mercredi, octobre 17, 2012

Journée Mondiale du refus de la misère




Camarades de misère, quand, énervés par un long chômage, quand, désespérés par des privations de toutes sortes, vous en arriverez à maudire votre situation et à réfléchir aux moyens de vous en assurer une meilleure, attaquez-vous aux vraies causes de votre misère, à l'organisation capitaliste qui fait de vous les machines des machines ; mais ne maudissez pas cet outillage qui vous affranchira des forces naturelles, si vous savez vous affranchir de ceux qui vous exploitent. C'est lui qui vous donnera le bien-être... si vous savez vous en rendre les maîtres. […]

Trop longtemps les sociétés ont été détournées de leur but ; elles doivent revenir au rôle pour lequel elles ont été instituées : apporter plus de bien-être, plus de facilités au développement des individus, plus de liberté en diminuant le temps consacré à la lutte pour l'existence.

Pour arriver à cette société, résultat de l'entente libre des intéressés, nous voulons que tout ce qui est le sol, le sous-sol, immeubles, outillage, tout ce qui est le produit de la nature et du travail des générations passées soit enlevé à ceux qui se les sont appropriés indûment et reviennent à la libre disposition de ceux qui auront à les mettre en œuvre, qu'ils ne soient plus accaparés par des individus ou des groupes les exploitant à leur profit. L'outillage, surtout, ne devant être ni social, compris dans le sens de propriété d'une entité sociale quelconque, ni corporatif, nous voulons qu'il soit à la disposition de qui en a besoin pour produire et le mettre en œuvre par lui-même, soit en tant qu'individu, soit en groupe.

Nous voulons, partout, l'abolition du salaire, puisque chacun aura la libre disposition des produits de son travail ; nous voulons également l'abolition de la monnaie ou de tout autre valeur d'échange, la répartition des produits devant s'opérer directement entre producteurs et consommateurs groupés par besoins et affinités où l'échange des produits ne sera plus qu'un échange mutuel de services.

Nous voulons la disparition de l'État, de tout gouvernement, quel qu'il soit, centralisé ou fédératif, dictatorial ou parlementaire, basé sur un suffrage plus ou moins restreint, plus ou moins élargi par une soi-disant représentation des minorités. Tous les groupements placés au-dessus des individus ayant une tendance fatale à les dominer, à se développer au détriment de leur liberté.

Nous voulons la disparition des armées permanentes parce qu'elles n'ont d'autre objectif que la défense des privilégiés, qu'elles ne sont que des écoles de débauche, d'avilissement et d'abaissement et une menace perpétuelle de guerre entre les peuples.

Nous voulons que les groupes et individus se tenant en relations constantes entre eux règlent eux-mêmes, sans suffrages ni délégations, les questions d'intérêt général, comme ils auront su régler, au sein de leurs groupes, les questions d'intérêts privés. [...]

Nous voulons l’affranchissement complet, intégral de l’individu. Nous voulons son affranchissement économique le plus absolu.


Jean Grave, Ce que nous voulons.

Télécharger gratuitement Résistances, le journal du refus de la misère :


Ceque nous voulons
de Jean Grave

Fils d’un communard blanquiste, Jean Grave (1854-1939) travaille très jeune comme cordonnier à Paris : fréquentant les cercles ouvriéristes, proche d’Élisée Reclus et de Pierre Kropotkine, il a crée Les Temps nouveaux en 1895, qui devient la tribune pour ses idées. 

En 1914, celui qui déploie depuis plus de trente ans une « propagande de brochures » fait paraître Ce que nous voulons, manifeste du projet libertaire, condensé virulent de l’idéal anarchiste : « Nous voulons l’affranchissement complet, intégral de l’individu. Nous voulons son affranchissement économique le plus absolu. »

Dans la « société future » seront abolis le salaire, la monnaie, la propriété individuelle, l’armée, la démocratie représentative, l’État et ses gouvernements. Dans trois textes antérieurs, Grave détaille sa critique du régime de la IIIe république et de la société industrielle : le machinisme (1898), la colonisation (1912) et préconise l’usage de la révolution (1898).

mardi, octobre 16, 2012

La « prophétie » de Michel Serrault





Quand un comédien semble plus lucide que les politiciens, il ne faut pas croire que ceux qui gouvernent sont des incapables ou des idiots. Non, ce sont des calculateurs sans scrupules et des criminels !

Chaos en Irak & djihad contre l'Occident

« 14 avril 2003, écrit Michel Serrault, la guerre en Irak bat son plein. George Bush me fait peur. Les scènes de bombardement de Bagdad à la télévision me glacent le sang. Cette guerre plus longue que prévu par les « experts » multiplie les morts de part et d'autre dans un but clairement identifié : s'emparer du pétrole irakien. Assez de naïveté à cet égard. Qui peut croire aux prétendus élans humanistes de l'Amérique et de la Grande-Bretagne voulant « libérer » la population ? L'a-t-on consultée ? Lui a-t-on annoncé le désordre qui va suivre inévitablement cette intervention ? La guerre civile, peut-être, le chaos, le sang, les règlements de comptes... Tout cela, comme toujours, sur le dos des plus faibles. Quand tous les musulmans seront remontés définitivement contre l'Occident, il faudra se souvenir de la responsabilité historique de George Bush. Quelle inconscience !

Et ce sentiment d'impuissance devant la télévision qui montre les dégâts humains et matériels de plus en plus lourds. »

Michel Serrault, Les pieds dans le plat.


Les pieds dans le plat

« Je ne suis pas un écrivain, encore moins un philosophe ou un moraliste, tout au plus un comédien un peu perdu, parfois, dans ce siècle tourmenté. Les journalistes me demandent souvent ce que je pense de tel ou tel événement qui surgit dans l’actualité. Une pirouette me sert presque toujours de réponse. Pourquoi se prononcer ou pousser un cri ? A quoi bon exprimer une opinion définitive sur un sujet changeant quand on n’a pas le pouvoir de modifier le cours des choses ? Mais l’année dernière, j’ai éprouvé le besoin de fixer un peu mes idées. Depuis décembre 2002, je note, sur des feuilles volantes, tout ce qui me passe par la tête, à la faveur d’une rencontre, d’une émission de télévision, d’une pièce de théâtre, d’une déclaration de George Bush au journal télévisé ou d’une apparition du Pape au balcon du Vatican. On trouvera dans ce journal ce qui me réjouit et m’agace, ceux que j’admire depuis toujours et ceux que je déteste provisoirement, des gens célèbres ou des inconnus, des commerçants de mon quartier, des moines perdus dans leur thébaïde et des metteurs en scène plus ou moins inspirés. Dans mon métier de comédien, je prétends que la « présence », indéfinissable, est déterminante. Sur scène, je veux que mon cœur pénètre au fond des âmes. Ce ne sont pas les mots qui comptent mais l’intention derrière les mots. Mon métier est un métier de croyance et de foi. Comment expliquer le mystère du comédien puisque ce qu’il fait de mieux, souvent, lui échappe ?



Il en va de même dans ce journal : beaucoup de remarques, de pensées, de critiques, d’applaudissements aussi, se sont échappés sur le papier et je ne les ai pas censurés. Me jugera-t-on avec indulgence ? Je l’espère car c’est avec sincérité et une bonne foi très relative que je réponds aux évènements quotidiens, heureux ou malheureux, cocasses ou inattendus, qui s’offrent à mon regard de comédien et à mon cœur de chrétien.

Mettre « les pieds dans le plat » a deux sens très voisins d’après les dictionnaires. Soit commettre involontairement un impair, soit faire exprès de susciter un effet de scandale ou de mettre ses interlocuteurs dans l’embarras en les atteignant ouvertement. Je ne sais plus ce qui relève de l’impair, dans les pages qui suivent, ou de l’attaque volontaire. A moins que l’ensemble ait échappé à mon raisonnement sous le coup de l’émotion, de la colère, d’un éclat de rire ou de l’émerveillement. »
Michel Serrault
(1928-2007)







lundi, octobre 15, 2012

Une bouffonnerie oligarchique




Le Comité Nobel norvégien vient de nommer l'Union Européenne prix Nobel de la Paix.

L’Europe nobélisée c'est la nouvelle bouffonnerie imaginée par les maîtres du monde !

En réalité, l'Europe de 2012 évoque la ferme des animaux de George Orwell. Pour Orwell, l'idéal républicain est perverti, il ne profite qu'à quelques individus. « Tous les animaux sont égaux, mais certains le sont plus que d'autres », écrit-il.

Dans la réédition de 2006 de La ferme des animaux, la petite biographie consacrée à George Orwell précise ceci :

« Orwell est mort à Londres en janvier 1950, peu après avoir publié son très célèbre ouvrage, 1984. Tout le monde connaît cette peinture d'un monde totalitaire, prophétique jusque dans les détails : l'omniprésent visage à la moustache noire, avec pour légende « Big Brother vous regarde », les hélicoptères qui surveillent les gens par la fenêtre, la Police de la Pensée, la torture, la rééducation, la toute-puissance de l’État. Aujourd'hui que la véritable année 1984 est arrivée, on peut voir hélas le modèle imaginé par George Orwell s'étendre sur la carte du monde. »

La démocratie n'existe pas en Europe, le peuple, notamment grâce aux réseaux sociaux de l'Internet, en prend de plus en plus conscience. Et l'oligarchie, avec la complicité du Comité Nobel, en vient à jouer son va-tout : la peur des guerres et l'éloge de la « Pax Romana » des pays asservis par Bruxelles, la Rome de l'ordre totalitaire marchand européen. 





samedi, octobre 13, 2012

Karma, nirvana, blablabla




Quelques années avant son décès (2008), Marc Bosche a écrit :

« J'ai passé le réveillon avec des amis, trois couples ayant chacun vingt à vingt-cinq années de pratique du bouddhisme. [...]

En échangeant avec eux j'ai évoqué les limites que je voyais au message même du bouddhisme : 1) la vérité de la souffrance, 2) le karma, 3) le nirvana et 4) les vies successives. Voici les quatre objections que j’ai soulevées, et un peu plus loin la réaction intéressante de ces amis..


1) La vie en tant qu’opportunité

En un mot la vérité de la souffrance n'est peut-être pas correctement formulée dans le bouddhisme, puisque en réalité la vie si elle est souffrance, certes, est surtout opportunité d'une expérience consciente unique. Sans la vie nous ne serions sans doute pas, et donc vivre n'est pas une maladie ni une fatalité douloureuse, mais plutôt un tremplin précieux et un cadeau inestimable.


2) Le karma a bon dos

Quant au karma, le bouddhisme nous dit que les souffrances d'aujourd'hui résultent d'actes non vertueux d'hier et que les bonheurs d'aujourd'hui résultent d'actes vertueux accomplis par le passé. Or, nous le voyons bien, beaucoup d'innocents souffrent (les victimes du Tsunami par exemple), d'enfants innocents meurent. Nous ne pouvons pas moralement affirmer que c'est à cause d'actes négatifs antérieurs, ce serait victimiser deux fois ces personnes, leur faire porter une deuxième fois le poids de destinées que rien ne peut justifier.

En revanche des dictateurs coulent de vieux jours paisibles. Des tortionnaires ou des aigrefins passent de paisibles retraites semblant ne pas souffrir particulièrement de cette fameuse "loi du karma". Mr Papon libéré de prison pour raison de santé, coule des jours heureux. Mr Crozemarie bénéficie paraît-il d'un jacuzzi dans sa confortable maison de retraite. Mr Pinochet n’a qu’assez récemment été inquiété par la justice de son pays. Mr Saddam Hussein est toujours vivant à l'heure de son procès (au 28 mars 2006 date à laquelle nous bouclons l’édition de ce livre), alors que de nombreux Irakiens innocents, des femmes, des enfants, des jeunes gens sont morts. La loi du karma du bouddhisme paraît un vœux pieux plus qu'une réalité.

L’idée de maturation des graines karmiques est nécessaire pour rendre plausible la théorie du karma, mais cela fonctionne-t-il vraiment comme cela ? La durée de la vie humaine permet-elle cette "maturation" ? Probablement non, et alors il faut absolument croire à cette idée de vies successives pour que la rétribution karmique ait la moindre chance de se produire et donc d'exister. Or rien n'est moins sûr que ces chapelets de vies successives pour vous et moi. Il y a donc au moins deux hypothèses, pour le moins hasardeuses, indispensables ici pour fonder cette théorie du karma.


3) La promesse vague, plurielle et contradictoire du nirvana

Quant au nirvana, qui peut vraiment compter dessus, en faire le projet de sa vie ? Honnêtement ?

Et puis, ce serait intéressant de découvrir aussi si l'union "vacuité-félicité" qui est pour les tantrikas du vajrayana le coeur de l'éveil spirituel correspond au nirvana de leurs amis Theravadin...

Chez les kagyu où l'influence Dzogchen et plus généralement Nyingma est présente (la lignée kagyu emprunte beaucoup aux enseignements et aux maîtres nyingma) le nirvana est un peu réservé... aux maîtres, aux détenteurs de lignée. Pour les disciples, il s'agit plutôt, de vie humaine en vie humaine, de réaliser progressivement des terres pures au moment de chaque mort successive et d'avancer ainsi de la première vers la dixième terre pure (ou treizième selon les systèmes), vers la libération du cycle des renaissances. Je crois que c'est à ce point qu'on peut alors parler de nirvana selon ce système tantrique.
Il y a aussi les cas de ces yogis qui réalisent le corps d'arc-en-ciel au moment de leur mort, il s'agit d'une manière de libération également, mais je ne peux dire si selon ce modèle de l'illumination c'est l'ultime et définitif, c'est à dire le nirvana. Comme ces atteintes successives (des terres pures, ou même du corps d'arc-en-ciel) correspondent de toute évidence à un raffinement de plus en plus grand de la conscience : "Dans le dzogchen tibétain, la nirvana est également assimilé à la conscience fondamentale, qualifiée de grande perfection naturelle. Il faut reconnaître la nature de l’esprit, vide, lumineuse, sensible et au delà de la mort."Alors, un nirvana pour tous, ou divers nirvana promis selon les diverses écoles ? Les promesses engagent surtout ceux qui y croient. Un maître Soto Zen (Kodo Sawaki, le maître de Taisen Deshimaru) disait quant à lui que le nirvana c'était "l'endommagement ultime"... Que voulait-il dire par là ? Et puis il y a les NDE, les near death experiences, ces expériences au seuil de la mort que racontent nos contemporains qui les ont vécues, en particulier en Occident. Sont-elles une expression de ce "nirvana", de cet éveil spirituel ? Est-ce le même éveil que chez les bouddhistes, est-ce encore une autre forme de conscience ou d'expérience ?


4) La fiction possible des vies successives

Pour ce qui est des vies successives, rien ne montre que cela se passe comme le dit le bouddhisme, c'est à dire qu'un courant de conscience se réincarne (ou passe) encore et encore dans différents plans possibles d'existence, nous donnant au passage ici et maintenant cette vie humaine.

D'autres possibilités sont tout aussi crédibles : dispersion ou cessation de la conscience fondamentale au moment de mort, réintégration ou réabsorption de celle-ci dans une autre dimension ou une autre réalité spirituelle, combinaison de facteurs dynamiques de la conscience appartenant à plusieurs êtres pour composer la conscience d'un nouveau-né. Etc. etc. Bref la théorie des vies successives est aussi un conte simple et séduisant, mais ne présente aucune présomption de sa réalité.

Après avoir présenté mes modestes élucubrations, l'une des personnes présentes au réveillon m'a dit : "je pense comme vous, je suis d'accord." Je lui ai fait remarqué : "Alors vous n'êtes pas bouddhiste". Elle m'a répondu avec un sourire : "je me présente comme bouddhiste, mais je ne crois pas, en effet, à cela." Un autre participant à la soirée a ajouté, en substance : "oui, il faut toujours dire qu'on est bouddhiste aux autres qui le sont, pour ne pas créer de difficultés ou de problèmes avec eux, mais c'est vrai on ne croît pas vraiment à ces choses". J'ai donc réalisé que ces amis qui ont vingt à vingt cinq ans de dharma, qui sont pour la plupart végétariens et ont adopté une hygiène de vie et une éthique très attentive, qui pratiquent la méditation au quotidien, ne croient pas un mot du dogme fondamental qui définit le bouddhisme. Mais ils se disent toujours "bouddhistes". »

Marc Bosche, Neo bouddhisme, quand le Bouddha ne sourit plus.





vendredi, octobre 12, 2012

Le secret des Pythagoriciens




IVe siècle après Jésus-Christ. En Égypte, la brillante philosophe Hypatie tente de préserver les connaissances accumulées depuis des siècles. Elle sera lapidée par des moines chrétiens sur l'ordre de saint Cyrille, évêque d'Alexandrie .

Les Égyptiens, qui avaient inventé la géométrie, se souciaient peu des mathématiques. Pour eux, ce n'était qu'un outil afin de compter l'écoulement des jours et de délimiter des parcelles de terrain. Les Grecs eurent une attitude différente : les nombres et la philosophie étaient inséparables, et ils prenaient les deux terriblement au sérieux. On peut dire que les Grecs se livraient à des débordements lorsqu'on parlait nombres...

Hippase de Métaponte se tenait sur le pont du bateau, se préparant à la mort. Autour de lui étaient rassemblés les membres d'un culte, une fraternité secrète qu'il avait trahie. Hippase avait révélé un secret qui pouvait être mortel pour la pensée grecque, un secret qui tendait à faire écrouler toute la philosophie que la fraternité avait échafaudée. Parce que Hippase avait révélé ce secret, le grand Pythagore lui-même l'avait condamné à la mort par noyade. Pour protéger sa philosophie des nombres, la secte allait tuer. Pourtant, aussi grave que fût le secret révélé par Hippase, il n'était rien par rapport au danger du zéro.

Le chef du groupe était Pythagore, un personnage fondamental de l'Antiquité. D'après la plupart des sources, il est né au VIe siècle avant J-C. à Samos, une île grecque au large des côtes de Turquie, célèbre pour son temple à Héra et pour son excellent vin. Même jugées à l'aune des standards des superstitieux Grecs anciens, les croyances de Pythagore étaient extravagantes. Il était fermement convaincu d'être la réincarnation de l'âme d'Euphorbe, un héros troyen. Ce qui encourageait Pythagore à penser que toutes les âmes — y compris celle des animaux — passaient dans de nouveaux corps après la mort. Pour cette raison, il était strictement végétarien. Les haricots, toutefois, étaient tabous, car ils causent des flatulences et ressemblent aux appareils génitaux.

Pythagore était sans doute un penseur New Age de l'Antiquité, mais il était aussi un narrateur exceptionnel, un chercheur renommé, et un enseignant charismatique. On dit qu'il a rédigé la Constitution destinée aux Grecs vivant en Italie. Les étudiants venaient vers lui en grand nombre et il se retrouva rapidement à la tête d'une flopée de disciples qui voulaient profiter de l'enseignement du maître.

Les Pythagoriciens vivaient conformément aux diktats de leur chef. Ils croyaient, entre autres, qu'il était préférable de faire l'amour aux femmes en hiver plutôt qu'en été ; que tout malaise était causé par une indigestion ; qu'il fallait manger de la nourriture crue, boire uniquement de l'eau et éviter de porter de la laine. Mais, au cœur de leur philosophie, le point le plus important tenait dans cette révélation : tout est nombre.

Les Grecs avaient hérité leurs nombres des géomètres égyptiens. Avec pour résultat que, dans les mathématiques grecques, il n'y avait pas de distinction nette entre les figures et les nombres. Pour les philosophes mathématiciens grecs, c'était à peu près la même chose. Aujourd'hui encore nous avons des nombres carrés et des nombres triangulaires, selon leur composition. A cette époque, démontrer un théorème mathématique se réduisait à l'exécution d'un élégant dessin ; les outils n'étaient pas la plume et le papier - c'était la règle et le compas. Et pour Pythagore le lien entre les figures et les nombres était profond et mystique. Chaque forme de nombre avait un sens caché, et les plus belles étaient sacrées.

Le symbole mystique du culte pythagoricien était naturellement le pentacle, une étoile à cinq branches. Cette simple figure ouvre sur l'infini. Blotti à l'intérieur des lignes de l'étoile, on décèle un pentacle. Si l'on relie par des traits les coins de ce pentacle, se dessine une petite étoile inversée qui a exactement les mêmes proportions que l'original. Cette étoile, à son tour, contient un pentacle encore plus petit qui contient une étoile plus petite avec son petit pentacle et ainsi de suite.

Aussi intéressant que cela soit, pour les Pythagoriciens la propriété la plus importante du pentacle ne résidait pas dans son auto-reproduction, mais était cachée dans les côtés de l'étoile. Ils contenaient ce qui était le symbole ultime de la conception pythagoricienne de l'univers : le nombre d'or.

Le nombre d'or vient d'une découverte de Pythagore peu connue. Dans les écoles modernes, les enfants entendent citer Pythagore pour son fameux théorème : le carré de l'hypoténuse d'un triangle rectangle est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. Cela n'avait rien de nouveau. On le savait plus de mille ans avant Pythagore. Dans la Grèce antique, Pythagore devait sa célébrité à une autre découverte : la gamme musicale.

Un jour, selon la légende, Pythagore jouait sur un monocorde, une boîte sur laquelle était tendue une corde. En faisant coulisser de haut en bas une pièce placée à cheval sur la corde, une espèce de capodastre, Pythagore changeait les notes que l'instrument émettait. Il découvrit vite que les cordes ont chacune un comportement particulier, quoique prévisible. Quand vous pincez la corde sans poser de capodastre, vous obtenez une note pure, appelée fondamentale. Poser le capodastre sur le monocorde change les notes que l'on joue. Quand vous placez le capodastre exactement au milieu du monocorde, chaque moitié de la corde émet la même note : une note exactement d'une octave supérieure à la note fondamentale. En faisant glisser légèrement le capodastre pour obtenir d'un côté trois cinquièmes de la corde et de l'autre deux cinquièmes, Pythagore remarqua qu'en pinçant les deux segments, on obtenait deux notes qui créaient une quinte juste, dont on dit qu'elle est le rapport musical le plus évocateur et le plus puissant. Des proportions différentes donnaient des tonalités différentes, qui pouvaient être plaisantes ou désagréables. (Le discordant tritone, par exemple, fut baptisé « le diable dans la musique » et écarté par les musiciens médiévaux.) Étrangement, lorsque Pythagore posait le capodastre à un endroit qui ne divisait pas la corde en une fraction exacte, les notes pincées sonnaient mal. Le son était alors dissonant et parfois pire. Souvent la note hoquetait comme un ivrogne de haut en bas de la gamme.

Pour Pythagore, jouer de la musique était un acte mathématique. Comme les carrés et les triangles, les droites étaient des figures-nombres, aussi diviser une corde en deux parties relevait de la même idée qu'établir un rapport entre deux nombres. L'harmonie du monocorde était l'harmonie des mathématiques — et l'harmonie de l'univers. Pythagore en conclut que des règles gouvernent non seulement la musique mais également tout ce qui est beau. Pour les Pythagoriciens, les proportions et les ratios ordonnent la beauté musicale, la beauté physique, et la beauté mathématique. Comprendre la nature devient aussi facile que comprendre les proportions en mathématiques.

Cette philosophie — l'interchangeabilité de la musique, des mathématiques et de la nature — conduisit au premier modèle pythagoricien du système planétaire. Pythagore avança que la Terre était au centre de l'univers, et que le Soleil, la Lune, les planètes tournaient autour, dans des sphères successives. Les proportions entre les sphères étaient harmonieuses et régulières et lorsqu'elles bougeaient, elles émettaient de la musique. Les planètes les plus à l'extérieur, Jupiter et Saturne, avaient le déplacement le plus rapide et émettaient les notes les plus haut perchées. Les planètes intérieures, comme la Lune, émettaient des notes plus graves. Les planètes toutes ensemble créaient une « harmonie des sphères » et les cieux étaient un merveilleux orchestre mathématique. C'est ce que Pythagore sous-entendait lorsqu'il proclamait : « Tout est nombre. »

Pour comprendre la nature, les mathématiciens grecs pythagoriciens et leurs successeurs consacrèrent beaucoup d'études aux proportions qui en étaient les clés. Finalement ils les classèrent en dix catégories, sous le nom de : la table d'harmonie. L'un de ses résultats donnait le nombre le plus beau du monde : le nombre d'or. Pour trouver ce nombre bienheureux, il faut diviser une droite d'une certaine façon, de manière à ce que le rapport entre la petite part et la grande part soit le même qu'entre la grande part et le tout. Décrit ainsi, cela n'a rien d'extraordinaire, mais les figures auxquelles s'appliquent ces proportions sont les plus belles. Aujourd'hui encore, les artistes et les architectes savent intuitivement que les objets dont la longueur et la largeur respectent cette proportion sont les plus esthétiques, et que le nombre d'or est à la base de quantité d'œuvres d'art et d'architecture. Certains historiens et mathématiciens avancent que le Parthénon d'Athènes fut construit entièrement sur cette base. La nature elle-même semble dessiner ses plans avec le nombre d'or. Comparez les proportions entre deux anneaux successifs d'un nautile, ou celles des écailles d'un ananas allant dans le sens des aiguilles d'une montre et celles allant dans le sens opposé, et vous venez que ces proportions tendent vers le nombre d'or. [...]

Les Pythagoriciens avaient tenté d'étouffer un concept dérangeant — l'irrationnel. Cette notion apportait la première mise en cause des conceptions pythagoriciennes, et la confrérie tenta de la garder secrète. Lorsque le secret s'échappa, le culte tourna à la violence.

Le concept de l'irrationnel était dissimulé comme une bombe à retardement dans les mathématiques grecques. En raison de la dualité nombre-forme, compter revenait à peu près pour les Grecs à mesurer un segment. Ainsi la proportion entre deux nombres n'était que la comparaison entre deux segments de différentes longueurs. Toutefois, pour effectuer n'importe quelle mesure, vous avez besoin d'un étalon pour comparer la longueur des lignes. A titre d'exemple, prenez une ligne longue d'un pied. Faites une marque, disons à cinq pouces et demi d'une extrémité, divisant ainsi le pied en deux parts inégales. Les Grecs représenteraient la fraction en divisant la droite en petits espaces, d'un demi-pouce chacun. Un segment en contient 11, l'autre 13. Le rapport entre les deux segments est donc de 11 à 13.

Pour que tout dans l'univers soit gouverné par des ratios, comme le souhaitaient les Pythagoriciens, tout ce qui règle l'univers doit pouvoir être ramené à une proportion exacte et agréable. Cela doit être, littéralement, rationnel. [...]

Le carré, l'une des figures les plus simples de la géométrie, était dûment révéré par les Pythagoriciens. (Il avait quatre côtés, un pour chaque élément : le symbole de la perfection des nombres.) Mais l'irrationnel est niché dans la simplicité du carré. Si vous tracez la diagonale - une droite joignant un angle à l'angle opposé - l'irrationnel apparaît. Pour un exemple concret, prenez un carré d'un pied de côté. Tracez la diagonale. Un peuple obsédé de proportion comme les Grecs ne pouvait manquer de s'interroger : quel est le rapport entre les deux droites ?

La première chose à faire est, à nouveau, de créer un instrument de mesure banal, peut-être une minuscule règle d'un demi-pouce de long. La deuxième est d'utiliser cette règle pour diviser chaque droite en segments d'égale grandeur. Avec cette mesure d'un demi-pouce, nous pouvons diviser le côté long d'un pied en 24 segments. Que se passe-t-il lorsque nous mesurons la diagonale ? Avec la même règle, nous trouvons que la diagonale fait.., allons, presque 34 segments, mais ce n'est pas absolument exact. Le trente-quatrième segment est un tout petit peu trop court ; la règle d'un demi-pouce déborde légèrement de l'angle du carré. Faisons mieux. Divisons la droite en segments encore plus courts, en utilisant une règle de 1/6e de pouce de long. Le côté du carré est découpé en 72 segments, alors que la diagonale se révèle être de plus de 101, mais moins de 102 segments. De nouveau, la mesure ne donne pas un résultat exact. Que se passe-t-il lorsque nous essayons avec des segments vraiment plus petits, en mesurant en éléments d'un millionième de pouce ? Le côté du carré fait 12 millions d'éléments, et la diagonale atteint un nombre inférieur à 16 970 563. De nouveau notre règle ne réussit pas à mesurer exactement les deux droites. Et quelque règle que nous prenions, notre mesure ne tombera pas juste.

En fait, aussi minuscule que soit la base de mesure, aucune ne permettra de mesurer parfaitement le côté et la diagonale. La diagonale est incommensurable avec le côté. Donc, avec un étalon banal, il est impossible d'exprimer un rapport entre les deux droites. Ceci signifie que nous ne pouvons choisir des nombres a et b tels que la diagonale s'exprime comme « a/b ». La diagonale de ce carré est irrationnelle - et aujourd'hui nous savons que ce nombre est la racine carrée de deux.

Voilà bien des soucis pour la doctrine pythagoricienne ! Comment la nature pouvait-elle être gouvernée par des rapports et des proportions si quelque chose d'aussi simple qu'un carré mettait à mal ce système ? L'idée était difficile à admettre, mais elle était incontournable — une conséquence des lois mathématiques que les Pythagoriciens appréciaient tant. L'une des premières preuves mathématiques de l'histoire permit d'établir l'incommensurabilité et l'irrationalité de la diagonale du carré.

L'irrationalité éveillait des dangers pour Pythagore, car elle sapait la base de son univers. Pour ajouter l'insulte à la blessure, les Pythagoriciens découvrirent bientôt que le nombre d'or, l'ultime symbole de la beauté et de la rationalité, était un nombre irrationnel. Pour empêcher ces horribles nombres de miner la doctrine, ils furent tenus secrets. Tous les membres de la communauté pythagoricienne avaient déjà l'habitude de tenir leur langue - personne n'avait même le droit de prendre des notes - et l'incommensurabilité de la racine carrée de deux devint le secret le mieux gardé, le mieux enfoui, des Pythagoriciens.

Toutefois, les nombres irrationnels, contrairement au zéro, ne pouvaient pas être facilement ignorés par les Grecs. Les irrationnels se présentaient et se représentaient dans toutes sortes de constructions géométriques. Il était difficile de tenir l'irrationnel secret face à une population obsédée de géométrie et de fractions. Quelqu'un allait un jour dévoiler le secret. Ce fut Hippase de Métaponte, mathématicien pythagoricien. Le secret des irrationnels lui porta malheur.

Les récits rapportant la trahison et le destin d'Hippase sont flous et contradictoires. Aujourd'hui encore, les mathématiciens évoquent le sort de l'homme infortuné qui révéla au monde le secret de l'irrationnel. Certains prétendent que les Pythagoriciens le jetèrent par-dessus bord et le noyèrent, comme juste punition pour avoir miné une magnifique théorie. Des sources anciennes racontent sa mort en mer, et d'autres que la fraternité pythagoricienne le bannit et lui construisit un sépulcre afin de l'exclure du monde des humains. Mais quel que fût le destin réel d'Hippase, il fut certainement maudit par ses frères. Le secret qu'il révéla ébranla les fondations de la doctrine de Pythagore, mais en traitant l'irrationnel comme une anomalie, les Pythagoriciens pouvaient empêcher les nombres irrationnels de mettre à bas tout leur édifice. Pourtant, les Grecs finirent à regret par admettre les irrationnels au royaume des nombres. Ce ne sont pas toutefois les irrationnels qui tuèrent Pythagore, mais les haricots.

Les légendes qui courent sur la fin de Pythagore sont aussi brumeuses que celles sur le meurtre d'Hippase. Elles sont cependant unanimes à attribuer au maître une fin étrange. Certaines versions prétendent que Pythagore se laissa mourir de faim, mais les plus répandues établissent que ce sont des haricots qui lui furent fatals. Un jour sa maison fut incendiée par ses ennemis (furieux de n'avoir pas été jugés dignes d'être reçus par le maître), et tous les disciples présents dans la maison tentèrent de s'échapper et s'enfuirent de tous côtés. Les attaquants tuaient Pythagoricien après Pythagoricien. Il ne restait plus rien de la communauté. Pythagore lui-même se sauva et il aurait peut-être réussi sa fuite s'il ne s'était soudain trouvé en plein dans un champ de haricots. Il s'arrêta et déclara qu'il préférait être tué plutôt que de traverser le champ de haricots. Ses poursuivants le prirent au mot et lui tranchèrent la gorge.

Même si la communauté s'était éparpillée et si son chef était mort, l'essentiel des enseignements de Pythagore survivait. Cela formerait bientôt la base de la philosophie la plus influente sur l'histoire occidentale — la doctrine aristotélicienne qui perdurerait pendant deux millénaires.

Charles Seife, Zéro, la biographie d'une idée dangereuse.



Inventé par les Babyloniens, rejeté par les Grecs, encensé par les Hindous, le zéro est au cœur des polémiques, des luttes, des spéculations des mathématiciens, des physiciens et des théologiens de toutes les époques. Le zéro est puissant parce qu'il triomphe des autres chiffres, rend folles les divisions et est le frère jumeau de l'infini. Les plus vertigineuses questions de la science et de la religion se posent autour du rien et de l'éternité, du vide et de l'infinité. Des débats passionnés et souvent violents autour du zéro ébranlèrent les fondations de la philosophie, de la science, de la religion.

De Pythagore à Aristote, qui renièrent son existence, des chrétiens qui le craignirent jusqu'aux musulmans qui le réintroduisirent en Occident, Charles Seife raconte avec clarté l'histoire extraordinairement mouvementée de ce chiffre, de ce concept qui est aujourd'hui une des clefs de la physique quantique, de la compréhension des trous noirs et de la naissance de l'Univers.

jeudi, octobre 11, 2012

Morale religieuse



Une nonne chrétienne chipe quelques bouteilles d'alcool.


« Il existe près des écluses un bas quartier de chapelains
Dont la belle jeunesse s'use à démêler le tien du mien... »

(D'après L'étrangère d'Aragon)

Vous transgressez, vous désobéissez à un interdit de façon consciente. Mais allez en paix ma sœur, Élisée Reclus, âme libertaire pure, ne prêchait-il pas la reprise d'individuelle, c’est-à-dire le vol à des fins de justice sociale ?

La femme et les moines bouddhistes

Le long d'un ruisseau, un moine et son jeune disciple se promènent en devisant sur la sagesse bouddhiste. Soudain, ils sont interrompus par une ravissante jeune fille qui réclame leur aide pour traverser le cours d'eau. Le vieux moine la prend dans ses bras et la dépose sur l'autre rive. Puis il reprend sa promenade avec son compagnon. ils marchent une demi-heure en silence.

Pourquoi restes-tu si longtemps sans prononcer un seul mot, interroge le vieux moine, que t'arrive-t-il ?

Maître, je suis scandalisé par votre conduite avec cette jeune femme. Vous l'avez prise dans vos bras.

Oui, c'est vrai. Mais moi je l'ai déposée il y a une demi-heure ! Toi, tu l'as encore dans les bras. »

Hubert Reeves, La petite affaire jaune.


Trois rabbins new-yorkais

« Dans la dépréciation de soi, il y a une finisse apparence de moralité et de religion. Et bien que la dépréciation de soi-même soit contraire à l'orgueil, celui qui se déprécie lui-même est cependant très proche de l'orgueilleux. »
Spinoza

Trois rabbins viennent d'entrer dans un taxi new-yorkais dont le chauffeur est un grand noir. Pendant le trajet, l'un des rabbins prend la parole comme pour prier à voix haute.

Mon Dieu, je vois ce que tu as fait pour moi et j'en éprouve une immense reconnaissance... Moi, un rien, un ver de terre, tu m'as élevé à la condition de rabbin. Sans que je le mérite, tu m'as sorti du néant !...

Le second l'interrompt :

Mon frère, vos paroles me plongent dans un abîme de réflexion. Si vous, un grand rabbin honoré de tous pour votre grande sagesse, affirmez n'être rien, que suis-je alors, moi ? En vous admirant, j'ai trop de raisons d'estimer l'étendue de mon insignifiance et de mesurer la puissance de la grâce divine qui me permet à moi aussi d'occuper le poste de rabbin !

Qu'est-ce que j'entends mes frères ? dit alors le troisième. Je suis bouleversé par vos paroles. Si vous deux, estimez être si bas dans l'échelle des valeurs, que me reste-il à moi qui suis tellement en dessous de vous ? Je suis confondu par vos mots qui me plongent dans la plus grande humilité !...

C'est alors que le chauffeur de taxi se tourne vers eux et dit :

Mes révérends, j'entends votre conversation et elle me sidère. Si vous, serviteurs de Dieu, dans votre grandeur notoire, vous vous considérez comme des néants alors qui suis-je moi, le néant du néant ?...

Les trois rabbins se regardent alors et l'un deux dit "Non... mais... Pour qui il se prend celui-là ?”

Hubert Reeves, La petite affaire jaune.

La petite affaire jaune

Après une vie entière consacrée à rendre la science accessible à tous, à donner à lire et à comprendre l'univers et ses phénomènes complexes, Hubert Reeves, astrophysicien et ardent défenseur de l'environnement, méritait bien une récréation. C'est lui-même qui nous la propose avec cette Petite affaire jaune.

Contes, histoires et devinettes composent ce beau-livre insolite, illustré par les gravures et dessins de Jean-Michel Charpentier.

De nombreux philosophes ou scientifiques se sont penchés sur le sujet très sérieux de la blague : de Kant à Voltaire ou de Bergson à Freud, tous ont trouvé là des réponses à la question : qu'est-ce qui provoque le rire ?

Mais peu importe la réponse : laissons-nous emporter dans cet univers original et décalé, le temps d'une rêverie qui nous ferait oublier toute la frénésie du monde...


mercredi, octobre 10, 2012

Ashoka Mukpo : l’ombre blanche du Bouddhisme





Quand votre père est un juif New New-yorkais, votre mère une aristocrate anglaise, et votre nom Ashoka Mukpo, vous passez beaucoup de temps à répondre à des questions sur votre identité. « Quand je rencontre quelqu’un, ça se produit dans les 20 secondes, je dois expliquer toute ma vie », dit Ashoka, 31 ans. « En général je dis juste, « Oh, mes parents étaient des hippies ». Si je suis dans une situation plus formelle, je dit « Oh, mon beau-père était tibétain ». Et s’il parle à quelqu’un qui connaît quelque peu l’histoire de l’arrivée du Bouddhisme tibétain en Occident, il dit la vérité. « Je dis alors, « mon père est Chogyam Trungpa », et Dieu sait quel genre conversation absurde va suivre ».

La mère d’Ashoka, Diana, a épousé Trungpa à l’âge de 16 ans, et elle a pris son nom tibétain, Mukpo. Elle était à ses côtés dans les années 70, pendant qu’il construisait un empire dérivé du mouvement hippie à Boulder, Colorado, et obtenait une renommée culturelle encore plus grande, en tant que gourou d’Allen Ginsberg et de Joni Mitchell. Contrairement au Dalaï-lama, qui s’en tient aux fondamentaux du Bouddhisme – en minimisant les souffrances de la vie - Trungpa a initié ses étudiants à l’aspect tantrique de la tradition : l’effort pour libérer les énergies de la vie quotidienne afin d’avancer plus vite sur le chemin de l’éveil. Sa communauté, finalement appelée Shambhala, était connue pour ses fêtes alimentées par l’alcool et le sexe, dont on disait pour les justifier qu’il s’agissait d’exercices tantriques – transformant le poison de l’alcool ou libérant chacun de l’attachement à l’amour romantique conventionnel. « Je ne sais pas, mec », dit Ashoka. « Je pense que si ça se passait maintenant et à mon âge, et que je tombais sur une bande de blancs et sur toute cette merde insensée qui se passait à l’époque, je serais parti en courant ».

En 1980 Trungpa était devenu de plus en plus fantasque, et Diana, bien qu’elle lui fut restée dévouée, prit un amant, Mitchell Levy, médecin personnel de Trungpa. La propre infidélité de Trungpa ne fut jamais en cause – depuis la puberté il avait toujours ouvertement fait preuve d’une grande liberté sexuelle. A la naissance d’Ashoka en 1981, sa peau blanche comme neige fit sensation dans la salle d’accouchement. Trungpa, fidèle à son credo de « folle sagesse », n’en fut pas perturbé. « J’étais son fils », dit Ashoka. « Le fait que je ne sois pas né de lui n’avait aucune importance, j’étais son fils ».

Ashoka fut reconnu comme tulkou à l’âge de 8 mois. Le précédent Karmapa appela Trungpa pour lui annoncer qu’il avait rêvé qu’Ashoka était la neuvième réincarnation de Khamnyon Rinpoché. Ils l’appelaient « le Yogi Fou du Kham », dit Ashoka en parlant de son prédécesseur spirituel. « Il avait un peu une réputation d’homme sauvage, et je ne pense pas lui être fidèle ».

Ashoka, qui vit à Londres avec sa petite amie, est à New York City pour une conférence des Nations Unies. Vêtu d’un costume gris à fines rayures en lieu et place de ses habituels jeans et t-shirt, il ressemble vaguement à un jeune Jeremy Piven. Il est intelligent et bien remonté, guidé par un idéalisme qui l’a conduit à travailler pour Human Right Watch (Observatoire des droits de l’homme), organisme à but non lucratif, pendant trois ans quand il a quitté la fac, et plus récemment à rejoindre « The London School of Economics », où il a obtenu sa maîtrise en développement international. A l’automne il va rejoindre une organisation à but non lucratif qui travaille sur les droits fonciers au Liberia. « En réalité c’est plus cool que ce que pensent les gens », dit-il.

Après la mort de Trungpa en 1987 à l’âge de 48 ans, conséquence de l’alcoolisme qui avait accompagné sans relâche son mode de vie débridé, Levy et Diana se marièrent et emmenèrent Ashoka à Providence, où leur vie de famille se rapprocha de la norme américaine. Mais Ashoka avait toujours su qu’il était promis à un destin particulier en tant que chef spirituel, ce qui était excitant, comme un super pouvoir secret, mais lui donnait aussi l’impression d’être anormal. Il se souvient du moment où ses parents lui proposèrent d’emmener à son entraînement de basket deux moines tibétains venus de leur monastère en Inde pour leur rendre visite. « Je leur ai dit « Vous ne vous rendez vraiment pas compte à quel point c’est incompatible avec l’image que j’ai de moi, là tout de suite », dit Ashoka. « Quand on a 15 ans on ne peut pas dire, « mec, je suis la réincarnation d’un maître spirituel venu des montagnes du Tibet, et mon père était ce coureur de jupons alcoolique, génie de la folle sagesse tibétaine », sans que les gens pensent qu’on est zarbi de chez zarbi. Maintenant c’est juste chiant ».

Le problème d’identité d’Ashoka devint poignant lors d’un voyage familial au Tibet quand il eut 22 ans. « Mon titre et mon rôle sont vraiment significatifs pour les gens », dit-il. « Des vieilles dames et des enfants s’approchaient de moi en pleurant. Des paysans dépourvus de tout m’offraient leurs économies d’une vie. Bon sang,quelqu’un a approché un bébé malade de mon visage et m’a demandé de lui souffler dessus. Je l’ai fait. Je ne peux pas être le genre de mec qui dit, « Tout ceci n’a aucun sens pour moi, désolé ! » Parfois j’ai vraiment le sentiment que je n’ai jamais décidé de prendre ce titre, mais maintenant j’ai l’impression qu’on m’a donné la possibilité de l’abandonner. »

Ashoka est en route pour une cérémonie de commémoration du 25eme anniversaire de la mort de Trungpa au Centre de Méditation de Shambhala dans le quartier de Chelsea à Manhattan – un des 165 centres qui, comme ses douzaines de best-sellers, maintient l’héritage de Trungpa. Nous arrivons tard dans la salle aux tentures bordeaux et safran, bondée de New-yorkais de 20 à 30 ans. Après avoir passé environ une heure assis par terre sur des coussins, à méditer et à chanter, des bénévoles font passer des assiettes de souper communautaire et des tasses de saké, la boisson favorite de Trungpa.

Ashoka participe, mangeant et buvant joyeusement. Mais s’aventurer au-delà de ces rituels pour vivre et enseigner comme un lama tulkou ne lui arrivera pas dans cette vie. « Pour moi, cela n’a pas de sens de s’aventurer trop loin dans les méandres de la culture tibétaine », dit-il. Non pas qu’il ait ressenti une quelconque pression de la part de l’establishment bouddhiste tibétain. « Il leur est facile de me condamner. Je suis le mec blanc. »

Article de Joseph Hooper, « Partis de leur OM, les lamas perdus du bouddhisme »
Lire aussi :
Les confessions de Kalou Rinpoché

Gomo Tulku, le lama rappeur

mardi, octobre 09, 2012

Les confessions de Kalou Rinpoché




« ...lorsque j'ai eu 12, 13 ans j'ai été sexuellement abusé par d'autres moines ... Mon propre tuteur a essayé de me tuer, c'est la vérité et à cette époque j'étais très traditionnel. Un très bon bouddhiste traditionnel. Ils ont essayé de me tuer parce que, vous savez, je n'ai pas fait ce qu'ils voulaient que je fasse. »

(... when I was like 12 and 13 I've been sexually abused by other monks ... My own Tutor, he tried to kill me, that's the truth and I was at that time I was really traditional.Very good traditional Buddhist practitioner.They tried to kill me because you know, I am not doing what they want me to do.)

Kalou Rinpoché, 22 ans, est l’une des étoiles les plus brillantes et l’un des plus grands espoirs du Bouddhisme tibétain. Il est à la tête d’une multinationale du bouddhisme tibétain mondiale comprenant 44 monastères et centres d’enseignement, dont 16 aux États Unis, qui drainent des milliers d’étudiants et de disciples. Il a hérité de bon nombre de ces adeptes, ayant été reconnu à l’âge de 2 ans comme la réincarnation de Kalou Rinpoché, décédé en 1989 et qui fut l’un des lamas les plus influents en Occident en dehors du Dalaï-lama.

Le Jeune Kalou voyage partout dans le monde, le plus souvent seul, pour rendre visite à ses centres de méditation et à ses monastères, ou juste pour s’amuser dans des pays où les visas sont accordés facilement. Son véritable monastère est en ligne – Kalou se qualifie lui-même de « premier Facebook rinpoché », gérant un réseau de pages personnelles et publiques avec des milliers d’amis et de « j’aime ». « La plupart sont des jeunes de son âge qui ont découvert qu’il était plutôt cool de recevoir un message personnel d’un lama authentique.

Kalou est un beau jeune homme lisse, agile, aux tempes dégarnies, avec de longues pattes, et une casquette de roadster blanche – quelque chose comme la version branchée d’un caddy de golf. Une ambiance pop star émane de lui, assez appropriée compte tenu de son style de vie. Après une série de sessions sur Skype, notre première constatation est qu’il se trouve dans un hôtel à Hong Kong, et non en Inde, comme ses posts sur facebook pourrait le faire croire à ses « amis ». Il aime aussi jouer avec son identité. Ce printemps, sa page facebook personnelle a affiché les noms divers de Kalu André (il adore Paris et en est parti uniquement parce que son visa avait expiré), Kalu Skrilles (il est fan de Skrillex), et George Kalooni (juste parce que).

Né dans une famille tibétaine privilégiée, vivant à la fois en Inde et au Bhoutan, Kalou a absorbé la culture occidentale au compte-goutte quand il était enfant dans son monastère près de Darjeeling, en Inde. « Nous étions 200 à partager un petit poste de télé », dit-il. « Nous regardions Van Damme et Arnold Schwarzenegger ». Il a appris l’argot anglais en regardant des films américains et en écoutant de la musique (les Backstreet Boys étaient à la mode). « Depuis que je suis gamin », dit-il, « je ne me suis jamais dit « c’est l’Occident ». Je me suis dit « c’est la réalité, c’est ce que je veux ». Quand il a quitté la vie monastique il y a deux ans, pour débuter sa carrière d’émissaire mondial, il a avalé une décennie de culture populaire en une seule bouchée de géant. Ses préférés sont, en musique, Foster the People et Deadmau ; à la télé, Gossip Girl (plein de coups de théâtre), et au cinéma, The Hangover. « Je suis fan du premier, le second n’était pas aussi bon », dit-il. « J’aime Bradley Cooper. Il est très séduisant. »

Malgré tous les plaisirs d’une vie sociale en réseau, Kalou est solitaire, Petit Prince bouddhiste à la dérive sur une cyber-astéroide. « En fait, je n’ai jamais eu de vrai ami », dit-il. « Je n’ai jamais senti que telle ou telle personne était mon ou ma meilleure ami(e). Avoir quelqu’un dans sa vie est une autre histoire. » Il y a un an environ, il a failli se marier avec une jeune tibétaine fortunée, et en ce moment il fait une pause avec sa petite amie argentine. Un peu plus tard cependant, il s’excuse d’avoir dit qu’il n’avait pas d’amis – « J’étais un peu éméché et déprimé » - et le réitère presque mot pour mot, mais en disant de la solitude qu’il « peut la gérer ».

Pour apprécier Kalou il faut voir en lui deux choses en même temps. C’est un gamin tourmenté et un adepte spirituel dont les dons ont été affinés au cours de la traditionnelle retraite de 3 ans qu’il a faite à l’adolescence – dont la dernière année a été consacrée à la pratique quasi constante de la méditation et du yoga.

Kalou reconnaît qu’il est temps de contrôler un peu mieux une vie qui a été marquée par un chaos émotionnel. Il a mis de côté son projet d’étude des religions comparées au sein d’une université américaine, afin de garder un peu d’autorité sur son organisation. Pourtant, les lamas supérieurs de son ordre ont du intervenir pour combler le vide créé par son mode de vie bohème et sa propension à dire tout ce qui lui vient à l’esprit.

Après une session d’enseignement à Vancouver, quelqu’un dans l’auditoire a interrogé Kalou sur les abus sexuels dans les monastères. Il a répondu qu’il y était sensible parce que lui-même avait été agressé. Cela a semblé briser le mur qui avait séparé hermétiquement ses traumatismes personnels de son personnage public souriant, qui avait l’aura d’un Dalaï-lama plus actuel et plus branché. Deux mois plus tard, Kalou a regagné son port d’attache temporaire à Paris, où il a tourné une vidéo qu’il a posté sur facebook. Intitulée « les confessions de Kalou Rinpoché », la vidéo a connu un succès modeste sur YouTube, et a fait de lui un paria dans le monde du bouddhisme tibétain traditionnel, et un héros de la conscience pour certains Occidentaux. (vidéo ci-dessus)

Dans la vidéo, Kalou est assis, vêtu d’une parka à capuche, et il dit à la caméra qu’au début de son adolescence il a été « abusé sexuellement par des moines plus âgés », et que quand il avait 18 ans son tuteur au monastère l’a menacé avec un couteau. « Et c’est une question d’argent, de pouvoir, de contrôle… et ensuite je suis devenu toxico à cause de tous ces malentendus, et je suis devenu fou ». Vers la fin de la vidéo, il dit dans un murmure qui parait presque suicidaire : « En tous cas, je vous aime. Prenez soin de vous, je suis heureux de la vie que je mène ».

Pour ceux qui ne connaissent que l’imagerie hollywoodienne de Little Buddha et de Kundun, et le sourire béat de sa Sainteté le Dalaï-lama, il est presque incompréhensible que le Bouddhisme tibétain ait ses propres problèmes, dans le style de ceux de l’Église Catholique. Mais Kalou dit que dans les premières années de son adolescence, il a été abusé sexuellement par une bande de moines plus âgés qui se rendaient dans sa chambre chaque semaine. Quand j’aborde la notion d’ « attouchements », il éclate d’un rire tendu. C’était du sexe hard-core, dit-il, avec pénétration. « La plupart du temps ils venaient seuls », dit-il. « Ils frappaient violemment à la porte et je devais ouvrir. Je savais ce qui allait se passer, et après on finit par s’habituer ». C’est seulement après son retour au monastère après la retraite de trois ans, qu’il a réalisé à quel point cette pratique était incorrect. Il dit qu’à ce moment là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes.

Les allégations de Kalou concernant les abus sexuels ressemblent à celles de Lodoe Senge, un tulku de 23 ans, ex-moine, qui vit dans le Queens à New York. « Quand j’ai vu la vidéo », dit-il en parlant de la confession de Kalou, « je me suis dit « merde, ce mec a les couilles d’en parler alors que moi je n’ai même pas eu le courage de le dire à mon amie ». Senge dit qu’il a été abusé quand il avait 5 ans par son propre tuteur, un homme proche de la trentaine, dans un monastère en Inde.

L’altercation entre Kalou et son tuteur monastique n’avait rien d’habituel. D’après Kalou, après son retour de retraite, lui et son tuteur se disputaient au sujet de sa décision de remplacer ledit tuteur. Le moine plus âgé partit en colère, et revint avec un grand couteau. Kalou se barricada dans la chambre de son nouveau tuteur, mais il dit que le moine furieux défonça la porte en criant « j’en ai rien à foutre de toi, de ta réincarnation. Je peux te tuer tout de suite et nous pouvons reconnaître un autre garçon, un autre Kalou Rinpoché ! ». Kalu se réfugia dans la salle de bain, mais le tuteur défonça aussi la porte. Kalu se souvient, « Vous vous dites, « Ok, c’est la fin, ça y est ». Heureusement, d’autres moines avaient entendu le vacarme et se sont précipités pour maîtriser le tuteur. Après l’attaque, Kalu dit que sa mère et plusieurs de ses sœurs (le père de Kalou est mort quand il était enfant) prirent le parti du tuteur. Il en fut si désemparé qu’il se sauva du monastère et s’embarqua dans une beuverie de six mois à Bangkok, consommant drogue et alcool, dans une version tibétaine plus extrême d’un rumspringa amish (Rite de passage de la communauté Amish, au cours duquel les adolescents sont temporairement libérés de leur Église et de ses règles afin de découvrir le monde moderne).

Par la suite, un maître plus âgé persuada Kalou de continuer à être un lama en dehors du monastère et sans l’habit de moine, ce qui est un arrangement assez courant. Kalou ne dit jamais à son maître quelles avaient été les raisons de sa fuite, un niveau de décorum qui peut sembler bizarre selon les critères occidentaux – mais Kalou dit qu’une forme d’omerta sévit dans le Bouddhisme tibétain.

Les médias occidentaux bouddhistes ont à peine évoqué l’histoire de Kalu, ce qui peut constituer une autre forme de décorum : ils ne veulent pas démoraliser les américains convertis au Bouddhisme ou faire des vagues parmi les bouddhistes tibétains influents. Mais certains jeunes bouddhistes occidentaux, comme Ashoka et son demi-frère Gesar Mukpo, qui a réalisé le documentaire Tulku en 2009, disent trouver l’honnêteté brute de Kalou inspirante. Ruben Derksen, tulkou hollandais de 26 ans qui apparaît dans le film de Gesar, dit qu’il est grand temps de « lever le voile et de démystifier les institutions du Bouddhisme tibétain ». Derksen, qui a passé trois ans dans un monastère en Inde quand il était enfant, souhaite attirer l’attention sur les violences physiques qui sont une pratique régulière là-bas. « J’ai rencontré Richard Gere et Steven Seagal, et ils n’ont rien vu de tout ça », dit-il. « Quand des célébrités ou des étrangers sont par là, on ne bat pas les enfants ».

Les révélations de Kalou ont doucement secoué l’institution bouddhiste tibétaine, et même certaines de ses figures les plus distinguées ont été prises de cours.

Robert Thurman, professeur à l’Université de Columbia et confident américain du Dalaï-lama, dit de la vidéo de Kalou, « j’ai pensé que c’était une des choses les plus réelles que j’ai vues ». Au sujet de l’incident du couteau, que certains pourront trouver difficile à croire, Thurman a écrit dans un mail ultérieur, « malheureusement, tout ça me paraît très crédible… ça dégage juste une odeur nauséabonde ».

Dzongsar Khyentsé Rinpoché, le lama réalisateur de La Coupe, un film assez peu sentimental sur des enfants tibétains qui apprennent à être moines, est aussi concerné par les abus sexuels dans les monastères. « Je pense que cela mériterait d’être examiné », dit-il. « Il est très important que les gens n’oublient pas : le Bouddhisme et les Bouddhistes sont deux entités différentes. Le Bouddhisme est parfait ». Il laisse entendre que les Bouddhistes ne le sont pas.

En Kalu il y a un réformateur qui se bat pour se sortir de son statut de victime qui s’apitoie sur son sort. Il projette d’ouvrir sa propre école au Bhoutan et d’interdire à ses monastères d’accepter des enfants. Il peste contre le coût humain du système monastique, qui consomme des milliers d’enfants, simples moines et tulkous vénérés, sans leur fournir d’éducation pratique ou de solution de repli, tout ça pour produire une poignée de maître spirituels commercialement brillants. « Le système des tulkous c’est comme des robots », dit-il. « Vous construisez 100 robots, et peut-être que 20 % réussiront alors que 80 % seront mis au rebut. »

Article de Joseph Hooper, « Partis de leur OM, les lamas perdus du bouddhisme »

Kalu Skrilles sur facebook

Confessions of Kalu Rinpoche
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