vendredi, juillet 23, 2010

Nana Power



La "the nana"
C'est dans la voix et dans le geste
La "the nana"
C'est "the nana" avec un zeste
La "the nana"
Quant à la jupe à ras le bonbon
La "the nana"
C'est pas compliqué mais c'est bon…
(Léo Ferré)



« Nana » est un terme archaïque, sans doute étrusco-lydien, auquel Maurice Guignard a restitué son contenu, c’est-à-dire la sociologie matriarcale des hautes époques. En français, « nonne » = sœur, religieuse, est de même origine. A vrai dire, le règne de la nana ou nonne représentait, par rapport au matriarcat strict, une réaction salutaire puisqu’il substituait au règne de la femme sénile celui de la femme dynamique. Décadent, il retombait dans le matriarcat strict (comme en Asie Mineure, quand Cybèle succéda à Artémis en tant qu’arcane) ou aboutissait au patriarcat (comme à Rome, quand la révolution rejeta le matriarcat étrusque et ses rois soumis aux nana(s), devenues abusives). Les sibylles et pythies représentèrent une floraison de cette institution, à moins qu’elles ne soient reliées à une forme typiquement berbère du matriarcat – celui des Grandes Reines.

La nana, personnage tabou, se retrouve en filigrane dans la haute époque des peuples scandinaves, océaniques et méditerranéens. Elle s’éteignit peut-être en Occident avec la druidesse. Sainte Anne de Bretagne rappelle le souvenir à peine christianisé, soit d’une « grande nana » régnant sur un collège de nana(s), soit celui de la déesse Ana symbolisant l’âme du globe. Ecrit avec deux « n », sainte Anne se rapporte à la première théorie. C’est par le déchiffrement de l’étrusque et du lydien, langues cousines, que Maurice Guignard rétablit cette insolite sociologie. Il explique que, dans la famille étrusque ou lydienne, il arrivait que l’une des filles, plutôt l’aînée, se consacrât à une prêtrise domestique : elle devenait nana. Célibataire et vierge, elle serait la gardienne de la tradition, la célébrante de certains rites et la prêtresse mariant ses sœurs (ce qui lui donnait par ricochet le contrôle des maris). La nana existait à chaque niveau du corps social : famille, clan, cité, Etat. En fait, le pouvoir politique était indirectement entre les mains des nana(s) parce que, prophétesses, elles détenaient l’oracle. Leur chasteté, combinée à une ascèse et à un régime alimentaire, leur donnait des antennes ; elles étaient médiums. Elles transmettaient la voix des morts, celle de l’âme ethnique et, pour les plus douées, la voix des dieux. Leurs états de transe impressionnait les hommes qui craignaient de surcroît leur malédiction. Gardiennes de la tradition, elles préservaient aussi la connaissance des runes et de leur vocalisation. C’est en effet par la magie du son que leur malédiction pouvaient être rendue efficace !

A la longue, après avoir assuré une stabilité plusieurs fois millénaire aux civilisations archaïques, l’institution entra en décadence. Faux médiums, ne captant plus l’oracle divin, ou médiums tricheurs car lui substituant un oracle infernal, les nana(s) se défigurèrent de surcroît en tyrans domestiques, mariant les femmes à leur gré et envoyant les hommes au travail et à la guerre. En Crète, la « Grande Mère », c’est-à-dire la « papesse » des nana(s), exerça sur les masses une magie fascinatrice en tirant du culte du serpent une puissance qui se substituait à la puissance divine.

Un texte étrusque, éloquent, traduit par Maurice Guignard, dit que l’homme n’avait alors que deux façons d’échapper à la nana : « le vin et la colonisation »… Mais une nana accompagnait l’amiral ; les figures féminines de proue perpétueraient le souvenir de ces contre-amiraux en jupon ! Et le prophétisme criminel des dernières druidesses aurait causé la fuite épique de Ram. En son temps, de louches oracles féminins prescrivaient le sacrifice humain du guerrier d’élite, par haine inavoué du mâle… Comme prétexte : ces hommes étaient choisis « par les dieux » pour être les messagers du peuple auprès des ancêtres… Escroquerie spirituelle !

Les abus du « nannarchat » expliquent la révolution romaine et la chute des rois étrusques – évidemment. Les Romains instaurèrent le patriarcat le plus stricte, retirant soigneusement à la femme le pouvoir prophétique. Les antiques nana(s) se prolongèrent néanmoins par les vestales, vierges aussi et gardiennes de la tradition, mais sans médiumnité et sans autorité. Il semble que l’âme inconsciente des peuples méditerranéens et océaniques soit restée traumatisée par la tyrannie des nana(s) de décadence : l’esclavagisme féminin, corse et sicilien (prostitution), en serait la rançon sous la forme d’une inconsciente vengeance. Aujourd’hui, dans l’argot de la truandaille, la nana = l’esclave préférée du proxénète, la reine du harem, en somme, le reflet inversé de l’ancienne nana. Tyran domestique, elle exploite au profit du proxénète ses sœurs en esclavage. Quant à la mama méditerranéenne, autre tyran domestique, elle dérive aussi de la misogynie corse et sicilienne. Ailleurs, le spectre de la nana écroulée qui pèse sur l’inconscient collectif de manière très abstraite, a des conséquences moins dramatiques : le culte du joueur de football ou de rugby, culte enfantin (des adultes en culotte courte jouant au ballon, jeu d’enfants) sévit en des régions où l’abus du féminisme, jadis, empêcha les hommes de devenir vraiment adulte !

En Suède, la nana nordique, plus pernicieuse, reparaît sous l’alibi de l’égalité des sexes (en fait, il s’agit de féminisme) et de la liberté des mœurs. Tout en réduisant l’homme en bête de plaisir et de travail et de guerrier castré, les femmes vengent la chasteté forcée de leurs lointaines devancières sacralisées. Mais un « nannarchat » latent, sans visage précis, domine toute l’Europe occidentale et les USA, pays où les idéologies poussent à la virilisation des femmes et à la dévirilisation des hommes. Il s’y ajoute maintenant le sacrifice humain étatisé – par les lois sur l’avortement ! Tout cela entre dans un même contexte de résurgence de matriarcat décadent et d’Apocalypse.

Jean Louis Bernard

Le linguiste Maurice Guignard, mort en 2001, affirma avoir déchiffré la langue étrusque : Maurice Erwin Guignard : « Comment j'ai déchiffré la langue étrusque ». Impr. Avisseau, Burg Puttlingen 1962, Bonneval 1965.

Le Pays des Filles

La société Moso n'est pas matriarcale mais matrilinéaire : les femmes n'ont pas le pouvoir politique mais ce sont elles qui transmettent les noms et les terres.


« Adieu au Lac Mère » de Yang Erche Namu

"Adieu au Lac Mère" est le récit d’une enfance extraordinaire dans une société hors du commun.
Cette enfance est celle de Yang Erche Namu, célèbre chanteuse et mannequin chinoise qui vit aujourd’hui entre Pékin, Rome et San Francisco. Namu est née en 1966 chez les Moso, une société matrilinéaire des montagnes du Yunnan, à la frontière sino-tibétaine, à 2700 mètres d’altitude. Les Chinois appellent le pays Moso « le Pays des Filles », car chez les Moso, les femmes sont chefs de familles. Les Moso ont rejeté le mariage. Les unions sexuelles sont temporaires et les enfants appartiennent d’office à la famille maternelle. La société Moso exige la tolérance, le respect d’autrui et l’aide collective.

« Adieu au Lac Mère » narre les seize premières années de la vie de Namu, sa relation douloureuse avec sa mère, ses désirs de voyage et d’évasion, son ambition de voir le monde et l’aboutissement de ses rêves lorsqu’elle réussit un concours de chant et intègre l’Académie de musique de Shanghaï. Le récit de l’apprentissage de Namu est à la fois plein de drame, d’étrangeté et de beauté.

À travers les yeux d’une enfant puis d’une adolescente fougueuse, on pénètre dans les alcôves où luisent au coin du feu les visages tannés, on goûte au thé au beurre de yack, et on s’enivre de l’air des montagnes. On découvre comment s’y déclinent les thèmes universels, tel l’amour entre mère et fille, le conflit entre l’individu et la société. On éprouve les bouleversements sans précédent que sont aussi bien l’intrusion de la révolution chinoise dans cette société millénaire aussi bien que l’éveil à la liberté d’une jeune fille au destin exceptionnel.



jeudi, juillet 22, 2010

Ôhrmazd & Ahriman


Les médias occidentaux se gardent bien de diffuser les propos des Ayatollahs. Les discours des guides spirituels de l’Islam chiite ne sont pas dénués de considérations métaphysiques et eschatologiques que partagent beaucoup d’adversaires de l’empire de la bête qu’ils soient musulmans, chrétiens ou juifs.

La vocation spirituelle de l’Iran est étudiée par Henri Corbin dans son œuvre « En Islam iranien ». Cet auteur évoque aussi la chevalerie spirituelle qui naît avec « l’éthique zoroastrienne, inspirée par le combat des Fravartis (1), celles-ci choisissant de descendre en ce monde pour y défendre la création d’Ôhrmazd, de même qu’elles avaient veillé aux hauts remparts du monde de Lumière contre les puissances ahrimaniennes ». Or, il ne fait aucun doute que les puissances ahrimaniennes sont incarnées par l’empire anglo-américain et ses vassaux.

Le guide suprême de la Révolution Islamique, l'Ayatollah Sayed Ali Khamenei, a appelé, ce mercredi, les musulmans du monde entier à combattre le "terrorisme aveugle et sauvage" initié par Washington et Londres, accusés d'avoir soutenu les auteurs de l'attentat ayant visé une mosquée au sud-est de l'Iran .
"Dans notre région (...), le terrorisme aveugle et sauvage naît des politiques diaboliques des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de leurs mercenaires", a assuré Sayed Ali Khamenei dans un communiqué diffusé au septième jour de deuil du double attentat suicide qui a coûté la vie à 28 personnes à Zahedan .
"Tous les musulmans sont appelés à combattre (...) ce diabolique et sinistre résultat qui est la quintessence de la corruption sur terre", a notamment poursuivi le guide suprême iranien dans ce texte lu à l'antenne sur la télévision d'Etat. Il a précisé que les attentats de Zahedan ont été perpétrés par les "wahhabites sournois et fanatiques avec le soutien (...) de services d'espionnage étrangers", a.
L'Ayatollah Khamenei a en outre appelé "les penseurs chiites et sunnites dans l'ensemble des pays arabes et islamiques à débusquer les intentions des ennemis, qui sont de pousser au terrorisme sectaire, et prévenir ainsi (les musulmans) du grand danger des conflits confessionnels".
Sayed Khamenei a répété que l'Iran était la "cible des services d'espionnage des Etats-Unis, du régime sioniste et de Grande-Bretagne", qui cherchent à provoquer un "conflit entre chiites et sunnites".
Mais, le guide de la Révolution Islamique a assuré que "la République islamique ne laissera pas les agents de l'arrogance mondiale provoquer la division entre frères musulmans".
Dimanche dernier, le président Mahmoud Ahmadinejad a également accusé les forces américaines présentes en Afghanistan et au Pakistan d'apporter leur soutien au "groupe Joundalla" qui a revendiqué ces attentats .
La République islamique accuse régulièrement "Joundalla" d'être entraîné et équipé par les services de renseignement américains, israéliens, et britanniques dans le but de déstabiliser l'Iran.



(1) entités célestes protectrices.

***
Après le dalaï-lama, le karmapa sera-t-il le chef spirituel des Tibétains ?


DHARAMSALA, Inde — Le dalaï-lama, chef spirituel du peuple Tibétain en exil, pense que sa prochaine réincarnation se fera dans un pays libre... http://www.bernama.com/bernama/v5/newsindex.php?id=515026
Au train où vont les choses, ce ne sera pas en Occident. A moins que la conception de la liberté du dalaï-lama soit toujours conforme à celle de l’ancien Tibet. Dans ce cas, la prédiction du dalaï-lama se comprend mieux car seuls les oligarques de l'empire seront libres.


mardi, juillet 20, 2010

La parole perdue


Les médias ne cessent de nous répéter que, depuis que le peuple est souverain, le temps de la barbarie du pouvoir est révolu. Désormais, nous dit-on, l'individu est roi et le roi est sujet. Tout devrait donc être pour le mieux dans le meilleur des mondes. C'est, du moins, ce que cherchent à nous faire croire tous ces professionnels de la politique qui occupent le devant de la scène à nos dépens. Car, hélas, le présent est toujours à l'image du passé: le privilège du pouvoir n'est pas de répondre aux questions mais de les poser - d'organiser les élections.

Signes ostentatoires de soumission à l'autorité, révérences et pros-ternations, humiliations de toutes sortes, interdiction de porter des costumes de couleurs et de regarder l'empereur, réduction des pieds des femmes et excision, castration des serviteurs: toutes les civilisa-tions du passé nous offrent le spectacle le plus brutal de ces mutilations qu'impose le pouvoir aux hommes pour les dominer.

Mais, aujourd'hui comme hier, la mutilation est toujours la marque du pouvoir. Pour s'être rendue moins visible, elle n'en a pas pour autant disparu. Bien au contraire. Si, actuellement, elle épargne les membres extérieurs du corps, c'est pour mieux pénétrer à l'intérieur de notre conscience, au coeur même de l'esprit. C'est, en effet, en castrant le langage que le pouvoir moderne parvient à rendre le cerveau impuissant. Finies les besognes honteuses du bourreau; grâce à cette mutilation propre, nous touchons enfin à la perfection scientifique !

Désinformation, rétention d'information, langue de bois, double langage: jamais les mots n'ont autant joué avec les choses; jamais les discours n'ont autant fonctionné à contresens des faits les plus palpables; jamais le langage n'a été aussi imperméable au réel, les décisions du pouvoir à ce point vides de justifications. Noyé sous une avalanche de paroles incompréhensibles, l'hom-me moderne devient comme étranger à son propre langage. Quelle sensation d'humiliation et de mutilation que ce véritable «trou d'intelligence » qu'il sent grandir dans sa tête.

Aucune tâche n'est donc plus urgente, aujourd'hui, que de réconci-lier l'homme et son langage. Mais, en premier lieu, nous devrons chercher l'origine de ce fossé d'incompréhension et en mesurer toute l'ampleur.

L'Occident sans voix

Le tohu-bohu des médias ne parvient plus à masquer le silence intérieur du monde occidental, immense corps sans tête apparente. Le crépitement des informations sonores et des spots lumineux ne crée plus l'illusion du discours ni de l'image. « Tout se tait. Le désert est muet, vaste et nu » (Hugo). Point de débat, point d'enjeu, point de grande cause en perspective: c'est la mort, au quotidien, de l'intelligence intégrale.

Implosion religieuse : perte de foi. Toutes les énergies sont, aujourd'hui canalisées vers la seule efficacité à court terme. L'esprit, vide de sens cherche à tromper sa faim profonde dans des restaurants surpeuplés. Faute d'aliment essentiel, la grande aventure intellectuelle de l'Occident est-elle en train de faire naufrage dans les délices de Capoue. Cette perte d’appétence c’est un esprit que nous entendons désigner, car l'Occident est plus une intellectuelle est d’autant plus surprenante que la frénésie de comprendre fut, dès l’origine, la marque propre de l’Occident, toujours prêt à partir en croisade et à « aller enseigner toutes les nations » au nom du dogme ou de la raison. Précisons – et c’est important pour la suite - que par « Occident », c’est un esprit que nous entendons désigner car l’Occident est plus une région de l'esprit humain qu'une partie du monde. » (Henri Massis). L'Occident a en effet un rapport privilégié avec le cerveau gauche masculin, tout comme l'Orient en a un avec le cerveau droit féminin. La trajectoire de l'Occident se lit donc autant dans la tête que sur une carte du monde.

On constate ainsi que ce n'est pas l'ambition mentale de l’Occident qui a aujourd'hui disparu, mais son objet qui a changé. C’est le but au service duquel il met son énergie cérébrale qui s'est transformé des siècles. Après la Cité de Dieu, puis la République des hommes, il s'est lancé à corps perdu dans la construction de l'Empire des machines. Entièrement tendu vers ce seul objectif, il se coupe de ses racines spirituelles, pour réduire son esprit à sa seule mécanique intellectuelle. Il mutile ainsi les deux tiers de son cerveau. Faut-il s'étonner, dans ces conditions, que l'Occident ne soit plus qu'un chantier bruyant, mais sans voix ?

L'Orient décapité

C'est au moment même de son triomphe que l'Occident est frappé de mutisme ; que sa civilisation perd sa vision et bascule dans l'insigni-fiance. Car - il faut en être bien conscient- la victoire intellectuelle de l'hémisphère occidental du monde est aujourd'hui totale. Subjuguée par la puissance de ses schémas de penser -directement issus du Siècle des Lumières (XVIIIe) - l'Humanité entière s'est, aujourd'hui, rendue à ses raisons. Ses objets - en avant-garde de son idéologie - ont envahi la planète.

Même les menaces que font peser sur lui les réussites de l'hémisphère oriental ne sont que les contrecoups de ses propres inventions. Lorsque le Japon le défie - « Nous allons gagner et l'Occident industriel va perdre: vous n'y pouvez plus grand-chose parce que c'est en vous-mêmes que vous portez votre défaite. »-, c'est pour mieux le vaincre sur son propre terrain. Il y a certes, aussi, le renouveau de l'islam, et la montée des peuples du sud vers le nord. Mais que représentent ces menaces potentielles au regard de la suprématie tangible de l'Occident ?

Ses valeurs universelles, ses catégories intellectuelles, ses concepts opératoires, ses divisions politiques, ses théories économique et ses techniques industrielles sont omniprésents. Partout, sa maxime triomphe: « Le savoir, c'est le pouvoir » (Bacon).

Mais, ni sa science, ni ses techniques ne sont neutres. Ses produits manufacturés - même fabriqués par d'autres - sont toujours les missionnaires de l'idéologie occidentale. Mêmes systèmes politiques, mêmes systèmes financiers, mêmes comportements économiques, même architecture, mêmes modes vestimentaires : sous le camouflage de son efficacité industrielle, l'Occident impose sa propre forme de penser, sa vision de l'univers. Il est ainsi parvenu à purger le monde entier de toutes ses civilisations ancestrales : soit par le communisme (Chine, Cambodge et Vietnam) ; soit par le libéralisme (Japon et Amérique du Sud) ; soit par le capitalisme sauvage (Hong-Kong, Émirats du golfe Persique et États du sud-est asiatique) ; soit par l'empreinte héritée du colonialisme (Afrique). Puisque l'Occident est une partie du cerveau, l'Orient - qui accepte de célébrer les gestes de l'Occident - s'ampute ainsi de lui-même. Car « il faut vivre comme on pense sinon tôt ou tard on finit par penser comme on vit » (P. Bourget). Comment l'Orient aurait-il pu, d'ailleurs, garder intacte son âme au milieu de la mutation économique qu'il a dû subir ? En dictant les mêmes gestes au technicien français et au technicien japonais la machine leur impose, d'abord, le même langage industriel, ensuite les mêmes valeurs, enfin les mêmes croyances. Comment en douter ?

Le cas du Touareg est exemplaire à cet égard. Il illustre magnifiquement le mécanisme inexorable de l'aliénation culturelle de l'homme par cette technique, soi-disant neutre. Prenez un Touareg. Détachez-le de sa tribu. enlevez-lui ses tentes de cuir et ses chameaux, ôtez-lui son costume de cotonnade et son voile; habillez-le à l'occidentale et mettez-le, enfin, dans un camion Berliet. Est-il, alors, encore possible de dire de cet homme qu'il est toujours un touareg ? Ou bien n'est-il plus qu'un camionneur, semblable à tous les autres camion-neurs du monde entier ? « On devient l'homme de son uniforme » (Napoléon)

En bref.. un monde dans lequel l'Orient se conduit à l'occidentale est un cerveau hémiplégique, un monde appauvri, une humanité menacée de paranoïa. D'un tel constat, il ressort deux questions. L'Orient, comme catégorie intellectuelle, est-il condamné à mort ? L'intelligence Occidentale, elle-même, peut-elle survivre en se passant de son propre hémisphère oriental ?

La politique défigurée

C'est sans doute en politique que le décalage entre le discours et les faits est le plus criant. Quel paradoxe, ici encore ! D'une manière générale, tous les observateurs soulignent régulièrement que le fossé - qui sépare le discours politique et l'attente des citoyens. le « pays légal » et le « pays réel » - ne cesse de se creuser ; que le débat public tourne en rond; que « les politiciens parlent dans le vide » ; qu'enfin « les Français n'aiment plus la politique ». En France, à l'image de l'Occident, ce divorce est impressionnant : 82% des Français considèrent que les hommes politiques ne disent pas la vérité ; 63%, que les journalistes ne sont pas indépendants des pressions du pouvoir et de l'argent ; 50 %), que les médias « accordent trop de place aux questions sans importance ». En ce qui concerne les hommes politiques et les partis politiques, seulement 34 % et 24 % des Français - respectivement - déclarent qu'ils leur inspirent confiance, 59% considèrent qu'ils ne sont pas bien représentés par un « leader politique », 60 %, par un parti. Au total, 74 % pensent que la politique est en crise, et 54 % que le Bébête-show « pourtant bien caricatural, exprime la réalité politique ». Le constat est accablant. Comment expliquer ce paradoxe des électeurs rejetant leurs propres députés ? Comment comprendre que les électeurs ne s'identifient plus à leurs propres représentants.

C'est que la politique s'est vidée de toute image sensible. Le langage des politiciens s'est fait terriblement abstrait. Il s'est déconnecté des réalités quotidiennes de l'électeur. Tout est devenu trop technique. Dépassé par la complexité du monde moderne, souvent coupé du monde des réalités par son mode de vie, sa formation, et ses origines de fonctionnaire, l'homme politique ne sait plus ni décider ni vouloir. Il abdique de plus en plus souvent devant la Science et les spécialistes, comme le rappelait récemment le chef de l'État: «Le politique doit se faire aujourd'hui modeste devant le savant. (...) Demain ressemblera de moins en moins à hier parce que nous assistons à un transfert des centres de décision du domaine politique au domaine scientifique, dent rien ne nous dit qu'il nous ouvre les portes du paradis. » Comment l'électeur pourrait-il suivre ces querelles de spécialistes, lui qui a sa propre vie professionnelle à mener pour assurer la subsistance de sa famille ? L'équation technique a fini par gripper le débat démocratique.

Or, ce qu'on ne comprend pas finit par ennuyer. Les charmes des implications économiques mondiales, ou de l'intégration européenne, ne mobilisent pas les foules ! Les duels de chiffres lassent tout le monde; les litanies des technocrates font fuir les plus résolus. Ajoutez la référence obligée au « français moyen », ce personnage mythique, abstrait et sans visage de la communication moderne, en lequel personne ne saurait se reconnaître, et vous saurez pourquoi votre Marianne est muette. Mais n'est-ce pas justement par l'entremise de cette abstraction insoupçonnable - incolore, inodore, sans saveur, et donc insaisissable - que la main du pouvoir parvient, à notre insu, à peser de plus en plus lourdement sur chacun de nos gestes.
Le peuple désinformé par le langage

Le peuple est théoriquement souverain, mais, dans les faits, il ignore le langage de la politique, langue de bois et double langage... Soit souverain et tais-toi, semble lui dire Marianne ! Flatté de son image théorique, au bas de l'échelle, l'homme de chair et de sang n'en prend pas moins très mal cette dépossession de lui-même par le langage.

L'incapacité dans laquelle se trouve le citoyen de participer sérieusement aux grands débats politiques et sociaux peut sembler l'inéluctable tribut d'une société dans laquelle le progrès technique rend le langage public de plus en plus abstrait. Comment ces difficultés techniques du monde moderne, qui mettent hors jeu même des politiciens chevronnés, ne mettraient-elles pas sur la touche les simples citoyens ? Partout, la cohabitation des contraires - républicains et démocrates, conservateurs et travaillistes, droite et gauche - ; l'inflation des chiffres et des statistiques ; l'abstraction des enjeux - financiers, techniques, géopolitiques - brouille les cartes et décourage le profane. Chacun sent bien qu'au niveau d'un individu les dés sont pipés. A l'école du krach boursier du 19 octobre 1987, le citoyen-boursier sait bien qu’avec son unique voix électorale, il n'est qu'un très petit porteur de la politique, dans l'impossibilité totale d'influer sur les événements. Comment pourrait-il en être autrement? Mais cette mise hors jeu du citoyen remet en cause le principe même de nos institutions démocratiques : leur représentativité.

En principe, c'est le peuple souverain qui se fait représenter par ses élus ; en fait, c'est le pouvoir qui confisque le langage politique et a seul le droit de parler au nom du peuple. Car, c'est bien connu, toutes les décisions du pouvoir doivent être précédées du sacro-saint : « au nom du peuple français». Mais le citoyen n'a jamais le droit de décider en son nom propre. Le mot peuple est l'otage du pouvoir. Et en confisquant le nom, les représentants du peuple ont confisqué la chose.

Au bout du compte, le peuple n'est qu'un mot-alibi, abstrait. indispensable au bon fonctionnement formel du langage de la démocratie, mais vidé de toute réalité tangible. Quelle désinformation ! le peuple n'est encensé qu'aux élections, et encore en parole seulement. Au contraire, dès que l'on passe aux choses sérieuses – l’impôt, la justice, la guerre -, le peuple de chair est traité comme un incapable, toujours corvéable à merci. Dans les circonstance le Plus personnelles de sa vie privée, de la ceinture de sécurité - qu’il doit boucler sans discussion possible - aux prélèvement d’organes par présomption d'accord, aux licenciements guillotines et à la retraite programmée, il n'est plus qu'un simple exécutant. Bien que souverain en titre, c’est toujours lui qui obéit; c'est toujours lui qui paye, En bref, le peuple règne - dans le langage - mais ne gouverne pas dans les faits. Sommes-nous en démocratie constitutionnelle ?

C'est tout de même un comble, en Démocratie - la chose de tout le monde par définition -, de voir le citoyen interdit de parole par l'entremise des mots et la confusion des repères logiques.

Cette situation d'exclusion du peuple de son propre langage se constate dans les actes les plus familiers. Au quotidien, le citoyen-souverain doit se battre contre l'abstraction du langage des technocrates - qui envahit, de plus en plus, l'espace le plus intime de sa vie privée. A l'école, dans les administrations, à l'hôpital, etc., il constate ainsi que les vraies règles du jeu lui échappent obstinément. Alors, d'acteur il devient spectateur. Il voit bien qu'il se trouve dans l'impossibilité de rassembler les pièces du puzzle de l'actualité socio-économique; qu'il est désinformé. Rien de plus démoralisant, pour lui, que cette sensation de ne pas être dans le secret des dieux alors même que la liberté totale est sans cesse proclamée.

On pourrait penser que dans la vie la plus matérielle - la santé et l'alimentation, par exemple -, le peuple n'est pas exclu du langage. Mais il suffit de jeter un coup d'œil sur une ordonnance, une boîte de conserve ou un emballage de produit diététique pour être détrompé.

Toute lecture d'une ordonnance vous replonge dans le monde hermétique des médecins de Molière. Prenez le Nifluril par exemple. Lisez la notice :
glycinamide de l'acide niflumique 3 g, hexétidine. 0,00 g, excipient q.s.p. 100 g. Avec une précision, E141... Vous voilà fixé. Indications : gingivites et paradontopathies avec réaction inflammatoire. Qui peut comprendre ce type de langage ? Comment voulez-vous que le malade s'y retrouve ? Il en est si peu question qu'on prend soin de lui interdire l'accès à son dossier médical pour le vacciner contre tout esprit de contradiction. Mais le droit à l'information est un droit de l'homme ! ...

La lecture de la composition d'un produit alimentaire tient, elle aussi, de l'art de déchiffrer les hiéroglyphes. Lisez la notice d'un simple potage en poudre aux poireaux: protides 1,9 g: lipides 1,9 g ; glucides, 9,9 g; calories 64; valeur énergétique 268 k-j. Ajoutez les codes E330, E222. Tout est fait pour que le spécialiste y trouve son bonheur, et que le profane soit exclu du débat. Allons plus loin. Quoi de plus familier que le beurre? Pourtant, savez-vous identifier le genre de beurre que vous avez devant vous ? Est-il fermier, laitier, pasteurisé ou d'intervention ?

Si, désespéré de cet obscurantisme, vous vous réfugiez dans une boutique d'alimentation «naturelle», vous ne serez pas déçu non plus. Vous pensez, sans doute, y trouver un langage naturel et accessible à tous. Détrompez-vous. Il est interdit d'indiquer sur l'emballage d'un produit naturel quelles sont ses véritables propriétés. Il est interdit d'écrire sur un jus d'artichaut qu'il est bon pour le cœur ; sur celui du radis noir qu'il est bon pour le foie ; sur l'extrait de vigne rouge qu'il est bon pour la circulation sanguine. Quelle menace pour l'ordre public! La censure est partout et le secret est bien gardé: par le langage !

Signalons, à l’extrême, que des catégories entières de la population ont été mises en quarantaine du fait de leur analphabétisme, de leur illettrisme ou encore, maintenant, de leur ignorance de l'information. Comble d'ironie, on a même constaté que les plus défavorisés - ceux qui sont même exclus de la protection sociale - sont les illettrés, ceux qui sont justement incapables de communiquer avec les systèmes prévus pour les aider. On les évalue à deux millions. Ce sont des Français de souche qui vivent en marge. Un exemple significatif: quand il gèle à Paris, tous les trottoirs de la capitale présentent partout le même danger; pourtant 90 % des personnes qui réclament des indemnités, parce qu'elles se sont blessées, viennent des quartiers aisés. On arrive donc à ce paradoxe que ce sont les plus forts - ceux qui maîtrisent le mieux le langage du système -, et non pas ceux qui en ont le plus besoin, qui sont le mieux protégés grâce à leur initiation au langage juridique. Le tangage est donc le sésame des uns, la perte des autres. Comment sortir de cette impasse ! Comment faire pour réconcilier le peuple de chair avec son langage ?

La libération du langage

L'origine de la crise actuelle de l'intelligence n'est donc pas à chercher dans le contenu des propos qu'échangent entre eux nos contemporains, mais dans la forme du langage qu'ils utilisent pour manifester leurs idées. C'est bien notre langage, lui-même, qui est piégé. Au lieu de porter la pensée, il la dissout et la rend totalement insignifiante. Il est donc inutile de continuer à discuter dans le vide avec un langage qui ne nous donne pas de prise sur les événements. L'effort qui nous est demandé aujourd'hui - avant même de penser reprendre la parole - consiste à trouver le trucage qui a permis de nous couper la parole.

Avant toute chose, nous devons rentrer en possession de notre propre langage.

Contre la violence du langage truqué par l'abstraction, il faut opérer ce retour au langage vrai auquel nous invite Frédéric Mistral :

Intrepide gardian de nostre parla gènt (Intrépides gardiens de notre parler gentil)
Garden lou franc e our e clac comme l'argènt (Gardons-le franc, et pur, et clair comme l'argent) Car tout un pople aqui s'abeurs (Car tout un peuple, là, s'abreuve,)
Car, de mourre, bourdourn qu'un pople tombe esclau, (Car, face contre terre, qu'un peuple tombe esclave,)
Se ten sa lengs, tèn la clan (S'il tient sa langue, il tient la clef)
Que di cuderao lou deliéro. (Qui le délivre des chaînes.)

Toute véritable libération de l'homme doit donc d'abord passer par celle de son langage.
Et aujourd'hui, la meilleure attitude pour libérer le langage n'est-elle pas de méditer ce retour au sens auquel nous exhorte Roland Barthes dans sa réponse à Kafka : « Pour l'écrivain, la littérature est cette parole qui dit jusqu'à la mort: je ne commencerai pas à vivre avant de savoir quel est le sens de la vie »

Chapitre I de la « Tête coupée »
Arnaud-Aaron Upinsky – édition Le Bief, Paris

Le livre "La tête coupée, le secret du pouvoir" :

Nous sommes les dupes du langage.
Jamais le décalage entre le discours et les faits n'a été aussi impressionnant. Jamais les mots n'ont autant joué avec les choses. À l'évidence, il existe un piège caché dans le langage qu'il est urgent de conjurer.

Depuis Platon, Machiavel, Hobbes et Rousseau, nous savions que toute théorie du Pouvoir est, à la fois, une théorie de l'homme, une théorie politique et une théorie de l'histoire. Avec Arnaud-Aaron Upinsky elle devient essentiellement une théorie du langage, une grille de lecture universelle.
Toute l'histoire de l'Humanité n'apparait plus que comme la guerre sans merci de deux langages ennemis : le Réalisme et le Nominalisme. Les réalistes sont ceux qui croient à la vérité des mots ; les nominalistes, ceux qui croient au pouvoir des mots.

D'un côté, la thèse nominaliste du Bon sauvage conduit à l'optimisme politique, mais aussi à l'impasse de la philosophie de l'absurde. De l'autre côté, la thèse réaliste du Naturel cannibale implique une théorie pessimiste de la politique mais, en revanche, une philosophie significative de la vie.

Aujourd'hui la thèse nominaliste domine dans le langage prédateur de la rhétorique politique qui constitue la plus grande mystification intellectuelle de tous les temps. Ressort de la mutilation du pouvoir, ce langage, tartuffe souciant, mène la danse sous le masque de la philanthropie. C'est en coupant la parole qu'il fait tomber les têtes, c'est en castrant le savoir qu'il rend l'esprit impuissant, c'est en se faisant double-langage qu'il se maintient au pouvoir.

Conjurer cette perversion du langage, pour renverser la phrase politique, remettre le langage sur ses pieds, est devenu aujourd'hui une question de survie spirituelle sinon physique : l'urgence de notre temps.

(L'édition est épuisée.)

Arnaud-Aaron Upinsky est un épistémologue et écrivain français.

Il a notamment publié :
La Perversion mathématique : l'œil du pouvoir, 1989.
La Science à l'épreuve du linceul, La crise épistémologique, éditions Œil, 1990.
Comment vous aurez tous la tête coupée ou la parole coupée, éditions Œil, 1991.
Clefs pour les mathématiques, 1992.
Lettre ouverte à ceux qui croient (encore) que l'Europe c'est la paix, 1992.
Le Procès en contrefaçon du linceul, F-X. de Guilbert, 1993.
Le Syndrome de l'ortolan, F.-X. de Guibert, 1993.
L'Énigme du linceul. La prophétie de l'an 2000, Fayard, 1998.
Enquête au cœur de la censure, éditions du Rocher, 2003.
Il est par ailleurs président de l’Union nationale des écrivains de France (UNIEF), association créée en 2007.

La Tête coupée : a été pillée de façon flagrante par Philippe Guillaume dans Lettre à tous les Français qui ne veulent plus être pris que pour des cons. Les éditions Albin Michel ont finalement été condamnées pour contrefaçon.

dimanche, juillet 18, 2010

Tyrannies modernes


Le Vishnu Purana, l’un des plus anciens textes sacrés de l’Inde, dit à propos de notre époque, la fin du cycle nommé « Kali Yuga » :

« Les chefs qui régneront sur Terre seront violents et s’empareront des biens de leurs sujets… Ceux qui sont paysans ou commerçants devront abandonner leur métier et vivront comme des serviteurs. Les chefs, par les impôts, voleront et déposséderont leurs sujets et mettront fin à la propriété privée. Les valeurs morales et le règne de la loi s’affaibliront de jour en jour jusqu’à ce que le monde soit complètement perverti et l’incroyance l’emportera parmi les hommes. »

John Berger, figure intellectuelle de l'altermondialisme, expose l'idée que le monde capitaliste tel que nous le vivons et nous le connaissons est une prison. Prison en quelque sorte inconsciente, mais de laquelle nous n'arrivons pas à nous extraire. Et de laquelle personne ne souhaite nous extraire.

« Considérez la structure du pouvoir dans le monde qui nous entoure, et la manière dont son autorité fonctionne. Chaque tyrannie trouve et improvise son propre ensemble de moyens de contrôle. C’est pourquoi souvent, au départ, on ne les reconnaît pas pour ce qu’ils sont : des moyens de contrôle odieux.

Les forces du marché qui dominent le monde affirment qu’elles sont inévitablement plus fortes que n’importe quel Etat-nation. L’affirmation est corroborée à tout instant. Cela va de l’appel téléphonique non sollicité qui tente de persuader le souscripteur de contracter une assurance médicale privée ou une pension, jusqu’au dernier ultimatum de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Le résultat, c’est que la plupart des gouvernements ne gouvernent plus. Un gouvernement ne tient plus le cap vers la destination de son propre choix. Le mot « horizon », avec sa promesse d’un avenir espéré, a disparu du discours politique à droite comme à gauche. Il reste un seul sujet de débat : comment prendre la mesure de ce qui est là. On ne dirige plus ; on ne désire plus : on s’en remet à des sondages d’opinion.

La plupart des gouvernements rassemblent le troupeau au lieu de tenir le gouvernail. En argot de prison aux Etats-Unis, le terme « herder » (gardien de troupeau) est l’un des plus utilisés pour désigner les gardiens de prison.

Au 18ème siècle, l’emprisonnement à long terme était défini et légitimé comme une sanction de « décès civique ». Trois siècles plus tard, les gouvernements imposent massivement – par la loi, la force, les menaces économiques, et leur tapage – des régimes de mort civiques.

Vivre sous un régime quel qu’il fût, n’était-ce pas autrefois une forme d’emprisonnement ? Pas au sens où je le décris. Ce qui est vécu aujourd’hui est nouveau en raison de son rapport avec l’espace.

C’est ici que la pensée de Zygmunt Bauman est lumineuse. Il fait ressortir que les forces des marchés d’affaires qui maintenant gouvernent le monde sont ex-territoriales, c’est-à-dire libérées des contraintes de territoire – les contraintes inhérentes à la localisation. Elles sont perpétuellement éloignées, anonymes, et, ainsi, ne sont jamais obligées de prendre en compte les conséquences physiques, territoriales de leurs actions. Il cite hans Tietmeyer, président de la Banque fédérale allemande : « L’enjeu aujourd’hui, c’est de créer les conditions favorables à la confiance des investisseurs. » La seule et suprême autorité.

Il découle de cela que le contrôle des populations du monde qui se résument à des producteurs, des consommateurs et des pauvres marginalisés, est la tâche assignée aux gouvernements nationaux obéissants.

La planète est une prison et les gouvernements dociles, qu’ils soient de droite ou de gauche, sont des rabatteurs de troupeaux. »

John Berger, « Dans l’entre-temps, réflexions sur le fascisme économique », Indigène éditions.

Note de lecture : Zygmunt Bauman, « Le coût humain de la mondialisation »


A propos de Zygmunt Bauman

vendredi, juillet 16, 2010

L’aspect occulte du nucléaire


Dans une prophétie parue en 1934 dans le livre d’Alice Bailey « Traité sur la Magie Blanche », le maître Dwjal Khool – dit le Tibétain – déclare :

« On pourrait noter ici que trois grandes découvertes sont imminentes, qui, pendant les deux prochaines générations, vont révolutionner la pensée et la vie modernes. L’une est déjà pressentie et fait l’objet d’expériences et de recherches, la libération de l’énergie atomique. Ceci modifiera complètement la situation économique et politique du monde.

C’est aux Nations-Unies qu’il incombe d’empêcher le mauvais emploi de cette énergie libérée, et de veiller à ce que son pouvoir ne soit pas prostitué à des fins égoïstes et à des buts purement matériels. Il s’agit d’une « force salvatrice » et elle a le pouvoir de reconstruire et de réhabiliter. Son juste emploi peut abolir la destitution , apporter le confort à tous sur la planète ; son expression, sous forme de vie juste. Si elle est motivée par de justes relations humaines, produira beauté, chaleur, couleur, abolition des formes actuelles des maladies, suppression pour le genre humain de toutes les activités qui impliquent la vie ou le travail sous terre. Elle mettra fin à l’esclavage humain, à toute nécessité de travailler ou de se battre pour acquérir des possessions et rendra possible un genre de vie qui laissera à l’homme la liberté de poursuivre les buts plus élevés de l’esprit.

Mais, mes frères, certains hommes lutteront pour l’empêcher : les groupes réactionnaires de tous pays n’en reconnaîtront pas la nécessité, et ne désireront pas de ce NOUVEL ORDRE MONDIAL que la libération de l’énergie cosmique (1) peut rendre possible.

Cette nouvelle énergie libérée peut se révéler être une « force salvatrice » pour toute l’humanité, supprimant la pauvreté, la laideur, la dégradation, l’esclavage et le désespoir ; elle détruira les grands monopoles, supprimera la malédiction du travail ouvrier, et ouvrira la porte à l’ÂGE D’OR que les hommes attendent. Quand ces conditions nouvelles et meilleures seront établies, les hommes seront alors libres de vivre et de se mouvoir dans la beauté, et de chercher « le Chemin de Lumière ».

Extrait de « Extériorisation de la Hiérarchie » par Alice Bailey, médium de Dwjal Khool. Les enseignements d’Alice Bailey constituent la bible des gourous et channels du new age.

« Le Tibétain, écrit Joël Labruyère, fait l’apologie de la bombe atomique considérée comme une arme divine (2). Cet aveu est la preuve irréfutable de la folie criminelle des magiciens, prêts à faire sauter le monde pour instaurer leur nouvel ordre mondial. Pour celui qui comprend ce que signifie le viol de l’atome, fondement de l’ordre naturel, il ne peut être question de compromis. L’énergie nucléaire ouvre le puits de l’abîme.

Ces magiciens ont fait main basse sur le lamaïsme et sur nombre d’organisations initiatiques et religieuses. Ils se font passer pour les incarnations de Jésus, Bouddha, Krishna, Hermès, Zoroastre, Pythagore et même George Washington ou Jeanne d’Arc. Ils annoncent que leur manifestation publique est imminente. Elle commencera par l’apparition du Christ-Maitreya, chef de la religion mondiale – c’est une parodie grossière du retour du Christ. D’innombrables êtres ont été bernés à travers le nouvel âge et la promesse d’un âge d’or. Une armée de faux-prophètes aveugles guident les inconscients vers les voies de l’illusion. La Grande Loge Blanche a étendu son influence à tous les organismes internationaux : l’ONU, l’Unesco, l’Organisation Mondiale de la Santé (3), et les cercles mondialistes où ses agents « illuminati » œuvrent à la réalisation de son plan dans les sphères financières, politiques et culturelles.

Des adeptes du Tibétain prétendent que nos critiques font le jeu de la « loge noire » (4), mais ils doivent comprendre que de notre point de vue leur « grande loge blanche » n’est qu’un relais de la puissance obscure. La Loge Blanche est un département de la loge luciférienne qui est divisée en « noir et blanc ». Les spiritualistes sont dupés par les apparences de sagesse et la casuistique jésuitique du Tibétain.

La déclaration de Dwjal Khool sur la bombe atomique ne résiste pas plus à l’analyse philosophique qu’au bon sens moral. Elle révèle que les magiciens du Tibet sont aux abois et qu’ils sont prêts à semer le chaos et la terreur.

Les arguments du Tibétain constituent un jugement sévère pour ceux, qui malgré la pathologie grave de ces doctrines, tente de les justifier. « L’atome » est du satanisme pur.
Pourquoi l’énergie atomique à des fins « spirituelles » ? La loge orientale a besoin d’élever le niveau de radioactivité pour accentuer son contrôle sur l’humanité. C’est un programme de pollution pour nous mettre « sous tension ». Surenchérissant sur les avantages de bombe atomique, le Tibétain avoue à un autre endroit que les « explosions atomiques souterraines permettent d’éliminer d’invisibles adversaires ». De quoi s’agit-il ? Des recherches ésotériques montrent que les adeptes de la loge orientale tentent de détruire des fraternités qui ne veulent pas entrer dans leur jeu ou qui s’y opposent. Nous comprenons ainsi que la fonction secrète de la force de frappe atomique est d’alimenter une guerre occulte sous couvert d’expériences « pacifiques ». Merci Monsieur Le Tibétain. »
Undercover numéro 6

Depuis 1945, 2053 explosions nucléaires ont illuminé la planète


« La libération de l’énergie atomique » , communication du « Tibétain », le 9 août 1945

« Aujourd’hui, je souhaite vous entretenir du plus grand événement spirituel qui se soit produit depuis l’apparition du règne humain, le quatrième règne.
Je veux parler de la libération de l’énergie atomique, telle qu’elle est relatée, cette semaine, dans les journaux du 6 août 1945, et ayant trait au bombardement du Japon.

Il y a quelques années, je vous avais dit qu’une ERE NOUVELLE, serait introduite par les savants et que l’instauration du royaume de Dieu sur terre serait précédée par la réussite de recherches scientifiques. Ce premier pas a été accompli par la libération de l’énergie atomique, et ma prophétie a été justifiée en cette année très importante, l’An de Grâce 1945.

L’attention de l’homme est généralement braquée sur les aspects externes de la vie. Néanmoins, toutes les découvertes, telles que celles qui impliquent la révélation de la radioactivité, ou celle qui fut annoncée cette semaine, et qui fait époque concernant les premiers pas de la domestication de l’énergie cosmique, sont toujours le résultat d’une pression interne, émanant de Forces ou Vies se trouvant dans les sphères supérieures. Ces pressions elles-mêmes fonctionnent selon les lois de l’Esprit et non seulement selon ce que l’on appelle les lois naturelles ; elles sont le résultat du travail d’impulsion de certaines grandes Vies, en rapport avec le troisième aspect de la divinité, l’aspect intelligence active, et s’attachant à l’aspect substance ou matière de la manifestation. La motivation de telles activités est issue de Shamballa.

Il y eut un afflux clairement dirigé d’énergie extra-terrestre libérée par les Seigneurs de Libération qui avaient été invoqués avec succès : l’impact de cette énergie sur la substance atomique, base de recherche des savants, y apporta des modifications, ce qui leur permit de réussir. Un effort concerté fut entrepris par un certain nombre de disciples travaillant dans les ashrams de cinquième et septième rayons, ce qui leur permit d’impressionner le mental de disciples moins avancés, du domaine scientifique, et de les aider à surmonter les difficultés infranchissables qu’ils rencontraient.

La libération de l’énergie de l’atome en est encore à un stade extrêmement embryonnaire : l’humanité ne sait guère l’étendue ou la nature des énergies qui ont été tirées de l’atome et libérées. Il y a beaucoup de types d’atomes constituant "la substance du monde" chacun peut libérer son propre type de force : c’est l’un des secrets que l’âge nouveau révélera. Toutefois un bon et solide début a été fait.

Je voudrais attirer votre attention sur les mots "libération de l’énergie". C’est cette libération qui est la note-clé de l’ère nouvelle, de même qu’elle a toujours été la note-clé de l’aspirant orienté spirituellement. Cette libération a commencé par libérer un aspect de la matière ainsi que certaines forces de l’âme au sein de l’atome. Pour la matière cela a été une grande et puissante initiation analogue à celles qui libèrent l’âme des hommes. Dans ce processus d’initiation planétaire, l’humanité a fait descendre son travail de sauveur du monde dans le monde de la substance, et a affecté les unités primordiales de vie dont sont faites toutes les formes.

Vous comprendrez maintenant le sens des mot employés par tant d’entre vous dans la seconde des Grandes Invocations : "Pour la force salvatrice, l’heure de servir est arrivée". Cette force salvatrice est l’énergie que la science a libérée, tout d’abord pour la destruction de ceux qui continuent (s’ils le font) à défier les Forces de Lumière travaillant par la voie des Nations Unies.

Puis, à mesure que le temps passera, cette énergie libérée introduira la nouvelle civilisation, le monde nouveau et meilleur et des conditions plus délicates et plus spirituelles. Les rêves les plus élevés de ceux qui aiment leurs semblables peuvent devenir des possibilités pratiques, par le juste emploi de cette énergie libérée, si les vraies valeurs sont enseignées, mises en lumière et appliquées à la vie quotidienne. Cette "force salvatrice" vient d’être mise à la disposition de la science, et la prophétie que j’ai faite antérieurement est justifiée. »

Alice Bailey, médium de Dwjal Khool.

Les OVNI et le nucléaire

« Il y aurait un lien entre l'apparition d'Ovni et le nucléaire. En France, nous avons cette histoire au sujet du plateau d'Albion, mais ce n'est pas la seule. Il semblerait que nos visiteurs (s'ils existent bien évidement) s'intéressent aux activités nucléaires de notre civilisation. Des conseillers Américains auraient eu l'idée de provoquer des explosions volontairement afin de mesurer le temps que mettaient les OVNI pour arriver sur site. Il est à noter que le site de Roswell n'est pas très loin de la base ou la première bombe atomique fut créée! Des cas français démontrent le même intérêt nucléaire de la part des OVNI, notamment une observation au-dessus de la zone de tests atomiques de Colomb-Béchar dans le désert algérien en décembre 1965… » Lire la suite :



(1) Euphémisme pour désigner l’énergie nucléaire mortifère.
(2) Le plus grand événement spirituel selon le Tibétain

(3) Le rôle de l’OMS dans la fausse pandémie de grippe A est riche d’enseignement.

(4) Les adeptes du Tibétain n’acceptèrent pas les critiques de Joël Labruyère. Ils contre-attaquèrent :

« En septembre 2002, Joël Labruyère, profitant du succès remporté par son livre "L'État inquisiteur" et de l'élan de sympathie qu'il venait de susciter auprès de nombreuses communautés spirituelles en fondant l'OMNIUM, association censée "défendre les individus victimes de discriminations en raison de leurs choix spirituels, religieux ou thérapeutiques", présentait dans la revue "Undercover" un article intitulé "Fumées du Nouvel-Âge". Ce texte avait, selon son auteur, pour objet "d'exposer une série de données ésotériques inhabituelles, généralement ignorées des chercheurs", et son propos était soi disant de mettre à jour "des problèmes occultes très complexes". En réalité, Joël Labruyère tentait principalement d'y démontrer que les Êtres que les spiritualistes présentent habituellement comme les Maîtres spirituels de la Grande Loge Blanche ne seraient en réalité qu'un écran de fumée destiné à faciliter le contrôle de l'humanité par des forces sataniques.

Cet article insultant envers la Hiérarchie spirituelle qui guide notre évolution depuis l'aube des temps, continue depuis cinq ans à circuler sur le réseau Internet où il alimente régulièrement des forums et des débats parfois surprenants… »




Illustration : L’Age d’Or prophétisé par le maître Dwjal Khool dit « le Tibétain », autres ortographes : Dwjal Khul, Djwal Khul..

jeudi, juillet 15, 2010

Anargala a quitté Wonderland

Le néo-bouddhisme s’adresse à l’âme en quête d’extases nirvaniques et de plaisirs mystiques. Ce monde merveilleux ne connaît que la bonne parole doucereuse de maîtres incontestés.

Le néo-bouddhisme est une sorte d’auberge des délices, les gourous mielleux y préparent à foison toutes sortes de douceurs religieuses et de sucreries dharmiques. Ici, on fait avaler des illusions tartinées de méditation. Là, le nectar sucré de l’initiation coule à flot. La vue des pratiquants ne discerne que le bonheur, sa saveur suave et sa couleur rose bonbon.

Au Wonderland des néo-bouddhistes, les propos aigre-doux et les remarques amères des pisse-froid (1) comme Anargala sont proscrits.

Le témoignage d'Anargala :

"Je fis une première retraite auprès de Namkhai Norbu à Mérigar en 1992. Après avoir installé ma tente en la camouflant soigneusement, j'écoutais les premiers enseignements sur "la Base de Santi Maha Sangha", première étape du cursus mis au point par ce maître. J'étais très heureux, porté par la vision de cet homme charismatique. Bon, c'est vrai, la nuit je me les gelais grave : j'avais sorti tout le contenu de mon sac - même les slips - pour me réchauffer. J'avais beau essayer de mettre en pratique les instructions sur la Chaleur Intérieure (une version simplifiée, certes), rien n'y faisait. De plus, il n'y avait pas moyen de prendre une douche, et un seul repas par jour : une semaine à la tibétaine ! Mais l'ambiance était sympathique et solidaire. Seulement, tout cela me semblait un brin trop formel.

A la retraite d'Orléans, en 1994, Namkhai Norbu nous parla longuement des "Gardiens". Ce sont des Bouddhas censés protéger les pratiquants. Mais s'adresser à eux est, pour diverses raisons, réputé être une tâche dangereuse. Les pratiques qui leur sont consacrées sont donc longues et complexes. Aprés plusieurs années de réflexion sur la question, j'en vins à la conclusion que ces choses-là n'étaient pas pour moi. Certes, je sens la force des rituels, et j'apprécie de m'y plonger, mais cela reste une mise en scène symbolique, plus encore en ce qui concerne les Gardiens, les esprits et les rituels "violents" ou magiques en général. Surtout, cela me touche infiniement moins que les textes Dzogchen. Je décidais donc de ne garder qu'eux et, par respect pour Namkhai Norbu, qui nous demandait de croire que ces gardiens n'étaient pas QUE des personnifications mais aussi des personnes bien réelles, je cessais d'aller à ses retraites.

En 1995, je participais à ma dernière retraite bouddhiste : la transmission du Nyingthig Yabshi par Pénor Rimpoché à Lérab Ling.

Lérab Ling, c'est un peu comme le Titanic : tout en haut, il y a les cabines individuelles pour les riches, et tout en bas, il y a des tranchées dégagées au bulldozer. Une vraie mise en espace du samsâra français. Moi, évidement, j'avais la dernière place, tout au bout de la dernière rangée. N'empêche, j'ai bien rigolé. Le chemin de terre avait tendance, malgré la présence des arbres qui nous entouraient, à glisser lentement mais sûrement vers la rivière en contrebas. Chaque soir, je racommodais donc discrètement mon lopin de terre avec les pieds, en plantant ici et là des bouts de bois. En fait, ces opérations paysagères m'intéressaient plus que les enseignements : la plupart du temps, Sogyal Rimpoché nous faisait son show, ou bien il fallait réciter des prières en tibétain translitéré des heures durant. Sogyal Rimpoché, c'est le Garcimore du Vajrayâna. Sympathique et jovial : "Hey men, yes, we have coooosmmic eeeeeegooo.... yes ! hi hi hi ! Look, you don't feel something ? Like something has changed with me, yeah ? Don't you feel this difference now ? Hi hi hi !": en fait, il venait de finir une retraite "solitaire" et faisait allusion aux Accomplissements Spirituels qu'il avait atteint depuis. Pour être clair, il ajoutait : "You know, I prefer to teach you every day, rather than Khenpo [Namdrol, disciple érudit du "vrai" Sogyal], because, you know, for you I'm the Door to the Teachings, yeah... No ? Hi hi hi !". Et effectivement, seule une fraction des enseignements de Pénor Rimpoché fut traduite par Sogyal . Pénor nous montra les postures pour Thögal (dont celle de l'éléphant : je vous laisse imaginer !), mais personne n'expliqua aux gens présents de quoi il s'agissait. On nous réparti en petits groupes, avec des "anciens", pour nous expliquer les choses "plus en détail". Le type de mon groupe n'y connaissait pas grand'chose, où bien il ne voulait pas. Je proposais qu'on lise, au moins, la traduction du chapitre V du Miroir du Cœur de Vajrasattva, par P. Cornu et publiée au Seuil. Ce chapitre décrit précisément les rituels d'initiation auxquels nous étions censé participer, mais non, rien n'y fît. Une dame posa alors une question du genre "Mais alors, on est bien dans un centre bouddhiste, ici?", et le type fût ravi de l'informer.

Ce qui m'a un peu chagriné, c'est l'ambiance radine : il fallait attendre une heure pour avoir une assiette de nouille, et on avait presque pas d'eau, alors que le tarif était celui d'un club touristique !
En revanche, voici ce qui m'a durablement interpellé : un matin, je surpris une conversation dans le secrétariat. Une jeune femme était là, face à un membre du staff. Elle n'avait pas de quoi régler la totalité de la somme pour la "retraite". Elle expliqua qu'elle était seule, avec sa petite fille. Le type ne voulut rien entendre. Il dit, textuellement : "Soit vous payez tout, soit vous partez". Du coup je fus, moi aussi, très heureux de quitter ce lieu.

Depuis, j'ai assisté à quelques enseignements de Tenzin Namdak, quelques bricoles à droite à gauche. Mais chacune de ces visites me confirme dans ma réaction initiale : hiérarchies, institutions, pouvoirs, superstitions, violences : injustice. Franchement, cette colère terrible qui m'a envahi face à la violence brute qui se voit dans les centres tibétains en Inde, je ne l'ai ressentie ailleurs que face au système des castes. Entre les textes poétiques des mahâsiddha, de Longchenpa ou de Shabkar, et ces réalités révoltantes, j'ai choisi. Mais j'y reviendrais.

Plus tard, en Inde, je retrouverais encore et encore cette reconnaissance insolente de la richesse et de la hiérarchie sociale dans les centres tibétains. Par exemple, à Dharamsala. Opulence et, parfois, arrogance des Tibétains; et pauvreté des Indiens, qui ont pourtant eu la gentillesse d'accueillir les Tibétains dans leur pays pauvre et surpeuplé. J'ai entendu des Tibétains parler des Indiens : ils n'ont que mépris pour eux. A Dharamsala, les seuls Indiens présents lors des enseignements du Dalai Lama sont les mendiants et les ouvriers (presques esclaves), en dehors des sempiternels Cachemiris dans leur boutiques de tapis. Comment ne pas être frappé par cela ?

Voilà. En résumé donc, je suis bouleversé par les textes de Longchenpa (2). Mais je suis aussi bouleversé par l'obscurantisme, le sectarisme et une certaine méchanceté qui ne se cachent même pas. Même chose du côté du shivaïsme du Cachemire (avec en particulier le Siddha Yoga). A mon sens, il faut garder le meilleur de ces traditions, avec le meilleur de la modernité."

Source :

(1) « Pisse-froid » aux yeux des néo-bouddhistes. Anargala est certainement plus drôle que les Garcimores du Dharma. Actuellement, le nom Anargala est utilisé par un autre auteur plus soucieux du grand gala du spiritualisme moderne que de la libre pensée de l’anar

(2) Longchenpa (1308-1364) était un personnage considérable, un éminent érudit et l'un des plus grands philosophes du Tibet. Ses écrits sont toujours lus, étudiés et commentés. C'était aussi un pratiquant accompli de la contemplation Dzogchen, cette voie de la non-dualité présente beaucoup de similitudes avec le Chan chinois.

Longchenpa a critiqué et démoli en quelques mots tout l'édifice doctrinal de l'école nyingmapa. Le système religieux des nyingmapa comprend neuf véhicules fondés sur les sutras et les tantras. Les paroles de Longchenpa, en une foudroyante bordée libératrice, coulent la galère des artifices religieux inutiles et aliénants :

« Ainsi, tous ces véhicules empêtrent votre esprit immaculé dans l'effort, l'accomplissement, l'abandon, l'adoption et même dans l'inconcevable. Incapable de réaliser ce qu'est l'essence, sous l'emprise de l'infortune, de mauvaises doctrines et de philosophies obsolètes, vous ne verrez pas cette essence "sans abandon ni obtention". En progressant le long des voies, vous pratiquez selon les niveaux, tenu par un serment qui vous afflige de la maladie du zèle, voilà la cause qui ligote les hommes dans l'existence. »

Longchenpa "La liberté naturelle de l'esprit", traduit par Philippe Cornu.


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