La violence
La violence des voleurs, des assassins,
des violeurs de femmes, ce n'est pas du tout celle-là qui nous
intéresse et que nous combattons. La violence, ce n'est pas des
coups de poing ou des coups de pied, ni même des coups de
mitraillette. C'est tout ce qui dérange l'ordre harmonieux des
choses en commençant par le viol de la vérité, le viol de la
justice, le viol de la confiance d'autrui. Je dirai que ce qui
nous inquiète le plus, c'est la violence légitimée, celle qui est
couverte par les lois, qui est préméditée et systématique.
L'agressivité
Je considère que l'agressivité est
tout à fait nécessaire, mais qu'elle a besoin, comme l'amour,
d'être convertie. Je dirai que la conversion de la colère, c'est la
non-violence ; sans colère, il n'y a pas de non-violence.
L'agressivité est indispensable à la conservation de la vie, c'est
à partir d'une indignation que le non-violent commence à vivre.
Le monde moderne
Je le condamne parce que je ne le crois
pas libérateur. C'est au contraire tout un monde d'esclavage, et
puis c'est un monde qui épuise la planète entière. Il produit,
sans doute, mais c'est surtout une pompe. La prospérité, vous
l'admirez, mais les neuf dixièmes de la production mondiale passent
dans quelques pays. Je ne crois pas que ce soit juste ni bon. Si nous
essayons de mettre tout le monde à ce rythme, il croulera sous
l'abondance de la camelote. L'ambition du tiers monde est de
participer à cette aventure de la modernité, mais c'est justement
l'un des maux contre lesquels Gandhi a lutté. Je crois que
l'ambition légitime de tous les hommes, c'est de vivre d'une vie
épanouie, et il n'y a pas besoin d'avoir une telle abondance de
moyens pour le faire. Je crois que, par la surabondance des moyens et
l'oubli des fins, on oublie les « pourquoi ». A quoi sert la
richesse ? A quoi servent la vitesse, la puissance ? Est-ce que ça
sert à vivre ? En a-t-on besoin ?
Propos tenus par Lanza Del Vasto le 8
février 1975 à « L'invité de l'autre monde », émission de la deuxième chaîne de télévision.