"Le Petit Livre Noir" est un recueil de citations d'un proscrit de la culture officielle : Julius Évola. Gianfranco De Turris, préfacier du livre, écrit :
La pensée traditionnelle reste une boussole possible dans le chaos contemporain, elle qui avait annoncé en son temps ce qu'il allait advenir et qui avait proposé alternatives et remèdes. Comme on le sait, René Guénon et Julius Évola ont incarné deux voies, celle de la contemplation et celle de l'action, brahman et kshatryia.
Selon Évola, la voie de l'action (désintéressée et spirituelle) doit être conseillée pour deux raisons : d'abord parce qu'elle s'accorde mieux à la manière d'être occidentale ; ensuite, parce qu'ayant à vivre dans le Kali yuga, l'âge ultime de beaucoup de traditions non seulement orientales mais aussi occidentales, l'unique philosophie qu'on peut prescrire est celle des Tantra, celle qu'on appelle aussi la Voie de la main gauche.
Julius Évola (1898-1974) est un penseur complexe et multiforme, au sens où, au cours d'un demi-siècle d'une activité intellectuelle intense, il s'est intéressé, au niveau théorique et pratique, à de multiples questions, orientations de l'esprit, activités : il a été peintre et philosophe, poète et hermétiste, morphologue de l'histoire et politologue, critique des coutumes et sexologue, orientaliste et mythologue, spécialiste des religions et de la Tradition. Mais il a été aussi un alpiniste de valeur et un conférencier universitaire. Ceci devrait permettre, à ceux qui sont intéressés, de choisir un aspect particulier de sa pensée : souvent, pourtant, les thèmes multiples s'entremêlent et pourraient produire une certaine confusion. Il est donc devenu nécessaire, comme guide des idées évoliennes, d'établir une espèce de synthèse qui permette, d'un côté d'avoir un coup d'œil général de sa pensée, de l'autre d'effectuer un choix. Ceci, surtout pour les plus jeunes lecteurs.
En 1971, au plus fort des mouvements de contestation, j'avais formulé une idée de ce genre, afin de fournir une orientation aux générations prises dans ce bouillonnement qui, trente ans plus tard, devait accoucher de notre société. J'eus alors recours à un spécialiste, Giovanni Conti, qui avait élaboré à son usage personnel un choix de pensées évoliennes. C'est ainsi que Giovanni Volpe, fils du fameux historien Gioacchino Volpe, édita un petit volume d'extraits tirés des œuvres (livres, essais, articles et interviews) d'Évola et qui fut intitulé : Citazioni, il s'agissait d'une référence clairement provocatrice aux Citations des œuvres de Mao qui, à l'époque, circulaient parmi les jeunes en révolte sous le nom usuel de « Petit livre rouge ». Malgré l'inégalité de diffusion, les idées d'Évola furent méthodiquement opposées à celles qui symbolisaient alors la subversion. Indépendamment de ce qui se passa à l'époque, on peut dire que si plus personne, aujourd'hui, ne s'intéresse à la pensée du dirigeant chinois, les idées d'Évola continuent, elles, d'avoir toujours plus d'écho et de diffusion, non seulement en Italie mais également en France et ailleurs (Évola a été traduit aux États-Unis, en Roumanie, en Hongrie et en Turquie).
Il fut ensuite accusé, lors d'un procès à Rome en 1951, d'avoir été le mentor d'un groupe de jeunes arrêtés pour «reconstitution du parti fasciste » et actes violents. Lors de sa défense, il revendiqua son appartenance à la Tradition, son adhésion au fascisme dans la mesure où celui-ci pouvait coïncider avec la Tradition, et son combat pour une révolution spirituelle plutôt qu'une révolution faite d'actes violents ou d'actions armées.
Gianfranco De Turris, Président de la Fondation Julius Évola.
L'Europe a créé un monde qui, dans toutes ses composantes, constitue l'antithèse irrémédiable et complète du monde traditionnel. Il n'y a pas de compromis ou de conciliation possible, les deux conceptions étant séparées par un abysse au-dessus duquel tout pont serait illusoire. (Impérialisme payen,1928)
Nous nous trouvons devant la loi qui domine toute la culture et toute la société d'aujourd'hui : au plan inférieur, l'orgasme industriel, les moyens qui se transforment en fins, la mécanisation, le système des déterminismes économiques et matérialistes, rythmés par la science - lié à l'arrivisme, à la course au succès des hommes qui ne vivent pas, mais sont vécus - et, à la limite, les nouveaux mythes évoqués d'un progrès indéfini, sur la base du service social et du travail comme but en soi et devoir universel ; au plan supérieur, l'ensemble des doctrines faustiennes, adventistes, bergsoniennes... Il ne s'agit pas d'action, mais de fièvre d'action. C'est la course vertigineuse de ceux qui ont été éjectés de l'axe de la roue et dont la course est de plus en plus folle à mesure qu'elle s'écarte du centre. (Impérialisme payen, 1928)
Une infinité d'hommes sur une terre sans lumière, réduits à une pure quantité – et seulement à une quantité - rendus égaux par l'identité matérielle des parties dépendantes d'un mécanisme laissé à lui-même, tournant à vide et sans contrôle possible voilà la perspective qui est au bout de la voie économico-industrielle vers laquelle converge tout l'Occident. Et celui qui sent là poindre la mort de toute vie, l'avènement de la loi brute de la matière et le triomphe d'un fait d'autant plus effrayant qu'il ne repose sur personne, celui-là sent qu'il ne peut y avoir qu'un remède : rompre le joug de l'or, dépasser le fétiche social et la loi d'interdépendance, restaurer les valeurs aristocratiques, ces valeurs de qualité, de différence, d'héroïsme, ce sens de la réalité métaphysique contre lequel, aujourd'hui, tout se rebelle. (Impérialisme payen,1928)
La révolte peut être légitime quand elle agit sur une culture dans laquelle on ne trouve plus la moindre justification supérieure, une culture vide et absurde, mécanisée et standardisée, tendant elle-même vers le sub-personnel, vers le monde amorphe de la quantité. Mais quand il s'agit de « rebelles sans drapeau », quand la révolte n'a, pour ainsi dire, d'autre but qu'elle-même, le reste n'étant que prétexte, quand elle s'accompagne de formes de déchaînement, de primitivisme, d'abandon à un état élémentaire et inférieur (sexe, ébriété, violence gratuite et souvent criminelle, exaltation complaisante du vulgaire et de l'anarchique), alors il n'est pas hasardeux d'établir un lien entre ces phénomènes et ceux qui, à un plan différent, relèvent des forces du chaos qui émanent des crevasses toujours plus visibles de l'ordre subsistant.
« Il Conciliatore » (15 novembre 1967)
La véritable raison de la décadence de l'idée politique dans l'Occident contemporain tient au fait que les valeurs spirituelles qui pénétraient l'ordonnancement social se sont évanouies sans qu'on ait rien pu leur substituer. (Impérialisme payen,1928)
L'homme traditionnel chercha à découvrir dans la divinité elle-même le secret et l'essence du sexe. Pour lui, avant d'exister physiquement, les sexes existaient comme des forces supra-individuelles et comme des principes transcendants ; avant d'apparaître dans la nature, ils existaient dans la sphère du sacré, du cosmique, du spirituel. Et dans la variété multiple des figures divines différenciées comme dieux et comme déesses, on chercha à recueillir, justement, l'essence de l'éternel masculin et de l'éternel féminin, dont la sexualité opposée des êtres humains est seulement une manifestation particulière et un reflet. (Métaphysique du sexe,1958)
Nous disons que la philosophie en général culmine avec l'idéalisme transcendantal, lequel se conclue inévitablement par l'idéalisme magique. Au-delà de ça, il n'y a rien à explorer dans la philosophie. S'il on doit penser à un développement ultérieur au-delà de l'idéalisme magique, il ne peut s'agir de philosophie mais d'une forme d'action, se référant à une autoréalisation selon la puissance.
Teoria de l'Individuo assoluto (1927)
Si un jour l'humanité revenait à des conditions plus normales, peu de cultures lui sembleront aussi singulières que l'actuelle, dans laquelle on a couru après toute forme de pouvoir et de domination de la matière, négligeant cependant la domination de l'esprit, des émotions et de la vie psychique en général. C'est ainsi que beaucoup de nos contemporains – les soi-disant hommes d'action en première ligne – ressemblent à ces crustacés qui sont si durs et pleins d'excroissances scabreuses sur la carapace et si mous et invertébrés à l'intérieur.
La Doctrine de l'Éveil (1965)
S'il devait être question d'une réaction de fond contre le système, ce qui revient à dire contre les structures de la société et du monde moderne en général, selon moi, il y a peu de perspectives [...] Il ne s'agirait pas de contester ou de polémiquer mais de tout faire sauter : ce qui, à ce jour, est évidemment de l'ordre de la fantaisie ou de l'utopie, en laissant une bonne place à l'anarchisme sporadique. La chose possible et importante est l'action de défense intérieure individuelle, pour laquelle la formule adaptée est : « Fais en sorte que ce sur quoi tu n'as pas prise, ne puisse avoir de prise sur toi ».
Interview à Gianfranco de Turris « Il Conciliatore » (15 janvier 1970)
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- La doctrine de l'Eveil
Les sources. Sauf pour les deux derniers chapitres, Julius Evola s'est presque exclusivement servi du Suttapitaka, qui contient la partie la plus authentique et la plus antique du bouddhisme pâli.
Sous mille formes, la femme et le sexe dominent dans la littérature, le théâtre, le cinéma, la publicité, dans toute la vie pratique contemporaine. Sous mille formes, la femme est exhibée pour attirer et intoxiquer sexuellement, sans cesse, l’homme. » Régression d’une sexualité devenue animale qui a fait disparaître le sens profond de l’eros, dont les modalités subtiles permettent de transcender la conscience humaine. L’expérience amoureuse, fondée sur la polarité des sexes, nous lie ainsi aux énergies premières de l’univers ; expérience du sacré, pulsion reflétant le « mystère de l’Un », elle est une tentative, par un déconditionnement du Moi, d’échapper à notre propre finitude en retrouvant l’unité originelle perdue.
Julius Evola nous livre ses méditations sur le symbolisme de la montagne, sur "l'art des neiges", et surtout sur sa pratique, à savoir la conquête du sommet, là où règne le démon des cimes. Toujours considérée par l'humanité traditionnelle comme un lieu réservé uniquement aux héros et aux initiés, la montagne apparaît aujourd'hui comme une des rares voies voire la seule en Occident offerte à l'homme moderne pour une réalisation spirituelle authentique et intégrale. En tant qu'action pure et libre, en tant que guerre sainte contre soi-même, l'ascension permet "une renaissance de quelque chose de transcendant" qui peut mener jusqu'à l'éveil, jusqu'à la grande libération qui est l'objet de toute vie véritable.