vendredi, mars 25, 2011

La théorie du complot & l'extrême droite




La théorie du complot sous-tend l'idéologie d'une grande partie de l'extrême droite et de nombreux discours et écrits de cette mouvance. Celle-ci, qui interprète l'histoire comme un long processus de décadence et de subversion - l'«involution» -, tend à attribuer la responsabilité des événements négatifs à l'action volontaire et concertée d'un certain nombre d'individus agissant en secret et connus des seuls « initiés ». Il n'y aurait donc aucun hasard : derrière les faits et les raisons apparentes existeraient des manœuvres et des causes cachées n'ayant rien à voir avec la providence divine, mais qui sont purement humaines. La vision du monde en termes de complot a ainsi prospéré et pris des formes diverses au long de l'histoire, et particulièrement ces dernières années. Elle s'exprime tant dans la fiction que dans la réalité : complot de l'Église (le film Da Vinci Code), complot américano-israélien ou, bien sûr, complot anti-FN (putsch de Mégret, refus des signatures de parrainage pour la présidentielle...

La théorie du complot telle qu'elle se présente à l'extrême droite est souvent fondée sur un préjugé antisémite : le mythe du «complot juif» attribue la marche du monde à la volonté d'un petit nombre de Juifs hyper-puissants qui auraient établi un plan précis de conquête de l'univers au détriment des non-Juifs. Certains antisémites persistent à croire que ce plan est contenu dans les Protocoles des Sages de Sion, un faux rédigé par les services secrets russes en 1903, interdit de vente et de diffusion en France.

Souvent, l'idée d'un complot des francs-maçons vient s'ajouter à celle du complot juif (de nos jours appelé « sioniste » pour détourner les lois antiracistes) et fonde ainsi le concept de « complot judéo-maçonnique ». L'ouvrage précurseur en la matière est les Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, publié par l'abbé Augustin Barruel en 1797. Pour l'extrême droite, le complot judéo-maçonnique est en effet à la base des idées qu'elle abhorre : celle des Lumières, de la Révolution française, celles de la laïcité et de la démocratie. Désormais, le complot judéo-maçonnique est responsable du « mondialisme », qui serait le prélude à l'instauration d'un «gouvernement mondial «  représentant les intérêts des multinationales et visant à l'abolition des États.

Les principaux auteurs de littérature complotiste (aussi nommée « conspirationniste ») d'extrême droite en France au 20ème siècle sont Henry Coston (1910-2001), Jacques Ploncard d'Assac (1910-2005) et Léon de Poncins (1897-1975),qui travaillèrent dans la lignée d'Édouard Drumont (1844-1917), le fondateur de la Ligue antisémite. Les deux premiers ont exercé une influence notable sur le Front national, comme en attestent les nombreuses références aux « puissances d'argent », à la « Trilatérale » (organisation américano-européo-japonaise d'experts et de décideurs) ou au « complot mondialiste », qui emplissent les discours de Jean-Marie Le Pen, surtout lorsqu'il s'adresse à ses militants et à ses fidèles. Dans une interview donnée au quotidien Présent en juillet 1989, le président du FN avait évoqué « les grandes internationales, comme l'internationale juive, (qui) jouent un rôle non négligeable dans la création de l'esprit antinational », citant également « la maçonnerie », parmi les exemples des forces « qui visent à établir une idéologie mondialiste, réductrice, égalisatrice ». Cependant, la plupart du temps, le FN préfère aujourd'hui parier (en public) de «lobby », du « mondialisme » et des « puissances financières » pour décrire les forces qui cherchent à «asservir les nations ». Cette terminologie sert généralement à masquer l'antisémitisme contenu dans la représentation que se fait l'extrême droite de ce prétendu complot.

Phénomène essentiellement européen et américain, la théorie du complot judéo-maçonnique a été propagée, dès l'époque nazie, dans le monde arabo-musulman, où elle est utilisée depuis par certains groupes islamistes. Elle a également servi de base à l'antisionisme soviétique à l'époque des procès staliniens de l'URSS.

Dictionnaire de l'extrême droite


Dictionnaire de l'extrême droite

A l'extrême droite, plus qu'ailleurs, les mots sont des armes pour le combat politique. Ces mots sont particuliers : soit parce qu'ils sont inventés pour fustiger un ennemi (" Ripoublique ", "établissement", "sidaïques"), soit parce qu'ils prennent un sens spécial dans la bouche des tribuns incarnant ce mouvement ("crise", "déclin ", "immigrés"). En analysant le sens et les sous-entendus du discours de l'extrême droite, mais aussi en décrivant les organisations, les partis, en relatant les parcours des leaders et des hommes de l'ombre ou en expliquant les positions sur les problèmes du moment (Irak, chômage, culture, terrorisme...), ce dictionnaire permet de mieux comprendre les ressorts et les ambitions d'une famille politique qui espère, plus que jamais, revivre le "miracle" du 21 avril 2002.


Sous la direction d'Erwan Lecœur, auteur de Un Néo-populisme à la française, Trente ans de Front national, ce dictionnaire a été rédigé par une équipe de spécialistes composée de Jean-Yves Camus, Sylvain Crépon, Nonna Mayer, Marie-Cécile Naves, Birgitta Orfali, Bernard Schmid et Fiammetta Venner.



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La guerre contre l’Islam est-elle une phase de la guerre ultime : la Guerre contre le Christ ?

La doctrine de la « démocratie libérale et des droits de l’homme » est une crypto-religion, une forme extrême, hérétique de judaïsme christ...