vendredi, décembre 10, 2010

La sagesse libertine


En quoi consiste cette sagesse libertine ?

L’indiscipline. Le premier acte – compris dans la double acceptation de moment et d’action – d’une existence libertine me paraît être l’indiscipline, le refus de se laisser contraindre par les règles de l’école, du monastère ou du couvent, par les normes et les valeurs familiales, par les prescriptions religieuses et morales.

Etre un libertin ou une libertine, c’est rejeter le joug du mari, de la mère, du supérieur, du maître, du curé. […] C’est rompre avec tout ce qui pèse sur nous, tout ce qui s’impose comme discipline et nous empêche de vivre et de penser comme bon nous semble.

Critique de l’anthropocentrisme et revalorisation du statut de l’animal

Pierre Charron, dans « De la sagesse » (livre I, chap. VIII : « Seconde considération de l’homme, qui est par comparaison de lui avec tous les autres animaux »), opère un double basculement.

D’une part, l’humanité est rabaissée et le statut de l’animal, revalorisé. Charron, répétant Montaigne (« Essais », L. II, chap. XII) démonte un par un les arguments anthropocentristes. Les bêtes sont plus raisonnables, plus vertueuses (justes, magnanimes…), moins cruelles, plus « humaines ». Dès lors la comparaison avec l’animal ne peut que nous rendre pessimistes encore au sujet de l’homme. Les attributs qui confèrent l’humanité sont subvertis : la raison, devenue détraquée et extravagante, n’est plus le signe d’une supériorité de l’homme sur l’animal, mais incarne au contraire la misère de l’homme qui est abandonné à lui-même et à sa raison pour diriger le cours de sa vie. A contrario, l’instinct, comme inclination naturelle, est un guide beaucoup plus sûr que l’intelligence.

En outre, la vertu morale se rencontre plus souvent et plus excellemment chez l’éléphant ou le chien, l’âne ou le cheval que chez l’homme.

La sagesse libertine est joyeusement antihumaniste. Il faut rabattre l’arrogance de l’homme (surtout de l’homme blanc, occidental…). L’humanisme (idéologie qui affirme la supériorité ontologique de l’homme sur le reste des choses) a conduit, et conduit encore, à toutes les dérives, justifie toutes les guerres, tous les impérialismes, toutes les colonisations, tous les massacres. L’humanisme européen tel qu’il fut thématisé par Descartes est un anthropocentrisme qui cache un ethnocentrisme : l’homme dont il est question est l’homme blanc, occidental, de confession catholique ou protestante et il prétend incarner les valeurs universelles (droits de l’homme, idéal démocratique) de l’humanité. il est humanité !

Or n’est-ce pas pour évangéliser des populations indigènes, puis aujourd’hui pour exporter et imposer (au besoin par la force !) l’idéologie des droits de l’homme, de la démocratie et du libéralisme économique que l’on continue d’assujettir, d’aliéner, d’exploiter ?

L’humanisme est une idéologie dans la mesure où il constitue un discours qui prétend à la rationalité et à la justesse alors même qu’il voile des rapports de force politiques et économique, qu’il cache des aliénations bien réelles.

L’objectif pour le libertin : se déshumaniser (cesser de croire à notre prétendue supériorité sur les autres et sur la nature) pour être plus « humain » (plus pacifique, moins intolérant, impérialiste, colonisateur…).

Christophe Girerd (Christophe Girerd est né en 1970, à Lyon. Il enseigne la philosophie dans un lycée en Savoie.)

Les Libertins au XVIIe siècle


Les libertins du XVIIe siècle ont été injustement oubliés - ou sous-estimés - par l'histoire officielle de la philosophie française, ainsi que par sa tradition universitaire. Or, cet oubli est regrettable tant il s'agit là d'un art de penser original et radicalement accordé à notre époque. En vérité, ces libertins ne forment pas une véritable école et ne proposent aucun système. Leur pensée doit plutôt se comprendre comme attitude, style ou règle de vie concrète. À cet égard, on peut dire que, s'il n'existe pas de " philosophie libertine " à proprement parler, on trouve une " sagesse libertine " commune à plusieurs grandes figures du XVIIe siècle : François de La Mothe Le Vayer, Pierre Charron, Pierre Gassendi, Gabriel Naudé, Jacques Vallée Des Barreaux, Cyrano de Bergerac, Saint-Évremond... Dans cette Anthologie, Christophe Girerd a rassemblé les textes les plus significatifs de ces philosophes méconnus. Il est urgent d'y faire provision d'intelligence et de grand air.

mercredi, décembre 08, 2010

René Guénon & le spiritualisme contemporain

René Guénon, dans « Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion », a démasqué, dès 1922, avant beaucoup d’autres, ce qui constitue la grande parodie spirituelle de l’époque moderne. Cette parodie culminera-t-elle avec l’avènement d’un « grand instructeur du monde » ?

René Guénon contre les sectes !

René Guénon contre les sectes ! L’exclamation peut sembler quelque peu journalistique, surprenante en tout cas, exagérée sûrement. Pourtant, depuis qu’il avait suivi en 1906 des cours à l’Ecole des sciences hermétiques dirigée par Papus et fréquenté l’Ordre martiniste et ses organisations plus ou moins auxiliaires, jusqu’aux années 1920, le jeune Guénon avait pu constater de l’intérieur, chez les occultistes, que le meilleur côtoyait le pire. Entre les prétendus pouvoirs des uns et les folles ambitions cosmiques des autres, il avait pu zigzaguer de quelque manière. Même si, très tôt, Guénon est convaincu qu’un authentique enseignement traditionnel ne peut se transmettre valablement que par voie orale, en s’introduisant dans un réseau de guides puisant leur savoir d’une filiation ésotérique « sûre », il est, de fait, confronté à une inflation de pseudo-prétendants à la gnose absolue. Or, déjà à cette époque, il ne confond pas attitude gnostique et quête fantasmagorique d’arcane unitaire, à trouver dans le manichéisme, l’alchimie ou l’islam. Certes, très tôt, Guénon cherche (ou rêve ?) une chaîne d’union jamais interrompue à travers toutes les fraternités secrètes qu’il fréquente, mais il résiste d’instinct, ou d’intuition, à cette ébullition de néospiritualisme douteux qui suscite autant de diatribes orageuses qu’elle entraîne de conversions spontanées et éphémères.

Paris est, depuis toujours, le paradis – ou l’enfer – des sectes. Au début du 20ème siècle, Paris est un carrefour d’aspirations ésotériques convergentes et divergentes, un fatras hétérodoxe d’où il n’est pas facile de s’extraire. L’influence des voies orientales et des syncrétismes faciles n’est pas né d’hier. Et l’entourage du jeune homme Guénon a peut-être trop cru sur parole le livre à succès, alerte et bien écrit d’Edouard Schuré, « Les Grands Initiés, esquisse de l’histoire secrète des religions, paru en 1889 déjà (c’est-à-dire l’année de la création de la revue « Le Voile d’Isis » par Papus), et qui fit rêver de nombreuses générations puisqu’il demeure encore, plus d’un siècle après sa sortie, un « best-seller » international en librairie !

Le théosophisme, une pseudo-religion

Toujours est-il que Guénon est bien placé pour se rendre compte des manques et des nettes inconséquences de la Société théosophique qui n’a, selon lui, aucun lien de filiation légitime avec la théosophie en général, celle qui sert de dénomination commune à des doctrines diverses, mais procède d’un même ensemble de tendances. Cette théosophie, en quelque sorte historique, se réclame quant à elle d’une tradition tout occidentale « dont la base est toujours, sous une forme ou sous une autre, le christianisme » (« Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion », p. 8). Parmi ses représentants les plus illustres, on peut citer Jakob Böhme (1575-1624) et Emmanuel Swedenborg (1688-1772).

Guénon ne veut point céder à une telle confusion. Il sait que l’organisation qui s’intitule justement Société théosophique « ne relève d’aucune école qui se rattache, même indirectement, à quelque doctrine de ce genre » (ibid.). Alors, parce qu’il est persuadé que le meilleur moyen de combattre le théosophisme (le néologisme est de lui) c’est d’exposer son histoire telle qu’elle est, il n’hésite pas, dans son ouvrage « Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion » (1922), à raconter par le menu l’épopée des fondateurs de cette secte qui devait avoir un important rayonnement sur les religiosités bizarres et parallèles du début du 20ème siècle.

Guénon propose à ses lecteurs les fruits de ses enquêtes personnelles. Il le fait avec ce souci du détail juste, de la note additionnelle utile, qui donne à son texte un poids de crédibilité supplémentaire et qui sera toujours l’un de ses points forts. Et tant pis si le style peut sembler parfois pesant. L’essentiel est de prendre le recul nécessaire sur le savoir pour le superviser en quelque sorte.

Guénon distingue ainsi deux périodes principales dans la saga du théosophisme correspondant à la direction d’Helena Blavatski et celle d’Annie Besant, tout en soulignant toujours les contradictions repérables entre la pensée de la fondatrice et celle de la personne qui lui succéda. D’emblée, il révèle les antécédents d’ Helena Blavatski, née Helena Petrovna Hahn (1831-1891), d’origine noble, et que l’on maria à seize ans avec un général qui en avait quarante-deux, Nicéphore Blavatski, vice-gouverneur de la province d’Erivan, qu’elle quitta vite.

La hiérarchie occulte et l’avènement du Grand Instructeur du monde

Ce dont il s’agit ici, c’est de « démontrer » sans complaisance le fonctionnement interne d’une secte à succès. Et pour parvenir à ce but, René Guénon est précurseur dans sa manière de montrer aux lecteurs que tout s’appuie toujours sur une confusion incroyable de la pensée quand l’ésotérisme, le spiritisme, les pouvoirs paranormaux permettent de faire tinter des clochettes invisibles ( !), de « matérialiser » des objets de toutes sortes et même de faire émerger « des correspondances transmises par voie astrale ». Ainsi, on devine pourquoi la Société théosophique, fondée en 1875 « pour combattre le matérialisme, pour rappeler au monde le principe de la fraternité humaine, pour enseigner de nouveau les Grandes Vérités éternelles oubliées ou méconnues au cours des âges, et préparer ainsi le nouvel et prochain avènement du Grand Instructeur du monde » (Le Cler, « La Théosophie en vingt-cinq leçons », Publications théosophiques, 1919), sut séduire par dizaine de milliers névrosés et illuminés. Et lorsque Guénon retrace l’itinéraire déjà rocambolesque d’Helena Blavatski jusqu’à son installation à Bombay, puis à Adyar, en 1882, près de Madras, il met en relief les contradictions de la flamboyante aventurière, ses mystifications habiles et à peine croyables. […]

De toute façon, les parcours de vie des fondateurs de sectes en général ne sont jamais à l’image d’une ligne droite… René Guénon le sait, quand il continue la mise à plat de l’histoire de ce théosophisme prosélyte qui a pu tant de fois se contredire sans se ridiculiser, disparaître ou perdre ses adhérents. L’explication globale avancée est simple : les théosophistes ont pu sans scrupule utiliser des éléments de provenance hétéroclites et souvent inattendues afin d’accentuer la crédulité de leurs adeptes, tirant même parti, pour les impressionner, des visions d’Anne-Catherine Emmerich, la célèbre stigmatisée du 19ème siècle, « en identifiant au séjour mystérieux de leurs maîtres de sagesse le lieu, peut-être symbolique, que la religieuse westphalienne décrit sous le nom de Montagne des prophètes ».

A vrai dire, le goût du sensationnel est poussé à l’extrême. Voilà que les mahatmas deviennent « les membres du degré le plus élevé de la Grande Loge blanche, c’est-à-dire de la hiérarchie occulte qui, d’après les théosophistes, gouverne secrètement le monde. Plus fou encore : certains se souviennent d’une histoire qui se serait déroulée il y a plusieurs milliers d’années dans l’Atlantide, d’autres évoquent des adeptes « qui auraient vécu plusieurs siècles et qui, apparaissant à des dates diverses, semblaient avoir toujours le même âge », comme le comte de Saint-Germain ou Gualdi, alchimiste de Venise… […]

On le voit, la foi en l’existence des « maîtres » donne à la Société théosophique un caractère unique, une importance exceptionnelle. Et Guénon ajoute que certains membres subalternes de l’organisation « reportent parfois sur leurs chefs visibles la vénération dont les maîtres seuls étaient primitivement l’objet, vénération qui va jusqu’à une véritable idolâtrie ». Et Guénon insiste. Pour lui, l’emploi du mot « dévotion » n’est absolument pas exagéré. Il cite deux exemples à l’appui : une lettre confidentielle dans laquelle un professeur de Bénarès qualifiait Mme Besant de « future conductrice des dieux et des hommes » (sic) et une fête dite du « Lotus blanc » organisée dans le midi de la France pour commémorer la mort d’Helena Blavatski, durant laquelle un délégué du Centre apostolique s’écriait devant le portrait de la fondatrice : « Adorez-la, comme je l’adore moi-même ! »

Les fourberies d’Helena Blavatski

Mais René Guénon n’en reste pas aux aspects anecdotiques de l’aventure théosophique. Il cite l’entourage immédiat d’Helena Blavatski, à Adyar, montre d’où venaient ses complices en phénomènes occultes, en vibrations cosmiques, en messages mirifiques. Certains étaient des anciens associés de son Club à miracles du Caire, comme le couple Coulomb ; un autre, comme ce dénommé Babula, avait été au service d’un prestidigitateur français et s’était vanté d’avoir fabriqué des mahatmas en mousseline ; d’autres enfin aidaient la dame Blavatski à écrire les « lettres précipitées », ainsi qu’elle l’avoua elle-même par la suite ! Seulement voilà : s’assurer de la discrétion de tous ces gens était difficile, explique Guénon avec humour… et les Coulomb, par exemple, vendirent des missives de la fondatrice, lesquelles furent publiées dans le « Christian ollege Magazine » de septembre 1884 de Madras. La faussaire, déstabilisée, parla de démissionner de son organisation, puis se ravisa. On nomma une commission de la Société des recherches psychiques de Londres pour étudier la nature des phénomènes incriminés. Il s’ensuivit un rapport dans lequel étaient exposés en détail tous les « trucs » employés par les soins de Mme Blavatski ! Tout cela amena la « conclusion formelle » (l’expression est de Guénon) que ladite Blavatski n’était pas le porte-parole de voyants que le public ignore, ni une aventurière ordinaire, vulgaire, mais elle avait, en réalité, conquis sa place dans l’histoire « comme un des plus accomplis, des plus ingénieux et des plus intéressants imposteurs dont le nom mérite de passer à la postérité » !

L’occultisme et ses fantasmagories

Même si l’affaire de la Société des recherches psychiques fit grand bruit, comme on l’imagine, et suscita beaucoup de démissions même hors d’Angleterre, Mme Blavatski rendit responsable de ce qui arrivait la société qu’elle avait fondée « et dont les membres n’avaient cessé de lui demander des merveilles ». Le temps apaisa quelque peu le scandale, les phénomènes n’eurent plus lieu, mais, précise René Guénon, les théosophistes n’en continuèrent pas moins à s’occuper du « développement des pouvoirs latents de l’organisme humain », à vouloir « approfondir des lois inexpliquées de la nature », et Charles Leadbeater (1), dans ses ouvrages, persista à évoquer la « clairvoyance », le « monde astral » et ses entités, le « corps causal », les « monades ou fils de Dieu descendant dans la matière pour y faire des expériences sans nombre », et autres inepties de ce type.

L’étrange pouvoir de suggestion de Mme Blavatski

L’épopée Blavatski n’en resta pas là. La fondatrice de la Société théosophique, malgré tous les griefs qu’on peut légitimement lui adresser, « avait une certaine habilité, et même quelque valeur intellectuelle », concède René Guénon, qui évoque son étrange pouvoir de suggestion, de fascination en quelque sorte. En effet, cette « action magique » indéniable fit son effet tout de suite sur Annie Besant, lorsque celle-ci lui fut présentée, en 1889. Annie Besant, jusqu’alors « farouche libre-penseuse », fut retournée, convertie, impressionnée, « suggestionnée avant de suggestionner les autres ». Toujours est-il que les ultimes années de la vie de Mme Blavatski, si l’on en croit Guénon, ne manquèrent pas de soufre et de couleurs. […]

Bouddhisme ésotérique & néospiritualisme

Tout en sachant qu’à proprement parler il n’y a pas de doctrine théosophiste, René Guénon cherche à élucider ce qu’entendait Mme Blavatski par « bouddhisme ésotérique ». Il analyse ensuite les principaux points de l’enseignement, voulant dépasser l’histoire fantastique… et fantaisiste de l’évolution de l’humanité telle que la décrivent les théosophistes. Il démontre que toutes ces conceptions fumeuses qu’il a résumées « ne sont au fond qu’une absurde caricature de la théorie de la théorie hindoue des cycles cosmiques », une façon de dénaturer les croyances orientales, et qu’il est pertinent, en définitive, de classer tout cela dans le « néospiritualisme ». […]

Le seigneur Maitreya

Pour Charles Leadbeater, ce seigneur Maitreya doit revenir dans le monde « pour apporter la guérison et l’aide aux nations, et pour revivifier la spiritualité que la Terre a presque perdue ». C’est en somme à la Société théosophique, avec ses vingt mille membres répartis sur la planète entière, qu’est confiée la tâche, précise Guénon, pas seulement d’annoncer cette venue du « grand instructeur », mais également de trouver et de préparer, comme l’auraient fait jadis les Esséniens, le disciple de choix qui s’incarnera, quand le moment sera arrivé.

Jean-Luc Maxence, « René Guénon, le philosophe invisible ».


(1) Dans l’édition première de son livre « Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion », daté de 1922, René Guénon explique les circonstances qui amenèrent Charles Leadbeater (1847-1934), aux goûts indéniables pour les jeunes garçons, à élever Krishnamurti et son frère Nityânanda.

lundi, décembre 06, 2010

Chamanisme et sorcellerie


L’époque actuelle, par là même qu’elle correspond aux dernières phases d’une manifestation cyclique, doit en épuiser les possibilités les plus inférieures ; c’est pourquoi elle utilise en quelque sorte tout ce qui avait été négligé par les époques antérieures : les sciences expérimentales et quantitatives des modernes et leurs applications industrielles, notamment, n’ont au fond, pas d’autre caractère que celui-là ; de là vient que les sciences profanes, comme nous l’avons dit, constituent souvent, et cela même historiquement aussi bien qu’au point de vue de leur contenu, de véritables « résidus » de quelques-unes des anciennes sciences traditionnelles. Un autre fait qui concorde encore avec ceux-là, pour peu qu’on en saisisse la véritable signification, c’est l’acharnement avec lequel les modernes ont entrepris d’exhumer les vestiges d’époques passées et de civilisations disparues, auxquels ils sont d’ailleurs incapables de rien comprendre en réalité ; et c’est même là un symptôme assez peu rassurant, à cause de la nature des influences subtiles qui restent attachées à ces vestiges et qui, sans que les investigateurs s’en doutent aucunement, sont ainsi ramenées au jour avec eux et mises pour ainsi dire en liberté par cette exhumation même. […]

Si l’on considère le « chamanisme » proprement dit, on y constate l’existence d’une cosmologie très développée, et qui pourrait donner lieu à des rapprochements avec d’autres traditions sur de nombreux points, à commencer par la division des « trois mondes » qui semble en constituer la base même. D’autres part, on y rencontre également des rites comparables à quelques-uns de ceux qui appartiennent à des traditions de l’ordre le plus élevé : certains, par exemple, rappellent d’une façon frappante des rites vêdiques, et qui sont même parmi ceux qui procèdent le plus manifestement de la tradition primordiale, comme ceux où les symboles de l’arbre et du cygne jouent le rôle principal. Il n’est donc pas douteux qu’il y ait là quelque chose qui, à ses origines tout au moins, constituait une forme traditionnelle régulière et normale ; il s’y est d’ailleurs conservé, jusqu’à l’époque actuelle, une certaine « transmission » des pouvoirs nécessaires à l’exercice des fonctions du « chamane » ; mais, quand on voit que celui-ci consacre surtout son activité aux sciences traditionnelles les plus inférieures, telles que la magie et la divination, on peut soupçonner par là qu’il y a une dégénérescence très réelle, et même se demander si parfois elle n’irait pas jusqu’à une véritable déviation, à laquelle les choses de cet ordre, lorsqu’elles prennent un développement aussi excessif, ne peuvent que trop facilement donner lieu. A vrai dire, il y a, à cet égard, des indices assez inquiétants : l’un d’eux est le lien établi entre le « chamane » et un animal, lien concernant exclusivement un individu, et qui, par conséquent, n’est aucunement assimilable au lien collectif qui constitue ce qu’on appelle à tort ou à raison le « totémisme ». Nous devons dire d’ailleurs que ce dont il s’agit ici pourrait, en soi-même, être susceptible d’une interprétation tout à fait légitime et n’ayant rien à voir avec la sorcellerie ; mais ce qui lui donne un caractère plus suspect, c’est que, chez certains peuples, sinon chez tous, l’animal est alors considéré en quelque sorte comme une forme du « chamane » lui-même ; et, d’une semblable identification à la « lycanthropie » telle qu’elle existe surtout chez les peuples de race noire, il n’y a peut-être pas extrêmement loin.

Mais il y a encore autre chose, et qui touche plus directement à notre sujet : les « chamanes », parmi les influences psychiques auxquelles ils ont affaire, en distinguent tout naturellement de deux sortes, les unes bénéfiques et les autres maléfiques, et, comme il n’y a évidemment rien à redouter des premières, c’est des secondes qu’ils s’occupent presque exclusivement ; tel paraît être du moins le cas le plus fréquent, car il se peut que le « chamanisme » comprenne des formes assez variées et entre lesquelles il y aurait des différences à faire sous ce rapport. Il ne s’agit d’ailleurs nullement d’un « culte » rendu à ces influences maléfiques, et qui serait une sorte de « satanisme » conscient, comme on l’a parfois supposé à tort ; il s’agit seulement, en principe, de les empêcher de nuire, de neutraliser ou de détourner leur action. La même remarque pourrait s’appliquer aussi à d’autres « adorateurs du diable » qui existent en diverses régions ; d’une façon générale. Il n’est guère vraisemblable que le « satanisme » réel puisse être le fait de tout un peuple. Cependant, il n’en est pas moins vrai que, quelle qu’en puisse être l’intention première, le maniement d’influences de ce genre, sans qu’il soit fait aucun appel à des influences d’un ordre supérieur (et encore bien moins à des influences proprement spirituelles), en arrive, par la force même des choses, à constituer une véritable sorcellerie, bien différente d’ailleurs de celle des vulgaires « sorciers de campagne » occidentaux, qui ne représente plus que les derniers débris d’une connaissance magique aussi dégénérée et réduite que possible et sur le point de s’éteindre entièrement.

La partie magique du « chamanisme », assurément, a une tout autre vitalité, et c’est pourquoi elle représente quelque chose de véritablement redoutable à plus d’un égard ; en effet, le contact pour ainsi dire constant avec ces forces psychiques inférieures est des plus dangereux, d’abord pour le « chamane » lui-même, cela va de soi, mais aussi à un autre point de vue dont l’intérêt est beaucoup moins étroitement « localisé ». En effet, il peut arriver que certains, opérant de façon plus consciente et avec des connaissances plus étendues, ce qui ne veut pas dire d’ordre plus élevé, utilisent ces mêmes forces pour de tout autres fins, à l’insu des « chamanes » ou de ceux qui agissent comme eux, et qui ne jouent plus en cela que le rôle de simples instruments pour l’accumulation des forces en question en des points déterminés. Nous savons qu’il y a ainsi, par le monde, un certain nombre de « réservoirs » d’influences dont la répartition n’a assurément rien de « fortuit », et qui ne servent que trop bien aux desseins de certaines « puissances » responsables de toute la déviation moderne ; mais cela demande encore d’autres explications, car on pourrait, à première vue, s’étonner que les restes de ce qui fut autrefois une tradition authentique se prêtent à une « subversion » de ce genre.

René Guénon

Ayahuasca



Etonnant : l’infusion extraite de l’ayahuasca est légale au Brésil. Certaines "communautés" l’utilisent pour prier et organisent régulièrement des cérémonies durant lesquelles tous les participants en consomment. Curieux de connaître ce produit et encore plus de la manière dont il pouvait être consommé dans un tel cadre - qui ne semble pas du tout s’y prêter - , j’ai participé à une réunion hebdomadaire de l’une de ces communautés, l’Arche de la Montagne Bleue, et j’ai testé cet hallucinogène surpuissant.

Je n’ignorais pourtant pas que, dans ces "communautés", on est déjà loin de la manière traditionnelle dont ce produit est censé se consommer. Soit avec un chaman, après une semaine de diète sévère (régime sans sel, ni viande, ni alcool, ni sexe…) et dans une véritable démarche de recherche spirituelle. En clair et pour évoquer des références qui nous parlent : plutôt dans la lignée de Burroughs ou de Castaneda.
C’est que, comme pour beaucoup de drogues, la manière traditionnelle de consommer l’ayahuasca se perd. En revanche, on assiste à l’apparition d’un narcotourisme consumériste (au Pérou principalement). Une aberration totale concernant un produit qui – plus que tous les autres – nécessite un apprentissage et l’accompagnement d’un chaman… LIRE LA SUITE :

vendredi, décembre 03, 2010

Pourquoi les femmes sont plus près de l’illumination que les hommes


Les obstacles sur le chemin de l’illumination sont-ils les mêmes pour les hommes que pour les femmes ?

Oui, mais de manière différente. Dans l’ensemble, il est plus facile pour une femme de sentir son corps et de l’habiter. Par conséquent, elle est naturellement plus près de l’Etre et donc potentiellement plus près de l’illumination qu’un homme. C’est pourquoi de nombreuses cultures anciennes choisissaient instinctivement des personnages ou des symboles féminins pour représenter ou décrire la réalité transcendantale. Cette dernière a souvent été symbolisée par la matrice qui donne naissance à toute chose dans la création et qui la sustente et la nourrit durant sa vie en tant que forme. Dans le Tao-tö-king un des plus anciens et plus profonds livres jamais écrits, le tao, qui pourrait se traduire en français par « Etre », est décrit comme « l’éternel et infini présent, la mère de l’univers ». Les femmes lui sont plus proches que les hommes de par leur nature puisqu’elles « incarnent » virtuellement le non-manifeste. Qui plus est, toutes les créatures et toutes les choses doivent retourner à la source. « Toutes les choses se fondent dans le tao. Seul celui-ci se perpétue. » Vu que la source est considérée comme étant de nature féminine, on attribue à cet archétype féminin les polarités de la lumière et de l’ombre à la mythologie et en psychologie. La déesse ou la divine mère a deux aspects : elle donne la vie et elle la reprend.

Lorsque la pensée prit le dessus et que les humains perdirent contact avec leur essence divine, ils se mirent à imaginer Dieu sous une forme masculine. La société devint peu à peu à dominance masculine, la femme étant soumise à celle-ci.

Je ne suggère pas un retour aux anciennes représentations du divin par les formes féminines. Certaines personnes emploient maintenant le terme « déesse » au lieu de « Dieu ». Elles rétablissent ainsi l’équilibre rompu entre le masculin et le féminin depuis très longtemps, et c’est bien ainsi. Mais ce n’est encore qu’une représentation et un concept peut-être temporairement utiles comme peuvent l’être une carte ou un panneau de signalisation. Toutefois, c’est plus un obstacle qu’autre chose quand vous êtes prêt à prendre conscience de la réalité qui existe au-delà de tout concept et de toute image. Ce qui reste vrai cependant, c’est que la fréquence énergétique de l’esprit semble essentiellement de nature masculine. L’esprit résiste, se bat pour avoir le contrôle, manipule, agresse, essaie de prendre et de posséder, etc. C’est pour cela que le Dieu traditionnel est un personnage patriarcal, une figure d’autorité qui surveille, un homme souvent en colère qui doit vous inspirer la peur, ainsi que l'Ancien Testament le suggère. Ce Dieu est une projection du mental humain.

Pour dépasser le mental et reprendre contact avec la profonde réalité de l’Etre, il faut des qualités très différentes : le lâcher-prise, l’absence de jugement, l’ouverture qui permet à la vie d’être plutôt que de lui résister, la capacité de s’approprier avec amour la prise de conscience de chaque chose. Ces qualités sont toutes plus apparentées au principe féminin. Alors que l’énergie mentale est dure et rigide, l’énergie de l’Etre est douce, malléable, et cependant infiniment plus puissante que le mental. C’est lui qui mène notre civilisation, alors que l’Etre est à l’origine de toute vie sur notre planète et au-delà. Etre est l’intelligence même dont la manifestation visible est l’univers physique. Bien que, potentiellement parlant, les femmes en soient plus proches, les hommes aussi peuvent y accéder.

A l’époque à laquelle nous vivons, la très grande majorité des hommes ainsi que les femmes sont encore pris au piège du mental, c’est-à-dire qu’ils sont identifiés au penseur et au corps de souffrance (1). C’est, bien sûr, ce qui empêche l’illumination de se produire et l’amour de fleurir. En règle générale, l’obstacle principal pour les hommes serait le mental et la pensée, alors que dans le cas des femmes, il s’agit habituellement du corps de souffrance. Dans certains cas particuliers par contre, cela peut être le contraire et, dans d’autres, les deux aspects seront à égalité.

Eckhart Tolle, « Le pouvoir du moment présent ».


(1) Dans l’ensemble, le corps de souffrance a aussi bien un aspect individuel que collectif. L’aspect individuel correspond à l’accumulation de souffrances émotionnelles endurées dans le passé par une personne. L’aspect collectif renvoie, quant à lui, à la souffrance accumulée dans la psyché humaine collective depuis des milliers d’années par la maladie, la torture, la guerre, le meurtre, la cruauté, la démence, etc. Le corps de souffrance individuel s’inscrit également dans celui du collectif.

Le pouvoir du moment présent


L’illustration renvoie au post « Le sentier du rebelle » :

jeudi, décembre 02, 2010

Les disciples américaines de Baha Bharati


Ce Baha Bharati, dont j’ai connu quelques-unes des victimes, avait, pendant un séjour en Amérique, endoctriné plusieurs dames, les incitant à l’accompagner aux Indes dans un ashram où, sous sa direction, elles développeraient leurs facultés spirituelles de façon à accéder à des plans d’existence infiniment supérieurs à celui accessible au commun des mortels. Environ une douzaine de femmes crédules s’embarquèrent et payèrent en plus de leurs frais de voyage, ceux du maître ainsi que des contributions matérielles destinées à l’installation matérielle de l’ashram.

Dès qu’il eut pris pied sur le sol de l’Inde, le gourou s’éclipsa, abandonnant son troupeau. Aucun ashram n’attendait les disciples américaines. La plupart d’entre elles se trouvaient sans ressources. Les consulats intervinrent ; quelques-unes d’entre elles furent rapatriées, d’autres trouvèrent des emplois de dames de compagnie ou d’institutrices dans des familles de la haute société indienne.

Je rencontrai plusieurs d’entre elles dont l’une, qui possédait une certaine fortune, fit transférer ses fonds et passa environ deux ans aux Indes.

Une autre s’obstina à y rester, bien qu’elle n’eût aucun fonds à faire transférer. Elle était pourvue de grades universitaires et, en Amérique, avait occupé un poste dans l’enseignement. elle fut employée tour à tour comme institutrice, gouvernante et secrétaire, mais chaque fois pour peu de temps. Les Indiens ont l’humeur changeante et se lassent vite de leurs « protégés ». La vieillesse vint et la malheureuse tomba dans la plus navrante misère.

Mal guérie des « aventures spirituelles » malgré sa fâcheuse expérience faite avec Baha Bharati, elle avait successivement adhéré à la plupart des sectes hindoues, y cherchant en vain le guide capable de la conduire vers les mondes fantasmagoriques dont elle rêvait.

Je l’ai vue, à la fin de sa vie, loger sous un escalier dans une maison indienne où on la gardait par charité.

Frustrée dans sa recherche d’un maître, elle en avait imaginé un invisible qui résidait, elle ne savait pas trop où : dans un endroit inaccessible des Himalayas, ou dans des régions extra-terrestres. Il lui donnait, disait-elle, des enseignements qu’elle percevait en esprit d’une façon mystérieuse (1). Les facultés mentales de la pauvre femme paraissaient troublées. Finalement, des étrangers s’émurent de sa détresse et la firent hospitaliser. J’appris qu’après un bref séjour elle était morte à l’hôpital où elle avait été transportée.

Les cas analogues sont nombreux. Le leurre des « Iles fortunées » et des régions imaginaires, soit terrestres, soit spirituelles, agit toujours, et toujours des pèlerins se mettent en route vers elles et échouent misérablement sans avoir atteint aucune rive heureuse, faute d’avoir compris qu’il n’est d’« Iles fortunées » qu’en nous-mêmes et que le seul guide sûr c’est nous (2).

Alexandra David-Neel

(1) Les cas de ce genre sont assez nombreux chez les mystiques. On peut les rapprocher du phénomène de l’inspiration. La plupart des gens religieux ne croient-ils pas que Dieu et d’autres personnalités invisibles, les saints, les anges gardiens leur parlent, leur dictent la conduite qu’ils doivent tenir, etc. D’autre part, ils croient aussi que Satan lui aussi leur tient des discours perfides propres à leur faire commettre des actes mauvais. Puis, ne faut-il pas ranger dans la même catégorie, ceux qui imaginent qu’il existe une « voix de la conscience », considérant la conscience comme une sorte d’entité indépendante de l’activité physiologique de l’individu, capable de converser avec lui pour lui rappeler un code moral élaborer en dehors de lui par un législateur mythique.

(2) « Soyez à vous-même votre propre flambeau et votre propre refuge. » (Précepte du Bouddha dans le « Parinibhâna sutta).

mercredi, décembre 01, 2010

Le roman de la découverte de Soi


« Pour moi, être un saint signifie être moi-même. Par conséquent, le problème de la sainteté et du salut est en fait celui de la détermination de qui je suis et de la découverte de mon véritable moi (1). » C’est là ce qu’écrivait Thomas Merton il y a près de vingt ans, alors qu’il n’avait encore jeté qu’un coup d’œil sur les ouvrages de Tchouang-tseu ou des maîtres du zen. Pourtant cela résume pratiquement toutes les tentatives du zen et des taoïstes. Ce n’est donc pas par hasard qu’au cours des récentes années il se soit si authentiquement intéressé au tao et au zen.

Pour Tchouang-tseu, « Seul l’homme véritable peut avoir une connaissance véritable ». Au lieu de partir du « Cogito, ergo sum », il prenait pour point du départ : « Sum, ergo cogito. ». Soyez un homme véritable et vous aurez une connaissance véritable. L’homme véritable est celui qui a découvert son véritable soi. Toute notre vie est un roman, celui de la découverte de notre soi véritable. Même les préceptes moraux fondamentaux tels que : Evitez tout mal, recherchez tout bien et purifiez votre esprit ne sont que des préliminaires à la découverte et à la réalisation de soi. Tchouang-tseu a résumé ce suprême roman de la vie dans un beau passage :

« Les vertus morales d’humanité et de justice ne sont que les auberges du bord de la route que les sages rois d’autrefois ont établies afin de loger les voyageurs pour une nuit. Elle ne sont pas destinées à une occupation permanente. Si l’on constate un séjour trop long, vous devrez le payer lourdement. Les hommes parfaits d’autrefois allaient leur chemin dans l’humanité et s’abritaient dans la justice pour une nuit, en cours de chemin vers les régions transcendantes, pique-niquant dans le champ de la simplicité, pour s’établir finalement dans leur jardin personnel, qu’ils ne tenaient pas d’un autre. La transcendance est parfaite liberté. La simplicité contribue à la santé et à la vigueur parfaites. Votre jardin n’étant pas loué à autrui, vous n’êtes pas sujet à en être renvoyé. Les anciens appelaient cela le roman de la chasse au Réel. »

Notre vie entière est donc un pèlerinage de l’irréel au Réel. Nul roman ne saurait être plus rempli de sens et plus passionnant. Comme le but et le chemin sont romanesques il n’est rien dans la vie qui ne soit romanesque. C’est pourquoi les maîtres du zen ont si souvent cité ce vers d’un poème d’amour :

« Entre ses mains, même la prose de la vie devient poésie. »

Le Juge Holmes m’écrivait il y a bien des années que je devais « faire face aux désagréments » et apprendre « à m’attaquer avec résolution à ce qui dans la vie manquait de romanesque pour le rendre romanesque ». Le monde n’aura jamais pleine conscience de la façon dont cet homme véritable d’Amérique m’a ramené à la sagesse de l’Orient ou, dirai-je, à mon Moi aborigène.

John Wu


(1) Thomas Merton, « Seeds of Contemplation ».

***

En Grande-Bretagne, des milliers d'enfants volés par le gouvernement

lundi, novembre 29, 2010

Le sentier du rebelle


Le cheminement spirituel est semé d’embûches. Le sectarisme est l’écueil de beaucoup de chercheurs, d’autres, piégés par leurs propres fantasmes (ou des forces mystérieuses), s’enlisent dans un marécage d’illusions. Devant les égarements du spiritualisme contemporain et de gourous ubuesques on risque de se recroqueviller comme une feuille morte et de se laisser dessécher au soleil noir du matérialisme.

La véritable spiritualité, qui met en exergue l’effarante aliénation de l’humanité, est indissociable de la rébellion. Ceux qui sont guidés par un instinct d’insoumission peuvent suivre le sentier spirituel, ils ne risquent pas de mettre leur tête dans un carcan mystique et d’ânonner un credo ou des mantras devant une idole ou un crucifix. Dans « Verticalité », Charles Antoni consacre plusieurs pages au sentier du rebelle :

Le sentier du rebelle

Chasse dehors l’opinion et tu seras sauvé.
Qui donc t’empêche de la chasser ? Marc Aurèle


Qu’est-ce qui fait qu’on est un rebelle ou qu’on le devient ? Quels sont nos manques, nos insatisfactions ? Qu’est-ce qui, également, dans ce monde, cloche ?

Bien des choses, dira-t-on. Bien des choses imparfaites nous entourent. Nous-mêmes, d’ailleurs, sommes impliqués, puisque nous nous savons incomplets, frustes, à l’état embryonnaire.

Après avoir fait le constat que tout ne fonctionnait pas comme on le souhaitait, ou qu’on l’avait imaginé, la décision est prise de se mettre en quête de quelque chose d’autre ; la seule vertu du rebelle étant la rébellion.

Cette quête guerrière commence par un regard impitoyable sur l’homme social, esclave de ses propres opinions comme celles des autres : la sociabilité est l’équivalent de la perversion.

Esclave, l’homme actuel l’est bien plus qu’il ne le croit ou ne le pense. L’homme est un animal passif. Mara, le maître de l’illusion, père du mensonge, de l’ignorance et de l’erreur, a accompli de manière irréprochable son travail. Il n’est que de voir la mainmise de tous les médias de notre monde contemporain sur nos cerveaux ! De la publicité à la politique, tout n’est que manipulation. […]

Le quêteur devra déjouer toutes les astuces dont l’humanité servile, heureuse dans sa soumission, fait preuve dans toutes ses actions ; s’armer d’une « indifférence » froide et glaciale. Seul, ne pouvant compter que sur lui-même, il ne devra jamais se défaire de cette Force qui a fait le monde des héros. Rien ne devra l’en détourner malgré les flèches du matérialisme obscurantiste, de la bonne morale ou de la bonne conscience, qui ne cesseront de lui être décochées. Son seul travail sera le perfectionnement de soi : l’œuvre primordiale de l’homme n’étant que de se créer lui-même.

Verticalité

Seule une conscience verticale, une conscience totale de l’ici et maintenant, nous permettrait de nous affranchir de ces deux illusions que sont le passé et le futur.
Charles Antoni


Fidèle à lui-même, Charles Antoni a gardé tout au long de sa vie, les options fondamentales qui valent objectifs indéfectibles : le socle n'a pas changé depuis ses premiers engagements et ses premiers voyages. Toujours revenir à ce qu'il appelle la Verticalité : L'instant présent est tout ce qui nous reste... Toute autre façon de voir ne nous ramènera qu’à une horizontalité soumise aux valeurs de profits de petits bourgeois lobotomisés et qui ne nous conduira qu’à notre propre perte. Le terme du voyage est identique à son Originel même si le voyage est infini... Baroudeur de l'absolu, il circule encore et toujours Sur la route ... Il ne nous reste plus qu'à suivre les traces qu'il veut bien proposer, nous laissant, bien sûr, le loisir d'en disposer. Libre à nous de construire notre propre route...

Charles Antoni a appartenu de 1964 à 1968 à la troupe du Théâtre du Soleil. A partir de 1969, il effectue de nombreux voyages et séjours en Inde, en Asie-centrale, en Chine, au Mexique etc. Etudiant les différentes « traditions » du chemin qui mène à l'éveil du monde intérieur. En 1977, il fonde les éditions L'Originel, dans une perspective d'ouverture, pour la connaissance de l'être et de ses possibles. Il anime, dans ce même temps, en tant que Rédacteur en chef, la revue L'Originel, aventure éditoriale qui explore un corpus de références, sorte de « Trésor du Savoir ». Parallèlement il poursuit ses propres expériences d'écriture sur différentes filières littéraires et philosophiques.

Editions L'Originel http://www.loriginel.com/

dimanche, novembre 28, 2010

Etymologie de Reiki 靈 氣


Par Baptiste

J'ai lu l'article sur le reiki, (http://bouddhanar.blogspot.com/2010/11/le-reiki-arme-occulte-des-jesuites.html) et je note une erreur :

"Nous avons un premier élément de réponse dans l’étymologie même de Reiki. S’il est évident que Ki signifie « énergie » (Chi en chinois), les Occidentaux traduisent généralement Rei par « esprit », estimant ainsi que Reiki signifie « énergie spirituelle ». Mais, en réalité, ce mot Rei, « esprit », renvoie non pas à nos facultés spirituelles, mais à ce qu’on appelle communément des fantômes : des esprits !

Ce serait donc l’énergie des défunts qui serait utilisée pour accomplir les miracles du Reiki. Voilà qui choquera certains et qui en laissera d’autres de marbre, pensant que c’est une noble chose si, par ce biais, les morts peuvent aider les vivants. Mais comment des âmes désincarnées, errant encore sur Terre, pourraient-elles être d’une quelconque aide pour les vivants ? "

Le terme 靈 (rei en japonnais, ling et chinois) ne fait pas référence directement à l'énergie des morts comme l'affirme le texte. Dictionnaire : vif d'esprit, éveillé, ingénieux, esprit, intelligence, âme, extraordinaire, magie.
Il pourrait effectivement faire référence à l'âme d'un mort au sens occidental, mais ceci n'est qu'une interprétation, qui n'est évidemment pas celle qu'ont fait les fondateurs du Reiki. Le terme pour "fantôme" est 鬼, ce qui est tout autre chose... Le terme 靈 est positif, 鬼 négatif.

Son étymologie est intéressante : on y voit un chamane 巫, qui par sa bouche (trois fois ici) 口 appelle la pluie. 雨. On peut débattre du bien fondé du chamanisme et de ses relations avec les esprits, mais il n'y a aucune relation directe avec les morts.

Quant au 氣 , je ne m'étendrai pas, mais il englobe plus de choses que la simple "énergie". Mais c'est une traduction classique en effet.

Je ne dis pas cela pour défendre le Reiki, que je ne pratique pas, et j'ai effectivement une certaine méfiance vis à vis de celui-ci (trop nouille age à mon sens), simplement l'auteur de ce texte devrait se renseigner sur le sens des mots qu'il emploie avant de mettre ses propres conceptions en avant.

vendredi, novembre 26, 2010

Carl Calleman & le bluff du monde meilleur


Carl Calleman, inspiré par la théorie quantique et la cosmologie maya, a prédit l’imminence d’une société spirituelle. Il a annoncé la transformation du système socio-économique mondial entre le 17 Juillet 2010 et le 3 Novembre 2010 :

« Energétiquement parlant, écrit Carl Calleman, cette période de temps, 17 Juillet 2010 – 3 Novembre 2010, est créée par le chevauchement de l’Inframonde pré-Universel et du Mouvement Ondulatoire Galactique. Ce que cette période révolutionnaire va probablement apporter est une diminution correspondante de l’autorité gouvernementale et nationale (pas celle d’un gouvernement en particulier, mais l’autorité gouvernementale en tant que telle, quelque chose dont l’humanité a hérité du Mouvement Ondulatoire National et de son cadre de conscience patriarcal . Nul besoin de dire que certains essaieront de tirer avantage d’une telle situation).

Il sera sérieusement question de la raison pour laquelle nous avons besoin des gouvernements et des frontières nationales « ce sera le jour où nulle âme ne pourra intervenir en faveur d’une autre âme ». Ma vision pour la période de temps entre la Convergence Cosmique jusqu’au commencement du Septième Jour de l’Inframonde Galactique est donc une restructuration totale de la civilisation humaine. Ce serait également un moment pour faire des choix quant à notre chemin individuel.

Pourquoi cette période particulière du 17 Juillet 2010 – 3 Novembre 2010 apporte-t-elle une telle transformation révolutionnaire ? Eh bien, il y a deux périodes précédentes qui méritent d’être remarquées en parallèle avec celle qui arrive. Une période est celle de 1498-1617ap J-C, la Renaissance, qui a représenté au sens large le renversement du système féodal qui voyait le Vatican comme la source ultime du pouvoir mondial et le début de l’ère moderne.

L’autre période est celle de 1986-1992 après J-C, qui a apporté une vague révolutionnaire démocratique (comprenant la chute du Mur de Berlin) résultant en un monde dont les deux hémisphères n’étaient dorénavant plus séparés.

Nous pouvons aussi observer que ces deux périodes ont donné naissance à de nouvelles expressions de la spiritualité, dans le premier cas La Réforme et dans le second cas La Convergence Harmonique qui devint en quelque sorte un point de départ pour le mouvement éclectique New Age de notre époque. Ceci indique que cette fois-ci également, après la Convergence Cosmique, il y aura un nouvel éveil spirituel. Puisque la Convergence Cosmique serait la première brise de la conscience unifiée, ceci impliquerait que les gens soient alors divinement inspirés à partager et reconnaissent l’unité de toute la création. Je crois que ce sera une spiritualité au-delà des mots, basée sur l’expérience immédiate du divin. Donc, alors que La réforme était un éveil s’appuyant sur les mots écrits, et que le mouvement New Age a pris source dans des idées ésotériques parfois canalisées (channeling) ou verbalisées, je crois que l’éveil spirituel qui arrive ne sera pas quelque chose qui pourra être formulé avec des mots et qu’il sera basé sur une connaissance évidente.

Je sens que la question est ouverte quant à savoir si cette révolution transformatrice entre le 17 Juillet et le 3 Novembre 2010 sera violente ou non. Ce qui semble cependant clair est que les gens seront divisés concernant leur choix entre vouloir suivre le flux des énergies entrantes qui mènent vers un monde nouveau ou s’ils leur résisteront et rechercheront à s’accrocher ou à retourner vers le système du passé. La manière dont ils vivront ce changement dépendra toutefois également de la compréhension que les gens auront du calendrier Maya et du plan cosmique, dont actuellement seulement une très petite minorité est consciente, du moins dans sa véritable forme en tant que manifestation des neuf forces cosmiques. Le grand public peut d’ailleurs ne jamais reconnaître consciemment aucun des signaux d’alerte de ce qui est à venir. Pourtant, dans la mesure où ils comprennent que les changements à grande échelle émanent d’un plan divin, ceci signifierait qu’un éveil spirituel pourrait se produire. Si cela se produit, ils ne seront plus enclins à regarder les changements autour d’eux comme des événements chaotiques dépourvus de sens tels qu’ils seront certainement présentés par les médias dominants.

En considérant qu’il s’agit ici de la participation à un processus d’évolution de la conscience, il y a un grand danger que les gens croient que le calendrier Maya ne concerne qu’une date unique (telle que le 21 Décembre 2012) lorsqu’un événement aura lieu, que cela soit un « basculement des pôles », « l’alignement galactique », « la Planète X », « la fin du monde » ou « la transformation de la conscience ». C’est une vision incroyablement naïve d’une nature essentiellement religieuse ou superstitieuse, où l’on croit que les changements tombent simplement du ciel sur les êtres humains sans leur participation active et consciente dans le processus menant à un état d’unification de la conscience. En réalité, le fait que le calendrier Maya décrive les changements consécutifs de la conscience est d’une évidence écrasante, cela commencera à être expérimenté à une fréquence encore supérieure après le 17 Juillet 2010, et plus nettement encore après le début du Mouvement Ondulatoire Universel le 8 Mars 2011.

Ce n’est que le 28 Octobre 2011 que les changements prendront fin et qu’une unification de la conscience se stabilisera, apportant les bases pour un millénaire de paix. Cette augmentation des fréquences explique d’ailleurs également qu’un tel immense remaniement de tous les systèmes dominants puisse avoir lieu dans une période de temps si courte. »

Le nouveau féodalisme

Contrairement à ce qu’a proclamé Carl Calleman, partout, entre le 17 Juillet 2010 et le 3 Novembre 2010, les populations ont été soumises à des mesures antisociales et antidémocratiques qui sont probablement le prélude d’un féodalisme mondial. De plus, le féodalisme s’est toujours édifié sur le conditionnement religieux afin de s’assurer la soumission des humains réduits au servage (Moyen Age, ancien Tibet…) Quand Carl Calleman nous demande de « suivre le flux des énergies entrantes qui mènent vers un monde nouveau », nous devons être très prudents. Il est dangereux d’ouvrir naïvement sa conscience à ce spiritualisme télépathique évoqué par Calleman, qui ne sera pas « formulé avec des mots » et qui « sera basé sur une connaissance évidente ». Par ailleurs, prévient Joël Labruyère, « l’humanité est en danger. Le nier revient à se placer du côté des serviteurs du « démon solaire » dont l’ombre avance à travers l’élite au pouvoir sur toute l’étendue du globe. Bientôt, de nombreux êtres serviront de médium à ce démon qui cherche à pénétrer dans le monde par l’intérieur de l’être humain. » Lire « 666 » http://bouddhanar.blogspot.com/2010/11/666.html

L’« âge d’or » d’une autre humanité

René Guénon avait écarté l’espérance en un monde meilleur :

« … Les partisans du « progrès » ont coutume de dire que l’« âge d’or » n’est pas dans le passé, mais dans l’avenir ; la vérité, au contraire, est que, en ce qui concerne notre Manvantara, il est bien réellement dans le passé, puisqu’il n’est pas autre chose que l’« état primordial » lui-même. En un sens, cependant, il est à la fois dans le passé et dans l’avenir, mais à la condition de ne pas se borner au présent Manvantara et de considérer la succession des cycles terrestres, car, en ce qui concerne l’avenir, c’est de l’« âge d’or » d’un autre Manvantara qu’il s’agit nécessairement ; il est donc séparé de notre époque par une « barrière » qui est véritablement infranchissable pour les profanes qui parlent ainsi, et qui ne savent ce qu’ils disent quand ils annoncent la prochaine venue d’une « ère nouvelle » en la rapportant à l’humanité actuelle. » Réné Guénon, « Le règne de la quantité et les signes des temps ».


Le bluff du monde meilleur

Par Joël labruyère

Parmi les outrages à notre intelligence, je place en numéro Un l’espérance en un monde meilleur. J’accuse les instructeurs spirituels de mentir par compassion, hypocrisie ou par ignorance des échéances ultimes. Les plus clairvoyants ont la lucidité qui se brouille. Une remarque de Steiner sur les mensonges de la presse illustre ce fait :

« Quand on pense que nous vivons à l’époque de la «civilisation des journaux», on n’a pas le droit de dire par exemple qu’on a peu d’espoir de voir se développer une culture de la probité. Il faut plutôt dire qu’il est d’autant plus nécessaire de faire tout ce qui peut conduire à cette civilisation de l’honnêteté. »

Lorsqu’on sait que la «civilisation des journaux» a été mise en place pour authentifier le mensonge et la propagande, on peut vraiment se demander ce qu’est la «culture de la probité» et comment à partir d’une civilisation du mensonge, on peut aboutir à celle de l’honnêteté ?

Ici, l’instructeur spirituel insiste pour que nous développions une «culture de la probité» d’une manière pressante et culpabilisante: «on n’a pas le droit de dire par exemple qu’on a peu d’espoir de voir se développer une culture de la probité». Or, près d’un siècle après que ces mots aient été prononcés, où est la «culture de la probité» ?

On suppose que les disciples de Steiner ont compris le message et qu’ils se sont imposés de la probité, spécialement dans la mise en circulation de leurs écrits. En cela, ils sont de bonne foi. Nous essayons de nous y tenir individuellement, sachant que la vérité est toujours hors d’atteinte, mais qu’il faut bien communiquer et que cela se trouve inévitablement entaché d’erreurs, de subjectivité et sans doute de mauvaise foi.

Donc, depuis au moins 80 ans, les anthroposophes steinériens cultivent l’espoir de faire naître une culture de probité dans la « civilisation des journaux », laquelle fut dénoncée par leur maître comme une pure invention du diable à deux têtes – Lucifer / Ahriman.

Steiner révélait à l’issue de la guerre 14-18, que durant les années qui venaient de s’écouler, c’est-à-dire depuis le début du 20ème siècle jusqu’aux années 20, « aucune vérité n’avait été imprimée dans la presse ». A cela nous ajoutons que, un siècle plus tard, nous en sommes au même point, en dépit de notre espoir en une «civilisation de l’honnêteté ».
Qu’en sera-t-il au siècle prochain et dans les temps plus lointains, sachant que Steiner a prophétisé un durcissement extrême de la pression démoniaque sur la civilisation? Il n’a pas prédit l’avènement d’une civilisation de l’honnêteté mais, au contraire, d’un mensonge aggravé (cf. commentaires de Steiner sur la Bête 666).

Dès lors, pourquoi inciter les gens à rêver en leur déclarant qu’ils n’ont pas le droit de dire qu’il n’y a pas d’espoir de voir arriver un miracle? Car il s’agit bien ici de l’espérance en un miracle qui bouleverserait l’inéluctable progression de la prophétie apocalyptique.

Bien entendu, on est libre d’espérer l’avènement d’une «civilisation de l’honnêteté» dans 500000 ans, ce qui devrait correspondre à la limite extrême de l’âge noir. Dans ce cas, l’espoir fait vivre, effectivement.

Or, nous en sommes seulement au 5ème millénaire depuis le début historique de l’âge noir, en dépit des espérantistes qui se croient déjà dans l’âge d’or depuis le 19ème siècle – comme Steiner le prétendait de manière surprenante. On ne sait où fut puisée l’idée que l’âge noir, qui vient tout juste de commencer selon la chronologie ésotérique traditionnelle, serait déjà derrière nous ?

Là encore, les instructeurs spirituels authentiques ou les lucifériens du nouvel-âge sont tombés d’accord pour nous interdire de penser qu’on a le droit d’avoir peu d’espoir en un miracle. Pour le nouvel-âge, le rêve est la réalité, c’est une affaire entendue, mais qu’en est-il des instructeurs spirituels sérieux qui sont tenus de dire la vérité ?

Je dois avouer un fait surprenant et qui me scandalise encore, alors que je devrais être blasé après avoir étudié de nombreuses doctrines contradictoires, et passé trente ans à comparer les données. Je constate que les écoles spirituelles et les sociétés initiatiques, aussi opposées soient-elles au plan doctrinal, observent un consensus pour dissimuler la vérité sur l’état réel de la civilisation et son évolution dans les siècles à venir.

Et pourquoi ? Parce qu’il ne faut pas désespérer les troupes. Il ne faut pas créer d’inquiétudes. Il faut sécuriser les gens dans leur mode de vie actuel.
Et pourquoi ? Parce que l’immense majorité des organisations religieuses, spirituelles, initiatiques, et ésotériques n’ont pas pour but premier de libérer leurs adeptes du circuit terrestre, mais plutôt de leur faire espérer un futur radieux sur la terre de la déportation.

D’autre part, il est politiquement plus facile de diriger une organisation en évitant que ses membres s’inquiètent au sujet de leur sécurité physique et psychologique. C’est pourquoi les mouvements spirituels n’aiment pas que des théories conspirationistes pénètrent en leur sein. Le diable doit rester virtuel, une sorte de fantôme qui vient titiller nos points faibles, éventuellement pour nous apprendre à devenir meilleur, mais qui n’a pas de consistance dans le monde réel.

Il s’agit d’un problème très complexe qui est en rapport avec notre structure psychique fondée sur la survie à court terme. Le stress de la recherche constante de sécurité nous fait aspirer à un bien être permanent d’instant en instant. Nous sommes à la recherche d’une amélioration, d’une stabilité et d’une tranquillité. Nous luttons pour la trouver et la retenir lorsqu’enfin un certain équilibre est atteint.

C’est notre démarche à tous dans l’existence, que l’on soit matérialiste, idéaliste ou spirituel. Or, indépendamment de la recherche de la sécurité, notre âme aspire à la liberté spirituelle, et cela nous met dans une situation étrange, parfois très inconfortable lorsqu’en nous le pôle idéaliste domine sur le pôle pragmatique.

Certains aspirent à une vie libérée des liens de ce monde mais, en attendant ce jour… il faut manger. Or notre civilisation ne permet plus de vivre dans une austérité monacale ou la frugalité des îles bienheureuses. L’entretien du corps implique de dépenser une énergie énorme en infrastructures et en machines. On ne se fait pas sadhu en Occident.

L’automobile est devenue un cinquième corps sans lequel on ne plus bouger, ni survivre. On ne travaille pas sans voiture, et l’on travaille pour payer la voiture et le mode de vie qui l’accompagne. Et ainsi de suite pour tout ce qui relève de notre confort matériel.

De ce fait, les organisations spirituelles qui préconisent une élévation de l’âme ont compris qu’elles risquaient d’être désertées en s’attaquant à l’esprit matérialiste et sécuritaire de leurs adeptes. Il leur faut des membres intégrés dans la société pour financer les lieux de réunion et les diverses activités. Être intégré dans la société implique de servir la civilisation moderne, la renforcer, alors, on ne va pas troubler les esprits en leur révélant ce qu’est vraiment cette civilisation et ce qu’elle risque probablement de devenir.

On veut bien déplorer quelques aspects superficiels comme les mystifications de la science, par exemple – mais globalement, le mot d’ordre est à l’adaptation et contre l’esprit critique.

Comment faire rentrer des cotisations si les membres d’une organisation sortent du système pour mener une vie communautaire ? Le mode de vie communautaire n’est donc pas à l’honneur dans les organisations spirituelles. On invoque toutes sortes de fausses raisons pour ne pas s’organiser ensemble matériellement. Chacun sa maison, chacun sa voiture, chacun ses vacances, chacun sa retraite… C’est ainsi qu’on vit la fraternité spirituelle de l’âge noir. On partage l’idéal, et cela suffit.

Le pragmatisme des organisations idéalistes diverses et variées ne les incite pas à couper la branche sur laquelle elles sont assises. Au contraire, le bon sens politique les incline à faire profil bas par rapport au matérialisme et à son noyau : la névrose sécuritaire ! Dès lors, la contestation de la civilisation, de la technologie noire, le démasquage des puissances sous-jacentes ainsi que leur relais visibles, est tabou. On ne doit pas en parler.

L’argument qui justifie de faire l’impasse sur la nature très spéciale de notre civilisation est généralement d’ordre spirituel ou moral..«Il ne faut pas renforcer le négatif ! » ; « Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire !», etc.

On peut se demander pourquoi les chercheurs de vérité craignent tant une vérité qui, dit-on, les «affranchira»? Sans faire de l’ironie facile, on peut comprendre cette position réaliste car nul n’est libéré dans les contingences sociales qui nous obligent chaque jour à vivre une vie qui ne nous convient pas.

Après ces remarques, retrouvons la question du début : la quête de la vérité s’accommode-t-elle de l’espoir en un monde meilleur ? Ma réponse est négative. Je constate que dans leur souci louable d’améliorer la civilisation, les spiritualistes se font les traîtres de la vérité.

J’admets que pour l’individu ordinaire, il est indispensable d’espérer en peu de confort moral et matériel et que cela implique d’espérer que la civilisation entière va également aller vers une amélioration. Or, la civilisation ne va pas s’améliorer par un miracle qui mettrait mystérieusement l’âge noir sur le rail de l’âge d’or.

On peut s’affliger que des esprits conscients des puissances qui mènent le jeu et que des instructeurs spirituels de l’envergure de Steiner, aient choisi d’entretenir l’espérance dans le progrès de l’évolution, alors que devant des cercles privés, ils ont affirmé le caractère inéluctable de la décadence dans les siècles et les millénaires à venir.

Joël Labruyère, Undercover n° 22.



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