vendredi, décembre 17, 2010

Nouvelle société & contre-utopie






La dissolution totale de l’individu


Trois romans du 20ème siècle sont souvent caractérisés comme « anti-utopies ». Le plus ancien, « Nous autres », est d’un écrivain russe, Ievgueni Ivanovitch Zamiatine (1884-1937) ; écrit en 1920, interdit en Russie, il est publié en anglais en 1924. Des deux autres, « Le Meilleur des mondes » (publié en 1932) et « 1984 » (écrit en 1948, publié en 1949), les auteurs sont anglais : respectivement, Aldous Huxley (1894-1963) et George Orwell (1903-1950). Ces trois livres ont en commun de construire une société imaginaire, et d’y expérimenter, par la fiction, la dissolution totale de l’individu dans la société en même temps que la réalisation d’un Etat aux pouvoirs et aux moyens jusqu’à lors inconnus. […]


Elimination du jugement


Dans le « Meilleur des Mondes », conformément aux normes imposées, les personnages, dans leur immense majorité, s’en tiennent à des satisfactions directes, sexuelles en particulier, et n’ont que dégoût pour le retrait et surtout pour le désaccord potentiel que constitue la pensée. Dans « Nous autres », la luminosité (que fait vibrer, de ses impérieux éclats, la prose de Zamiatine) rayonne entre et en tous : ciel « magnifiquement bleu », plaques d’uniformes captant de « minuscules soleils ». Qui, dans ce monde, ne rejetterait l’« obscurcissement » ou la « démence des pensées » (1) ? Le lecteur lui-même y acquiescerait presque. La transparence, ici, rappelle, sinon Rousseau, du moins, depuis plus de deux siècles, les plus pures espérances révolutionnaires. « 1984 » n’use pas de séduction atmosphérique. Mais l’aigreur qui règne – celle d’une société en guerre et en proie aux restrictions – se cristallise soudain en détestation de l’ennemi, de celui dont l’image est présentée dans les séances rituelles des « minutes de la Haine ». Rien de plus sûr que cette haine pour que l’adhésion ne fasse pas défaut au pouvoir. Et l’« amour » pour le Grand Dirigeant trouve là l’une de ses sources.


Contrôle technique et politique


Des « dedans » sociaux (matérialisés dans les édifices) sont, dans ces trois romans, tout infusés d’un double contrôle, technique en même temps que politique. (C’est dans « Le Meilleur des mondes » que la science et ses applications donnent lieu à un luxe de détails : manipulations d’embryons, usage de substances diverses, « nouvelles méthodes chimiques », « hypnopédie », etc.) Certes, ces univers sont différenciés intérieurement. Mais leurs divisions ne créent ni tensions ni mobilité. Elles sont faites pour assurer la stabilité. Dans « Nous autres », chaque individu a une place clairement déterminée et se sent constamment visible. Mais c’est dans les deux autres romans que la hiérarchie est essentielle. « Notre société est très stratifiée », est-il dit dans « 1984 ». C’est d’ailleurs dans « 1984 » (où l’anticipation temporelle par rapport au moment de l’écriture est bien plus courte que dans les deux autres romans) qu’on est au plus près de situations historiques réelles – et en particulier des sociétés totalitaires, avec un « Parti » et sa hiérarchie propre. Dans la société imaginée par Huxley, les positions sociales sont rendues irréversibles. Manipulation des embryons, conditionnement des bébés : en fonction d’impératifs économiques, on produit des lots d’humains (est-ce encore le mot ?) répartis en castes : des « Alpha », des « Bêta », des « Epsilon », etc. Les castes s’incarnent dans les corps, leurs formes et leurs couleurs fabriquées.


Disparition de la liberté


Est-ce au profit de l’égalité que, dans ces sociétés fictives, la liberté disparaît ? Que l’égalité ne s’obtienne qu’au prix de la liberté, c’est la menace agitée, depuis deux cents ans, par les discours conservateurs. Mais ici, si la liberté disparaît, c’est au profit de l’homogénéité – et celle-ci s’accommode fort bien de la plus dure hiérarchie. Dans « Le Meilleur des mondes », la stratification sociale est intégralement « naturalisée ». Et dans « 1984 », elle est si impitoyable que les « prolétaires » sont non pas seulement en bas de la société, mais quasiment hors de l’humanité. C’est seulement, d’ailleurs, avec cette exclusion que la liberté est compatible : « Les prolétaires et les animaux sont libres. » Constante, dans des pareilles sociétés, est la surveillance ; et la répression est toujours prête. C’est dans « Le Meilleur des mondes » que les moyens sont le moins cruels – grâce à l’efficacité, en amont, des manipulations biologiques. En revanche, les deux autres romans font place, entre autres formes de violence, à l’élimination des individus gênants : la « vaporisation » chez Orwell, et, dans « Nous autres », la machine pneumatique. Dans ces deux cas, l’atmosphère elle-même – l’air ou le vide – est l’instrument de l’anéantissement.


Le dehors 


Ces « dedans » sociaux ont-ils une frontière, et, au-delà, un dehors ? Dans « Nous autres », la limite apparaît aussi infranchissable que transparente : un « Mur vert » au-delà duquel se perdent « des plaines sauvages et inconnues ». C’est pourtant ce mur qui pourra se trouver franchi, mais au prix des plus grands risques, vers une vie sauvage. La « réserve de sauvages » dans « Le Meilleur des mondes » est une région livrée à la misère et au tourisme. Seul le personnage du « Sauvage », avec son statut hybride, pourrait menacer l’ordre de la société et son hédonisme obligatoire. Mais n’est-il pas réduit à l’état de figure exotique, voire grotesque, puis au suicide ? Dans « 1984 », c’est par la guerre – de manière cohérente avec le mal-être général et la haine – que la société est confrontée à son dehors. Guerre insaisissable entre des unités énormes. L’« Océania » a pour ennemi (avec de brusques renversements d’alliance) tantôt l’« Eurasia », tantôt l’« Estasia ». Il se peut d’ailleurs qu’il n’y ait pas de guerre du tout, et que les bombes qui tombent sur Londres (capitale de l’Océania) soient « lancées par le gouvernement de l’Océania lui-même ». La société n’aurait-elle d’autre dehors qu’une fantasmagorie produite au-dedans ? Si, dans les romans d’Orwell et d’Huxley, le dehors ne semble pas devoir disparaître, « Nous autres », en revanche, révèle la visée d’une extension universelle de la transparence. L’ordre déjà réalisé (« toute la sphère terrestre au pouvoir de l’Etat Unique… ») est à exporter au-delà de la terre. Le vaisseau « l’Intégral » (nom à valeur mathématique et politique) devrait permettre de réaliser une transparence universelle – à condition de « soumettre au joug bienfaisant de la raison tous les êtres inconnus, habitants d’autres planètes, qui se trouvent peut-être encore à l’état sauvage de liberté ».


La rébellion


Certains personnages, dans les trois livres, font sécession : n’est-ce pas le plus surprenant ? On les voit entrer en résistance – et donner par là matière à roman. Ces contre-utopies sont des histoires de rébellion – avec cette puissance « explosive » qu’un Mannheim attribuait à l’utopie. Dans « Le Meilleur des mondes », la sécession se manifeste d’abord dans le malaise de quelques-uns, ou dans la révolte d’un « Sauvage » qui, sorti de la « réserve », dénonce la misère de l’hédonisme obligatoire. Voici donc qu’aux dissidents, la visibilité sociale où baignent sans y songer les membres de la société se fait insupportable. D’où, dans « Nous autres », ces instants ou l’air, de bleu et transparent, devient « de fonte ». Les regards fiévreux des rebelles analysent alors, en secret, ce dont hier ils ont pu être la proie. […]


Ce que le rebelle n’accepte plus, c’est encore la « restriction » de la pensée. Celle-ci, en dehors même de contenus subversifs, menace le pouvoir. N’est-elle pas chose secrète en chacun et fluidité incontrôlable entre les uns et les autres ? Il faut, pour l’ordre social et le pouvoir, obtenir qu’elle se veuille elle-même distordue. « Connaître et ne pas connaître… Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes les deux. » Cette « double-pensée », ainsi décrite dans « 1984 », ne concrétise-t-elle pas la brutale incohérence des idéologies modernes ?


Ce que le pouvoir vise ultimement


Ce que, chez Orwell encore, le pouvoir vise ultimement gît pourtant en deçà de la pensée, au plus secret de chacun. Et c’est ce qui finira par être exposé dans une lumière totale : « là où il n’y a pas de ténèbres ». Alors viendra la terreur absolue. Ils ne peuvent pas entrer en nous », se répétaient les deux amants de « 1984 ». Et pourtant, à la fin de « 1984 », « ils » y parviennent. O’Brien, le faux dissident devenu tortionnaire, sait ce dont la seule représentation détruit en chacun toute résistance : pour Winston, des rats qui lui dévoreraient le visage. Ici, plus de traitement de masse. A chacun sa torture. La cage qu’on appliquerait exactement au visage de Winston, ne concrétiserait-elle pas, pour la plus grande singularité psychique du personnage, la plus délicate attention ?


Ceux qui mènent le jeu


Dans les trois romans, les rebelles sont vaincus, en dépit de la lucidité que leur donne l’esprit de résistance. Le lecteur se demande si, dans tous leurs actes, ils n’ont pas été manœuvrés. C’est au point que certains se dédoublent, jusqu’au délire : tantôt ils voient le système du dehors, tantôt il leur semblera ne jamais avoir cessé d’y collaborer. Mais, à l’opposé de ces résistants, il est une autre position à deux faces : celle des personnages qui mènent le jeu. Ceux qui l’occupent peuvent bien se dédoubler : loin d’en souffrir, ils en tirent une jouissance à eux seuls réservée. Exercer le pouvoir sur les autres implique-t-il de se maintenir au bord ? Faut-il être l’un des rares, sinon le seul, à pouvoir se tenir dedans et dehors à la fois ? Les hommes du pouvoir n’ignorent pas (à la différence de tous les autres, sauf les dissidents) les alternatives. « Comme c’est moi qui fais les lois ici, déclare Mustapha Menier dans « Le Meilleur des mondes », je puis également les enfreindre. » Ce puissant a lu « La Tempête » de Shakespeare (d’où est tiré le titre anglais du roman : « Brave New World »), cette histoire d’île – une utopie ? – chère au Sauvage. Ou bien, lisant une « Nouvelle Théorie de la Biologie » qu’il va interdire, Menier s’évade hors de ce cadre dont il assure le contrôle : «  Comme ce serait amusant, musa-t-il, si l’on n’était pas obligé de songé au bonheur ! »                


Les gens ont besoin de quelqu’un qui définisse le bonheur et les y enchaîne


Au bord de la société encore se trouve, dans « Nous autres », ce « Lui » qui déclare doucement à D-503 : « Parlons comme des hommes quand les enfants sont allés se coucher. De quoi les gens se soucient-ils depuis leurs langes ? De trouver quelqu’un qui définisse le bonheur et les y enchaîne. » Le luxe du pouvoir est, avec complaisance, de prétendre s’élever au-dessus du pouvoir. Autrement pervers, le jeu d’O’Brien à la limite du système, dans « 1984 ». Le lecteur lui-même a pu croire à l’existence de Goldtsein, l’ennemi sur lequel l’Etat concentre la haine collective. Cette existence n’était-elle pas attestée par son livre sous les yeux de Winston – et sous ceux du lecteur du roman ? Mais la révélation sera que ce livre n’a pas d’autre auteur qu’O’Brien. Or on y trouve une froide analyse du système social établi. Le pouvoir anticiperait-il toute sécession au point d’habiter la lucidité même pour laquelle il est nu ? 


Créer l’amour de la servitude


Il faut, dans tous les cas, que le pouvoir soit senti comme une présence autre, tournée vers les membres de la société. Dans « 1984 », la fonction de « Big Brother » est d’« agir comme un point de concentration pour l’amour, la crainte et le respect ». Mais ce chacun de ces romans suggère de plus inquiétant, c’est que la société même (des « masses », dit « Le Meilleur des mondes »), émane un consentement, voire un désir, à l’égard du pouvoir. Certes, l’adhésion peut être le fruit du conditionnement. Huxley parle de « méthodes » pour « créer l’amour de la servitude ». Et l’amour de Winston pour Big Brother, à la fin de « 1984 », est scientifiquement obtenu. Mais la différence entre spontanéité et fabrication ne s’amenuise-t-elle pas ici ? Difficile de dire si le pouvoir est désiré ou imposé, et si le consentement est spontané ou machiné. A moins que le désir de tous ne soit d’être également en proie à la fabrication.


Rechercher le pouvoir pour le pouvoir


Les membres de ces sociétés aspirent à se savoir constamment sus. Il faut qu’un regard fixé sur eux les assurent dans leur position et leur existence. Cette présence-absence peut se réduire, en temps ordinaire, à l’image fruste d’un visage, à un simple nom. Chacun n’a-t-il pas de toujours pressenti le secret du pouvoir dévoilé par O’Brien à Winston ? « Le Parti recherche le pouvoir pour le pouvoir, exclusivement pour le pouvoir. » Tous, ou presque, continuent pourtant de désirer que soit tourné vers eux ce regard vide. En dépit de son indifférence cynique. Ou à cause d’elle ? […]


Nous rencontrons, au sein de ces romans, des personnages qui eux-mêmes écrivent et qui en appellent à un lecteur possible, nécessairement situé hors du monde où ils sont censés être enfermés. Ces appels de personnages – tous dissidents – se mêlent à ceux des livres mêmes, et contribuent à leur donner leur tonalité unique de « contre-utopie ». Lire ensemble, aujourd’hui, ces trois romans, c’est découvrir entre eux des rapports et des enjeux qu’aucun peut-être n’épuise, et c’est nouer avec chacun d’eux des liens toujours nouveaux au fil du temps : ainsi assurons-nous que nous ne sommes pas dans l’une des sociétés qu’ils construisent et d’où la lecture est bannie.


Claude Mouchard








(1) Note de Bouddhanar :
 Le bouddhisme, qui fustige aussi la « démence des pensées », n’est pas ignoré par l’économie dont l’entreprise de décérébration des consommateurs est conduite par la publicité. La « zen attitude » des publicitaires maquille en pseudo-sérénité orientale la crétinisation de masse. 




La société orwellienne des Américains


jeudi, décembre 16, 2010

Le nouveau spiritualisme




La deuxième religiosité 


Selon Spengler, la « deuxième religiosité » est un des phénomènes qui accompagnent toujours les phases terminales d’une civilisation. En marge de structures d’une grandeur barbare, en marge du rationalisme, de l’athéisme pratique et du matérialisme, se manifestent des formes de spiritualité et de mysticisme, voire des irruptions du suprasensible, qui ne sont pas les signes d’une remontée, mais les symptômes d’une désagrégation. Il ne s’agit plus de la religion des origines, des formes sévères qui, héritage d’élites dominatrices, étaient au centre d’une civilisation organique et qualitative (c’est proprement ce que nous appelons le monde de la Tradition) et en marquaient toutes les expressions. Dans la phase dont il s’agit, même les vraies religions perdent toute dimension supérieure, se sécularisent, s’aplatissent, cessent de remplir leur fonction originelle. La « deuxième religiosité » se développe en dehors de celles-ci, souvent même contre celles-ci, mais se développe aussi en dehors des courants prédominants de l’existence et correspond généralement à un phénomène d’évasion, d’aliénation, de compensation confuse, n’ayant aucune répercussion sérieuse sur la réalité, qui est désormais celle d’une civilisation éteinte, mécanisée et purement terrestre. Telle est la place et le sens de la « deuxième religiosité ». On peut compléter le tableau en se reportant à R. Guénon, dont la doctrine est bien plus profonde que celle de Spengler. Cet auteur a constaté qu’après que le matérialisme et le « positivisme » du 19ème siècle furent parvenus à isoler l’homme de ce qui est réellement au-dessus de lui – du vrai surnaturel, de la transcendance – de nombreux courants du 20ème siècle, ayant justement un semblant de « spiritualisme » ou se présentant comme une « nouvelle psychologie », tendent à l’ouvrir à ce qui est au-dessous de lui, au-dessous du niveau existentiel correspondant généralement à la personne humaine accomplie. On peut aussi se servir d’une expression de A. Huxley et parler d’une « auto-transcendance descendante » opposée à l’« auto-transcendance » ascendante ».


L’intérêt morbide pour le sensationnel et l’occulte


De même qu’il est certain que l’Occident se trouve actuellement dans la phase sans âme, collectivisée et matérialisée, qui est le propre de la fin d’un cycle de civilisation, de même il n’y a pas de doute que la plupart des faits que l’on considère comme le prélude d’une nouvelle spiritualité relèvent simplement d’une « deuxième religiosité ». Ils représentent quelque chose d’hybride, de déliquescent et de sub-intellectuel. Ce sont comme les fluorescences qui se manifestent lors de la décomposition d’un cadavre ; c’est pourquoi il faut voir dans ces tendances, non pas l’opposée de la civilisation crépusculaire d’aujourd’hui, mais, comme nous le disions, une de ses contreparties qui pourrait même, si ces tendances se confirmaient, être le prélude d’une phase régressive et dissolutive plus poussée. En particulier, là où il ne s’agit pas de simples états d’âme et de théories, là où l’intérêt morbide pour le sensationnel et l’occulte s’accompagne de pratiques évocatoires et d’une ouverture des couches souterraines de la psyché humaine – comme c’est souvent le cas dans le spiritisme et la psychanalyse – on peut toujours, avec R. Guénon, parler de « fissures de la grande muraille », de dangereuses lézardes dans cette ceinture de protection qui préserve, malgré tout, dans la vie ordinaire, tout individu normal et d’esprit lucide contre l’action des forces obscures réelles, cachées derrière la façade du monde des sens et sous le seuil des pensées humaines formées et conscientes. De ce point de vue, le néo-spiritualisme apparaît donc plus dangereux encore que le matérialisme, ou positivisme, car celui-ci, du moins, par son primitivisme et sa myopie intellectuelle, renforçait cette ceinture, qui limitait, certes, mais aussi protégeait.


La mystification et la superstition


D’autres part, rien n’indique mieux le niveau où se situe le néo-spiritualisme que la qualité humaine de bon nombre de ceux qui le cultivent. Alors que les anciennes sciences sacrées étaient la prérogative d’une humanité supérieure, de castes royales et sacerdotales, aujourd’hui ce sont en majorité des médiums, des « mages » de quartier, des radiesthésistes, des spirites, des anthroposophes, des astrologues et voyants, annonces publicitaires, des théosophes, des « guérisseurs », des vulgarisateurs d’un yoga américanisé, etc., qui proclament le nouveau verbe antimatérialiste, s’accompagnant de quelque mystique exalté et visionnaire et de quelque prophète improvisé. La mystification et la superstition se mêlent presque constamment dans le néo-spiritualisme dont un autre trait significatif est la proportion importante des femmes (ratées, dévoyées ou « hors d’usage ») qui s’y adonnent, particulièrement dans les pays anglo-saxons. […]


La contrefaçon des doctrines traditionnelles


Dans le cadre du problème qui nous intéresse particulièrement ici, il importe seulement de dénoncer la regrettable confusion qui peut naître des fréquentes références que fait le néo-spiritualisme, à partir du théosophisme anglo-indien, à certaines doctrines appartenant à ce que nous appelons le monde de la Tradition, particulièrement dans ses formes orientales.


Or, il importe de faire ici une nette séparation. Il faut bien savoir qu’il ne s’agit presque toujours, dans les courants en question, que de contrefaçons de ces doctrines, de résidus ou de fragments de celles-ci auxquels se mêlent les pires préjugés occidentaux et de pures divagations personnelles. Le néo-spiritualisme n’a en général aucune idée du plan auquel appartenaient les idées ainsi reprises, non plus que du but véritable que poursuivent ses sectateurs. Ces idées, en effet, finissent souvent par servir de simples succédanés destinés à satisfaire des exigences identiques à celles qui poussent d’autres vers la foi ou la simple religion : grave équivoque, car il s’agit au contraire de métaphysique, et souvent ces enseignements appartenaient exclusivement, dans le monde traditionnel, aux « doctrines internes », non divulguées. Il n’est pas certain, en outre, que la décadence et le tarissement de la religion occidentale soient les seules raisons qui poussent les néo-spiritualistes à s’intéresser à ces enseignements, à les diffuser et à les étaler en public ; une autre raison, c’est que beaucoup d’entre eux croient que ces doctrines sont plus « ouvertes » et consolantes, qu’elles exemptent des obligations et des liens propres aux confessions historiques, alors qu’ici c’est précisément le contraire qui est vrai, même s’il s’agit d’une toute autre sorte de liens. Nous en avons un exemple typique dans le genre de valorisation tout à fait moralisante, humanitaire et pacifiste que l’on a fait récemment de la doctrine bouddhiste (d’après le pandit Nehru « on devrait choisir entre la bombe H et le bouddhisme »). Sur un autre plan, nous voyons Jung « valoriser » en termes de psychanalyse toutes sortes d’enseignements et de symboles des Mystères, en les adaptant au traitement d’individus névropathes et dissociés.


Julius Evola, « Chevaucher le tigre »




Dernier écrit important d'un iconoclaste sans passion, « Chevaucher le tigre » dresse une critique implacable des idoles, des structures, des théories et des illusions de notre époque de dissolution. Le marxisme et la démocratie bourgeoise, l'existentialisme et la connaissance scientifique, le retour à la nature et le phénomène de la drogue, le roman et le mythe de la patrie, le jazz et la pop music, le mariage, la famille et l'émancipation de la femme sont tour à tour examinés à la lumière des enseignements internes, purement doctrinaux et indestructibles, de la Tradition. Il en va de même pour la philosophie de Nietzsche, soumise elle aussi à une longue analyse. 

Sans faire de concessions au spiritualisme humanitaire et à son ascétisme frileux, l'auteur trace la figure d'un type humain aristocratique capable de chevaucher le tigre, c'est-à-dire de transformer en remède, en vue d'une libération intérieure, des processus extrêmes presque toujours destructeurs pour la majorité de nos contemporains. Aussi éloigné des crispations d'un traditionalisme viscéralement passéiste que de tout projet révolutionnaire naïvement utopique et optimiste, l'homme différencié ne compte que sur lui-même et n'a qu'un but : donner un sens absolu à sa vie dans un monde où il n'y a plus rien à aimer et à défendre


Evola et la politique


Vers la fin de « Chevaucher le tigre », livre écrit en pleine guerre froide, J. Evola précise sa position en matière de politique :


« Nous nous occupons particulièrement, dans ce livre, d’un type d’homme qui, bien que spirituellement apparenté aux éléments dont nous venons de parler, disposé à se battre même sur des positions perdues, a une orientation différente. La seule norme valable que cet homme puisse tirer d’un bilan objectif de la situation, c’est l’absence d’intérêt et le détachement à l’égard de tout ce qui est aujourd’hui « politique ». Son principe sera donc celui que l’antiquité a appelé l’« apoliteia ». […]

Un point particulier mérite d’être précisé : cette attitude de détachement doit être maintenue même à l’égard de la confrontation des deux blocs qui se disputent aujourd’hui l’empire du monde, l’« Occident » démocratique et capitaliste et l’« Orient » communiste. Sur le plan spirituel, en effet, cette lutte est dépourvue de toute signification. L’« Occident » ne représente aucune idée supérieure. Sa civilisation même, basée sur une négation essentielle des valeurs traditionnelles, comporte les mêmes destructions, le même fond nihiliste qui apparaît avec évidence dans l’univers marxiste et communiste, bien que sous des formes et à des degrés différents. Nous nous attarderons pas sur ce point, ayant développé dans un autre ouvrage, « Révolte contre le monde moderne », une conception d’ensemble du cours de l’histoire, de nature à écarter toute illusion quant au sens dernier de l’issue de cette lutte pour le contrôle du monde. » 

mercredi, décembre 15, 2010

L’avènement de la « contre-tradition »




Pour comprendre ce que représente la « contre-tradition », nous devons nous reporter au rôle de la « contre-initiation ». « En effet, c’est évidemment celle-ci qui, après avoir travaillé constamment dans l’ombre pour inspirer et diriger invisiblement tous les « mouvements » modernes, en arrivera en dernier lieu à « extérioriser », si l’on peut s’exprimer ainsi, quelque chose qui sera comme la contrepartie d’une véritable tradition, du moins aussi complètement et aussi exactement que le permettent les limites qui s’imposent nécessairement à toute contrefaçon possible. Comme l’initiation est ce qui représente effectivement l’esprit d’une tradition, la « contre-initiation » jouera elle-même un rôle semblable à l’égard de la « contre-tradition » ; mais, bien entendu, il serait tout à fait impropre et erroné de parler ici d’esprit, puisqu’il s’agit précisément de ce dont l’esprit est le plus totalement absent, de ce qui en serait même l’opposé si l’esprit n’était essentiellement au-delà de toute opposition, et qui, en tout cas, a bien la prétention de s’y opposer, tout en l’imitant à la façon de cette ombre inversée dont nous avons parlé déjà à diverses reprises ; c’est pourquoi, si loin que soit poussée cette imitation, la « contre-tradition » ne pourra jamais être autre chose qu’une parodie, et elle sera seulement la plus extrême et la plus immense de toutes les parodies, dont nous n’avons encore vu jusqu’ici, avec toute la falsification du monde moderne, que des « essais » bien partiels et des « préfigurations » bien pâles en comparaison de ce qui se prépare pour un avenir que certains estiment prochain, en quoi la rapidité croissante des événements actuels tendrait assez à leur donner raison. Il va de soi, d’ailleurs, que nous n’avons nullement l’intention de chercher à fixer ici des dates plus ou moins précises, à la façon des amateurs de prétendues « prophéties » ; même si la chose était rendue possible par une connaissance de la durée exacte des périodes cycliques (bien que la principale difficulté réside toujours, en pareil cas, dans la détermination du point de départ réel qu’il faut prendre pour en effectuer le calcul), il n’en conviendrait pas moins de garder la plus grande réserve à cet égard, et cela pour des raisons précisément contraires à celles qui meuvent les propagateurs conscients ou inconscients de prédictions dénaturées, c’est-à-dire pour ne pas risquer de contribuer à augmenter encore l’inquiétude et le désordre qui règnent présentement dans notre monde.


Vers l’« infra-humain 


Quoi qu’il en soit, ce qui permet que les choses puissent aller jusqu’à un tel point, c’est que la « contre-initiation », il faut bien le dire, ne peut pas être assimilée à une invention purement humaine, qui ne se distinguerait en rien, par sa nature, de la « pseudo-initiation » pure et simple ; à la vérité, elle est bien plus que cela, et, pour l’être effectivement, il faut nécessairement que, d’une certaine façon, et quant à son origine même, elle procède de la source unique à laquelle se rattache toute initiation, et aussi, plus généralement, tout ce qui manifeste dans notre monde un élément « non-humain » ; mais elle en procède par une dégénérescence allant jusqu’à son degré le plus extrême, c’est-à-dire jusqu’à ce « renversement » qui constitue le « satanisme » proprement dit. Une telle dégénérescence est évidemment beaucoup plus profonde que celle d’une tradition simplement déviée dans une certaine mesure, ou même tronquée et réduite à sa partie inférieure ; il y a même là quelque chose de plus que dans le cas de ces traditions véritablement mortes et entièrement abandonnées par l’esprit, dont la « contre-initiation » elle-même peut utiliser les « résidus » à ses fins ainsi que nous l’avons expliqué. Cela conduit logiquement à penser que cette dégénérescence doit remonter beaucoup plus loin dans la passé ; et , si obscure que soit cette question des origines, on peut admettre comme vraisemblable qu’elle se rattache à la perversion de quelqu’une des anciennes civilisations ayant appartenu à l’un ou à l’autre des continents disparus dans les cataclysme qui se sont produits au cours du présent Manvantara (1). En tout cas, il est à peine besoin de dire que, dès que l’esprit s’est retiré, on ne peut plus aucunement parler d’initiation ; en fait, les représentants de la « contre-initiation » sont, aussi totalement et plus irrémédiablement que de simples profanes, ignorants de l’essentiel, c’est-à-dire de toute vérité d’ordre spirituel et métaphysique, qui, jusque dans ses principes les plus élémentaires, leur est devenue absolument étrangère depuis que « le ciel a été fermé » pour eux (2). Ne pouvant conduire les êtres aux états « supra-humains » comme l’initiation, ni d’ailleurs se limiter au seul domaine humain, la « contre-initiation » les mène inévitablement vers l’« infra-humain », et c’est justement en cela que réside ce qui lui demeure de pouvoir effectif ; il n’est que trop facile de comprendre que c’est là tout autre chose que la comédie de la « pseudo-initiation ». Dans l’ésotérisme islamique, il est dit que celui qui se présente à une certaine « porte », sans y être parvenu par une voie normale et légitime, voit cette porte se fermer devant lui et est obligé de retourner en arrière, non pas cependant comme un simple profane, ce qui est désormais impossible, mais comme sâher (sorcier ou magicien opérant dans le domaine des possibilités subtiles d’ordre inférieur) (3) ; nous ne saurions donner une expression plus nette de ce dont il s’agit : c’est là la voie « infernale » qui prétend s’opposer à la voie « céleste », et qui présente en effet les apparences extérieures d’une telle opposition, bien qu’en définitive celle-ci ne puisse être qu’illusoire ; et, comme nous l’avons déjà dit plus haut à propos de la fausse spiritualité où vont se perdre certains êtres engagés dans une sorte de « réalisation à rebours », cette voie ne peut aboutir finalement qu’à la « désintégration » totale de l’être conscient et à sa dissolution dans retour (4).


Des centres uniquement « psychiques »


Naturellement, pour que l’imitation par reflet inverse soit aussi complète que possible, il peut se constituer des centres auxquels se rattacheront les organisations qui relèvent de la « contre-initiation », centres uniquement « psychiques », bien entendu, comme les influences qu’ils utilisent et qu’ils transmettent, et non point spirituels comme dans le cas de l’initiation et de la tradition véritable, mais qui peuvent cependant, en raison de ce que nous venons de dire, en prendre jusqu'à un certain point les apparences extérieures, ce qui donne l’illusion de la « spiritualité à rebours ». Il n’y aura d’ailleurs pas lieu de s’étonner si ces centres eux-mêmes, et non pas seulement certaines des organisations qui leur sont subordonnées plus ou moins directement, peuvent se trouver, dans bien des cas, en lutte les uns avec les autres, car le domaine où ils se situent, étant celui qui est le plus proche de la dissolution « chaotique », est par là même celui où toutes les oppositions se donnent libre cours, lorsqu’elles ne sont pas harmonisées et conciliées par l’action directe d’un principe supérieur, qui ici fait nécessairement défaut. […]


Nier l’Unité suprême 


Il est facile de se rendre compte que la constitution de la « contre-tradition » et son triomphe apparent et momentané seront proprement le règne de ce que nous avons appelé la « spiritualité à rebours », qui naturellement, n’est qu’une parodie de la spiritualité, qu’elle imite pour ainsi dire en sens inverse, de sorte qu’elle paraît en être le contraire même ; nous disons seulement qu’elle le paraît, et non pas qu’elle l’est réellement, car, quelles que puissent être ses prétentions, il n’y a ici ni symétrie ni équivalence possible. Il importe d’insister sur ce point, car beaucoup, se laissant tromper par les apparences, s’imaginent qu’il y a dans le monde comme deux principes opposés se disputant la suprématie, conception erronée qui est, au fond, la même chose que celle qui, en langage théologique, met Satan au même niveau que Dieu, et que, à tort ou à raison, on attribue communément aux Manichéens ; il y a certes actuellement bien des gens qui sont, en ce sens, « manichéens » sans s’en douter, et c’est là encore l’effet d’une « suggestion » des plus pernicieuses. Cette conception, en effet, revient à affirmer une dualité principielle radicalement irréductible, ou, en d’autres termes, à nier l’Unité suprême qui est au-delà de toutes les oppositions et de tous les antagonismes ; qu’une telle négation soit le fait des adhérents de la « contre-initiation », il n’y a pas lieu de s’en étonner, et elle peut même être sincère de leur part, puisque le domaine métaphysique leur est complètement fermé ; qu’il soit nécessaire pour eux de répandre et d’imposer cette conception, c’est encore plus évident, car c’est seulement par là qu’ils peuvent réussir à se faire prendre pour ce qu’ils ne sont pas et ne peuvent pas être réellement, c’est-à-dire pour les représentants de quelque chose qui pourrait être mis en parallèle avec la spiritualité et même l’emporter finalement sur elle.


L’ère nouvelle


Cette « spiritualité à rebours » n’est donc , à vrai dire, qu’une fausse spiritualité, fausse même au degré le plus extrême qui se puisse concevoir ; mais on peut aussi parler de fausse spiritualité dans tous les cas où, par exemple, le psychique est pris pour le spirituel, sans aller forcément jusqu’à cette subversion totale ; c’est pourquoi pour désigner celle-ci, l’expression de « spiritualité à rebours » est en définitive celle qui convient le mieux, à la condition d’expliquer exactement comment il convient de l’entendre. C’est là, en réalité, le « renouveau spirituel » dont certains, parfois fort inconscients, annoncent avec insistance le prochain avènement, ou encore l’« ère nouvelle » dans laquelle on s’efforce par tous les moyens de faire entrer l’humanité actuelle, et que l’état d’« attente » générale créé par la diffusion des prédictions dont nos avons parlé peut lui-même contribuer à hâter effectivement. L’attrait du « phénomène », que nous avons déjà envisagé comme un des facteurs déterminants de la confusion du psychique et du spirituel, peut également jouer à cet égard un rôle fort important, car c'est par là que la plupart des hommes seront pris et trompés au temps de la « contre-tradition », puisqu’il est dit que les « faux prophètes » qui s’élèveront alors « feront de grands prodiges et des choses étonnantes, jusqu’à séduire, s’il était possible, les élus eux-mêmes » (5).
      
René Guénon




(1) Le chapitre VI de la Genèse pourrait peut-être fournir, sous une forme symbolique, quelques indications se rapportant à ces origines lointaines de la « contre-initiation ».


(2) On peut appliquer ici analogiquement le symbolisme de la « chute des anges », puisque ce dont il s’agit est ce qui correspond effectivement dans l’ordre humain ; et c’est d’ailleurs pourquoi on peut parler à cet égard de « satanisme » au sens le plus propre et le plus littéral du mot.


(3) Le dernier degré de la hiérarchie « contre-initiatique » est occupé par ce qu’on appelle les « saints de Satan » (awliyâ esh-Shaytân), qui sont en quelque sorte l’inverse des véritables saints (awliyâ er-Rahman), et qui manifestent ainsi l’expression la plus complète possible de la « spiritualité à rebours ».


(4) Cet aboutissement extrême, bien entendu, ne constitue en fait qu’un cas exceptionnel, qui est précisément celui des awliyâ esh-Shaytân ; pour ceux qui sont allés moins loin dans ce sens, il s’agit seulement d’une voie sans issue, où ils peuvent demeurer enfermés pour une indéfinité « éonienne » ou cyclique.


(5) Saint Matthieu, XXIV, 24.


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Un Gouverneur US dévoile les complots des Bilderberg contre l'humanité
http://bouddhanar-9.blogspot.com/2010/12/un-gouverneur-us-devoile-les-complots.html

mardi, décembre 14, 2010

Le Toumo de Maurice Daubard




Professeur à l’Union Européenne de Yoga (U.E.Y.) depuis 1971, conférencier international de Yoga, spécialiste de la thermo physio régulation, Yogi Maurice Daubard s’est fait une réputation dans l’enseignement du Toumo d’inspiration tibétaine et dans l’enseignement du « Sankalpa et dépassement de Soi ».


A 80 ans, Maurice se promène presque nu dans la neige et se baigne dans l’eau glacée des montagnes. Il enseigne le yoga de la chaleur intérieure, en tibétain « gTum-mo ». Le « Toumo » est l’un des « Six yogas de Naropa » (Nâro Chödrug). Le pratiquant de ce yoga parvient à augmenter la chaleur de son corps par le contrôle du rythme respiratoire, la concentration sur la région du nombril et la visualisation de certaines syllabes comme Ram ou Ham.


  


Une semaine de formation à la pratique du Toumo sous la direction de Maurice Daubard coûte 600 euros par personne (300 € pour l’hébergement et 300 € pour l’enseignement). 


Le Toumo enseigné par Maurice Daubard est sorti de son contexte traditionnel et spirituel pour être commercialisé comme un moyen efficace « d’adaptation au froid et à la neige pour la reconstitution des défenses naturelles de l’homme… Cette discipline permet à chacun de repousser les limites de résistance au froid en lui donnant la tonicité et la jeunesse », affirme la publicité du yogi auvergnat. « Cependant, note René Guénon, il faut ajouter que ces mêmes « pratiques » peuvent avoir aussi, à l’insu de l’ignorant qui s’y livre comme à une « gymnastique » quelconque, des répercussions dans les modalités subtiles de l’individu, ce qui, en fait, en augmente considérablement le danger : on peut ainsi, sans s’en douter aucunement, ouvrir la porte à des influences de toute sorte (et, bien entendu, ce sont toujours celles de la qualité la plus basse qui en profitent en premier lieu), contre lesquelles on est d’autant moins prémuni que parfois on ne soupçonne même pas leur existence, et qu’à plus forte raison on est incapable de discerner leur véritable nature… » 



Site de Maurice Daubard
http://www.mauricedaubard.com/



dimanche, décembre 12, 2010

La possession par les spectres




Des gourous sont responsables de l’inversion du processus d’éveil de la prâna kundalinî. Swami Lakshman Ji, un maître réputé du shivaïsme du Cachemire, écrit : 


« Dans ce processus inversé, quand le souffle est aspiré vers le bas à travers le canal central et parvient au mûlâdhâra chakra, ce dernier ne se met pas à tourner. C’est au contraire le bhrûmadhya qui entre en mouvement. C’est qu’en fait le souffle a traversé tous les chakra, à partir du mûlâdhâra. Quand il pénètre dans le bhrûmadhya, celui-ci commence à se mouvoir. Alors l’énergie du souffle pénètre dans le kantha chakra, qui se met en mouvement. Puis elle descend dans le cœur, le nombril et enfin dans le mûladhâra, tous ces chakra sont alors mis en mouvement. A ce moment vous ressortez. Le processus de la montée inversée de la kundalini est achevé. Il est néfaste ; on l’appelle pishâcâveshah, ce qui veut dire « possession par les spectres ». il est stérile et sans valeur. Il se produit quand votre Maître ne s’entend pas bien avec vous ou qu’il est mécontent de vous. Il éveille alors ce processus, qui ne vous apporte rien de bon. »



Livre en ligne : Shivaïsme du Cachemire 
Par Swami Lakshman Ji



Lakshman Jî est l'un des derniers maîtres de la tradition orale du Shivaïsme tantrique du Cachemire. Cet exposé de la philosophie non-dualiste et de ses applications pratiques est la traduction de son premier ouvrage en langue anglaise. Les enseignements tantriques se dissimulent sous l'allusion et le symbole. Lakshman Jî donne ici la principale clef de cette tradition et permet ainsi d'accéder à ses secrets. Le livre porte essentiellement sur la réalisation pratique de la Vérité au moyen du Kundalini Yoga. L'auteur souligne les différences entre cette réalisation et le concept de réalisation enseigné dans d'autres écoles de philosophie indienne, en particulier de l'Advaïta Vedanta. Pour le Shivaïsme du Cachemire, le monde est une réalité ; il est aussi réel que Dieu. La libération consiste à prendre conscience que cet univers n'est autre que notre propre Conscience transcendante.

samedi, décembre 11, 2010

Le Dalaï-lama : « semi-bouddhiste, semi-marxiste »



« De toutes les théories économiques modernes, dit le 14ème Dalaï-lama, le système économique marxiste est fondé sur des principes moraux, tandis que le capitalisme n’est fondé que sur le gain et la rentabilité. Le marxisme est basé sur la distribution de la richesse à une base égale et sur l’utilisation équitable des moyens de production. Il est concerné par le destin des travailleurs, qui sont la majorité, aussi bien que par le destin de ceux qui sont défavorisés et dans le besoin. De plus, le marxisme se soucie des victimes exploitées par une minorité. Pour ces raisons, le système m’interpelle et il me semble juste… Je me considère moi-même comme semi-bouddhiste, semi-marxiste. »
« The Dalaï-lama, Beyond Dogma : Dialogues and Discourses », North Atlantic Books, 1996. 
Source : Elisabeth Martens, "Histoire du Bouddhisme tibétain".


En 2009, une petite-nièce du 14ème Dalaï-lama a adhéré au Parti communiste chinois (PCC)


« Je suis fière d'adhérer au PCC », a déclaré Deying Drolma, 35 ans et dont la grand-mère est cousine du Dalaï-lama. Deying Drolma est actuellement femme soldat de l'Armée populaire de Libération (APL), et elle a pris serment le 26 juin pour devenir membre du PCC.


Elle avait rédigé deux premières demandes d'adhésion au PCC en 1995 et 1998, mais ne les avait pas soumises par crainte que sa relation spéciale avec le Dalaï-lama ne la pénalise. « L'année dernière et cette année, j'ai soumis deux autres demandes au PCC, car je sens maintenant que je suis une bonne candidate à l'adhésion ». Et elle a été acceptée.


Source : http://news.xinhuanet.com/english/2009-11/03/content_12380602.htm

Histoire du Bouddhisme tibétain






Non loin de Dharamsala, où réside le Dalaï-lama, des victimes du totalitarisme économique ont rejoint la rébellion naxalite.


Naxalites : le salut rouge


Dans les jungles de l’Inde, c’est une guerre qui ne dit pas son nom. Elle oppose les rebelles maoïstes aux forces de l’ordre.


Le conflit perdure depuis plus de quarante ans et il a fait des milliers de victimes. Le message des insurgés n’a jamais changé : la défense des plus démunis, des aborigènes et des paysans sans terre. 


Sous l’impact de la mondialisation et de la libéralisation économique, l’insurrection maoïste se propage et s’étend aux campagnes oubliées de l’Inde. Elle est aujourd'hui active dans 20 des 28 états du pays. 


Pour contrer cette vague rouge, New-Delhi a lancé, l’an dernier, une vaste offensive paramilitaire. 
De part et d’autre, les représailles s’intensifient. Villages incendiées, civils exécutés, populations déplacées, maoïstes et policiers tués.


Vanessa Dougnac et David Muntaner ont obtenu l’autorisation exceptionnelle de vivre aux côtés des rebelles, ces mystérieux combattants de Mao, dépeints en «terroristes» par New-Delhi, accusés par la presse indienne d’être des «machines à tuer».


Depuis le renouveau de l’insurrection, aucune télévision indépendante n’avait obtenu l’accord de filmer leur vie quotidienne. Des images rares qui nous font découvrir leur réalité et les enjeux cachés de la rébellion.


Source :
http://www.arte.tv/fr/semaine/244,broadcastingNum=1181237,day=1,week=50,year=2010.html


Le documentaire « Naxalites : le salut rouge » à revoir sur ARTE le 12 décembre 2010.


Un autre reportage, de Léo Mattei et Alex Gohari, sur l’insurrection naxalite : « Les veines ouvertes du géant indien » : http://vimeo.com/8398072

La résistance naxalite contrôle une grande partie de l’Inde. 


La carte date un peu. Depuis 2007, l’insurrection maoïste s’est propagée à quatre autres états et s’étend aux campagnes oubliées de l’Inde. Elle est aujourd'hui active dans 20 des 28 états du pays.




La conspiration

Qu’est-ce que le conspirationnisme 


Issu de la mouvance alternative des années 60, le conspirationnisme est un antidote aux fausses évidences du « nouvel âge ».
Si quelqu’un vous parle de la conspiration mondiale pour vous vendre une solution miracle, c’est que vous avez affaire à un charlatan. Car il n’y a qu’un remède. Si l’on veut connaître la paix de l’esprit, on doit changer de conscience !
S’il y a un salut pour le monde, il réside uniquement dans notre capacité de mutation. Mais nul ne le fera pour nous, ni messie, ni avatar, ni extraterrestres, ni maîtres ascensionnés, ni pape ou grand lama…
Face à l’angélisme et à l’idéalisme, le conspirationnisme oppose des constats implacables. C’est à prendre ou à laisser.
L’idée d’une conspiration mondiale n’est pourtant pas nouvelle. On en trouve le modèle dans le Protocole des Sages de Sion qui, à la fin du 19ème siècle, exposait le plan d’un groupe « d’initiés » en vue de faire main basse sur la planète.


La conspiration ?


La conspiration n’est-elle pas l’essence de la politique ? Si le plan de bataille n’est pas tenu secret, la guerre est perdue d’avance.
Toute entreprise de conquête – commerciale ou politique – nécessite une stratégie secrète, et une révolution a besoin de conspirateurs.
En politique, rien n’arrive au hasard, mais tout se prépare sur le long terme. Les habiles politiciens qui amusent la galerie en façade ne sont que des marionnettes. Cette assertion est l’une des plus importantes du conspirationnisme pour lequel les autorités sont les médiums des « forces noires ».
Etant donné l’état du monde et de la société, on constate que ces puissances n’ont pas en vue le bonheur de l’humanité, mais qu’elle l’exploitent depuis toujours. Cela nous est raconté par des mythes venus du fond des temps. Pour les anciens grecs, « l’homme est le bétail des dieux ». Dans le christianisme, Satan est le « prince de ce monde ». Pour les hindous, c’est l’illusion de Maya qui nous égare. Le « Prince » accorde des privilèges à ses régents et récompense ses serviteurs, les puissants de ce monde. Quoi de plus logique ? N’est-ce pas ainsi que les choses fonctionnent depuis toujours ? Comment est-il possible que nous ne l’ayons pas compris, et qu’à chaque élection truquée, nous faisions comme si c’était pour du vrai ? Nous avons la mémoire courte et une confiance naïve en l’autorité.
Nous avons besoin de déléguer notre pouvoir intérieur à une autorité, fut-elle corrompue et méprisable. Pourquoi ce culte de l’autorité ?
Pour notre défense, admettons que nous avons été conditionnés à nous soumettre par la violence et dans la terreur. Et les choses n’ont guère évolué. La terreur est aujourd’hui scientifique.
Comment ne pas voir que les maîtres du jeu décident de la paix et de la guerre, de la prospérité et de la famine ? Y a-t-il un seul d’entre nous qui aurait eu l’idée de greffer une cellule de scorpion sur un grain de riz ?
On n’a pas besoin d’être prophète pour deviner que le pouvoir terrestre est partagé par quelques groupes exclusifs. Celui qui a des yeux pour voir le comprend dès qu’il est en âge de réfléchir. Mais ce n’est pas facile à cause de la peur atavique qu’on nous a implanté dans une lointaine antiquité.


Les puissants qui s’agitent sous les projecteurs du monde, ont été choisis pour leur personnalité séductrice. On ne les prendrait pas pour des manipulateurs cyniques, adeptes de rites sataniques abjects. La corruption affairiste de façade nous cache le pire. Parfois, le masque des grands de ce monde tombe, mais les masses continuent à les protéger, car ce sont des divinités modernes. Les célébrités remplacent les dieux que le scientisme a évacués du ciel. Voyez l’adoration des stars, qu’on appelle des étoiles en raison de leur charisme luciférien.
Comme le temps bouleverse constamment la stabilité de leur empire, les maîtres du monde doivent s’organiser pour se maintenir durant les cycles de renouvellement des civilisations. Alors, ils inventent des stratégies pour assurer leurs arrières. Ils s’organisent, et vous en feriez autant. Ils négocient avec leurs rivaux.
Les hiérarchies qui contrôlent l’évolution terrestre ne sont concernées que par la survie des systèmes politiques, religieux et culturels. Elles les aménagent régulièrement afin d’en conserver le contrôle. Les maîtres du jeu maintiennent les choses en mouvement en alimentant un conflit perpétuel entre deux camps faussement opposés : les blancs et les noirs. La gauche et la droite. Diviser pour régner. Rien n’arrive au hasard. Tout est politique. L’histoire est scellée par l’exigence de survie des puissances parasitaires qui dominent le monde. Survivre ! C’est le cri qui résonne de haut en bas des plans visibles et invisibles.
C’est hiérarchies doivent se battre pour maintenir leur pouvoir. Or, cela ne leur coûte que notre sang et notre sueur. Et ils en disposent à volonté.


Aujourd’hui, c’est le nouvel ordre mondial qui les mobilise, et l’on entend le cri de ralliement des vautours de Babylone : « Paix et Sécurité ! Démocratie et Progrès ! » Ce sont les grenouilles de l’Apocalypse.


La situation sur notre terre est une anomalie. Des milliards de cœurs aspirent à un bonheur toujours inaccessible. Les maîtres du jeu l’ont compris. C’est pourquoi l’organisation de la civilisation est orientée pour stimuler cette soif de bonheur mais sans jamais y parvenir, bien évidemment. Car les conditions de la matière et de la dualité terrestre ne peuvent pas générer un ordre parfait. Depuis ces derniers siècles, les autorités ont lancé un programme de propagande fondé sur le mythe du « progrès » perpétuel. Avec le rêve du progrès, ils peuvent nous tenir longtemps en haleine. Toutefois, nous disposons encore de notre libre arbitre, bien qu’il soit prévu de nous transformer progressivement en robots. Dans ces conditions, on comprends qu’il n’est pas question d’imaginer un miracle ni un bouleversement qui modifierait radicalement les conditions terrestres.
Voilà pourquoi il est très important que chacun travaille à son émancipation individuelle car la mutation de la conscience est la seule manière de renverser l’oppression. Lorsque nous comprenons que nous devons changer de conscience, la force du changement est là.


Ce qu’il faut bien appeler l’incarcération terrestre nous est rendue acceptable par notre éducation qui nous cache le sens véritable de la vie. Or, dans l’univers éternel, la souffrance et la mort sont des anomalies.
Notre espérance réside dans la guérison de ces conditions morbides. Cela relève d’une révolution de la conscience et non d’une idéologie ou d’une utopie terrestre. Tous les maux et les problèmes trouvent une solution lorsqu’on se tourne vers la vie spirituelle.
On a vaincu le mal quand on a compris que la racine de la souffrance est en nous. Alors, on peut regarder le monde et ses dangers avec sérénité. Ce n’est certes pas joli à contempler lorsqu’on sait ce qu’ils font avec les OGM, mais cela devrait décupler notre désir d’élévation spirituelle. Si nous ne changeons pas intérieurement, rien ne changera, et si nous ne le faisons pas personnellement, personne ne le fera. Face aux conspirateurs du nouvel ordre mondial, devenons des conspirateurs célestes.  

Extrait de l’article « Joyeuse conspiration », Undercover n°5. 

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Un Gouverneur US dévoile les complots des Bilderberg contre l'humanité
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vendredi, décembre 10, 2010

La sagesse libertine


En quoi consiste cette sagesse libertine ?

L’indiscipline. Le premier acte – compris dans la double acceptation de moment et d’action – d’une existence libertine me paraît être l’indiscipline, le refus de se laisser contraindre par les règles de l’école, du monastère ou du couvent, par les normes et les valeurs familiales, par les prescriptions religieuses et morales.

Etre un libertin ou une libertine, c’est rejeter le joug du mari, de la mère, du supérieur, du maître, du curé. […] C’est rompre avec tout ce qui pèse sur nous, tout ce qui s’impose comme discipline et nous empêche de vivre et de penser comme bon nous semble.

Critique de l’anthropocentrisme et revalorisation du statut de l’animal

Pierre Charron, dans « De la sagesse » (livre I, chap. VIII : « Seconde considération de l’homme, qui est par comparaison de lui avec tous les autres animaux »), opère un double basculement.

D’une part, l’humanité est rabaissée et le statut de l’animal, revalorisé. Charron, répétant Montaigne (« Essais », L. II, chap. XII) démonte un par un les arguments anthropocentristes. Les bêtes sont plus raisonnables, plus vertueuses (justes, magnanimes…), moins cruelles, plus « humaines ». Dès lors la comparaison avec l’animal ne peut que nous rendre pessimistes encore au sujet de l’homme. Les attributs qui confèrent l’humanité sont subvertis : la raison, devenue détraquée et extravagante, n’est plus le signe d’une supériorité de l’homme sur l’animal, mais incarne au contraire la misère de l’homme qui est abandonné à lui-même et à sa raison pour diriger le cours de sa vie. A contrario, l’instinct, comme inclination naturelle, est un guide beaucoup plus sûr que l’intelligence.

En outre, la vertu morale se rencontre plus souvent et plus excellemment chez l’éléphant ou le chien, l’âne ou le cheval que chez l’homme.

La sagesse libertine est joyeusement antihumaniste. Il faut rabattre l’arrogance de l’homme (surtout de l’homme blanc, occidental…). L’humanisme (idéologie qui affirme la supériorité ontologique de l’homme sur le reste des choses) a conduit, et conduit encore, à toutes les dérives, justifie toutes les guerres, tous les impérialismes, toutes les colonisations, tous les massacres. L’humanisme européen tel qu’il fut thématisé par Descartes est un anthropocentrisme qui cache un ethnocentrisme : l’homme dont il est question est l’homme blanc, occidental, de confession catholique ou protestante et il prétend incarner les valeurs universelles (droits de l’homme, idéal démocratique) de l’humanité. il est humanité !

Or n’est-ce pas pour évangéliser des populations indigènes, puis aujourd’hui pour exporter et imposer (au besoin par la force !) l’idéologie des droits de l’homme, de la démocratie et du libéralisme économique que l’on continue d’assujettir, d’aliéner, d’exploiter ?

L’humanisme est une idéologie dans la mesure où il constitue un discours qui prétend à la rationalité et à la justesse alors même qu’il voile des rapports de force politiques et économique, qu’il cache des aliénations bien réelles.

L’objectif pour le libertin : se déshumaniser (cesser de croire à notre prétendue supériorité sur les autres et sur la nature) pour être plus « humain » (plus pacifique, moins intolérant, impérialiste, colonisateur…).

Christophe Girerd (Christophe Girerd est né en 1970, à Lyon. Il enseigne la philosophie dans un lycée en Savoie.)

Les Libertins au XVIIe siècle


Les libertins du XVIIe siècle ont été injustement oubliés - ou sous-estimés - par l'histoire officielle de la philosophie française, ainsi que par sa tradition universitaire. Or, cet oubli est regrettable tant il s'agit là d'un art de penser original et radicalement accordé à notre époque. En vérité, ces libertins ne forment pas une véritable école et ne proposent aucun système. Leur pensée doit plutôt se comprendre comme attitude, style ou règle de vie concrète. À cet égard, on peut dire que, s'il n'existe pas de " philosophie libertine " à proprement parler, on trouve une " sagesse libertine " commune à plusieurs grandes figures du XVIIe siècle : François de La Mothe Le Vayer, Pierre Charron, Pierre Gassendi, Gabriel Naudé, Jacques Vallée Des Barreaux, Cyrano de Bergerac, Saint-Évremond... Dans cette Anthologie, Christophe Girerd a rassemblé les textes les plus significatifs de ces philosophes méconnus. Il est urgent d'y faire provision d'intelligence et de grand air.

mercredi, décembre 08, 2010

René Guénon & le spiritualisme contemporain

René Guénon, dans « Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion », a démasqué, dès 1922, avant beaucoup d’autres, ce qui constitue la grande parodie spirituelle de l’époque moderne. Cette parodie culminera-t-elle avec l’avènement d’un « grand instructeur du monde » ?

René Guénon contre les sectes !

René Guénon contre les sectes ! L’exclamation peut sembler quelque peu journalistique, surprenante en tout cas, exagérée sûrement. Pourtant, depuis qu’il avait suivi en 1906 des cours à l’Ecole des sciences hermétiques dirigée par Papus et fréquenté l’Ordre martiniste et ses organisations plus ou moins auxiliaires, jusqu’aux années 1920, le jeune Guénon avait pu constater de l’intérieur, chez les occultistes, que le meilleur côtoyait le pire. Entre les prétendus pouvoirs des uns et les folles ambitions cosmiques des autres, il avait pu zigzaguer de quelque manière. Même si, très tôt, Guénon est convaincu qu’un authentique enseignement traditionnel ne peut se transmettre valablement que par voie orale, en s’introduisant dans un réseau de guides puisant leur savoir d’une filiation ésotérique « sûre », il est, de fait, confronté à une inflation de pseudo-prétendants à la gnose absolue. Or, déjà à cette époque, il ne confond pas attitude gnostique et quête fantasmagorique d’arcane unitaire, à trouver dans le manichéisme, l’alchimie ou l’islam. Certes, très tôt, Guénon cherche (ou rêve ?) une chaîne d’union jamais interrompue à travers toutes les fraternités secrètes qu’il fréquente, mais il résiste d’instinct, ou d’intuition, à cette ébullition de néospiritualisme douteux qui suscite autant de diatribes orageuses qu’elle entraîne de conversions spontanées et éphémères.

Paris est, depuis toujours, le paradis – ou l’enfer – des sectes. Au début du 20ème siècle, Paris est un carrefour d’aspirations ésotériques convergentes et divergentes, un fatras hétérodoxe d’où il n’est pas facile de s’extraire. L’influence des voies orientales et des syncrétismes faciles n’est pas né d’hier. Et l’entourage du jeune homme Guénon a peut-être trop cru sur parole le livre à succès, alerte et bien écrit d’Edouard Schuré, « Les Grands Initiés, esquisse de l’histoire secrète des religions, paru en 1889 déjà (c’est-à-dire l’année de la création de la revue « Le Voile d’Isis » par Papus), et qui fit rêver de nombreuses générations puisqu’il demeure encore, plus d’un siècle après sa sortie, un « best-seller » international en librairie !

Le théosophisme, une pseudo-religion

Toujours est-il que Guénon est bien placé pour se rendre compte des manques et des nettes inconséquences de la Société théosophique qui n’a, selon lui, aucun lien de filiation légitime avec la théosophie en général, celle qui sert de dénomination commune à des doctrines diverses, mais procède d’un même ensemble de tendances. Cette théosophie, en quelque sorte historique, se réclame quant à elle d’une tradition tout occidentale « dont la base est toujours, sous une forme ou sous une autre, le christianisme » (« Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion », p. 8). Parmi ses représentants les plus illustres, on peut citer Jakob Böhme (1575-1624) et Emmanuel Swedenborg (1688-1772).

Guénon ne veut point céder à une telle confusion. Il sait que l’organisation qui s’intitule justement Société théosophique « ne relève d’aucune école qui se rattache, même indirectement, à quelque doctrine de ce genre » (ibid.). Alors, parce qu’il est persuadé que le meilleur moyen de combattre le théosophisme (le néologisme est de lui) c’est d’exposer son histoire telle qu’elle est, il n’hésite pas, dans son ouvrage « Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion » (1922), à raconter par le menu l’épopée des fondateurs de cette secte qui devait avoir un important rayonnement sur les religiosités bizarres et parallèles du début du 20ème siècle.

Guénon propose à ses lecteurs les fruits de ses enquêtes personnelles. Il le fait avec ce souci du détail juste, de la note additionnelle utile, qui donne à son texte un poids de crédibilité supplémentaire et qui sera toujours l’un de ses points forts. Et tant pis si le style peut sembler parfois pesant. L’essentiel est de prendre le recul nécessaire sur le savoir pour le superviser en quelque sorte.

Guénon distingue ainsi deux périodes principales dans la saga du théosophisme correspondant à la direction d’Helena Blavatski et celle d’Annie Besant, tout en soulignant toujours les contradictions repérables entre la pensée de la fondatrice et celle de la personne qui lui succéda. D’emblée, il révèle les antécédents d’ Helena Blavatski, née Helena Petrovna Hahn (1831-1891), d’origine noble, et que l’on maria à seize ans avec un général qui en avait quarante-deux, Nicéphore Blavatski, vice-gouverneur de la province d’Erivan, qu’elle quitta vite.

La hiérarchie occulte et l’avènement du Grand Instructeur du monde

Ce dont il s’agit ici, c’est de « démontrer » sans complaisance le fonctionnement interne d’une secte à succès. Et pour parvenir à ce but, René Guénon est précurseur dans sa manière de montrer aux lecteurs que tout s’appuie toujours sur une confusion incroyable de la pensée quand l’ésotérisme, le spiritisme, les pouvoirs paranormaux permettent de faire tinter des clochettes invisibles ( !), de « matérialiser » des objets de toutes sortes et même de faire émerger « des correspondances transmises par voie astrale ». Ainsi, on devine pourquoi la Société théosophique, fondée en 1875 « pour combattre le matérialisme, pour rappeler au monde le principe de la fraternité humaine, pour enseigner de nouveau les Grandes Vérités éternelles oubliées ou méconnues au cours des âges, et préparer ainsi le nouvel et prochain avènement du Grand Instructeur du monde » (Le Cler, « La Théosophie en vingt-cinq leçons », Publications théosophiques, 1919), sut séduire par dizaine de milliers névrosés et illuminés. Et lorsque Guénon retrace l’itinéraire déjà rocambolesque d’Helena Blavatski jusqu’à son installation à Bombay, puis à Adyar, en 1882, près de Madras, il met en relief les contradictions de la flamboyante aventurière, ses mystifications habiles et à peine croyables. […]

De toute façon, les parcours de vie des fondateurs de sectes en général ne sont jamais à l’image d’une ligne droite… René Guénon le sait, quand il continue la mise à plat de l’histoire de ce théosophisme prosélyte qui a pu tant de fois se contredire sans se ridiculiser, disparaître ou perdre ses adhérents. L’explication globale avancée est simple : les théosophistes ont pu sans scrupule utiliser des éléments de provenance hétéroclites et souvent inattendues afin d’accentuer la crédulité de leurs adeptes, tirant même parti, pour les impressionner, des visions d’Anne-Catherine Emmerich, la célèbre stigmatisée du 19ème siècle, « en identifiant au séjour mystérieux de leurs maîtres de sagesse le lieu, peut-être symbolique, que la religieuse westphalienne décrit sous le nom de Montagne des prophètes ».

A vrai dire, le goût du sensationnel est poussé à l’extrême. Voilà que les mahatmas deviennent « les membres du degré le plus élevé de la Grande Loge blanche, c’est-à-dire de la hiérarchie occulte qui, d’après les théosophistes, gouverne secrètement le monde. Plus fou encore : certains se souviennent d’une histoire qui se serait déroulée il y a plusieurs milliers d’années dans l’Atlantide, d’autres évoquent des adeptes « qui auraient vécu plusieurs siècles et qui, apparaissant à des dates diverses, semblaient avoir toujours le même âge », comme le comte de Saint-Germain ou Gualdi, alchimiste de Venise… […]

On le voit, la foi en l’existence des « maîtres » donne à la Société théosophique un caractère unique, une importance exceptionnelle. Et Guénon ajoute que certains membres subalternes de l’organisation « reportent parfois sur leurs chefs visibles la vénération dont les maîtres seuls étaient primitivement l’objet, vénération qui va jusqu’à une véritable idolâtrie ». Et Guénon insiste. Pour lui, l’emploi du mot « dévotion » n’est absolument pas exagéré. Il cite deux exemples à l’appui : une lettre confidentielle dans laquelle un professeur de Bénarès qualifiait Mme Besant de « future conductrice des dieux et des hommes » (sic) et une fête dite du « Lotus blanc » organisée dans le midi de la France pour commémorer la mort d’Helena Blavatski, durant laquelle un délégué du Centre apostolique s’écriait devant le portrait de la fondatrice : « Adorez-la, comme je l’adore moi-même ! »

Les fourberies d’Helena Blavatski

Mais René Guénon n’en reste pas aux aspects anecdotiques de l’aventure théosophique. Il cite l’entourage immédiat d’Helena Blavatski, à Adyar, montre d’où venaient ses complices en phénomènes occultes, en vibrations cosmiques, en messages mirifiques. Certains étaient des anciens associés de son Club à miracles du Caire, comme le couple Coulomb ; un autre, comme ce dénommé Babula, avait été au service d’un prestidigitateur français et s’était vanté d’avoir fabriqué des mahatmas en mousseline ; d’autres enfin aidaient la dame Blavatski à écrire les « lettres précipitées », ainsi qu’elle l’avoua elle-même par la suite ! Seulement voilà : s’assurer de la discrétion de tous ces gens était difficile, explique Guénon avec humour… et les Coulomb, par exemple, vendirent des missives de la fondatrice, lesquelles furent publiées dans le « Christian ollege Magazine » de septembre 1884 de Madras. La faussaire, déstabilisée, parla de démissionner de son organisation, puis se ravisa. On nomma une commission de la Société des recherches psychiques de Londres pour étudier la nature des phénomènes incriminés. Il s’ensuivit un rapport dans lequel étaient exposés en détail tous les « trucs » employés par les soins de Mme Blavatski ! Tout cela amena la « conclusion formelle » (l’expression est de Guénon) que ladite Blavatski n’était pas le porte-parole de voyants que le public ignore, ni une aventurière ordinaire, vulgaire, mais elle avait, en réalité, conquis sa place dans l’histoire « comme un des plus accomplis, des plus ingénieux et des plus intéressants imposteurs dont le nom mérite de passer à la postérité » !

L’occultisme et ses fantasmagories

Même si l’affaire de la Société des recherches psychiques fit grand bruit, comme on l’imagine, et suscita beaucoup de démissions même hors d’Angleterre, Mme Blavatski rendit responsable de ce qui arrivait la société qu’elle avait fondée « et dont les membres n’avaient cessé de lui demander des merveilles ». Le temps apaisa quelque peu le scandale, les phénomènes n’eurent plus lieu, mais, précise René Guénon, les théosophistes n’en continuèrent pas moins à s’occuper du « développement des pouvoirs latents de l’organisme humain », à vouloir « approfondir des lois inexpliquées de la nature », et Charles Leadbeater (1), dans ses ouvrages, persista à évoquer la « clairvoyance », le « monde astral » et ses entités, le « corps causal », les « monades ou fils de Dieu descendant dans la matière pour y faire des expériences sans nombre », et autres inepties de ce type.

L’étrange pouvoir de suggestion de Mme Blavatski

L’épopée Blavatski n’en resta pas là. La fondatrice de la Société théosophique, malgré tous les griefs qu’on peut légitimement lui adresser, « avait une certaine habilité, et même quelque valeur intellectuelle », concède René Guénon, qui évoque son étrange pouvoir de suggestion, de fascination en quelque sorte. En effet, cette « action magique » indéniable fit son effet tout de suite sur Annie Besant, lorsque celle-ci lui fut présentée, en 1889. Annie Besant, jusqu’alors « farouche libre-penseuse », fut retournée, convertie, impressionnée, « suggestionnée avant de suggestionner les autres ». Toujours est-il que les ultimes années de la vie de Mme Blavatski, si l’on en croit Guénon, ne manquèrent pas de soufre et de couleurs. […]

Bouddhisme ésotérique & néospiritualisme

Tout en sachant qu’à proprement parler il n’y a pas de doctrine théosophiste, René Guénon cherche à élucider ce qu’entendait Mme Blavatski par « bouddhisme ésotérique ». Il analyse ensuite les principaux points de l’enseignement, voulant dépasser l’histoire fantastique… et fantaisiste de l’évolution de l’humanité telle que la décrivent les théosophistes. Il démontre que toutes ces conceptions fumeuses qu’il a résumées « ne sont au fond qu’une absurde caricature de la théorie de la théorie hindoue des cycles cosmiques », une façon de dénaturer les croyances orientales, et qu’il est pertinent, en définitive, de classer tout cela dans le « néospiritualisme ». […]

Le seigneur Maitreya

Pour Charles Leadbeater, ce seigneur Maitreya doit revenir dans le monde « pour apporter la guérison et l’aide aux nations, et pour revivifier la spiritualité que la Terre a presque perdue ». C’est en somme à la Société théosophique, avec ses vingt mille membres répartis sur la planète entière, qu’est confiée la tâche, précise Guénon, pas seulement d’annoncer cette venue du « grand instructeur », mais également de trouver et de préparer, comme l’auraient fait jadis les Esséniens, le disciple de choix qui s’incarnera, quand le moment sera arrivé.

Jean-Luc Maxence, « René Guénon, le philosophe invisible ».


(1) Dans l’édition première de son livre « Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion », daté de 1922, René Guénon explique les circonstances qui amenèrent Charles Leadbeater (1847-1934), aux goûts indéniables pour les jeunes garçons, à élever Krishnamurti et son frère Nityânanda.

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