutation permanente. Avec le progrès technique scientifique et médical, l'homme du XXIe siècle ne vit plus dans le même contexte culturel que son ancêtre du Moyen Âge. D'ailleurs la racine du mot culture est la même que celle d'agriculture. Nous sommes cultivés dans la mesure où nous n'avons pas fini de croître...

Toute civilisation doit évoluer pour ne pas mourir Elle doit intégrer les progrès et redéfinir régulièrement les bases qui la structurent.

Le patriarcat vieux de quatre millénaires s'est construit sur le sens du devoir. Dans ce régime, il n'y a aucune place pour le plaisir. Dès sa naissance l'être humain subit cette influence et son caractère se façonne sur un mode autoritaire. Ainsi doit-il apprendre à respecter ses parents plus par obligation que par amour.

L'énergie sexuelle spontanée fait place à une sexualité secondaire pervertie. L'existence même de notre culture est fondée sur le refoulement de nos instincts. Pour s'en convaincre il suffit de regarder autour de soi. Combien de femmes ne connaissent pas la jouissance et combien de parents répriment les premiers flirts de leur progéniture ou tout geste ayant une connotation sensuelle ! Il se développe alors chez l'enfant un sentiment de dépendance et de culpabilité qui, avec son cortège d'angoisses et d'inhibitions sexuelles, l'empêche de s'épanouir et de s'émanciper. Rien ne lui est épargné, pas même cette castration symbolique qui consiste à le convaincre de son impuissance à se débrouiller seul. À n'en pas douter, cet enfant deviendra un adulte névrosé qui reproduira les mêmes erreurs avec sa propre descendance.

Les traditions conservatrices - qui s'appuient sur la culpabilité et le refoulement des pulsions - permettent de garder l'homme dans un état de soumission, tel l'étalon qui castré devient plus docile, plus obéissant, plus régulier dans le travail...

Pétri de contradictions et ayant reçu une éducation qui le bride en nourrissant son manque de confiance en lui, l'homme se laisse diriger, obéit aux ordres, se repose sur le père puis sur l'État tout-puissant. Seuls quelques individus, grâce à des circonstances fortuites, parviennent à se libérer de ce carcan.

Pourtant, ce qui transcende l'homme, ce n'est sûrement pas sa vertu mais son intelligence. C'est elle qui lui a permis d'évoluer et d'améliorer ses conditions de vie. Je connais le discours des moralistes : ils pensent que le déclin d'une civilisation est toujours consécutif à son manque de vertu, affirment que la perte du sens moral et des valeurs sacrées conduit irrémédiablement à la déchéance. Et ils en veulent pour exemple l'Empire de Rome et la Grèce antique. Est-il seulement permis de leur faire remarquer que le sens du divin poussé au stade du fanatisme et de l'intolérance mène aux mêmes résultats ?

Le plaisir enracine l'individu dans son « vouloir-vivre », l'éloigne de l'idée de la mort. La religion peut tromper l'homme sur cette question essentielle en lui promettant l'éternité s'il ne s'adonne pas au Mal et au Malin. Pourtant, c'est en acceptant notre partie sombre que nous pouvons accéder à la lumière. Il s'agit en quelque sorte de l'« œuvre au noir » dont parlent les sciences ésotériques. En se confrontant à ses démons, on parvient à les dompter et à les rendre inoffensifs. Cette théorie s'applique à tous nos vices : un homme coléreux parviendra à l'apaisement lorsqu'il acceptera de reconnaître sa tendance à l'emportement. Il apprendra à sentir les prémices de ses pulsions pour mieux se maîtriser. Et cela est aussi vrai pour la luxure...

De même la souffrance n'est pas un but en soi. Pourquoi se délecter d'un état douloureux ? Elle sert
de signal d'alarme quand le corps et le cœur sont en danger. Dès que le sens de son message a été compris, la souffrance a accompli sa tâche. 

Je ne dis pas que chaque individu est capable de se diriger seul. D'abord la jeunesse n'a pas encore acquis la « sagesse » relative de l'adulte, même si bien des adolescents ont plus de bon sens et l'esprit plus ouvert que beaucoup de leurs aînés ! Une société a nécessairement besoin de lois, mais pas de celles qui font que notre monde manque par trop d'amour et de tolérance. Il ne s'agit pas pour autant de promettre le paradis sur Terre, bien sûr: la vie est cruelle et quand les éléments se déchaînent la nature est redoutable, mais l'expérience - même douloureuse - est riche de découvertes.

Les contes de fées l'ont bien compris, qui décrivent les inévitables épreuves de la vie et démontrent surtout que, si on les affronte, même les plus injustes peuvent être surmontées.

Prenons par exemple « La Belle au bois dormant ». L'histoire met en scène une jeune fille qui s'endort après s'être piqué le doigt à l'âge de quinze ans - le sang est le symbole des premières règles - pour se réveiller grâce au baiser d'un prince. Les adolescents vivent d'autant plus mal leur puberté qu'ils veulent se prouver qu'ils existent. Le sommeil de la Belle symbolise ce repli sur soi indispensable à un épanouissement ultérieur Le conte indique aussi que, malgré les efforts des parents pour surveiller ou endormir la sexualité de leurs enfants, elle s'éveillera un jour. La jeune fille devient femme et le Prince Charmant, par son baiser, lui révèle sa sensualité. En ouvrant les yeux la princesse induit chez le mâle la conscience de sa virilité, et le conte se termine par ces mots : « Ce fut le bonheur pour eux jusqu'à la fin des jours. » La morale de cette histoire est qu'un événement traumatique (les premières règles, le premier rapport sexuel) peut avoir un effet très bénéfique. Il faut savoir se préparer à la réalité de sa personnalité pour trouver l'harmonie avec l'autre.

Et si le premier conte de fées, le premier mythe en tout cas, était celui du péché originel ? Adam et Ève furent chassés du paradis pour avoir mangé le fruit de l'Arbre de la connaissance. La pomme symbolisant les bas instincts de l'homme, ses désirs vils qui entraînent sa déchéance, il ne peut impunément « croquer la vie à pleines dents » !

En interdisant l'accès à la connaissance, non seulement Dieu n'autorise pas l'homme à choisir mais il le mutile également, puisque être libre - en termes de spiritualité - c'est posséder son libre arbitre, avoir la possibilité de s'élever en se libérant de ses instincts. L'évolution est à ce prix, et vouloir le payer ne va pas sans conflit.

Ève, initiatrice de tous nos malheurs, représente en fait la partie clivée de la personnalité d'Adam, c'est-à-dire tout ce qu'il refuse en lui-même. N'a-t-elle pas enfreint la loi du Père après avoir dialogué avec le serpent, symbole phallique par excellence ? Car le serpent symbolise bel et bien la sexualité perverse, le mensonge et la perfidie. Mais où se trouvait Adam pendant ce temps ? Cultivait-il son jardin d'Éden, ou dormait-il à l'ombre de l'Arbre ?

Un Adam endormi, une Ève inquiète, perturbée par un serpent rusé qui guette le moment idéal. Le Mal parvient à s'« introduire » quand il y a une brèche dans le couple, une séparation. La Faute est possible parce qu'il y a désunion. Si la Femme est responsable, l'Homme l'est également en ce sens qu'il n'est pas présent pour la protéger du danger.

La Genèse doit toujours être interprétée de manière allégorique. Exemple frappant, Adam et Ève ont eu deux enfants, Abel et Caïn. Comment ces deux garçons ont-ils pu fonder une famille ? Comment deux éléments masculins peuvent-ils être à l'origine de l'humanité ? C'est que l'explication est ailleurs : Abel représente le Bien et Caïn la partie sombre qui existe en chacun de nous.

De même on peut envisager un être initial doté de deux polarités créatrices. Cet androgyne primordial en se séparant a généré deux êtres distincts, et la vie a commencé. La sexualité n'est pas seulement dualité, elle est aussi épanouissement et construction. Le serpent devient alors trait de séparation ou trait d'union entre les deux sexes. Son image est ambivalente. Il est certes le tentateur mais aussi le symbole même de la connaissance, puisqu'il sert d'emblème à la médecine et aux arts.

Source de vie, il fut le premier vertébré a avoir conquis la terre ferme. En Inde il représente la « kundalini », énergie inestimable de nos forces naturelles. Dans le shivaïsme, philosophie hindoue qui préconise l'acte d'amour comme moyen de participer au Grand Tout, le sexe viril prend des proportions cosmiques, celles d'un pilier qui soutient l'univers. En Inde le phallus est sacré, et l'on voue un culte à la féminité. Le sexe faible représente la fécondité, la tendresse maternelle et l'altérité.

Cette vision de la sexualité a souvent été déformée par l'Occident. Certaines sectes n'ont retenu que le coït, excluant la notion d'amour. Ainsi le gourou doit-il honorer toutes ses adeptes pour les remplir d'une parcelle de divin ! Ce genre de réunion qui se termine en orgie n'a bien sûr rien à voir avec une communauté spirituelle...

La sexualité, comme les habitudes alimentaires, constitue un critère de civilisation. Et elle peut avoir des valeurs totalement différentes d'une culture à l'autre. Chez les Arabes, les seins d'une femme ne passent pas pour un symbole sexuel, et dans certaines tribus africaines les hommes sont par-dessus tout attirés par les femmes qui sentent le beurre rance. Mais partout l'intégrisme se caractérise par l'asservissement des femmes et la répression de leur sexualité.

Le christianisme a souvent flagellé les chairs, enserré le corps dans des vêtements étroits et des corsets étouffants agissant à la façon des ceintures de chasteté. Il vénère un Christ qui souffre sur la Croix, mais pourquoi justement l'image de Jésus est-elle celle d'une victime torturée puis mise à mort ? Quoi qu'il en soit, cela explique comment la religion qui nous a bercés rend difficile l'identification à un être humain libre et joyeux.

Si l'homme du XXIe siècle n'est pas devenu maître de son noyau intérieur, comment peut-il prétendre maîtriser celui de l'atome ? Le grand péché est de se croire tout-puissant, de continuer à dire « Je suis moi » tout en refusant son appartenance au Cosmos. On lui coupe le cordon ombilical à la naissance et l'homme passe le reste de sa vie à se regarder le nombril alors que, en plongeant à l'intérieur de lui-même, il pourrait peut-être apprivoiser son serpent intérieur. Pour Jung, dans nos rêves, cet animal ne symbolise-t-il pas ce qui est incompréhensible en nous ?


Brigitte Lahaie, « Les chemins du mieux aimer ».


Site de Brigitte Lahaie : 


mercredi, décembre 26, 2012

Les mantras






Le mantra d'Ema Narcisse pour renforcer l'estime de soi. (Posologie : pas plus de 3 répétitions par jour.) 


Maharishi Manesh Yogi (1918-2008) était à la tête de l'organisation mondiale de Méditation Transcendantale. Il prétendait que la répétition régulière d'un mantra purifie la pensée et mène, en cas d'exercice constant, à la conscience de Dieu. Le gourou Bhagwan Shree Rajneesh, alias Osho (1931-1990), ne partageait pas cette idée :

« Beaucoup de gens pratiquent la répétition, disait Osho. Ils répètent par exemple « Ram - Ram - Ram », mais s'ils ne font que répéter ces mots sans prise de conscience, ce « Ram - Ram - Ram » devient une drogue. Qui peut les endormir profondément.

C'est pour cette raison que Yogi Mahesh a tant de succès en Occident : parce qu'il donne des mantras à répéter. En Occident, le sommeil est devenu un problème très sérieux. Le sommeil est totalement perturbé. Le sommeil naturel a disparu. On ne peut plus dormir qu'à l'aide de tranquillisants et de drogues. La répétition constante d'une même formule provoque une sorte d'hypnose, de sommeil et voilà la raison du succès du Yogi Mahesh.

Ainsi, ce qu'on appelle la méditation transcendantale n'est pas autre chose qu'un tranquillisant psychologique. Ce n'est rien — ce n'est qu'un simple tranquillisant. C'est peut-être une très bonne chose pour le sommeil, mais pas pour la méditation. Si on répète continuellement un mot, l'ennui s'installe — et l'ennui est favorable au sommeil.

Ainsi, tout ce qui est monotone, répétitif, peut aider à dormir. L'enfant, dans le ventre de sa mère, dort neuf mois consécutifs. Et savez-vous pourquoi ? Parce que les battements du cœur de la mère font un « tic-toc » continuel, et c'est l'une des choses les plus monotones qui soient. Ce battement ininterrompu drogue l'enfant, l'endort.

Avez-vous remarqué que pour calmer un enfant qui pleure, qui crie, il suffit que sa mère le prenne dans ses bras et pose la tête de l'enfant sur sa poitrine. Les battements du cœur de sa mère lui font du bien, l'apaisent, l'endorment. L'enfant a l'impression de retourner dans le ventre de sa mère. Il en est de même pour les adultes. Si votre bien-aimée pose votre tête sur son cœur, vous vous sentez bien, apaisé.

Certains psychologues conseillent aux gens qui ne peuvent pas dormir de se concentrer sur le tic-tac du réveil, parce que c'est un bruit monotone, répétitif. »



Citation du Moi

« Si l'essence de la vie pouvait se résumer en un mot,
ce mot serait "Moi" »
Ema Narcisse



mardi, décembre 25, 2012

Conte pour adultes : Kunley l'homme foudre




Le Vajra-phallus (tib. Dorje, le diamant-foudre) et le mantra sacré Om mani padme hum, qui signifie : le Joyau (pénis) dans le Lotus (vulve), sont vénérés par les adeptes du Vajrayana.

Ce conte rappelle l'origine démoniaque des Dharmapâlas, gardiens du Dharma. Afin de protéger leur doctrine (Dharma) et les institutions religieuses du bouddhisme tibétain, des lamas assujettirent des démons. Drugpa Kunley (1455-1529) est un de ces lamas. Il reçut une formation religieuse selon la tradition de la branche Drugpa de l'école Kagyu, mais ne tarda pas à embrasser le destin peu orthodoxe d'ascète errant. Il joua un rôle important dans la conversion du Bhoutan à la doctrine bouddhique. Kunley doit sa popularité auprès du peuple tibétain à son grand amour des jeunes filles et de la bière.

Kunley l'homme foudre

C'était au mauvais temps où le démon de Wong épouvantait le monde. Il dînait tous les jours de paysans crasseux, de vieux durs, d'enfants gras et de vaches laitières, ravageait les greniers, piétinait les moissons dans les champs en terrasses puis allait digérer ses horribles ripailles au fond d'une caverne offerte aux mille vents d'un mont inaccessible. Il fit tant et si mal qu'il vida le pays. Ne resta plus vivante, un jour, dans sa cabane, qu'une vieille oubliée. C'est alors que Kunley, le fou béni des dieux, vint dans cette vallée. Il vit les moissons mortes et les charrues rouillées. Il flaira les nuages. L'odeur de l'air lui dit quelle sorte d'affreux régnait sur la contrée.

Il s'allongea dans l'herbe. Il posa près de lui son arc et son épée, ses flèches et sa gamelle où était un vieux fond de farine beurrée. Il prit une poignée de ces provisions rances, il s'en badigeonna les cuisses et l'abdomen, après quoi, chatouillant ses balloches velues, il se mit à bander avec une vigueur de dragon amoureux. Il fit enfin semblant de somnoler un brin et, tranquille, attendit.

Le démon descendit par le sentier abrupt, l'œil noir, le nez ronflant, les poings traînant par terre. Au détour du chemin il découvrit Kunley. Il fit halte. Il gronda :

— Quel étrange animal !

Il le palpa du pied, renifla, appela ses diablotins esclaves.

Ils vinrent, bourdonnant comme des mouches bleues autour de sa figure.

— Je doute, leur dit-il. Cet individu-là ne me plaît pas du tout. Son corps est chaud. Il vit, selon toute apparence. Pourtant, mille tonnerres, il ne respire pas. Donc il doit être mort. Mais ce n'est pas la faim qui l'a jeté par terre. Il a là, près de lui, sa gamelle beurrée. Le voyez-vous blessé ? Non, il ne saigne pas. Cependant regardez, des vers malodorants lui sortent du nombril. Donc il est trépassé depuis au moins dix jours. Mais voyez comme il bande. Existe-t-il au monde un cadavre pourvu d'un pareil braquemart ? Tout cela me paraît extrêmement malsain. Qu'en pensez-vous, mes bougres ?

— Laissons-le où il est, répondirent les autres. Nous avons tout à l'heure une vieille à manger. Retrouvons-nous chez elle au coucher du soleil. Nous reviendrons plus tard. S'il est encore là, nous saurons bien qu'en faire !

Le démon approuva d'un grondement brumeux. Ses diables s'en allèrent. Il reprit son chemin.

Dès qu'il fut éloigné, Kunley se mit sur pied et courut chez l'aïeule.

— Femme, la paix sur toi ! Elle répondit, braillant, les mains sur ses joues creuses :

— Misère de mes os ! La paix depuis longtemps n'est plus sur mes cheveux. Ce n'est pas toi, mon fils, qui la ramèneras dans ma pauvre cabane ! Un démon affamé règne sur ce pays. Il croque, il déglutit, il rote et il s'en va. C'est tout ce qu'il sait faire. Il viendra cette nuit et me mangera crue, comme il a dévoré tous les gens du village. Avant qu'il soit trop tard, bel homme, sauve-toi !

— Ménage tes poumons et sers-moi, s'il te plaît, une pinte de bière, dit Kunley, s'asseyant devant le feu mourant.

— Il m'en reste un cruchon, gémit la vieille femme. Bois, et tu mourras saoul. C'est mieux ainsi, peut-être.

Elle attendit le soir accroupie près de l'âtre, le front dans les genoux.

Comme le jour tombait, on entendit gronder si fort devant la porte que des plumes d'oiseaux tombèrent du plafond et que la flamme maigre au bout de la bougie grelotta, vacilla, et se ratatina. Kunley se mit debout.

— Ne bouge pas, dit-il à la grand-mère pâle.

Il sortit sa flamberge. Il bandait comme un roc dans un trou de nuage. Il entrouvrit la porte. Un jet de feu jaillit de son gland rougeoyant, atteignit le démon au milieu de la bouche et déchira ses lèvres, et lui brisa huit dents. Le monstre renversé roula dans les broussailles, hurla, se releva, s'enfuit, les bras au ciel, sous la lune nouvelle. A bout de souffle enfin il s'affala au seuil de la Grotte appelée Victoire-du-Lion.

C'était là que vivait la nonne Samadhi. (Kunley avait connu autrefois cette femme. Elle s'était faite nonne au soir de leurs amours.)

— Hé, sainte, cria-t-il, regarde ma figure ! Un démon plus démon que je ne saurais l'être a fait un trou dedans ! La nonne l'ausculta, hocha la tête et dit :

— C'est l'œuvre de Kunley. Son foutre est foudroyant, crois-moi, je l'ai goûté. Rien ne saurait guérir ce genre de désastre.

— Je ne veux pas mourir, gémit l'autre, tremblant. Dis-moi, que dois-je faire ?

— Retourne d'où tu viens. Celui qui t'a blessé doit y cuver sa bière. Promets-lui de ne plus tourmenter les vivants. S'il te prend en pitié, tu auras de la chance.
Le démon s'en revint, tout saignant de la bouche, à la porte où Kunley lui avait fait manger ses lèvres avec ses dents. Il entra à genoux, se prosterna aux pieds de l'errant impassible.

— Voici ma pauvre vie. Je te l'offre, dit-il.

Kunley posa les mains sur sa tête penchée.

— Que ton nom désormais soit Démon-Buffle-Noir. Tu seras ici-bas protecteur des gens simples.

Ce fut dit, ce fut fait. La vieille alla au lit, Buffle-Noir s'en alla rebâtir les villages, et Kunley poursuivit son voyage infini.

Henri Gougaud, « Le livre des amours ».


Le livre des amours
Contes de l'envie d'elle et du désir de lui

A fréquenter les contes et les mythes des peuples primitifs, il apparaît que les mille jeux du sexe furent partout célébrés à l'égal des manifestations les plus sacrées du bonheur d'être. Notre Occident, aujourd'hui, ne les estime plus inspirés par le diable, mais il n'ose point encore penser qu'ils peuvent, ou ont pu un jour, plaire à Dieu. Pour nos ancêtres simples, il va de soi que la force d'aimer prend sa source dans le Maître de la Création, et qu'il n'est pas de plus joyeux devoirs que de célébrer ces outils qui nous furent donnés pour la servir.

Les contes qui peuplent ce livre sont tous, évidemment, de tradition orale. Quel que soit le pays de leur naissance ils disent le même étonnement de se voir au soleil après l'ombre insondable, le même émerveillement devant l'amour. Il m'a plu de servir ces œuvres qui ont tant à nous apprendre sur un bonheur à réinventer




lundi, décembre 24, 2012

Ni vieux ni maîtres





Quand les « vieux » gays revendiquent le mariage et des enfants pour tous, c'est la cellule familiale et l'autoritarisme parental qui s'affirment, et cela ne déplaît pas à l’État. 

La famille (hétéro ou homoparentale) est « partie intégrante et condition de l’État autoritaire et de la société autoritaire. […] Elle constitue l'appareil d'éducation par lequel tout individu de notre société doit passer dès son premier souffle. Elle forme l'enfant dans l'idéologie réactionnaire non seulement grâce à l'autorité qui y est institutionnalisée, mais par la vertu de sa structure propre ; elle est la courroie de transmission entre la structure économique de la société conservatrice et sa superstructure idéologique ; son atmosphère réactionnaire imprègne nécessairement et inextricablement chacun de ses membres. », dit Wilhelm Reich.

Yves Le Bonniec et Claude Guillion, auteurs de « Ni vieux ni maîtres », estiment que « des millions de jeunes de zéro à dix-huit ans mènent une vie d'objet. Ils appartiennent à leurs parents, à l'État. Ils obéissent aux profs, aux juges, aux médecins, aux flics. La loi, l'autorité adulte parlent d'eux et pour eux.

Pour fabriquer des adultes soumis, il faut réprimer dès l'enfance la vie, l'autonomie, l'amour, qui agitent les petits d'hommes.

Les enfants sont des prisonniers de guerre. C'est la guerre tous les jours, pour sauver sa peau, survivre un peu, aimer un peu, reprendre un peu de temps à l'ennemi. Ça n'est pas une guerre pour de rire. Des milliers d'enfants sont tués chaque année par leurs parents, des milliers d'autres frappés, internés, contrôlés. Il y a des enfants dans les prisons, il y en a dans les hôpitaux psychiatriques, ils y meurent aussi.

Scolarité obligatoire, amours défendues (pédophiles s'abstenir), correspondance contrôlée, circulation interdite, domicile obligatoire, lectures censurées, idées interdites... Assez pour faire qualifier de totalitaire n'importe quel régime politique. Pour les enfants, les adultes disent : éducation, protection, et même amour C'est là que les cartes sont brouillées. Les pires ennemis des enfants sont souvent ceux qui, paraît-il, les aiment le mieux. L'amour « naturel » entre parents et enfants est un mythe qui permet aux adultes d'endormir la méfiance des opprimés. C'est peut-être le plus gros mensonge, ça n'est pas le seul. Les adultes en inventent sans cesse pour maquiller ou justifier leur pouvoir, car les idées sont des armes. Il peut s'avérer plus difficile mais plus important de résister à un mensonge qu'à une claque. »

Yves Le Bonniec et Claude Guillion, « Ni vieux ni maîtres ».


Ni vieux ni maîtres





"Une femme, je la fais jouir 42 fois en une nuit"

Gourou Bikran Choudhury L'Effet Papillon revient sur le reportage de Mathieu Bonnet : "Rencontre avec le yogi CHOUDHURY, le fondate...