samedi, janvier 22, 2011

Pensée dogmatique & pensée critique




Au cours de ses recherches sur l’origine de la pensée critique chez l’homme, Karl Popper raconte dans son autobiographie intellectuelle, « Unended Quest », qu’il fut amené à utiliser une théorie conçue par Konrad Lorenz pour expliquer certaines conduites animales, la théorie de l’« empreinte ». Lorenz avait constaté par exemple que dans une oie nouveau-née il y a une attente innée, celle que le premier être qu’apercevra le jeune volatile soit sa mère. Si on substitue à la mère un autre être vivant (par exemple Konrad Lorenz lui-même), la jeune oie se conduira avec cet « imposteur » comme elle se préparait à se conduire avec sa mère : l’empreinte était déjà esquissée en elle, et peu importe ce qui l’a définitivement « imprimée », une mère oie ou un vieil ethnologue autrichien. Par analogie avec le mécanisme de l’empreinte chez les animaux, Popper a conçu l’hypothèse d’un dogmatisme (ou d’une foi) qui serait antérieur chez l’enfant à la pensée critique. Il voit dans l’adhésion à un dogme le résultat d’un besoin inné, la réponse première à une attente. « Ce qui devint clair pour moi par rapport à la formation de dogmes, écrit le philosophe, c’est que les enfants, et surtout les petits enfants ont un besoin urgent de régularité autour d’eux. ils n’ont pas seulement besoin d’être nourris et aimés, mais aussi de découvrir une structure invariable dans leur environnement […] La pensée dogmatique est due à ce besoin inné de régularité. » Popper suppose que la pensée critique et la correction des erreurs ne peuvent s’accomplir qu’à partir de ce stade élémentaire de la pensée dogmatique. Il a plus tard trouvé trop simple cette hypothèse, mais a conclu cependant qu’il « ne peut y avoir de phase critique de la pensée sans qu’elle ait été précédée par une phase dogmatique – une attente, une régularité escomptée, de manière à ce que l’élimination des points de vue erronés puisse commencer à fonctionner ». Le dogme constitue le fondement, la base à partir de laquelle la pensée critique va pouvoir s’exercer, la raison examiner et corriger, la pensée scientifique se développer. Ce qui s’inscrit dans l’« empreinte » primordiale, cela peut être « dieu, table ou cuvette ». L’esprit commence par croire. On a envie d’ajouter : peu importe à quoi. Il a besoin de croire, d’abord, pour pouvoir douter, ensuite.


Claude Roy  

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