jeudi, novembre 18, 2010

Le retour de Shiva-Dionysos


Le Shivaïsme représente l’héritage d’expériences religieuses et humaines accumulées depuis les origines de l’humanité. Sa codification, telle que nous la connaissons, n’est apparue nécessaire que lorsque se développèrent des civilisations urbaines importantes qui pouvaient menacer l’équilibre de l’ordre naturel.

Selon la doctrine des Tantras, le culte de Shiva-Dionysos et les pratiques du Tantrisme sont les seules voies ouvertes pour l’humanité dans l’Âge des Conflits où elle se trouve à présent. Sans un retour au respect de la nature et à la pratique des rites érotico-magiques, qui permettent l’épanouissement de l’être humain et son harmonisation avec les autres formes d’êtres, la destruction de l’ensemble de l’espèce humaine ne saurait tarder. Seuls les fidèles du dieu pourront survivre et donner naissance à une humanité nouvelle.

Toutes les religions qui se sont opposées au Shivaïsme, au Dionysisme, aux sectes mystiques, ont accentué les tendances qui mènent à la destruction de l’harmonie du monde. Chaque retour à des conceptions shivaïtes – même lorsqu’il ne s’agit que d’une tendance – équivaut à une ère nouvelle d’équilibre et de créativité. Les grandes périodes de l’art, de la culture, sont toujours liées à un renouveau érotico-mystique.

Tout au long de l’histoire, le Shivaïsme est resté dans l’Inde la religion du peuple. Il reprit graduellement une place très importante dans la vie religieuse des hautes castes grâce au Tantrisme. Il s’infiltra également dans le monde bouddhiste sous la forme du Mahayana (1). Il apparaît revivifié, vers la même époque, dans le monde égyptien, dans le Moyen-Orient, en Grèce et en Italie. Le culte de Dionysos, comme le dieu, renaît toujours de ses cendres.

Maintes fois au cours des âges, la tradition éternelle, liée au culte de Shiva-Dionysos, a été vaincue par les religions nouvelles, issues des ambitions et des illusions des hommes. Pourtant, elle est toujours réapparue, est née à nouveau de ses cendres, comme elle doit renaître dans l’âge moderne.

De nos jours, les conditions semblent favorables pour un retour vers les conceptions traditionnelles du Shivaïsme. Même dans le monde occidental dans lequel les survivances dionysiaques ont été sauvagement persécutées, un retour instinctif vers les valeurs shivaïtes est apparent. Un instinct de survie dans un monde menacé se manifeste sous des formes velléitaires telles que l’écologie, la réhabilitation de la sexualité, certaines pratiques du Yoga, la recherche extatique par les drogues. Ces velléités, généralement dévoyées et perverties, sont toutefois les indices d’un besoin profond pour retrouver une approche du monde, de l’homme, de la vie, qui soit fondée sur des valeurs réelles, soit conforme à la nature véritable de l’homme et à son rôle dans la création. Ces formes d’expérience ne trouveront leur logique et leur épanouissement que dans un retour au Dionysisme. Ce retour exige la reconnaissance de certains principes fondamentaux, car c’est avec leur aide qu’il peut être possible de retrouver les bases d’une civilisation véritable et de contribuer à limiter les désastres d’un anthropocentrisme aberrant. […]

D’après les textes orphiques et pythagoriciens, c’est durant la deuxième partie de l’Âge de Fer, du Kali Yuga, que doit reparaître la suprématie de Dionysos et que seule la forme de religion que représente son culte reste valable. Cela est également l’affirmation du Shivaïsme. Seules les méthodes du Yoga tantrique sont efficaces dans cet âge où les valeurs se confondent et les rites, l’ascétisme et les vertus des autres âges sont sans effet. Nous pouvons observer que les découvertes récentes des sciences humaines, de la psychologie, des sciences naturelles, de l’écologie, suggèrent des approches à des problèmes humains et universels que le Shivaïsme a toujours préconisé. « Il n’est pas exclu que notre époque passe à la postérité comme la première qui ait redécouvert les « expériences religieuses diffuses », abolies par le triomphe du Christianisme… On pressent que tous ces éléments préparent l’essor du nouvel humanisme qui ne sera pas la réplique de l’ancien, car ce sont surtout les recherches des orientalistes, des ethnologues, des psychologues des profondeurs, des historiens des religions, qu’il s’agit maintenant d’intégrer pour arriver à une connaissance totale de l’homme. » (M. Eliade, « Méphistophélès et l’Androgyne ») Cette reconnaissance de l’homme implique celle de la place qu’il occupe dans la création, la reconnaissance de ses limites, du rôle qu’il peut jouer dans la hiérarchie des êtres. Le retour à la sagesse shivaïte apparaît comme la seule voie qui puisse assurer un répit à une humanité qui court vers sa perte à un rythme sans cesse accéléré.

Alain Daniélou, "Shiva et Dionysos".



(1) Alain Daniélou semble ignorer la profonde misogynie ascétique du bouddhisme (mahayaniste et hinayaniste), codifiée dans le Vinaya (le réglement monastique), qui s’oppose radicalement à l'hédonisme shivaïte :
Bouddhisme et sexualité

Shiva et Dionysos


Pour Alain Daniélou, l'Occident a perdu sa propre tradition et éloigné l'homme de la nature et du divin. Il nous y fait découvrir ici que les rites et les croyances du monde occidental ancien sont très proches du Shivaïsme et très aisément expliqués à l'aide des textes et des rites préservés dans l'Inde. Ce sont les religions relativement récentes du monde aryen et sémitique, Judaïsme, Christianisme, Islam et Communisme qui ont éloigné l'homme du reste de la création et de l'expérience religieuse et mystique multimillénaire dont la tradition s'est préservée dans l'Inde jusqu'à nos jours et que l'Occident, s'il veut survivre, devra retrouver.


Illustration :
Picasso, « Bacchanale », 1962.

mercredi, novembre 17, 2010

L’hédonisme shivaïte


Dix mille ans avant notre 21ème siècle, la religion shivaïte, pour ce que nous en savons, excelle dans la religion naturelle emblématique. Notre Occident vit depuis deux mille ans sous l’empire d’une religion culturelle emblématique : le monothéisme judéo-chrétien exclut la nature partenaire, complice, dans laquelle l’homme n’est pas une créature à part, mais un fragment obéissant aux mêmes règles, aux mêmes lois que tout ce qui vit sur la planète. Il enseigne la séparation des hommes et du reste du monde. Pour ces religions généalogiques, ce qui meut le cosmos anime pareillement la pierre, la plante, l’animal et l’homme qui définissent des variations de degrés d’une même force et non des différences de nature.

L’animisme, le polythéisme, le chamanisme jettent des ponts entre l’homme et la nature qui ne sont jamais séparés, le monothéisme creuse des abîmes entre l’homme et la nature, sa religion se veut du Livre quand celle des premiers est de la Nature. Le shivaïsme triomphe en religion des champs, des forêts, des bois, des lacs, des étangs, des eaux, des fleuves et des rivières, de la foudre et des feux, des campagnes – comme l’atteste l’étymologie de paganisme : il incarne la religion des paysans, des agriculteurs, des gens de la terre et des moissons. Le monothéisme est une religion des villes, des cités, des constructions solides, des prêtres, du Livre. La première aime les corps et leur demande l’accès au sacré ; la seconde les déteste et professe qu’ils entravent l’union avec Dieu.

Le shivaïsme illustre un genre de spinozisme avant Spinoza. Les tenants de cette spiritualité pourraient eux aussi dire, comme l’auteur de l’Ethique : « deus sive natura », soit « Dieu ou la Nature ». En d’autres termes : « Chaque fois qu’apparaît la nature, vous pouvez tout aussi bien dire Dieu, et vice versa, car il s’agit d’une seule et même chose. » Car le shivaïsme n’avaliserait pas la dichotomie judéo-chrétienne entre le Créateur et sa créature, Dieu et le monde, le principe créateur et sa création, autrement dit : Dieu et l’homme… De sorte que, dans ce moment indien, la sexualité n’est pas une affaire d’hommes incapables d’être des dieux, mais une affaire d’homme qui se font dieux par leur libido et l’exercice spirituel ritualisé de leur énergie sexuelle.

Les hommes et les femmes shivaïtes prennent place parmi les pierres et les fleurs, les plantes et les arbres, les eaux et la terre, le ciel et les animaux, le feu et les planètes. Grâce à cette adéquation avec les parties du monde, dont ils sont, ils peuvent acquérir la béatitude, la joie – pour continuer dans le registre spinoziste. En revanche, les chrétiennes et les chrétiens doivent mourir au monde, car la matérialité du croyant l’éloigne de la vérité de l’immatérialité de la Cité de Dieu.

Un shivaïte évolue dans l’Un d’un réel homogène ; un chrétien dans le Deux d’une opposition entre le corps et l’âme, la Cité des Hommes et la Cité de Dieu. A terme, cette ontologie séparée devient duplicité et facteur de schizophrénie. Pour les premiers, le sexe est affaire de circulation intrinsèque d’énergies ; pour les seconds, une force démoniaque de la Cité des Hommes déchus qu’il faut refuser et récuser afin de pouvoir espérer gagner la vie éternelle et l’immortalité. Religion de la nature et de la vie contre religion du Livre et de la mort.

Ecosophie du phallus

Le shivaïme souhaite que chacun se conforme à ce qu’il est – l’un des sens du mot dharma, qui pourrait très approximativement se traduire en concepts occidentaux par « loi naturelle ». La vertu se résume à cela : coïncider avec ce pourquoi l’on est fait, désirer ce qui nous fait être ce que nous sommes, vouloir ce qui nous veut, seules façons (spinozistes là encore…) de jouir de soi, de l’être du monde. Quiconque voudrait déroger à la règle du dharma introduirait du désordre dans l’univers, ce qui correspondrait à une violence faite à la nature, donc à la force identifiable à la divinité. Sérénité avec soi-même, paix avec les autres, harmonie avec la nature, voilà les objectifs shivaïtes.
[…]

Les religions remplacent la spiritualité naturelle

Le shivaïsme laisse place à la religion védique. A l’époque où Socrate parcourt l’agora d’Athènes apparaissent des images anthropomorphiques des dieux védiques. Le shivaïsme s’estompe, les hymnes védiques se trouvent consignés par écrit, le brahmanisme apparaît, et avec lui le système des castes. La spiritualité explose en religions qui s’appuient sur des livres, des écrits, des prêtres, du texte, du récit, du mythe, des légendes. Les dieux épiques prennent la suite dans les grands récits du Mahabharata ou du Ramayana. Les dieux puraniques transfigurent certaines divinités mineures du panthéon védique en divinités majeures – Vishnou par exemple.

La nature recule ; la culture avance. Mais Shiva reste dans le substrat de l’âme indienne…

Michel Onfray, « Le souci des plaisirs, construction d’une érotique solaire ».

Le souci des plaisirs
Construction d’une érotique solaire


Vingt siècles de christianisme ont fabriqué un corps déplorable et une sexualité catastrophique. A partir de la fable d'un Fils de Dieu incarné en Fils de l'Homme. un mythe nommé Jésus a servi de premier modèle à l'imitation : un corps qui ne boit pas. ne mange pas, ne rit pas. n'a pas de sexualité - autrement dit un anticorps. La névrose de Paul de Tarse. impuissant sexuel qui souhaite élargir son destin funeste à l'humanité tout entière. débouche sur la proposition d'un second modèle à imiter : celui du corps du Christ. à savoir un cadavre. Sur le principe de cette double imitation. un anticorps angélique auquel on parvient en faisant mourir son corps au monde. les Pères de l'Eglise. dont saint Augustin. développent une théologie de l'éros chrétien : un nihilisme de la chair. Le modèle de jouissance devient le martyr qui jouit de souffrir et de mourir pour gagner son paradis. Une seconde théologie de l'éros chrétien passe par Sade et Bataille. deux défenseurs de l'éros nocturne chrétien : identité de la souffrance et de la jouissance. mépris des femmes. haine de la chair, dégoût des corps. volupté dans la mort... L'antidote à ce nihilisme de la chair se trouve dans le Kâma-sûtra, un antidote violent à La Cité de Dieu d'Augustin. Sous le soleil de l'Inde. l'érotisme solaire suppose une spiritualité amoureuse de la vie. l'égalité entre les hommes et les femmes. les techniques du corps amoureux. la construction d'un corps complice avec la nature. la promotion de belles individualités, masculines et féminines. afin de construire un corps radieux pour une existence jubilatoire. Le Souci des plaisirs raconte l'obscurcissement chrétien de la chair, et propose une philosophie des Lumières sensuelles.

mardi, novembre 16, 2010

L’art de vivre pleinement


L’art de vivre pleinement, totalement et intensément n’est pas quelque chose d’ardu ou de difficile, mais on l’a rendu presque impossible. Il est si simple et si évident qu’il n’y a aucun besoin de l’apprendre.

On naît avec une intuition, intrinsèque à la vie elle-même. Les arbres connaissent cet art, les oiseaux le connaissent, les animaux le connaissent. Seul l’homme est malchanceux. L’homme est le sommet le plus élevé de la vie, et il veut connaître l’art de vivre. Il a continuellement reçu un conditionnement qui s’oppose à la vie. C’est pour cette raison fondamentale qu’il a besoin de cet art.

Toutes les religions du monde qui ont dominé l’humanité pendant des siècles sont anti-vie. Leur fondement même, c’est que cette vie est une punition. Selon le christianisme, vous êtes né du péché parce qu’Adam et Eve ont désobéi à Dieu. C’est incroyable à quel point on peut étirer une fiction. Même si Adam et Eve ont désobéi à Dieu, je ne vois aucune relation avec vous ou moi. Et deuxièmement, la désobéissance n’est pas nécessairement un péché. Parfois, c’est peut-être ce qu’il y a de plus vertueux à faire.

Mais toutes les cultures, toutes les sociétés veulent l’obéissance. C’est un autre nom pour l’esclavage, pour l’emprisonnement spirituel. Quel mal Adam et Eve ont-ils fait en mangeant le fruit de l’arbre de la connaissance ? La sagesse est-elle un péché ? L’ignorance est-elle une vertu ? Et Dieu leur a interdit de manger de deux arbres : l’un était celui de la sagesse et l’autre celui de la vie éternelle. Qui a commis un péché ? Adam et Eve ou Dieu ? Ni la sagesse, ni l’aspiration à la vie éternelle ne sont quelque chose de mal ; elles sont absolument naturelles. C’est la prohibition qui est fausse, et leur désobéissance est parfaitement juste. Ils furent les premiers révolutionnaires du monde, les premiers êtres humains à avoir de la dignité.

C’est grâce à leur désobéissance que toutes les civilisations, la science et l’art, et tout le reste ont été possibles. S’ils n’avaient pas désobéi, nous serions encore nus dans le jardin d’Eden a mâcher de l’herbe, même le chewing-gum n’aurait pas été possible.

Il ne s’agit pas que du christianisme ; les autres religions trouvent d’autres raisons pour condamner la vie. L’hindouisme, le jaïnisme, le bouddhisme, tous disent que vous souffrez, que vous êtes misérables et que vous ne pouvez pas vous en sortir, car c’est une punition pour les actes mauvais que vous avez commis dans des vies passées. A présent, ce qui a été fait dans une vie passée ne peut pas être défait ; vous devez souffrir. Cette misère, cette souffrance, cette anxiété, vous les avez créées vous-même, et tout ce que vous pouvez faire, c’est souffrir patiemment afin d’être récompensé dans une vie future. Un argument étrange !

Si vous faites quelque chose de mal dans cette vie, vous devriez être puni dans cette vie. En fait, les causes et les effets vont toujours ensemble. Mettez simplement votre main dans le feu : pensez-vous que vous serez brûlé dans une vie future ? Vous serez brûlé ici et maintenant. Chaque acte a sa propre récompense ou sa propre punition. Cette distance dans le temps est une ruse pour vous faire accepter la vie à son minimum, et toutes ces religions vous enseignent à renoncer à la vie. Ceux qui renoncent à la vie deviennent des saints ; ils sont vénérés. Ceux qui vivent pleinement, totalement ne sont vénérés par personne ; personne ne les apprécie. Au contraire, on les condamne.

Toute notre éducation s’oppose au plaisir, à la joie, au sens de l’humour, au fait de se réjouir des petites choses de la vie : chanter une chanson, danser, jouer de la flûte. Personne ne vous qualifiera de saint parce que vous jouez si bien de la flûte – à part moi.

Je vous qualifierai de saint si vous dansez si totalement que vous en disparaissez que seule la danse demeure ; le danseur est complètement dissout, fondu, il est devenu la danse. Si vous jouez de la flûte si totalement que vous vous oubliez complètement vous-même, il ne reste que le chant, et vous n’êtes pas le chanteur, mais juste celui qui écoute, alors la flûte est sur les lèvres de Dieu.

Si vous aimez, c’est condamné.

Toutes les religions ont dit que l’amour était animal. Bien que j’aie observé les animaux, je n’ai jamais vu d’amour dans aucune espèce animale. L’amour est absolument humain. Les animaux peuvent s’adonner au sexe, mais avez-vous observé les animaux dans ces moments-là ? Vous n’y trouverez aucune joie. Vous les trouverez parfaitement anglais. Des chiens battus, comme s’ils subissaient un malheur. Et en fait, ils subissent un malheur. C’est une nécessité biologique et ils le ressentent, une force inconnue les force à faire quelque chose qui ne les intéresse pas.

C’est pourquoi, à part l’homme, aucun animal ne fait l’amour toute l’année. Cela ne se passe qu’à la saison de l’accouplement, quand la biologie les y pousse : « Maintenant, tu dois le faire » - sous pression, comme si quelqu’un les menaçait d’un fusil et leur donnait un ordre : « Fais l’amour ». Regardez simplement les animaux, leurs yeux : ils n’éprouvent aucune joie.

Parler de l’amour comme de quelque chose d’animal est un tel non-sens. Les animaux ne savent pas ce qu’est l’amour. même des millions d’êtres humains ne savent pas ce qu’est l’amour. L’amour a besoin, comme base, d’une certaine centration, d’un certain enracinement dans votre être, car à moins d’être centré dans votre être, vous ne connaîtrez pas tous les trésors que vous portez en vous. L’amour n’est qu’un de ces trésors. Il y a des choses plus grande : la vérité, l’extase et l’expérience du divin. A moins d’être dans une méditation profonde, on ne peut aimer et on ne peut pas vivre.

Vous m’interrogez sur l’art d’être pleinement vivant. Commencez avec la méditation de façon à pouvoir connaître la source de votre vie ; vous pouvez être à la source de votre vie, et c’est une expérience étonnante. Soudain, vous devenez conscient que vous avez tant, une telle abondance ; si vous le vouliez, vous pourriez aimer le monde entier. Vous pourriez remplir le monde entier de votre amour. […]

L’art de vivre commence par la méditation. Et par méditation, j’entends le silence du mental, le silence du cœur, atteindre le centre même de votre être et trouver ce trésor qu’est votre réalité (1). Une fois que vous l’avez connu, vous pouvez irradier de l’amour, vous pouvez irradier de la vie, de la créativité…



(1) « La méditation vécue au quotidien n’est autre que la transformation de l’esprit, c’est une révolution psychologique qui fait que l’existence quotidienne telle que nous la vivons – et il ne s’agit pas là de théorie, d’idéal, mais du vécu de chacun des instants de notre vie – est pleine de compassion, d’amour, et de l’énergie nécessaire pour transcender toute forme de médiocrité, de petitesse, de superficialité. Quand l’esprit se tait – qu’il est réellement silencieux, mais pas de manière forcée, sous la contrainte d’un désir, d’un vouloir – il naît alors un mouvement d’un autre genre, qui n’est pas de l’ordre du temps. »
Krishnamurti, « Cette lumière en nous, la vraie méditation ».

samedi, novembre 13, 2010

Epicure & Bouddha


J’enseigne l’homme total. Je ne suis ni un matérialiste, ni un spiritualiste. Mon approche est holistique – et seul un homme total peut être saint (jeu de mots en anglais : the whole man can only be holy).

C’est pour cette raison qu’on me comprendra souvent de travers, et n’importe qui peut piquer ici et là, me mettre en défaut, c’est très facile. Le spiritualiste peut me qualifier d’épicurien, d’adepte de Charvaka – et il n’a pas tout à fait tort, car une moitié de moi est épicurienne. J’accepte Epicure et Charvaka, car ils enseignent les joies du corps, l’ivresse du corps. Il y a une ivresse dans le corps et au moment où vous y renoncez, vous devenez tristes et sérieux.

C’est la raison pour laquelle les saints orientaux ont l’air si tristes, sans aucune joie. Ils parlent de béatitude, mais cela ne se voit pas sur leur visage. Ils ont l’air parfaitement misérables, parfaitement morts – parce qu’ils ont peur de l’extérieur, et celui qui a peur de l’extérieur aura peur de l’amour, car l’amour est un processus qui va vers l’extérieur.

L’amour signifie l’autre, il signifie entrer en relation, communiquer avec l’autre. l’amour, c’est la relation entre vous et moi. L’Orient dénie l’autre, c’est pourquoi il s’oppose à l’amour. Et si vous vous opposez à l’amour, vous perdrez la danse.

Sans amour, il n’y a pas de danse dans la vie, pas de chant. Sans amour, il n’y a pas de poésie. La vie devient morne, un boulet. Sans amour, il est possible de vivre, mais seulement au minimum. C’est quasiment végéter.

Et c’est ce qui est arrivé à la spiritualité orientale. Allez dans les monastères, allez dans les ashrams… C’est pourquoi mon ashram a l’air totalement différent – car les gens y dansent, ils chantent, se tiennent la main, se prennent dans les bras, ils sont aimants, joyeux ; ceci n’est pas le concept oriental d’un ashram. Un ashram doi être absolument dépourvu de joie ; il doit davantage ressembler à un cimetière qu’à un jardin. Mais au moment où vous empêchez l’amour, tout ce qui est fluide en vous devient stagnant.

Vous ne pouvez pas célébrer sans amour. Comment pourriez-vous célébrer sans amour ? Qu’allez-vous célébrer, et avec quoi ?

Un jour Mulla Nasruddin m’a dit : « J’ai vécu cent ans. J’ai célébré mon centième anniversaire et je n’ai jamais couru après une femme de ma vie ; je n’ai jamais rien bu non plus. Je n’ai jamais joué aux cartes ni parié. Je ne fume pas. Je mange une simple nourriture végétarienne. »

Je lui ai demandé : « Mais alors, comment avez-vous célébré votre centième anniversaire ? Comment pouvez-vous célébrer ? Avec quoi ? Et pour quoi ? Se contenter de vivre pendant cent ans ne peut pas être une célébration. »

Si vous n’avez pas aimé, vous n’avez pas vécu.

L’Orient est contre l’amour. C’est pourquoi la spiritualité orientale est triste, morne, morte. Aucun jus ne coule dans le saint oriental. Il a peur de tout ce qui coule, de toute vibration, de toute pulsation, de tout courant d’énergie. Il se contrôle constamment, se réprime. Il s’assied sur son énergie, il est sur ses gardes. Il est contre le monde et contre lui-même. Il attend simplement de mourir, il se suicide lentement.

L’homme occidental a aimé, il a ri, dansé et chanté, mais il ne sait plus du tout qui il est. Il a perdu toute trace de la conscience, il n’est pas conscient. Il est devenu de plus en plus mécanique, parce qu’il dénie ce qui est intérieur. Le rire est donc là, mais il ne peut pas avoir la même profondeur. La profondeur n’est pas acceptée.L’Occident vit donc avec un rire superficiel et l’Orient vit dans une profonde tristesse. C’est cela la misère, l’agonie de l’homme.

Mon message, c’est qu’à présent il est temps, l’homme est suffisamment mature pour sortir de ces modèles de comportements partiels, bancals. Il faut laisser tomber ces programmes, les changer. On devrait accepter totalement les deux : l’intérieur et l’extérieur, et sans aucune condition.

Alors on aura la conscience et on aura l’amour ; ils ne seront pas contradictoires, mais complémentaires. L’amour vous donnera la joie, la conscience vous donnera la cristallisation. La conscience vous rendra conscients de qui vous êtes, et l’amour vous rendra conscients de ce qu’est le monde. Et entre ces deux rives coulera la rivière de la vie.

Osho, « Aimer vivre », Almasta Editions.

Aimer vivre


« Je peux parler indéfiniment car je n'ai pas d'enseignement. Je ne suis pas ici pour donner de réponse, je suis ici pour provoquer en vous un point d'interrogation. Je ne peux vous donner qu'une direction, une intense passion de découvrir... J'enseigne l'amour de la vie. Je mets l'accent sur les verbes, je ne le mets pas sur les noms. Evitez les noms ! Dans le langage, on ne peut pas les éviter, je le sais bien. Mais dans la vie, évitez-les, car la vie est un verbe. » 0sho





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Samedi 13 novembre 2010, France Inter accueille des libertaires.
Libertaires ? Et alors ! avec Françoise Simpère et Bernard Hermann

Françoise Simpère est écrivaine écolo, érotique et libertaire. Une lutine qui milite pour la biodiversité amoureuse et les amours pluriels. Changer son couple pour changer le monde, voilà les utopies de cette ex-soixante-huitarde qui croit toujours aux vertus du «tous ensemble mais autrement».

Les autres, ce n’est pas l’enfer, mais il s’en passe ! Georges Hermann, un ermite qui vit comme «Alexandre le bienheureux», entre son lit, le frigo et sa fenêtre avec vue sur les autres et Notre Dame de Paris. Un ex grand voyageur devenu photographe du kilomètre zéro.
«D’abord ne fais rien, ensuite repose-toi», c’est la maxime d’Hermann qui écoute sa moustache pousser.
Un abstinent sexuel qui revendique la méditation et la paresse : l’art de ne rien faire avec savoir faire.

Travailler peu pour jouir sans entrave, seul ou à plusieurs.
L’art du dilettantisme pour échapper à la course au toujours plus.
Libertaires, oui mais après ? Libertaires avec ou sans les autres, ça se discute !

vendredi, novembre 12, 2010

La révolution ludique de Bob Black


La plupart des travailleurs en ont marre du travail. Les taux d'absentéisme, de vols et de sabotages commis par les employés sont en hausse continuelle, sans parler des grèves sauvages et de la tendance générale à tirer au flanc. C'est peut-être là l'amorce d'un mouvement de rejet conscient, et plus seulement viscéral, à l'égard du travail. Cela n'empêche pas que le sentiment qui prévaut, parmi tous les patrons et leurs séides mais aussi chez la plupart des travailleurs, est que le travail lui-même est inévitable et nécessaire.

Je ne suis pas d'accord. Il est à présent possible d'abolir le travail et de le remplacer, dans les cas où il remplit une fonction utile, par une multitude de libres activités d'un genre nouveau. L'abolition du travail exige de s'attaquer au problème d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif. D'une part, il faut réduire considérablement la quantité de travail effectuée : dans ce monde, la majeure partie du travail est inutile, voire nuisible et il s'agit tout simplement de s'en débarrasser. D'autre part, et là se situent tant le point central que la possibilité d'un nouveau départ révolutionnaire, il nous faut transformer toute l'activité que requiert le travail réellement utile en un éventail varié de passe-temps agréables - si ce n'est qu'ils se trouvent aboutir à des produits utiles, sociaux. Voilà qui ne devrait sûrement pas les rendre moins attrayants, quand même !

Alors seulement, toutes les barrières artificielles que forment le pouvoir et la propriété privée devraient s'effondrer. La création doit devenir récréation. Et nous pourrions tous nous arrêter d'avoir peur les uns des autres.

Je n'insinue pas que la majeure partie du travail pourrait connaître une telle réhabilitation. Mais justement la majeure partie du travail, par son inanité ou sa nocivité, ne mérite pas d'être réhabilitée... Seule une franction toujours plus réduite des activités salariées remplit des besoins réels, indépendants de la défense ou de la reproduction du système salarial et de ses appendices politiques ou judiciaires. Il y a trente-cinq ans, Paul et Percival Goddman estimaient que seuls cinq pour cent du travail effectué alors - il est probable que ce chiffre, pour peu qu'il soit fiable, serait plus bas de nos jours - auraient suffi à satisfaire nos besoins minimaux : alimentation, vêtements, habitat. Leur estimation n'est qu'une supposition éclairée mais la conclusion en est aisée à tirer : directement ou indirectement, le gros du travail ne sert que les desseins improductifs du commerce et du contrôle social. Du jour au lendemain, nous pouvons affranchir des dizaines de millions de VRPO et de soldats, de gestionnaires et de flics, de courtiers et d'hommes d'Église, banquiers et d'avocats, de professeurs et de propriétaires de logements, de vigiles et de publicitaires, d'informaticiens et de domestiques, etc. Et il y a là un effet boule de neige puisque, à chaque gros ponte rendu oisif, on libère par la même occasion ses sous-fifres et ses larbins. Ainsi implose l'économie.

Quarante pour cent de la main-d'oeuvre est constituée de cols blancs, dont la plupart exercent quelques-uns des métiers les plus ennuyeux et les plus débiles jamais inventés. Des secteurs entiers de l'économie, l'assurance, la banque ou l'immobilier exemple, ne consistent en rien d'autre qu'en un brassage de paperasse dénué de toute utilité réelle. Ce n'est pas par hasard que le secteur "tertiaire", celui des services, s'accroît aux dépens du "secondaire" (l'industrie) tandis que le "primaire" (l'agriculture) a presque disparu. Comme le travail ne présente aucune nécessité, sauf pour ceux dont il renforce le pouvoir, des travailleurs toujours plus nombreux passent d'une activité relativement utile à une activité relativement inutile, dans le simple but d'assurer le maintien de l'ordre, la paix sociale - car le travail est en soi la plus redoutable des polices. N'importe quoi vaut mieux que rien. Voilà pourquoi vous ne pouvez rentrer avant l'horaire à la maison sous prétexte que vous avez achevé votre besogne quotidienne plus tôt. Même s'ils n'en ont aucun usage productif, les maîtres veulent votre temps, et en quantité suffisante pour que vous leur apparteniez, corps et âme. Comment expliquer autrement que la semaine de travail moyenne n'a guère diminué au cours des cinquante dernières années ?

Ensuite le couperet peut tomber sans dommage sur le travail productif lui-même. Plus jamais de production d'armements, d'énergie nucléaire, de bouffe industrielle, de désodorisants - et par dessus tout, plus jamais d'industrie automobile. Je n'ai rien contre une Stanley Steamer ou une Ford T de temps à autre, mais le fétichisme libidinal de la bagnole qui fait vivre des cloaques comme Détroit ou Los Angeles, pas question ! À ce stade, nous avons, mine de rien, résolu la crise de l'énergie, la crise de l'environnement et d'autres problèmes sociaux connexes et réputés insolubles.

Pour finir, il nous faut abolir l'activité laborieuse de loin la plus répandue, celle dont les horaires sont les plus interminables et qui regroupe des tâches parmi les plus ennuyeuses - et les moins bien rémunérées. Je veux parler du travail domestique et éducatif qu'effectuent les femmes au foyer. En abolissant le travail salarié et en réalisant le plein-chômage, nous sapons la division sexuelle du travail. La famille nucléaire telle que nous la connaissons provient d'une adaptation inévitable à la division du travail qu'impose l'esclavage salarié moderne. Qu'on le veuille ou non, telles que sont les choses depuis un ou deux siècles, il a longtemps été plus rationnel sur le plan économique que ce soit l'homme qui gagne le pain du ménage - pendant que la femme se tape le boulot de merde afin que son compagnon y trouve un doux refuge, à l'abri de ce monde sans coeur. Et que les enfants se rendent dans des camps de concentration nommés "écoles" d'abord pour que maman ne le ai pas sur le dos pendant qu'elle besogne, ensuite pour mieux contrôler leurs faits et gestes - et incidemment pour qu'ils acquièrent les habitudes de l'obéissance et de la ponctualité, ni nécessaires aux travailleurs.

Pour se débarrasser définitivement du patriarcat, il faut en finir avec la famille nucléaire, lieu de ce "travail de l'ombre", non payé, lequel rend possible le système de production fondé sur le travail qui, par lui-même, a rendu nécessaire la forme moderne et adoucie du patriarcat. Le corollaire de cette stratégie "antinucléaire" est l'abolition de l'enfance et la fermeture des écoles. Il y a plus d'élèves que de travailleurs à plein temps dans ce pays. Nous avons besoin des enfants comme professeurs, et non comme élèves. Leur contribution à la révolution ludique sera immense parce qu'ils sont mieux exercés dans l'art de jouer que ne le sont les adultes. Les adultes et les enfants ne sont pas identiques, mais ils deviendront égaux grâce à l'interdépendance. Seul le jeu peut combler le fossé des générations.

Je n'ai pas encore mentionné la possibilité d'abolir presque tout le travail restant par l'automatisation et la cybernétique. Tous les scientifiques, les ingénieurs et les techniciens, libérés des soucis de la recherche militaire ou de l'obsolescence calculée auront tout loisir d'imaginer en s'amusant des moyens d'éliminer la fatigue, l'ennui ou le danger dans des acitivités comme l'exploitation minière, par exemple. Il ne faut aucun doute qu'ils se lanceront dans bien d'autres projets pour se distraire et se faire plaisir. Peut-être établiront-ils des systèmes de communication multimédia à l'échelle de la planète. Peut-être iront-ils fonder des colonies dans l'espace. Peut-être. Je ne suis pas moi-même un fana du gadget. Je n'aimerais guère vivre dans un paradis entièrement automatisé. Je ne veux pas de robots-esclaves faisant tout à ma place. Je veux faire et créer moi-même. Il y a, je pense, une place pour les techniques substitutives au travail humain mais je la souhaiterais modeste.

Ebook gratuit :
Le livre de Bob Black, « Travailler, moi ? jamais ! » est en ligne : http://kropot.free.fr/black-travailler.htm





L’athéisme post-moderne


L’athéisme post-moderne abolit la référence théologique, mais aussi scientifique, pour construire une morale. Ni Dieu ni la Science, ni le Ciel intelligible ni l’agencement de propositions mathématiques, ni Thomas d’Aquin ni Auguste Comte ou Marx. Mais la Philosophie, la Raison, l’Utilité, le Pragmatisme, l’Hédonisme individuel et social, autant d’invitations à évoluer sur le terrain de l’immanence pure, dans le souci des hommes, par eux, pour eux, et non par Dieu, pour Dieu.

Le dépassement des modèles religieux et géométriques s’effectue dans l’histoire du côté des Anglo-saxons Jeremy Bentham – lire et relire « Déontologie » ! – par exemple – ou son disciple John Stuart Mill. Tous deux échafaudent des constructions intellectuelles ici et maintenant, ils visent des édifices modestes, certes mais habitables : non pas d’immenses cathédrales invivables, belles à voir – ainsi les édifices de l’idéalisme allemand ! - , impraticables, mais des bâtisses à même d’être réellement habitées.

Bien et Mal existent non plus parce qu’ils coïncident avec les notions de fidèle ou d’infidèle dans une religion, mais en regard de l’utilité et du bonheur du plus grand nombre possible. Le contrat hédoniste – on ne peut plus immanent… - légitime toute intersubjectivité, il conditionne la pensée et l’action, il se passe tout à fait de Dieu, de la religion et des prêtres. Nul besoin de menacer d’un Enfer ou de faire miroiter un Paradis, pas utile de mettre sur pied une ontologie de la récompense et de la punition post mortem pour inviter à l’action bonne, juste et droite. Une éthique sans obligations ni sanctions transcendantes.

Principes d'athéologie

L’athéologie se propose trois tâches : d’abord - première partie - déconstruire les trois monothéismes et montrer combien, malgré leurs diversités historiques et géographiques, malgré la haine animant les protagonistes des trois religions depuis des siècles, malgré l’apparente irréductibilité en surface de la loi mosaïque, des dits de Jésus et de la parole du Prophète, malgré les temps généalogiques différents de ces trois variations effectuées sur dix siècles avec un seul et même thème, le fond demeure le même. Variation de degrés, pas de nature.

Qu’en est-il de ce fond, justement ? Une série de haines violemment imposées dans l’histoire par des hommes qui se prétendent dépositaires et interprètes de la parole de Dieu - les Clergés : haine de l’intelligence à laquelle les monothéistes préfèrent l’obéissance et la soumission ; haine de la vie doublée d’une indéfectible passion thanatophilique ; haine de l’ici-bas sans cesse dévalorisé en regard d’un au-delà, seul réservoir de sens, de vérité, de certitude et de béatitude possibles ; haine du corps corruptible déprécié dans le moindre détail quand l’âme éternelle, immortelle et divine est parée de toutes les qualités et de toutes les vertus; haine des femmes enfin, du sexe libre et libéré au nom de l’Ange, cet anticorps archétypal commun aux trois religions.

Après le démontage de la réactivité des monothéismes à l’endroit de la vie immanente et possiblement jubilatoire, l’athéologie peut s’occuper particulièrement de l’une des trois religions pour regarder comment elle se constitue, s’installe et s’enracine sur des principes qui supposent toujours la falsification, l’hystérie collective, le mensonge, la fiction et les mythes auxquels on donne les pleins pouvoir.
La réitération d’une somme d’erreurs par le plus grand nombre finit par devenir un corpus de vérités auquel il est interdit de toucher, sous peine des dangers les plus graves pour les esprits forts - des bûchers chrétiens d’avant-hier aux fatwas musulmanes d’aujourd’hui.

Pour tâcher de voir comment se fabrique une mythologie, on peut proposer - deuxième partie - une déconstruction du christianisme. En effet, la construction de Jésus procède d’une forgerie réductible à des moments visibles dans l’histoire pendant un ou deux siècles : la cristallisation de l’hystérie d’une époque dans une figure qui catalyse le merveilleux, ramasse les aspirations millénaristes, prophétiques et apocalyptique du moment dans un personnage conceptuel nommé Jésus ; l’existence méthodologique et nullement historique de cette fiction ; l’amplification et la promotion de cette fable par Paul de Tarse qui se croit mandaté par Dieu quand il se contente de gérer sa propre névrose ; sa haine de soi transformée en haine du monde; son impuissance, son ressentiment, la revanche d’un avorton - selon son propre terme... - transformés en moteur d’une individualité qui se répand dans tout le bassin méditerranéen ; la jouissance masochiste d’un homme étendue à la dimension d’une secte parmi des milliers à l’époque : tout cela surgit quand on réfléchit un tant soit peu et qu’en matière de religion on récuse l’obéissance ou la soumission pour réactiver un acte ancien et défendu : goûter du fruit de l’arbre de la connaissance...

Cette déconstruction du christianisme suppose certes un démontage de la fabrication de la fiction, mais aussi une analyse du devenir planétaire de cette névrose. D’où des considérations historiques sur la conversion politique de Constantin à la religion sectaire pour de pures raisons d’opportunisme historique. Conséquemment, le devenir impérial d’une pratique limitée à une poignée d’illuminés devient clair : de persécutés et minoritaires les chrétiens deviennent persécuteurs et majoritaires grâce à l’intercession d’un Empereur devenu l’un des leurs.

Le Treizième apôtre, comme Constantin se proclame en un Concile, met sur pied un Empire totalitaire qui édicte des lois violentes à l’endroit des non-chrétiens et pratique une politique systématique d’éradication de la différence culturelle. Bûchers et autodafés, persécutions physiques, confiscations des biens, exils contraints et forcés, assassinats et voies de faits, destructions d’édifices païens, profanation de lieux et d’objets de culte, incendie de bibliothèques, recyclages architecturaux de bâtiments religieux antiques dans les nouveaux monuments ou dans le remblayage des routes, etc.

Avec les pleins pouvoirs pendant plusieurs siècles, le spirituel se confond au temporel... D’où - troisième partie - une déconstruction des théocraties qui supposent la revendication pratique et politique du pouvoir prétendument issu de Dieu qui ne parle pas, et pour cause, mais que font parler les prêtres et le clergé. Au nom de Dieu, mais via ses prétendus serviteurs, le Ciel commande ce qui doit être fait, pensé, vécu et pratiqué sur Terre pour Lui être agréable ! Et les mêmes qui prétendent porter Sa parole affirment leur compétence dans l’interprétation de ce qu’Il pense des actions effectuées en Son nom…

La théocratie trouve son remède dans la démocratie : le pouvoir du peuple, la souveraineté immanente des citoyens contre le prétendu magistère de Dieu, en fait de ceux qui s’en réclament… Au nom de Dieu, l’Histoire témoigne, les trois monothéismes font couler pendant des siècles d’incroyables fleuves de sang ! Des guerres, des expéditions punitives, des massacres, des assassinats, du colonialisme, des ethnocides, des génocides, des Croisades, des Inquisitions, aujourd’hui l’hyperterrorisme planétaire…

Déconstruire les monothéismes, démythifier le judéo-christianisme – mais aussi l’islam, bien sûr –, puis démonter la théocratie, voilà trois chantiers inauguraux pour l’athéologie. De quoi travailler ensuite à une nouvelle donne éthique et produire en Occident les conditions d’une véritable morale post-chrétienne où le corps cesse d’être une punition, la terre une vallée de larmes, la vie une catastrophe, le plaisir un péché, les femmes une malédiction, l’intelligence une présomption, la volupté une damnation.

A quoi pourrait dès lors s’ajouter une politique moins fascinée par la pulsion de mort que par la pulsion de vie. L’autre ne s’y penserait pas comme un ennemi, un adversaire, une différence à supprimer, réduire et soumettre, mais comme la chance d’une intersubjectivité à construire ici et maintenant, non pas sous le regard de Dieu ou des dieux, mais sous celui des seuls protagonistes, dans l’immanence la plus radicale. De sorte que le Paradis fonctionnerait moins en fiction pour le Ciel qu’en idéal de la raison ici-bas. Rêvons un peu…

Michel Onfray, « Traité d’athéologie »

Traité d’athéologie


« Les trois monothéismes, animés par une même pulsion de mort généalogique, partagent une série de mépris identiques : haine de la raison et de l'intelligence ; haine de la liberté ; haine de tous les livres au nom d'un seul ; haine de la vie ; haine de la sexualité, des femmes et du plaisir ; haine du féminin ; haine des corps, des désirs, des pulsions. En lieu et place de tout cela, judaïsme, christianisme et islam défendent : la foi et la croyance, l'obéissance et la soumission, le goût de la mort et la passion de l'au-delà, l'ange asexué et la chasteté, la virginité et la fidélité monogamique, l'épouse et la mère, l'âme et l'esprit. Autant dire la vie crucifiée et le néant célébré... " En philosophie, il y eut jadis une époque " Mort de Dieu ". La nôtre, ajoute Michel Onfray, serait plutôt celle de son retour. D'où l'urgence, selon lui, d'un athéisme argumenté, construit, solide et militant. »

Sophia Aram et la religion


jeudi, novembre 11, 2010

11 Novembre 1918, fin d’un calcul criminel


« Pour ne pas léser de très puissants intérêts privés, et pour éviter d'enfreindre les accords secrets conclus entre métallurgistes allemands et français, on a sacrifié, dans des entreprises militaires inefficaces, des centaines de milliers de vies humaines, sauf sur un point : Briey-Thionville, dont, durant quatre années, l'Allemagne en toute tranquillité a tiré les moyens de continuer la lutte ».
Jean Galtier-Boissière (Histoire de la Guerre 14-18)

Comment la grande boucherie fut montée de toutes pièces par accords secrets.

Comme il est bon d’illustrer d’un exemple des thèses en général peu répandues, prenons le cas de l’opposition franco-allemande au cours de la guerre de 1914-1918.

Les marchands de canons, dont les principaux étaient Schneider en France et Krupp en Allemagne, étaient étroitement unis en une sorte de trust international dont le but secret était d'accroître l'immense fortune de ses membres en augmentant la production de guerre, de part et d'autre de la frontière.

A cet effet, ils disposaient de moyens puissants pour semer la panique parmi la population des deux pays, afin de persuader chacune que l'autre n'avait qu'un but : l'attaquer.

De nombreux journalistes, des parlementaires, étaient grassement rétribués par eux pour remplir ce rôle. D'ailleurs, un important munitionnaire français, de Wendel, député de surcroît, avait pour cousin un autre munitionnaire, allemand. Von Wendel, siégeant au Reichstag. Ils étaient aux premières loges, dans chaque pays, pour acheter les consciences et faire entendre leurs cris d'alarme patriotiques.

Tout ce joli monde - marchands de canons, journalistes et parlementaires - parvint aisément à lancer les deux peuples dans une folle course aux armements que rien ne devait plus arrêter, jusqu'à ta guerre.

Leurs Chefs d'Etat respectifs, loin de les freiner, les encourageaient. Et notamment notre Président de la République, Raymond Poincaré, un Lorrain, élevé dans l'idée de revanche et prêt à n'importe quel mensonge, à n'importe quel forfait, pour reconquérir l'Alsace et la Lorraine.

Une de ses déclarations sans fard met à jour sa mentalité :

« Dans mes années d’école, ma pensée assombrie par la défaite traversait sans cesse la frontière que nous avait imposée le traité de Francfort… Je ne voyais pas à ma génération d’autre raison de vivre que l’espoir de recouvrer nos provinces perdues. »

C'est pour ces différents motifs que les soldats allemands et français allaient s'entr'égorger.

On leur avait appris à se haïr, alors que les munitionnaires et les états-majors, fraternellement unis, suivaient avec satisfaction, à l'arrière, les déroulements du drame qu'ils avaient conjointement déclenché.

Pour bien approfondir cette immense duperie, et pour que tous nos lecteurs comprennent que le "patriotisme", et la "défense du territoire" ne sont que des mots creux servant à couvrir les plus abominables tripotages, il convient de raconter l'histoire du bassin de Briey, car elle est caractéristique, symptomatique, et, à elle seule, devrait dégoûter à jamais les peuples de prendre les armes.

Les mines de fer de Briey-Thionville étaient à cheval sur les frontières du Luxembourg, de la France et de l'Allemagne. La famille franco-allemande de Wendel en était propriétaire.

Ce bassin était d'une importance capitale pour le déroulement de la guerre. M. Engerand, dans un discours prononcé à la Chambre des députés, après le conflit, le 31 janvier 1919 dira :

« En 1914 ; la seule région de Briey faisait 90 % de toute notre production de minerai de fer ».

Poincaré lui-même avait écrit autrefois (« L’Invasion », page 48) : « L'occupation du bassin de Briey par les Allemands ne serait rien moins qu'un désastre puisqu'elle mettrait entre leurs mains d'incomparables richesses métallurgiques et minières dont l'utilité peut être immense pour celui des belligérants qui les détiendra ».

Or, il se passa un fait extraordinaire : dès le 6 août 1914, le bassin fut occupé par les Allemands sans aucune résistance.

Plus extraordinaire encore : le général de division chargé de la défense de cette région, le général Verraux, révéla par la suite que sa consigne (contenue dans une enveloppe fermée à ouvrir en cas de mobilisation), lui prescrivait formellement d'abandonner Briey sans combat.

La vérité, connue longtemps après, était la suivante : une entente avait été passée entre certains membres de l'état-major et des munitionnaires français, pour laisser le bassin aux mains des Allemands, afin que la guerre se prolonge (les Allemands n'auraient pu la poursuivre sans le minerai de fer), et que les bénéfices des marchands de canons soient accrus.

Et vive la légitime défense au nom de laquelle on s'étripait un peu partout sur les champs de bataille !
Mais cette histoire - combien édifiante ! - n'est pas terminée.
Pendant tout le conflit, il n'y eut pas une seule offensive française contre Briey ! Ce n'était pourtant pas faute d'avertissements !

En effet, en pleine guerre, le Directeur des Mines envoyait la note suivante au sénateur Bérenger :

« Si la région de Thionville (Briey) était occupée par nos troupes, l'Allemagne serait réduite aux quelques 7 millions de tonnes de minerais pauvres qu'elle tire de la Prusse et de divers autres Etats, toutes ses fabrications seraient arrêtées. Il semble donc qu'on puisse affirmer que l'occupation de la région de Thionville mettrait immédiatement fin à la guerre, parce qu'elle priverait l'Allemagne de la presque totalité du métal qui lui est nécessaire pour ses armements ».

L'état-major français et le Président de la République furent abondamment avertis de ces faits.

Des dossiers complets sur cette affaire furent même fournis à Poincaré par le député Engerand.

Poincaré refusa d'intervenir. L'état-major refusa toute offensive du côté de Briey.

A défaut d'offensive, de reprise du terrain, on aurait pu bombarder Briey pour rendre inutilisables les installations.
Au contraire, des accords secrets furent passés entre états-majors allemands et français, afin que les trains remplis de minerai se dirigeant vers l'Allemagne ne fussent, en aucun cas bombardés.

En passant, disons que, bien entendu, ces mêmes états- majors avaient décidé également de ne pas détruire leurs quartiers généraux respectifs... Ces deux bandes de gangsters étaient "régulières" !

Des aviateurs français, néanmoins, désobéirent aux ordres reçus et lancèrent quelques bombes sur les installations de Briey. Ils furent sévèrement punis.

Et savez-vous par quel intermédiaire les directives secrètes d'interdiction de bombarder avaient été données ? Par un certain lieutenant Lejeune - tout puissant, quoique simple lieutenant - qui, dans le civil, avant la guerre, était ingénieur attaché aux mines de Jœuf et employé de M. de Wendel.

Cette histoire n’est qu’un exemple, parmi beaucoup de la collusion des munitionnaires et des gouvernants des pays en guerre. Nous en pourrions citer bien d’autres !

Nous espérons qu’elle fera réfléchir ceux que ces mêmes munitionnaires et gouvernemants poussent au combat, au nom de la patrie en danger et de la légitime défense !

Jean Gauchon, extrait de la brochure « Pacifisme intégral ».

En 1977, le texte est repris par Daniel Fargeas dans son livre, « Les fiches écologiques ». Il est également cité en 1998 par Jean-Pierre Fléchard dans « Le Livre noir du capitalisme ».

Les profiteurs de guerre : 1914-1918


Cliquer sur la vignette pour feuilleter le livre

" Hélas ! Il y a un vaste front où l'on acquiert rapidement des fortunes trop colossales pour être honnêtes, et un autre où on se fait casser la gueule pour cinq sous " : les combattants de la Grande Guerre, tous pays confondus, émettent à foison de telles invectives. Ainsi s'installe une catégorie à la fois bien déterminée et insaisissable, les profiteurs de guerre, plaie ouverte dans le consensus censément à l'œuvre dans les sociétés en guerre. De toutes parts, les prises à partie féroces, désespérées, peignent un noir tableau, celui de masses citoyennes en proie à des souffrances prolongées rendues plus aiguës par l'idée que dans le même temps, d'autres (patrons, commerçants, financiers) s'enrichissent et mènent la belle vie. Ce livre propose une exploration et une interprétation de ce phénomène d'opinion, à travers les écrits combattants, la presse, mais aussi les lettres de délation reçues par les pouvoirs publics. Face à une telle mise en cause, le monde patronal est contraint de produire un contre-discours fondé sur son inscription patriotique dans l'effort de guerre. Deux visions résolument antagonistes de la France en tant que société capitaliste libérale en guerre se trouvent donc dressées l'une contre l'autre, formant un vrai problème historique. Cet ouvrage entend établir, à travers les archives de l'impôt sur les bénéfices de guerre créé en 1916, une typologie des enrichissements en 1914-1918 en même temps qu'une anthropologie culturelle du patronat. Il place ainsi dans un vis-à-vis sans concessions les conditions et les attentes du " peuple " d'une part, des élites économiques et politiques d'autre part. Il montre que le patriotisme verbal de ces dernières ne se reflète guère dans le concret des affaires, tandis que la rancœur et la critique acerbe du premier s'accompagnent des mille maux réellement vécus face à l'ennemi, des difficultés quotidiennes et du deuil. Enfin, le constat tiré des grandes inégalités de traitement opérées par le régime républicain entre les catégories sociales durant la guerre pointe les finalités ambiguës de la démocratie libérale. Cet essai d'histoire propose la première étude sur les profiteurs de guerre, et s'empare ainsi d'un objet d'histoire fortement polémique, avec le souci de n'en minorer ni les excès ni la part de réalité.

Biographie de l'auteur

François Bouloc est docteur en histoire contemporaine, membre du Collectif international et de recherche 1914-1918 (www.crid1418.org ). Il a publié divers articles sur le premier conflit mondial et a notamment collaboré à l'ouvrage collectif Le Chemin des dames. De l'événement à la mémoire, dirigé par Nicolas Offenstadt (Stock, 2004). Il enseigne actuellement à l'ITEP de Grèzes (Aveyron).

mercredi, novembre 10, 2010

Athéologie religieuse


Anticlérical, je le suis, mais pas antireligieux. La mentalité religieuse a engendré souvent le meilleur de l’esprit humain, et vaut quand même mieux que la mentalité d’épicier. Mais je suis contre les Eglises, leur dogmatisme, leur hiérarchie ; elles sont le cancer des religions. Je suis plutôt pour une religion athéologique et sans lien avec le pouvoir politique. […]

Quelle que soit la religion, je déteste les Eglises, les clercs qui se sont arrogé le monopole de la prétendue vérité, qui ont répondu aux inquiétudes humaines par des dogmes. Mais je respecte la religion quand elle prône la charité (la charité et non l’aumône), la religion qui s’oppose à la hiérarchie, qui crée la fête, qui sort les hommes du monde du pouvoir et du travail, qui transgresse la raison pratique et les tabous, qui inspire les artistes, qui engendre des histoires fantastiques. L’hindouisme n’est pas seulement la religion des brahmanes. Elle est aussi celle de ces hommes condamnés à mort pour leurs activités contre le colonialisme anglais qui marchaient vers l’échafaud avec une dignité sereine, murmurant sans cesse le nom du dieu Rama jusqu’à ce que le nœud coulant se resserre.

[…] Toute religion comprend à la fois celle des cœurs simples, dont les qualités humaines se cachent derrière une apparence naïve et qui sont plus aptes à convertir que les faiseurs de sermons, et celle des théologiens dépositaires de dogmes, toujours prêts à condamner. Il saute aux yeux de qui veut bien ôter ses œillères que, quelle que soit la religion, il existe une division entre celle des cœurs simples et celle de ceux qui mêlent l’au-delà et le pouvoir. Les religions illustrent aussi le fait qu’il y a plus en commun entre un paysan français et un paysan chinois qu'entre un paysan français et un bourgeois français ou entre un portefaix chinois et un lettré chinois. Les différences culturelles entre les hommes sont moins importantes que les différences sociales. C’est aussi la leçon de l’étude des religions. La métaphysique bouddhique est plus proche de la théologie chrétienne que du bouddhisme de l’humble fidèle qui invoque le Bouddha Amitabha, qui lui-même a tant en commun avec la vieille dame qui va cueillir des roses pour l’autel de l’église de son village. Mais il ne faudrait pas croire que la religion populaire est une forme dégradée de la religion des clercs, pas plus que la politique du peuple est une forme vulgaire de celle des politiciens et des classes possédantes. La religion des clercs est devenue une religion philosophique, tandis que celle des humbles garde au fond du cœur cette intuition unique de l’au-delà qui faisait déjà peindre les fresques de Lascaux et d’Atamira à leurs lointains ancêtres.

Je laisserai conclure un vieux taoïste qui s’exprime ainsi dans un roman chinois ancien, et dont les paroles auraient pu tout aussi bien être dites par un bouddhiste :

Le seul enseignement que vous recevrez de moi n’enrichira pas vos connaissances, dont d’ailleurs tout dépend de l’usage que vous en ferez. Vous n’avez pas besoin d’un maître pour cela ; je vous aiderai seulement à tout regarder d’un autre œil.

Vous verrez des statues, des rites ; ces choses en aide certains ; mais j’espère que vous ne verrez bientôt plus dans ces statues que des formes parfois belles, le plus souvent ridicules, et dans les rites qu’une certaine façon de se comporter au sein d’une communauté ; leur sens est plus important que les gestes, et, une fois qu’on en a compris le sens, on les oublie comme on oublie le filet une fois qu’on a attrapé les poissons.

Ne cherchez pas plus le vide que le plein, car ce ne sont là que deux mots qui vous fatigueront le cœur en vain. N’essayez pas de suivre mes paroles, car elles ne valent pas plus que ces mots vulgaires que vous entendiez dans le lieu d’où vous venez ; je ne suis qu’un maître de hasard. Apprenez plutôt à rester immobile et à respirer : la lumière du soleil éclairera le fond de votre cœur.

Bouddhisme et taoïsme, comme toute religion, sont englués dans les sociétés où ils furent répandus. Eux aussi ont eu recours à l’enfer pour faire peur et au ciel pour récompenser leurs adeptes. C’est misérable, et c’est faire insulte au Tao comme au Dharma et à Dieu. Eux non plus n’ont pas été à l’abri de collusions avec le pouvoir et de l’esprit partisan, même s’ils se sont abstenus d’avoir recours aux bûchers de l’Inquisition ou au fil de l’épée.

Si la religion devient un ramassis de superstitions ou si elle est rejetée à cause des aberrations qu’elle peut engendrer, il ne reste que le travail et ces plaisirs décevants qui ne laissent qu’amertume. Pour demeurer, pour continuer à posséder une séduction, elle doit être aussi sagesse et faire accepter que, s’il y a vie, il y a mort ; sinon, elle ne vaut rien. Elle doit redonner aux fêtes leurs excès, faire de celles-ci des moments où sont abolis les tabous sociaux. Elle doit évoluer avec le temps et les cultures. Se cramponner à l’une de ses formes est idiot. Sa diversité est sa richesse.

Jacques Pimpaneau, « A deux jeunes filles qui voudraient comprendre la religion des Chinois ».


A deux jeunes filles qui voudraient comprendre la religion des Chinois


Dieu existe-t-il en Chine ? Quels sont les grands traits de la religion des Chinois ? Peut-on parler de sagesse plutôt que de religion ?
Telles sont quelques-unes des questions auxquelles l’auteur se propose de répondre avec simplicité dans ce livre à l’adresse de deux jeunes filles. On y parle aussi du paradis et de l’enfer, des rites comme des superstitions, du panthéon des dieux et du Tao.


Photographie :
Fête annuelle shinto. « Chaque premier dimanche d’avril, la ville de Kawasaki organise un grand festival, le Kanamara Matsuri, mettant à l’honneur le phallus symbolisant la fertilité. A cette occasion, des milliers de verges de toutes tailles et de toute nature sont exhibées. Telle une divinité, il fait ouvertement l’objet de tous les désirs et de toutes les dévotions dans la plus grande désinvolture. »

samedi, novembre 06, 2010

La France des millionnaires

Plus de deux millions de riches vivent dans la prétendue « patrie des droits de l’homme ».

« Avec 9 % des millionnaires du monde, notre pays se situe au troisième rang, derrière le Japon et les États-Unis, selon une étude publiée par le Crédit Suisse. […]

L’Hexagone se place ainsi loin devant ses voisins européens. Le Crédit Suisse affirme que l’Italie n’héberge que 6% de millionnaires, la Grande-Bretagne et l’Allemagne 5%. Les Etats-Unis concentrent à eux seuls 9,94 millions d’individus, soit 41% de la population mondiale de millionnaires. Le quota tombe à 3% en Chine et à 4% au Canada. »

Les millionnaires représentent 0,5% de la population mondiale. Ils accaparent 35,56% de la richesse de la planète. Leur fortune en valeur absolue est évaluée à près de 69.200 milliards de dollars (soit 50.228 milliards d’euros).

La dette publique mondiale, estimée à 40 000 milliards de dollars, est nettement inférieure au colossal magot de l’oligarchie du fric.

mardi, novembre 02, 2010

Le végétarisme et les chrétiens


Des textes, comme « L’Evangile des Douze » ou le livre « Kerymata Petrou », « Les Proclamation de Pierre », proscrivent clairement l’alimentation carnée au sein des premières communautés chrétiennes. Or l’Eglise triomphante a combattu le végétarisme au nom de la Bible. La Bible a-t-elle été délibérément tronquée ?

Des Faussaires

Deux ans après la victoire de Constantin, le Concile d’Ancyre (aujourd’hui Ankara) ordonna en l’an 314 que tous les prêtres et les diacres qui ne voulaient pas manger la viande, même mélangée aux légumes, fussent relevés de leurs fonctions.

C’est ainsi qu’aucun végétarien, pour raisons éthiques (jusqu’au milieu du 19ème siècle on appelait les végétariens des « pythagoriciens ») ne pouvait recevoir de charge, que ce soit dans l’Eglise ou dans l’Etat. A cet égard les Eglises et tous les gouvernements du monde s’accordaient.

Nous pouvons ici trouver la raison pour laquelle les correcteurs expurgèrent les textes canoniques de tous les passages faisant mention de la nourriture carnée et de la renaissance de l’âme : car c’était là des principes fondamentaux du gnosticisme, qui était considéré par l’Eglise officielle comme une concurrence et craint comme tel. En éliminant ces passages, l’Eglise sapait peu à peu l’influence des gnostiques, tout en s’assurant pour elle-même un plus grand nombre de fidèles. Car l’abstinence que le Christ exigeait n’était pas du goût de chacun.

Notre respect pour les anciennes traditions nous empêche de croire à de tels agissements de la part de l’Eglise. Mais la falsification d’une épître de Paul, où les gnostiques sont décrits comme des impies, démontre que l’Eglise, dans sa lutte contre eux, n’a reculé devant aucun moyen. Le Dr W. Winsch écrit en effet à ce propos , dans son étude intitulée « Jésus était-il Nazaréen ? », ce qui suit : « Nous savons à présent de manière très précise que la première épître à Timothée a été falsifiée. En effet, le contrefacteur se trahit lui-même à la fin, en mettant en garde contre la secte des Gnostiques, alors que celle-ci n’existait pas encore du temps de Paul. »

Il est maintenant d’un grand intérêt de constater que cette lettre interpolée constitue le seul fragment du Nouveau Testament où soient recommandée la nourriture carnée (I Tim. 4 : 1-9) et les boissons fermentées (5 : 23). Il est ainsi très aisé de supposer que cette falsification n’a été perpétrée que dans l’intérêt des non-abstinents de la communauté chrétienne et seulement dans le dessein de les couvrir de l’autorité de Paul.

Nous disposons de nombreux témoignages de ce combat qui fit rage autour de ces deux interprétations, végétarienne et non végétarienne. Par exemple, le nombre des végétariens était, quatre cents ans après Jésus-Christ, encore si élevé que lors du Concile d’Ancyre (Ankara), il fut décidé que les prêtres qui voulaient vivre de mets végétaux seraient malgré tout tenus de goûter à la viande, cela sous peine de destitution !

Franz Susman (cité par Albert Mosséri dans "L'homme, le singe et le paradis").

L'Évangile des douze
ou de la vie parfaite


Extrait du chapitre 46 :
La transmission de la loi
Tu ne dois pas manger de viande ni boire le sang d’une quelconque créature sacrifiée, ni quoi que ce soit qui met le désordre dans ta santé ou tes sens.

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Les chrétiens aiment… la chair et le sang



lundi, novembre 01, 2010

Travailler deux heures par jour




A-t-on besoin de travailler 8 heures par jour pour vivre ?


Quand on aura supprimé les frais de médicaments et de médecins (ils sont remboursés, mais ils sont prélevés indirectement sur les salaires sous forme de charges), quand on aura supprimé les frais de tabac, de café, d’alcool, de viandes, d’armement, on pourra vivre de deux heures de travail par jour. Les usines atomiques seront remplacées par des séchoirs à fruits et à légumes. Et l’on pourra transporter ces aliments séchés et très légers dans tous les coins de la terre pour éliminer la famine et la faim. A lieu de détruire des milliers de tonnes de pommes et de choux-fleurs, on les fera sécher pour les conserver très longtemps. Devenant ultra-léger, leur transport ne coûtera pas beaucoup. Au lieu de cultiver des régions entières en plantant du café, du cacao, du tabac, de l’opium, du blé, etc., on cultivera des aliments sains.

Albert Mosséri, « L’homme, le singe et le paradis ».



« Travailler deux heures par jour » est le titre du livre écrit par le collectif Adret et publié en 1977 ;

Une importante diminution de la durée du travail ne peut avoir lieu que dans une autre société qui ne serait pas gouvernée par le profit et où le pouvoir de division et les possibilités concrètes d'organisation seraient le plus possible décentralisées au niveau d'unités dont la taille permette qu'on s'y connaisse et qu'on s'y reconnaisse ; communautés, collectifs d'immeubles, organisations de quartier, de village, associations, etc. 


"L'Occident moderne est la chose la plus dégoûtante de l'histoire du monde"

Une performance d'art moderne occidental : Être traîné avec une bougie dans l'anus sur un sol inondé et sale. La Russie est en train...