lundi, août 22, 2011

Une nouvelle mystique





Trois visages de mystiques, tous philosophes, présentent quelques-unes des orientations fondamentales de la nouvelle mystique. Une rupture s'est opérée entre le passé et le présent, car la mystique dans ses formulations ne saurait échapper au temps et par conséquent à l'histoire, plus encore parce que la mystique s'intériorise en profondeur et de ce fait se dirige nécessairement vers l'unité.

Elle prend conscience des dimensions spirituelles qui appartiennent à un passé sinon périmé du moins strictement révolu. Les anciens mystiques conservent leur beauté, ils ont éclairé leur époque et ils nous apportent toujours un enseignement. Certes en tant qu'ils relèvent de l'intemporel, ils se placent au-delà des mouvements issus de l'évolution des civilisations et leur message conserve une valeur éternelle. Mais dans la mesure où ils sont liés intimement à leur époque, leurs textes risquent de présenter un caractère dévotionnel ou sentimental, leur langage se charge de clichés, leur fréquent appel à des autorités risque de rendre parfois fastidieuse la lecture de leurs ouvrages.

Dans le christianisme, la majorité des mystiques appartiennent à l'ordre monastique ou font partie de la cléricature. Des trois visages qui ont été ici retenus, un seul est théologien : Kierkegaard. Nicolas Berdiaev orthodoxe se veut un penseur libre ; Simone Weil, juive d'origine, n'est pas baptisée. Concernant le passé, d'autres philosophes auraient pu être présentés, Spinoza et Leibniz par exemple, Malebranche et de nos jours Chestov, Bergson, Heidegger, Jean Baruzi, Jean Grenier, Jacques Paliard. Tout véritable philosophe possède - en tant que sage - une intuition mystique. L'examen des problèmes essentiels sont autant d'approches à tâtons du mystère : celui de Dieu et celui de l'homme étroitement conjoints.

L'originalité de Kierkegaard est d'avoir montré l'ébranlement des Églises officielles dans la mesure où elles pactisent avec le monde, possèdent le goût de la puissance, s'extériorisent aux dépens de la vie intérieure qui seule favorise le sens de l'universel. Il ne s'agit pas pour Kierkegaard de dénoncer, il souffre, il pâtit plus de la grande misère des Églises qu'il ne la divulgue. Ce qu'il dit du luthéranisme de son temps vaut également pour les autres formes chrétiennes, catholicisme et orthodoxie. Les systèmes sont ébranlés. Pour sauver la vie spirituelle, il ne s'agit pas de revenir aux sources. Les déviations apportées au cours de l'histoire ne seront pas corrigées et résorbées par un retour à l’Église primitive. Tout est a la fois plus complexe et plus simple.

A cet égard Nicolas Berdiaev a posé le problème essentiel en montrant qu'une conception sclérosante de l'homme n'a cessé de le détruire, elle en a fait un esclave de Dieu et - dans une certaine mesure - des Églises officielles et des différentes collectivités. Toutes les valeurs sont remises aujourd'hui en question, les assises des Églises sont fortement ébranlées ; leur pouvoir ne cesse de s'amoindrir. Les hommes ne sont plus des adolescents qu'il faut conduire et menacer de châtiments posthumes; ils sont, devenus capables de prendre la responsabilité d'eux-mêmes. Exalter l'homme - pour Berdiaev - n'est pas minimiser Dieu, l'un et l'autre doivent prendre leur véritable dimension. Si le mot Dieu semble difficile actuellement à prononcer, ce n'est point parce que Dieu est mort - sa mort aurait entraîné celle de l'homme - ; le mot Dieu ne « passe » plus car on ignore ce qu'il recouvre : idole ou réalité. Grâce à une nouvelle anthropologie, il sera possible de s'approcher de la Déité et de répondre à son appel. Pour Berdiaev les temps sont venus où il est nécessaire non seulement de s'affranchir des divers esclavages, mais de donner sa réponse à Dieu dans la liberté et la création authentique. L'homme se réconcilie avec lui-même, avec le cosmos dans lequel il s'inscrit. Il ne se retire pas du monde ; ermite ou non, il le porte en lui.

Dans ce sens, Simone Weil a très bien vu que l'athéisme pouvait dans certains cas opérer dans l'homme une purification nécessaire afin de l'affranchir des idoles ; renoncer aux idoles est un détachement subtil. Sa mystique n'est pas séparative, elle se situe dans le monde et son active compassion s'étend de la classe ouvrière à tous les déshérités. La justice est pour elle aussi théologale que la foi. Par son sens de la dé-création, elle rejoint certains grands mystiques du passé, qu'elle retrouve aussi en insistant sur l'humilité et la souffrance dominée. Simone Weil n'est pas traversée par l'exaltation d'un Berdiaev, sa vocation est autre. Sa démarche se réalise aussi dans l'universel, elle ne supporte point ce qui morcelle la « sainte unité ». Son immense culture lui permet d'établir des points de contact judicieux entre les différentes traditions.

Ces trois visages sont essentiels pour saisir les caractéristiques de la nouvelle mystique. Celle-ci n'a pas à se réclamer de la psychologie, elle la dépasse ; elle ne relève pas non plus d'une ontologie ou d'une métaphysique particulières. Cette mystique est entièrement dépouillée des systèmes d'écoles. Se manifestant dans un monde nouveau, elle n'a pas à craindre la prudence des Églises établies ou les sarcasmes de ceux qui la défigurent par ignorance de sa beauté. Vivante comme hier, toujours fruit d'une expérience personnelle, la mystique d'aujourd'hui n'appartient en propre à aucun ghetto, à aucune religion particulière, elle concerne tous les hommes séduits par le mystère à la fois divin et humain.

Marie-Madeleine Davy.



Simone Weil, Kierkegaard, Berdiaev




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