vendredi, mai 18, 2012

Contre-initiation : Buts et méthodes





par Michaël

« L’antitradition a eu son expression la plus complète dans le matérialisme qu’on pourrait dire « intégral », tel qu’il régnait vers la fin du siècle dernier (19ème) ; quant à la contre-initiation, nous n’en voyons encore que les signes précurseurs, constitués précisément par toutes ces choses qui visent à contrefaire d’une façon ou d’un autre l’idée traditionnelle elle-même. »

René Guénon


On peut ne pas être d’accord avec Guénon sur tout ce qu’il a produit mais l’on peut reconnaître dans son œuvre un certain génie visionnaire en cette fin d’un monde. Je vous invite à lire ou à relire deux ouvrages magistraux sur le sujet « La Crise du monde moderne » et « Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps ». Une bonne partie des questions liées à la contre-initiation réside, entre autres, dans ces études. 

Je vais donc, dans un premier temps, résumer ce qu’est la contre-initiation puis, dans un second temps, développer les cas principaux de contre-initiation qui existent et tendent à prendre une ampleur inquiétante. Enfin, je terminerai par un essai sur les tentatives d’obombrement des forces contre-initiatique sur les disciples "non aboutis" ou renégats des enseignements et écoles spirituelles. 

Notre époque a de quoi nous rendre inquiet en effet, cette inquiétude peut être prise soit de manière désespérée ; soit nous mettre en alerte, en éveil d’un discernement plus que nécessaire devant les difficultés que soulèvent les forces anti-divines qui s’abattent sur la terre pour ensevelir ce qu’il y reste de lumière. Dans le brouhaha des événements géopolitiques et des messianismes de tous bords, il convient plus que jamais d’être vigilant, je dédie cet article à celles et ceux qui ont compris le combat actuel et savent qu’il est avant tout spirituel.

Matérialisme, scientisme et consumérisme :

« Chercher de satisfaire les besoins matériels des hommes est une illusion, parce que la civilisation moderne crée toujours plus de besoins artificiels qu’elle n’en peut satisfaire.»
René Guénon

Depuis l’émergence de la pensée scientifique qui s’est progressivement érigée en pensée unique dans notre monde moderne, nous avons vu s’imposer la croyance que l’humain n’est qu’un amas de chair et d’os perdu dans un univers soumis au hasard et à la nécessité. Certes on arguera que la science a fait progresser la médecine, le confort social, l’hygiène et a mis en place le sacro-saint progrès technologique censé nous affranchir. Pourquoi pas, ne rejetons pas le bébé avec l’eau du bain. Mais sachons que pour tous ces progrès il y a un revers et que finalement si l’on est lucide la médecine est dans l’impasse concernant bon nombre de pathologies et il apparaît clairement qu’elle en génère de nouvelles. Des médecins courageux s’élèvent même pour dénoncer les conglomérats industrialo-pharmaceutiques qui créeraient des maladies pour pouvoir en vendre les remèdes.

Les médecines traditionnelles étaient des voies de préventions de la santé, des médecines de la santé et non des médecines de la maladie. Elles se sont élaborées en observant les vivants et non en disséquant les morts, c’est une différence non négligeable quant à l’esprit qui sous-tend une approche. Il reste évident que les progrès de la chirurgie sont utiles dans la limite de leur sphère de compétence et tant que ne s’installe pas la "logique du bistouri" ; alors qu’il est possible d’agir bien souvent en amont dans la compréhension psychosomatique des causes. 

Sans parler du phénomène de psychiatrisation de la société et des problèmes sociaux qui valorisent l’utilisation de la camisole chimique (antidépresseurs, neuroleptiques…) au détriment d’une réelle écoute que les professionnels n’ont plus le temps ou/et l’envie de pratiquer. 

Je sais que dans tous ces secteurs il existe des êtres de valeurs, je les ai rencontré et je connais leur frustration devant un système mécanisé qui ne veut pas les écouter. L’écoute, oui, qui prends trop de temps, le temps étant de l’argent, elle n’est pas assez rentable. Pour ce qui est du confort matériel et de la technologie, il y aurait plus d’un article à écrire sur le sujet je vous renvoie à Rudolph Steiner ainsi qu’au livre de Sébastien Vaas intitulé « L’enfer du virtuel ».

Nous avons ce consumérisme déchaîné par un ultralibéralisme intégriste qui a relégué l’humain à un pouvoir unique « le pouvoir d’achat », qui le conditionne à croire qu’il est libre parce qu’il a le droit inaliénable de consommer, de se réaliser dans le monde en travaillant comme une bête de somme pour pouvoir acheter des objets qui combleront son vide intérieur, provisoirement. Nous sommes passés du « Je pense, donc je suis » de Descartes au « J’ai, donc je suis » de la société de consommation. On ne veut plus entendre la tradition quand elle dit que ce vide d’Être ne pourra jamais être comblé par l’Avoir, l’ego trouvera toujours des objets pour voiler son inexistence. Le consumérisme est devenu une arme alimentée par les loges maçonniques (qui connaissent les techniques de manipulation des masses et l’utilisation occulte des énergies). Loges qui sont soumises aux élites oligarchiques mondialistes.

Voilà pour résumer brièvement sur le pendant matériel de la contre-initiation, bien des auteurs développent en détail ce que j’énonce et il est possible d’écrire longuement sur chacun des aspects évoqués, si la demande se fait sentir peut être qu’ils émergeront par la suite.

Loges occultes, religions et New Age :

« La guerre occulte est la guerre que les forces de la subversion mondiale mènent dans les coulisses par des moyens qui échappent presque toujours aux méthodes ordinaires de l'investigation. »
Julius Evola

Dans l’envers du décors, à la source des dérèglements anti-divins que nous avons vu plus haut il y a les loges maçonniques (entendons ici la franc-maçonnerie moderne qui est loin de la véritable franc-maçonnerie initiatique traditionnelle depuis longtemps perdue et inversée par les loges actuelles) qui tirent les ficelles en utilisant divers techniques de manipulations améliorées par une technologie matérielle et occulte, pour les détails des procédés je vous redirige vers l’article écrit sur le livre « Démasqué » de Jan Van Rijkenborgh et bien entendu son ouvrage qui donnent les clés de la compréhension des coulisses du monde (1).

Une note spéciale ici concernant les religions organisées qui dénotera peut être un peu avec la pensée du traditionalisme guénonien sans pour autant créer un schisme avec le fond du discours. 

Les religions traditionnelles d’aujourd’hui ne défendent plus LA tradition, elles aussi sont séduites par la contre-initiation. Le pape Benoit XVI dans son homélie du 6 janvier 2007(2) prônait l’exigence de voir apparaître un « un nouvel ordre mondial politique et économique ». Rappelons que le Vatican est une des plus grosses entreprises financières du monde qui fut financée par la banque Rothschild, ces derniers en détiennent des parts (3). Sans compter le fait que l’institut des bonnes œuvres du Vatican serait un paradis fiscal responsable du blanchiment d’argent de la mafia (4).

C’en est assez pour démontrer que l’idéal des pauvres du Christ n’est plus d’actualité. Il en est de même pour les instances judaïques et islamistes où "lutte de pouvoir", "guerre des egos" et "volonté d’imposer son dogme à la terre entière" continuent de faire rage. Où l’on voit s’opposer d’un côté, le monde judéo-protestantiste allié des banques et des empires coloniaux qui tentent d'imposer au monde l’image de l’islamiste terroriste. La volonté judéo-protestantiste d’arrière-plan étant celle de l’ancien testament dont le but est la domination mondiale d’une élite sous la tutelle du messie biblique, rejetons du Dieu Jéhovah. Relisez la vieille bible tout y est. En face tente de se façonner un bloc d’opposition islamo-catholique (5) qui sur le papier semble une bonne idée, mais au vu de ce que nous avons énoncé plus haut sur le Vatican, il risque de prendre une tournure réductrice du message initiatique primordiale de ces traditions.

Si l’Islam apparaît aujourd’hui comme un bastion de la résistance contre l’empire mondialiste, un néo-bolchevisme religieux, il n’en reste que sa vision profonde est sensiblement la même que celle contre laquelle elle s’oppose. Ayant moins subit les dérives du monde moderne, l’islam a conservé une pensée traditionnelle. Mais, elle est pour la majorité d’ordre waabo-sunnite et salafiste, c'est-à-dire des courants littéralistes pro-shariah (loi coranique). Et l’on est loin ici de l’Islam idéalisé de Guénon avec des sages comme Rûmi ou Ibn Arabi aux commandes. L’islam terroriste est financé par le Qatar et l’Arabie saoudite qui collaborent avec les États-Unis en leur offrant des points d’appui militaires sur leurs territoires (6). Les voies alternatives dans les pays musulmans se font difficilement entendre. Reste que tous ceci ne sent pas très bon et risque de mal tourner compte tenu des forces en jeu. Là encore, les peuples sont pris en otage par les idéologies des oligarques d’est en ouest.

Je ne parlerai pas ici du lamaïsme, ses dérives et ses intentions de domination, Félix développe le sujet sur le blog, bonne lecture.

A quoi, allons-nous donc logiquement assister ?

A une guerre sainte de plus, entre institutions qui sont comme des enveloppes vides, ayant conservé le décorum et l’apparence de l’esprit mais qui en sont vidées. Les écoles de sagesse reliées à ces traditions se cachent afin de préserver leur enseignement en attendant que l’orage passe. La contre-initiation a enseveli elle aussi les religions officielles et je crains malheureusement que les doctrines sociales des religions ne suffisent pas pour changer la conscience humaine.

Le New Age, ce bricolage syncrétique mélangeant mysticisme orientale, occultisme occidentale, shamanisme et physique quantique, ne pas être en reste. Les loges occultes de la fraternité blanche sont elles aussi de la partie et prônent l’émergence d’une "dictature du bien" par le biais de la religion mondiale instaurée par le retour de Maitreya (7).

Un petit tour d’horizon a été fait (il est possible de développer bien plus encore tous ces thèmes).

Comment devient-on un agent de la contre-initiation ?

Nous arrivons maintenant au cœur de cet article, nous avons esquissé plus haut les buts de la contre-initiation, d’un côté la mécanisation de l’humanité par le biais du scientisme et du consumérisme. C'est-à-dire la volonté de convaincre l’humain qu’il n’a pas d’âme, qu’il n’est qu’une machine biologique imparfaite et que la science seule est le dieu qui fera de lui "l’homme nouveau" comme nous le voyons avec l’avènement des nanotechnologies et le mouvement trans-humaniste(8) nous chantant le cantique de l’homme 2.0.

De l’autre, les mouvances religieuses qui ayant conservé une partie des enseignements fondateurs (mais sans les clés initiatiques) rabâchent des demi-vérités qu’elles érigent en Vérité intégrale sans comprendre la parole d’un sage comme Rûmi qui nous murmurait : « La vérité est un grand miroir tombé du Ciel qui s'est brisé en mille morceaux. Chacun en possède un tout petit morceau et croit détenir toute la vérité ». Ces mouvements ne vont faire qu’opposer leurs morceaux de vérité à d’autres morceaux de vérité, ce qui les conduira à détruire tous les morceaux et fera s’évaporer la possibilité de reconstituer ce grand miroir de la tradition primordiale.

Si l’on a un peu compris ce qu’est la contre-initiation alors on est à même de d’appréhender le pourquoi et le comment de la manipulation qui transforme de plus en plus de personnes en serviteurs des forces anti-divines. Ne voyons pas là forcément une volonté démonique grossière en arrière-plan, bien que des énergies occultes agissent dans le dévoiement d’un être. Mais au début l’être n’a pas de mauvaise volonté consciente. Le Bouddha disait que l’ignorance était la cause de la souffrance et nous savons que la souffrance mène à la colère, puis la haine et la destruction. Cette ignorance est un trou énergétique dans l’être, un trou qui demande à être rempli, le philosophe Pascal disait « L’homme a dans le cœur un trou en forme de Dieu » c’est bien de cela dont il s’agit. Il y a une place en l’homme pour le divin, il lui manque quelque chose, et ce manque va le conduire à rechercher partout cette partie manquante. Dans les jouets, les collections de timbres, les conquêtes sensuelles, les voitures, l’argent, la réussite professionnelle, même dans la recherche de sa moitié (alors que pour vivre vraiment à deux il nous faut être UN ou déjà tendre vers) il ira partout et toutes ses actions auront pour prétexte de fond cette recherche fiévreuse. Mais si beaucoup d’appelés, peu d’élus et il est difficile de se trouver soi-même dans un monde de distractions permanentes où tout nous pousse à vouloir tout savoir sans rien connaître. Chacun tente donc de combler ce manque d’Absolu en prenant une direction ou une autre, mais les impasses sont partout et le discernement véritable si peu enseigné.

Un agent de la contre-initiation peut prendre l’image d’un adolescent idéaliste qui se fera envoûter par la politique et la croyance que le changement c’est maintenant, alors que tous les partis nous l’ont proposé sans jamais rien apporté de neuf. Adhérent à un parti il perdra de vue la quête de l’ultime, focalisant son énergie dans la lutte pour ses idées.

Il y a aussi le scientifique, enfant curieux et logique qui en devient un résigné de laboratoire, à servir les fonds de pensions qui subventionnent ses recherches pour un énième vaccin antigrippale qu’il faudra vendre coûte que coûte.

On peut voir aussi le mystique ou le religieux qui ressent que la religion possède quelques échos de l’esprit divin dans ses formes. Mais à un moment il devra prendre position, défendre sa foi, argumenter contre celle des autres, puis, s’il a l’ambition d’évoluer dans sa hiérarchie, il constituera des stratégies de pouvoir, des alliances politico-religieuses qui l’éloigneront de l’innocence de sa foi de jeunesse.

Nous pouvons trouver le nouvel-ageux, adolescent rêveur, un peu rebelle à l’autorité, parfois anarchiste ou baba cool. Aimant les fées et le seigneur des anneaux, rêvant aux esprits de la nature. Sa capacité d’émerveillement sera séduite par les contes de fée du New Age, le jeu avec les énergies colorées et sucrées, l’amour tantrique et les gentils maîtres ascensionnés qui veillent sur lui. Il arrivera un moment où il entrera dans un déni presque complet des réalités du monde et de son obscurité et qu’à force de ne regarder que le ciel il en oublie de voir le trou dans lequel il tombe.

Ces énumérations ne sont pas exhaustives, mais si vous avez intégré les principes qui sous-tendent la création de ces voies de contre-initiation elles vous donneront une vue globale. J’ai volontairement élargie la compréhension du phénomène de contre-initiation à la sphère politique et scientifique, mais tout est relié, les influences de ces sphères se font d’en haut, par le biais de forces occultes contre-initiatiques qui en ont favorisé l’émergence.

Parlons maintenant du cas qui apparaît comme le plus problématique, le plus subtil et le plus sournois des pièges tendus par les forces de la contre-initiation. Ce cas a toujours existé depuis des siècles mais il prend aujourd’hui une importance particulière, je vais parler du disciple renégat des écoles de sagesse.

Une saga bien connue, Star Wars, a façonné un archétype moderne de ce renégat, en l’image d’Anakin Skywalker devenant Dark Vador. Initié par les forces de la lumière, connaissant leurs arcanes mais tenté par les forces obscures, il sera détourné et utilisera sa puissance contre la main qui l’a initié. 

Ce phénomène est très ancien, en Égypte déjà, vers la fin de cette glorieuse civilisation, les écoles des mystères d’Osiris furent minées de l’intérieur par des disciples pervertis. Puis attaquées de l’extérieur par des loges occultes constituées par ces mêmes disciples gâchés de l’enseignement des mystères. Phénomène que l’on retrouvera au sein de nombreuses écoles de sagesse d’Orient comme d’Occident. Il doit certainement exister encore pour chaque courant une poignée de puristes authentiques, nul doute, sinon le monde aurait déjà été englouti depuis longtemps, ici, c’est un constat global que je réalise dans le but d’amorcer le sujet principal.

Amorçons à présent notre compréhension du phénomène contre-initiatique provoqué par un disciple dévoyé qui, n’ayant pas terminé sa formation, se retourne contre l'Enseignement. Un célèbre exemple en Occident, l’apôtre Pierre, fervent disciple des premières heures d’extériorisation de l’enseignement christique. Selon l’enseignement gnostique, les évangiles sont à comprendre dans un sens symbolique, représentant les différents archétypes des types d’êtres et des processus initiatiques menant à la transfiguration. Que Pierre ait réellement existé ou non n’est pas si important, ce qui compte c’est la compréhension intérieure que nous pouvons en retirer pour notre propre cheminement.

Dans ces évangiles Pierre est présenté comme un disciple zélé mais instable, l’enseignement lui parle mais il a encore des résistances et des difficultés à l’assumer concrètement en acte. Il a vu les miracles (entendons les possibilités qu’offre l’enseignement) mais sa foi reste faible car il ne veut pas lâcher l’ancien monde qu’il porte en lui. Quand Jésus est jugé par le sanhédrin (symbole des forces terrestres qui refusent une révolution et un changement) Pierre n’a pas la force de lutter contre ces forces qui le tenaillent et l’évangile nous dit :

« Pendant que Pierre était en bas dans la cour, il vint une des servantes du souverain sacrificateur. Voyant Pierre qui se chauffait, elle le regarda, et lui dit : Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth. Il le nia, disant : Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire. Puis il sortit pour aller dans le vestibule. Et le coq chanta. La servante, l’ayant vu, se mit de nouveau à dire à ceux qui étaient présents : Celui-ci est de ces gens-là. Et il le nia de nouveau. Peu après, ceux qui étaient présents dirent encore à Pierre : Certainement tu es de ces gens-là, car tu es Galiléen. Alors il commença à faire des imprécations et à jurer : Je ne connais pas cet homme dont vous parlez. Il le nia, disant : Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire. Puis il sortit pour aller dans le vestibule. Et le coq chanta. »
Marc : 14 – 68-71

Il reniera Jésus avant sa passion, qui en terme gnostique constitue le chemin de la libération. L’enseignement initiatique connaît les comportements possibles des disciples et nous voyons dans l’évangile que celui-ci avait été prévu :

« Aussitôt, pour la seconde fois, le coq chanta. Et Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : Avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois. Et en y réfléchissant, il pleurait. »

Marc : 14 – 72

Il n’est pas question ici de juger le reniement, mais de le comprendre dans ses causes et ses conséquences, car nous portons un Pierre en nous aussi. Si l’on perçoit l’Evangile comme un ouvrage emplie de symbolique initiatique il s’éclaire et nous libère du dogmatisme littéraliste imposé par l’église fondée par Pierre. A ce sujet, nous voyons dans l’évangile selon Mathieu, Jésus dire à Pierre :

« Et moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église »
Mathieu : 16 – 18

C’est un exemple, nous voyons que sans les clés de décodage des écrits l’interprétation littéraliste a fait voir en Pierre le fondateur de l’église terrestre du Christ alors que celui-ci avait dit « Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jean : 18 – 36). Il y a de quoi se mélanger les pinceaux devant des paradoxes de surface mais qui ne le sont plus lorsque l’on décrypte l’herméneutique des textes, ce décodage dépasse largement le cadre de cet article. 

En terme ésotérique, Pierre représente la dimension historique de l’événement christique, mais aucunement la volonté gnostique de faire de ce monde une imitation du monde des âmes libres. Ce qu’il convient de retenir, c’est l’image qui est proposée de Pierre, disciple enthousiaste à un moment, lâche à un autre puis finalement ayant pour rôle (réel ou autoproclamé ?) de fonder le royaume que Jésus n’avait pas souhaité entreprendre sur la terre du Dieu jaloux. 

Pour les gnostiques, le monde est un passage, une étape nécessaire à la reconstruction de l’âme originelle qui a subsisté avant la chute dans la matière. Monde matériel qui est devenu le royaume de Jéhovah, le "Dieu des armées", qui veut dans son intérêt voir les humains prisonniers dans son enclos terrestre et constituait un royaume christique factif, une inversion luciférienne du véritable royaume primordial.

Par la suite, l’Eglise catholique romaine démontrera qu’elle s’est bien rangée auprès des forces du Dieu de ce monde, Jéhovah, et n’est devenue finalement qu’un Judaïsme édulcoré adapté aux goyim (non juifs). L’hégémonie que l’église affirmera, sa haine féroce contre les hérésies, le sang des innocents qu’elle a versé pour détruire l’impie ou le forcer à capituler, comportement à l’opposé du message d’amour christique basé sur la non-violence absolue. Message que les fraternités gnostiques comme les manichéens, les bogomiles et les Cathares ont fait vivre en leurs temps respectifs. Et nous voyons là encore le reniement de Pierre qui conduira l’Eglise à anéantir ces confréries, à renier encore une fois le christ sous le prétexte hypocrite de la guerre « sainte ».

Plus près de nous, il y a un autre cas devenu tristement célèbre qui va nous permettre de comprendre avec plus de précision les phénomènes qui permettent de dévoyer un disciple et de le laisser se faire séduire par les forces de la contre-initiation. Le développement qui va suivre je le dois en partie à François Favre, auteur du livre « Mani, Christ d’Orient, Bouddha d’Occident »(9) qui partant de l’enseignement gnostique de Jan Van Rijkenborgh a considérablement mis en lumière les phénomènes d’inversion qui s’opèrent dans la conscience d’un disciple félon. Le cas présenté est celui de l'homme qui dota cette religion de ses armes idéologiques et lui donna son assise politique, il s’agit de Saint Augustin.

Son parcours est très intéressant et permet de comprendre les différentes étapes psychologiques qui amènent progressivement à la négation d’un enseignement que l’on considérait comme libérateur. 

Saint Augustin fut très tôt attiré par l’enseignement gnostique, propagé à l’époque par les manichéens, il restera 9 ans en tant qu’auditeur libre, il assista aux enseignements publics mais n’accéda pas à l’école intérieure. Il y avait quelques choses qui l’appelait, le fascinait dans la Gnose, mais une autre partie en lui refusait à tout prix de lâcher prise. C’était une personne brillante, grand orateur, rhéteur de talent, de conditions modestes il voulait réussir tout simplement dans la vie et ce hisser socialement. Or, la Gnose n’enseigne pas comment réussir dans la vie et acquérir un statut social, elle enseigne plutôt comment se libérer du besoin de statut social. Saint Augustin ne pu aller plus loin dans l’enseignement, son moi résistait de toutes ses forces à l’abandon devant la possibilité de l’abandon de son ambition terrestre. Ce n’est ni bien, ni mal, encore une fois, si Augustin en était resté à une acceptation lucide et honnête qui lui aurait permis d’accepter ses propres limites et de vivre pleinement son besoin de réussite, nous en serions resté là. Chacun est libre de suivre ses propres aspirations et de vivre ce qu’il a besoin de vivre pour peut être passé à autre chose ensuite. Mais Augustin n’en resta pas là, son orgueil n’accepta pas qu’il ne puisse pas comprendre l’enseignement, qu’il ne puisse accéder à la plus haute réalisation spirituelle.

Doute, négation et menace :

« Je n’ai rien vu qui décelât la présence réelle d’un autre ordre de nature. »
Saint Augustin au sujet de l’enseignement manichéen

Augustin n’avait rien vu, car pour voir il faut ouvrir l’œil intérieur de la connaissance, qui demande de s’élever par delà la compréhension rationnelle. Chose à laquelle Augustin en 9 ans n’avait pas démontré les potentialités pour accéder aux mystères de l’enseignement, qui ne sont pas accessibles à l’unique raison. C’était un intellectuel, curieux et avide de savoir, avec des élans mystiques qui lui permirent certaines expériences mystico-occultes qui ramena à la nouvelle foi qui fut la sienne, le catholicisme. Il avait trouvé ici tout ce qu’il recherchait, un savoir intellectuel rationnel et nourrissant et une mystique adaptée à ses besoins d’extases.

Puisqu’il avait atteint son but, selon la volonté de (son) Dieu, sa destinée avait un sens et elle était guidée par le divin lui-même. Ses extases mystiques terminèrent de fossiliser son doute envers l’enseignement initiatique. De nombreux mystiques, toutes traditions confondues, se sont fait piéger par leurs expériences mystiques, tout comme aujourd’hui les channels du Nouvel Age le sont. L’expérience mystico-occulte est vue par la Gnose comme une étape où la personne entre en connexion avec l’inconscient collectif, la noosphère ou le plan astral. Là où réside les entités déchues qui tirent les ficelles du monde terrestre. Le plan astral est un miroir de nos désir, il manifeste comme un écho ce que nous lui envoyons et la plupart des visions de vierges, de Jésus ou de Bouddha proviennent de ses désirs émotifs réfractés par l’astral vers la conscience de l’individu qui en demande l’apparition. Voila pourquoi dans le bouddhisme gnostique il est dit « Si tu vois le Bouddha, tue le ! » car il n’est qu’une image projetée par tes propres désirs et non la conscience éternelle qui n’est pas là haut ou en bas, mais au-dedans, sans mots, sans images, juste dans cette présence vibrante de l’instant.

Mais Augustin ne savait pas tout cela, puisqu’il ne s’était pas montré digne d’être initié. Et sûr de ce qu’il avait vécu, il commença à douter intellectuellement des fondements de la gnose, écrivit en bon hérésiologue sur le sujet. Il se retourna dans un premier temps contre Faustus, un des maîtres manichéens qui était à son écoute pendant longtemps, quand il était auditeur de l’école. Il commença donc à nier la valeur divine de l’enseignement puis prépara des débats contradictoires, des procès et des délations, puis il arriva au terme de son reniement (comme Pierre dans l’évangile) en utilisant la guerre sainte contre les manichéens, comme il le confirme ici :

"On ne s'étonnera point des guerres faites par Moïse, on n'en aura point horreur, attendu qu'en cela, il n'a fait que suivre les ordres mêmes de Dieu. Il n'a point cédé à la cruauté, mais à l'obéissance. Quant à Dieu, en donnant de tels ordres, il ne se montrait point cruel, il ne faisait que traiter ces hommes et les effrayer comme ils le méritaient. En effet, que trouve-t-on à blâmer dans la guerre ? Est-ce parce qu'on y tue des hommes qui doivent mourir un jour, pour en soumettre qui doivent ensuite vivre en paix? Faire à la guerre de semblables reproches serait le propre d'hommes pusillanimes, non point d'hommes religieux."
(Contre Faustus)

Il est clair que dans ces mots se révèle la voix d’un homme qui ne se donne plus le choix et qui s’étant auto-convaincu de bien fondé de son cheminement ne peut supporter l’existence de ceux qui lui renvoyaient l'image son échec. Il fit ainsi condamner à la peine de mort pour hérésie celles et ceux qui lui avaient tendu une main patiente en l’accueillant neuf années auprès d’eux, attendant qu’il comprenne un jour et soit prêt pour l’initiation… Augustin posa ainsi les bases légales pour le tribunal de l’inquisition dont l’histoire nous a laissé un brûlant souvenir…

Nous avons ici en Pierre comme en Augustin les prototypes des disciples gâchés qui furent instrumentalisé par les forces de la contre-initiation. Chacun a le droit d’être là où il veut être et de suivre la vie qu’il veut, mais pourquoi donc menacer et supprimer celles et ceux qui vivent autrement ? C’est un long débat et l’humanité n’en est pas encore sortie, je pense que tant que nous ne sommes pas en accord avec nous-mêmes, peu importe le chemin ou l’absence de chemin, ce désaccord qui cause le doute et donc l’angoisse amène à vouloir détruire les êtres qui sont en accord avec eux-mêmes et qui nous renvoi notre incapacité à l’être. Ainsi va la nature humaine tant qu’aucuns efforts n’a été fait pour la sortir de sa médiocrité. On peut dire que la cause de reniement réside dans le disciple lui-même, dans la déception (et parfois détestation) de lui-même face à l’impuissance évidente du dépassement des limitations égotiques. Il peut venir aussi s’y ajouter parfois la déception envers les autres, ces autres disciples qui sont aussi dans leur marasme intérieur. Co-disciples qui malmènent l’idéalisme que l’on attend d’un disciple droit dans ses bottes, vision bien souvent fantasmée qu’il nous faut dépasser pour voir qu’en face leur corps est un champs de batailles entre le vieil homme et l’homme nouveau, et que l’on chute plus que l’on se tient debout dans une école digne de ce nom, ce n’est pas de tout repos il vaut mieux être avertit avant de tomber de trop haut. Il a existé aussi d’authentiques déserteurs comme me le rappelait François Favre, Mani est parti de la communauté des Elkasaïstes, Krishnamurti et Steiner de la théosophie et Jan Van Rijkenborgh de la rose+croix Max Heindel. Mais à la différence des disciples gâchés ils l’ont fait à la suite d’une authentique révélation intérieure et leur comportement n’a jamais été hostile envers leurs anciennes fraternités. Ils ont œuvré en leur âme et conscience pour apporter un souffle nouveau, adapté à l’esprit des temps.

Le monde est rempli de Pierre et d’Augustin à des niveaux différents et dans chaque domaine de la vie humaine. Mais spécialement dans le domaine spirituel, ils prennent une tournure tragique et surtout pour eux finalement. Car les assassins des Manichéens, des Bonhomies et des Cathares étaient eux aussi en désaccord avec eux-mêmes, et cette faille a laissé entrer en eux des forces anti-incendie et contre-initiatiques qui ont pour intérêt de briser tous ce qui viendrait menacer leur main mise sur le monde. Les innocents, les bonshommes qui furent massacrés ne leur en voudront jamais, ils sont pour la plupart libérés et revenus dans la terre des origines ou bien réincarnés ici pour continuer ce chemin qui les y amènera.

Nous avons vu que les forces lucifériennes prennent des formes parfois diverses, enveloppant dans leur toiles obscures les domaines du monde scientifiques, politiques et spirituels. Partout ils sont à l’œuvre aujourd’hui, et le plus grave reste en ce qu’ils manipulent des milliards d’être humain pour les opposer les uns contre les autres jusqu’à la destruction si rien de conscient n’est fait pour les en empêcher. J’essaye de vivre en gnostique et sur cette base. Je ne suis pas très optimiste envers la marche du monde actuel, qui selon moi devra passer par une crise profonde et un effondrement inévitable avant de pouvoir reconstruire en apprenant (cette fois) des leçons de son histoire sinueuse.

Tant que l’humain n’entre pas dans les mystères de son cœur il ne pourra pas proposer une civilisation qui puisse être digne de devenir une rampe de lancement stable pour les âmes qui aspirent au retour vers le royaume céleste ou la "terre pure" comme le disent les gnostiques bouddhistes. Si nous sommes des passants alors tentons de faire de ce monde un pont stable et parsemé de roses d’amour et de générosité pour les générations futures qui auront besoin de s’incarner pour poursuivre leur r-évolution intérieure. Je me permets d’adresser mon ressenti et mes vœux sincères puisque j’en ai l’occasion ici :

- Je ne souhaite pas qu’un nouvel âge d’or factice et forcé émerge, je ne souhaite pas voir l’humain infantilisé devant les puissances de ce monde et des autres.

- Je ne souhaite pas que l’humain se fasse berner par les belles paroles sucrées et les promesses des lendemains qui chantent.

- Je ne souhaite pas voir l’humain se soumettre à une dictature mondialisée lui présentant le bonheur en le sécurisant comme un enfant dans un cocon de fils barbelés.

Mais ce que je souhaite c’est que l’âge de l’or de l’âme soit vécu par un nombre croissant des femmes et d’hommes. Que les fils de lumière tissent en eux la robe rayonnante des noces alchimiques dans l’éclosion vivifiante de la rose du cœur. Et que leur monde intérieur vive et proclame leur souveraineté pleine et irrévocable de filles et fils prodigues de retour dans la patrie du père éternelle, le vrai Dieu, la source de toutes les éternités…

Fraternellement,

Michaël.

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Le lama tibétain Kelsang Gyatso (1931-2022) était un enseignant important parmi les guélougpa restés fidèles à des pratiques proscrites ...