mardi, juillet 20, 2010

La parole perdue


Les médias ne cessent de nous répéter que, depuis que le peuple est souverain, le temps de la barbarie du pouvoir est révolu. Désormais, nous dit-on, l'individu est roi et le roi est sujet. Tout devrait donc être pour le mieux dans le meilleur des mondes. C'est, du moins, ce que cherchent à nous faire croire tous ces professionnels de la politique qui occupent le devant de la scène à nos dépens. Car, hélas, le présent est toujours à l'image du passé: le privilège du pouvoir n'est pas de répondre aux questions mais de les poser - d'organiser les élections.

Signes ostentatoires de soumission à l'autorité, révérences et pros-ternations, humiliations de toutes sortes, interdiction de porter des costumes de couleurs et de regarder l'empereur, réduction des pieds des femmes et excision, castration des serviteurs: toutes les civilisa-tions du passé nous offrent le spectacle le plus brutal de ces mutilations qu'impose le pouvoir aux hommes pour les dominer.

Mais, aujourd'hui comme hier, la mutilation est toujours la marque du pouvoir. Pour s'être rendue moins visible, elle n'en a pas pour autant disparu. Bien au contraire. Si, actuellement, elle épargne les membres extérieurs du corps, c'est pour mieux pénétrer à l'intérieur de notre conscience, au coeur même de l'esprit. C'est, en effet, en castrant le langage que le pouvoir moderne parvient à rendre le cerveau impuissant. Finies les besognes honteuses du bourreau; grâce à cette mutilation propre, nous touchons enfin à la perfection scientifique !

Désinformation, rétention d'information, langue de bois, double langage: jamais les mots n'ont autant joué avec les choses; jamais les discours n'ont autant fonctionné à contresens des faits les plus palpables; jamais le langage n'a été aussi imperméable au réel, les décisions du pouvoir à ce point vides de justifications. Noyé sous une avalanche de paroles incompréhensibles, l'hom-me moderne devient comme étranger à son propre langage. Quelle sensation d'humiliation et de mutilation que ce véritable «trou d'intelligence » qu'il sent grandir dans sa tête.

Aucune tâche n'est donc plus urgente, aujourd'hui, que de réconci-lier l'homme et son langage. Mais, en premier lieu, nous devrons chercher l'origine de ce fossé d'incompréhension et en mesurer toute l'ampleur.

L'Occident sans voix

Le tohu-bohu des médias ne parvient plus à masquer le silence intérieur du monde occidental, immense corps sans tête apparente. Le crépitement des informations sonores et des spots lumineux ne crée plus l'illusion du discours ni de l'image. « Tout se tait. Le désert est muet, vaste et nu » (Hugo). Point de débat, point d'enjeu, point de grande cause en perspective: c'est la mort, au quotidien, de l'intelligence intégrale.

Implosion religieuse : perte de foi. Toutes les énergies sont, aujourd'hui canalisées vers la seule efficacité à court terme. L'esprit, vide de sens cherche à tromper sa faim profonde dans des restaurants surpeuplés. Faute d'aliment essentiel, la grande aventure intellectuelle de l'Occident est-elle en train de faire naufrage dans les délices de Capoue. Cette perte d’appétence c’est un esprit que nous entendons désigner, car l'Occident est plus une intellectuelle est d’autant plus surprenante que la frénésie de comprendre fut, dès l’origine, la marque propre de l’Occident, toujours prêt à partir en croisade et à « aller enseigner toutes les nations » au nom du dogme ou de la raison. Précisons – et c’est important pour la suite - que par « Occident », c’est un esprit que nous entendons désigner car l’Occident est plus une région de l'esprit humain qu'une partie du monde. » (Henri Massis). L'Occident a en effet un rapport privilégié avec le cerveau gauche masculin, tout comme l'Orient en a un avec le cerveau droit féminin. La trajectoire de l'Occident se lit donc autant dans la tête que sur une carte du monde.

On constate ainsi que ce n'est pas l'ambition mentale de l’Occident qui a aujourd'hui disparu, mais son objet qui a changé. C’est le but au service duquel il met son énergie cérébrale qui s'est transformé des siècles. Après la Cité de Dieu, puis la République des hommes, il s'est lancé à corps perdu dans la construction de l'Empire des machines. Entièrement tendu vers ce seul objectif, il se coupe de ses racines spirituelles, pour réduire son esprit à sa seule mécanique intellectuelle. Il mutile ainsi les deux tiers de son cerveau. Faut-il s'étonner, dans ces conditions, que l'Occident ne soit plus qu'un chantier bruyant, mais sans voix ?

L'Orient décapité

C'est au moment même de son triomphe que l'Occident est frappé de mutisme ; que sa civilisation perd sa vision et bascule dans l'insigni-fiance. Car - il faut en être bien conscient- la victoire intellectuelle de l'hémisphère occidental du monde est aujourd'hui totale. Subjuguée par la puissance de ses schémas de penser -directement issus du Siècle des Lumières (XVIIIe) - l'Humanité entière s'est, aujourd'hui, rendue à ses raisons. Ses objets - en avant-garde de son idéologie - ont envahi la planète.

Même les menaces que font peser sur lui les réussites de l'hémisphère oriental ne sont que les contrecoups de ses propres inventions. Lorsque le Japon le défie - « Nous allons gagner et l'Occident industriel va perdre: vous n'y pouvez plus grand-chose parce que c'est en vous-mêmes que vous portez votre défaite. »-, c'est pour mieux le vaincre sur son propre terrain. Il y a certes, aussi, le renouveau de l'islam, et la montée des peuples du sud vers le nord. Mais que représentent ces menaces potentielles au regard de la suprématie tangible de l'Occident ?

Ses valeurs universelles, ses catégories intellectuelles, ses concepts opératoires, ses divisions politiques, ses théories économique et ses techniques industrielles sont omniprésents. Partout, sa maxime triomphe: « Le savoir, c'est le pouvoir » (Bacon).

Mais, ni sa science, ni ses techniques ne sont neutres. Ses produits manufacturés - même fabriqués par d'autres - sont toujours les missionnaires de l'idéologie occidentale. Mêmes systèmes politiques, mêmes systèmes financiers, mêmes comportements économiques, même architecture, mêmes modes vestimentaires : sous le camouflage de son efficacité industrielle, l'Occident impose sa propre forme de penser, sa vision de l'univers. Il est ainsi parvenu à purger le monde entier de toutes ses civilisations ancestrales : soit par le communisme (Chine, Cambodge et Vietnam) ; soit par le libéralisme (Japon et Amérique du Sud) ; soit par le capitalisme sauvage (Hong-Kong, Émirats du golfe Persique et États du sud-est asiatique) ; soit par l'empreinte héritée du colonialisme (Afrique). Puisque l'Occident est une partie du cerveau, l'Orient - qui accepte de célébrer les gestes de l'Occident - s'ampute ainsi de lui-même. Car « il faut vivre comme on pense sinon tôt ou tard on finit par penser comme on vit » (P. Bourget). Comment l'Orient aurait-il pu, d'ailleurs, garder intacte son âme au milieu de la mutation économique qu'il a dû subir ? En dictant les mêmes gestes au technicien français et au technicien japonais la machine leur impose, d'abord, le même langage industriel, ensuite les mêmes valeurs, enfin les mêmes croyances. Comment en douter ?

Le cas du Touareg est exemplaire à cet égard. Il illustre magnifiquement le mécanisme inexorable de l'aliénation culturelle de l'homme par cette technique, soi-disant neutre. Prenez un Touareg. Détachez-le de sa tribu. enlevez-lui ses tentes de cuir et ses chameaux, ôtez-lui son costume de cotonnade et son voile; habillez-le à l'occidentale et mettez-le, enfin, dans un camion Berliet. Est-il, alors, encore possible de dire de cet homme qu'il est toujours un touareg ? Ou bien n'est-il plus qu'un camionneur, semblable à tous les autres camion-neurs du monde entier ? « On devient l'homme de son uniforme » (Napoléon)

En bref.. un monde dans lequel l'Orient se conduit à l'occidentale est un cerveau hémiplégique, un monde appauvri, une humanité menacée de paranoïa. D'un tel constat, il ressort deux questions. L'Orient, comme catégorie intellectuelle, est-il condamné à mort ? L'intelligence Occidentale, elle-même, peut-elle survivre en se passant de son propre hémisphère oriental ?

La politique défigurée

C'est sans doute en politique que le décalage entre le discours et les faits est le plus criant. Quel paradoxe, ici encore ! D'une manière générale, tous les observateurs soulignent régulièrement que le fossé - qui sépare le discours politique et l'attente des citoyens. le « pays légal » et le « pays réel » - ne cesse de se creuser ; que le débat public tourne en rond; que « les politiciens parlent dans le vide » ; qu'enfin « les Français n'aiment plus la politique ». En France, à l'image de l'Occident, ce divorce est impressionnant : 82% des Français considèrent que les hommes politiques ne disent pas la vérité ; 63%, que les journalistes ne sont pas indépendants des pressions du pouvoir et de l'argent ; 50 %), que les médias « accordent trop de place aux questions sans importance ». En ce qui concerne les hommes politiques et les partis politiques, seulement 34 % et 24 % des Français - respectivement - déclarent qu'ils leur inspirent confiance, 59% considèrent qu'ils ne sont pas bien représentés par un « leader politique », 60 %, par un parti. Au total, 74 % pensent que la politique est en crise, et 54 % que le Bébête-show « pourtant bien caricatural, exprime la réalité politique ». Le constat est accablant. Comment expliquer ce paradoxe des électeurs rejetant leurs propres députés ? Comment comprendre que les électeurs ne s'identifient plus à leurs propres représentants.

C'est que la politique s'est vidée de toute image sensible. Le langage des politiciens s'est fait terriblement abstrait. Il s'est déconnecté des réalités quotidiennes de l'électeur. Tout est devenu trop technique. Dépassé par la complexité du monde moderne, souvent coupé du monde des réalités par son mode de vie, sa formation, et ses origines de fonctionnaire, l'homme politique ne sait plus ni décider ni vouloir. Il abdique de plus en plus souvent devant la Science et les spécialistes, comme le rappelait récemment le chef de l'État: «Le politique doit se faire aujourd'hui modeste devant le savant. (...) Demain ressemblera de moins en moins à hier parce que nous assistons à un transfert des centres de décision du domaine politique au domaine scientifique, dent rien ne nous dit qu'il nous ouvre les portes du paradis. » Comment l'électeur pourrait-il suivre ces querelles de spécialistes, lui qui a sa propre vie professionnelle à mener pour assurer la subsistance de sa famille ? L'équation technique a fini par gripper le débat démocratique.

Or, ce qu'on ne comprend pas finit par ennuyer. Les charmes des implications économiques mondiales, ou de l'intégration européenne, ne mobilisent pas les foules ! Les duels de chiffres lassent tout le monde; les litanies des technocrates font fuir les plus résolus. Ajoutez la référence obligée au « français moyen », ce personnage mythique, abstrait et sans visage de la communication moderne, en lequel personne ne saurait se reconnaître, et vous saurez pourquoi votre Marianne est muette. Mais n'est-ce pas justement par l'entremise de cette abstraction insoupçonnable - incolore, inodore, sans saveur, et donc insaisissable - que la main du pouvoir parvient, à notre insu, à peser de plus en plus lourdement sur chacun de nos gestes.
Le peuple désinformé par le langage

Le peuple est théoriquement souverain, mais, dans les faits, il ignore le langage de la politique, langue de bois et double langage... Soit souverain et tais-toi, semble lui dire Marianne ! Flatté de son image théorique, au bas de l'échelle, l'homme de chair et de sang n'en prend pas moins très mal cette dépossession de lui-même par le langage.

L'incapacité dans laquelle se trouve le citoyen de participer sérieusement aux grands débats politiques et sociaux peut sembler l'inéluctable tribut d'une société dans laquelle le progrès technique rend le langage public de plus en plus abstrait. Comment ces difficultés techniques du monde moderne, qui mettent hors jeu même des politiciens chevronnés, ne mettraient-elles pas sur la touche les simples citoyens ? Partout, la cohabitation des contraires - républicains et démocrates, conservateurs et travaillistes, droite et gauche - ; l'inflation des chiffres et des statistiques ; l'abstraction des enjeux - financiers, techniques, géopolitiques - brouille les cartes et décourage le profane. Chacun sent bien qu'au niveau d'un individu les dés sont pipés. A l'école du krach boursier du 19 octobre 1987, le citoyen-boursier sait bien qu’avec son unique voix électorale, il n'est qu'un très petit porteur de la politique, dans l'impossibilité totale d'influer sur les événements. Comment pourrait-il en être autrement? Mais cette mise hors jeu du citoyen remet en cause le principe même de nos institutions démocratiques : leur représentativité.

En principe, c'est le peuple souverain qui se fait représenter par ses élus ; en fait, c'est le pouvoir qui confisque le langage politique et a seul le droit de parler au nom du peuple. Car, c'est bien connu, toutes les décisions du pouvoir doivent être précédées du sacro-saint : « au nom du peuple français». Mais le citoyen n'a jamais le droit de décider en son nom propre. Le mot peuple est l'otage du pouvoir. Et en confisquant le nom, les représentants du peuple ont confisqué la chose.

Au bout du compte, le peuple n'est qu'un mot-alibi, abstrait. indispensable au bon fonctionnement formel du langage de la démocratie, mais vidé de toute réalité tangible. Quelle désinformation ! le peuple n'est encensé qu'aux élections, et encore en parole seulement. Au contraire, dès que l'on passe aux choses sérieuses – l’impôt, la justice, la guerre -, le peuple de chair est traité comme un incapable, toujours corvéable à merci. Dans les circonstance le Plus personnelles de sa vie privée, de la ceinture de sécurité - qu’il doit boucler sans discussion possible - aux prélèvement d’organes par présomption d'accord, aux licenciements guillotines et à la retraite programmée, il n'est plus qu'un simple exécutant. Bien que souverain en titre, c’est toujours lui qui obéit; c'est toujours lui qui paye, En bref, le peuple règne - dans le langage - mais ne gouverne pas dans les faits. Sommes-nous en démocratie constitutionnelle ?

C'est tout de même un comble, en Démocratie - la chose de tout le monde par définition -, de voir le citoyen interdit de parole par l'entremise des mots et la confusion des repères logiques.

Cette situation d'exclusion du peuple de son propre langage se constate dans les actes les plus familiers. Au quotidien, le citoyen-souverain doit se battre contre l'abstraction du langage des technocrates - qui envahit, de plus en plus, l'espace le plus intime de sa vie privée. A l'école, dans les administrations, à l'hôpital, etc., il constate ainsi que les vraies règles du jeu lui échappent obstinément. Alors, d'acteur il devient spectateur. Il voit bien qu'il se trouve dans l'impossibilité de rassembler les pièces du puzzle de l'actualité socio-économique; qu'il est désinformé. Rien de plus démoralisant, pour lui, que cette sensation de ne pas être dans le secret des dieux alors même que la liberté totale est sans cesse proclamée.

On pourrait penser que dans la vie la plus matérielle - la santé et l'alimentation, par exemple -, le peuple n'est pas exclu du langage. Mais il suffit de jeter un coup d'œil sur une ordonnance, une boîte de conserve ou un emballage de produit diététique pour être détrompé.

Toute lecture d'une ordonnance vous replonge dans le monde hermétique des médecins de Molière. Prenez le Nifluril par exemple. Lisez la notice :
glycinamide de l'acide niflumique 3 g, hexétidine. 0,00 g, excipient q.s.p. 100 g. Avec une précision, E141... Vous voilà fixé. Indications : gingivites et paradontopathies avec réaction inflammatoire. Qui peut comprendre ce type de langage ? Comment voulez-vous que le malade s'y retrouve ? Il en est si peu question qu'on prend soin de lui interdire l'accès à son dossier médical pour le vacciner contre tout esprit de contradiction. Mais le droit à l'information est un droit de l'homme ! ...

La lecture de la composition d'un produit alimentaire tient, elle aussi, de l'art de déchiffrer les hiéroglyphes. Lisez la notice d'un simple potage en poudre aux poireaux: protides 1,9 g: lipides 1,9 g ; glucides, 9,9 g; calories 64; valeur énergétique 268 k-j. Ajoutez les codes E330, E222. Tout est fait pour que le spécialiste y trouve son bonheur, et que le profane soit exclu du débat. Allons plus loin. Quoi de plus familier que le beurre? Pourtant, savez-vous identifier le genre de beurre que vous avez devant vous ? Est-il fermier, laitier, pasteurisé ou d'intervention ?

Si, désespéré de cet obscurantisme, vous vous réfugiez dans une boutique d'alimentation «naturelle», vous ne serez pas déçu non plus. Vous pensez, sans doute, y trouver un langage naturel et accessible à tous. Détrompez-vous. Il est interdit d'indiquer sur l'emballage d'un produit naturel quelles sont ses véritables propriétés. Il est interdit d'écrire sur un jus d'artichaut qu'il est bon pour le cœur ; sur celui du radis noir qu'il est bon pour le foie ; sur l'extrait de vigne rouge qu'il est bon pour la circulation sanguine. Quelle menace pour l'ordre public! La censure est partout et le secret est bien gardé: par le langage !

Signalons, à l’extrême, que des catégories entières de la population ont été mises en quarantaine du fait de leur analphabétisme, de leur illettrisme ou encore, maintenant, de leur ignorance de l'information. Comble d'ironie, on a même constaté que les plus défavorisés - ceux qui sont même exclus de la protection sociale - sont les illettrés, ceux qui sont justement incapables de communiquer avec les systèmes prévus pour les aider. On les évalue à deux millions. Ce sont des Français de souche qui vivent en marge. Un exemple significatif: quand il gèle à Paris, tous les trottoirs de la capitale présentent partout le même danger; pourtant 90 % des personnes qui réclament des indemnités, parce qu'elles se sont blessées, viennent des quartiers aisés. On arrive donc à ce paradoxe que ce sont les plus forts - ceux qui maîtrisent le mieux le langage du système -, et non pas ceux qui en ont le plus besoin, qui sont le mieux protégés grâce à leur initiation au langage juridique. Le tangage est donc le sésame des uns, la perte des autres. Comment sortir de cette impasse ! Comment faire pour réconcilier le peuple de chair avec son langage ?

La libération du langage

L'origine de la crise actuelle de l'intelligence n'est donc pas à chercher dans le contenu des propos qu'échangent entre eux nos contemporains, mais dans la forme du langage qu'ils utilisent pour manifester leurs idées. C'est bien notre langage, lui-même, qui est piégé. Au lieu de porter la pensée, il la dissout et la rend totalement insignifiante. Il est donc inutile de continuer à discuter dans le vide avec un langage qui ne nous donne pas de prise sur les événements. L'effort qui nous est demandé aujourd'hui - avant même de penser reprendre la parole - consiste à trouver le trucage qui a permis de nous couper la parole.

Avant toute chose, nous devons rentrer en possession de notre propre langage.

Contre la violence du langage truqué par l'abstraction, il faut opérer ce retour au langage vrai auquel nous invite Frédéric Mistral :

Intrepide gardian de nostre parla gènt (Intrépides gardiens de notre parler gentil)
Garden lou franc e our e clac comme l'argènt (Gardons-le franc, et pur, et clair comme l'argent) Car tout un pople aqui s'abeurs (Car tout un peuple, là, s'abreuve,)
Car, de mourre, bourdourn qu'un pople tombe esclau, (Car, face contre terre, qu'un peuple tombe esclave,)
Se ten sa lengs, tèn la clan (S'il tient sa langue, il tient la clef)
Que di cuderao lou deliéro. (Qui le délivre des chaînes.)

Toute véritable libération de l'homme doit donc d'abord passer par celle de son langage.
Et aujourd'hui, la meilleure attitude pour libérer le langage n'est-elle pas de méditer ce retour au sens auquel nous exhorte Roland Barthes dans sa réponse à Kafka : « Pour l'écrivain, la littérature est cette parole qui dit jusqu'à la mort: je ne commencerai pas à vivre avant de savoir quel est le sens de la vie »

Chapitre I de la « Tête coupée »
Arnaud-Aaron Upinsky – édition Le Bief, Paris

Le livre "La tête coupée, le secret du pouvoir" :

Nous sommes les dupes du langage.
Jamais le décalage entre le discours et les faits n'a été aussi impressionnant. Jamais les mots n'ont autant joué avec les choses. À l'évidence, il existe un piège caché dans le langage qu'il est urgent de conjurer.

Depuis Platon, Machiavel, Hobbes et Rousseau, nous savions que toute théorie du Pouvoir est, à la fois, une théorie de l'homme, une théorie politique et une théorie de l'histoire. Avec Arnaud-Aaron Upinsky elle devient essentiellement une théorie du langage, une grille de lecture universelle.
Toute l'histoire de l'Humanité n'apparait plus que comme la guerre sans merci de deux langages ennemis : le Réalisme et le Nominalisme. Les réalistes sont ceux qui croient à la vérité des mots ; les nominalistes, ceux qui croient au pouvoir des mots.

D'un côté, la thèse nominaliste du Bon sauvage conduit à l'optimisme politique, mais aussi à l'impasse de la philosophie de l'absurde. De l'autre côté, la thèse réaliste du Naturel cannibale implique une théorie pessimiste de la politique mais, en revanche, une philosophie significative de la vie.

Aujourd'hui la thèse nominaliste domine dans le langage prédateur de la rhétorique politique qui constitue la plus grande mystification intellectuelle de tous les temps. Ressort de la mutilation du pouvoir, ce langage, tartuffe souciant, mène la danse sous le masque de la philanthropie. C'est en coupant la parole qu'il fait tomber les têtes, c'est en castrant le savoir qu'il rend l'esprit impuissant, c'est en se faisant double-langage qu'il se maintient au pouvoir.

Conjurer cette perversion du langage, pour renverser la phrase politique, remettre le langage sur ses pieds, est devenu aujourd'hui une question de survie spirituelle sinon physique : l'urgence de notre temps.

(L'édition est épuisée.)

Arnaud-Aaron Upinsky est un épistémologue et écrivain français.

Il a notamment publié :
La Perversion mathématique : l'œil du pouvoir, 1989.
La Science à l'épreuve du linceul, La crise épistémologique, éditions Œil, 1990.
Comment vous aurez tous la tête coupée ou la parole coupée, éditions Œil, 1991.
Clefs pour les mathématiques, 1992.
Lettre ouverte à ceux qui croient (encore) que l'Europe c'est la paix, 1992.
Le Procès en contrefaçon du linceul, F-X. de Guilbert, 1993.
Le Syndrome de l'ortolan, F.-X. de Guibert, 1993.
L'Énigme du linceul. La prophétie de l'an 2000, Fayard, 1998.
Enquête au cœur de la censure, éditions du Rocher, 2003.
Il est par ailleurs président de l’Union nationale des écrivains de France (UNIEF), association créée en 2007.

La Tête coupée : a été pillée de façon flagrante par Philippe Guillaume dans Lettre à tous les Français qui ne veulent plus être pris que pour des cons. Les éditions Albin Michel ont finalement été condamnées pour contrefaçon.

Le Saint-Empire Euro-Germanique

"Sous Ursula von der Leyen, l'UE est en train de passer d'une démocratie à une tyrannie."  Cristian Terhes, député europée...